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17/06/2016

Anima

"Les affaires banales, on les oublie. L'effort que vous faites pour arrêter l'assassin de Léonie a ouvert une brèche dans ma mémoire."

Wahhch Debch après avoir découvert le meurtre et le viol particulièrement horribles de sa femme se lance sur les traces de l'Indien qui en est responsable, réfugié dans une réserve où personne ne le dénoncera.
Il ne s'agit pas ici de faire justice ou de se venger, mais de s'assurer que ce n'est pas lui qui a commis cet acte monstrueux. wajdi mouawad
La formulation est pour le moins étrange mais trouvera sa justification quand Wahhch comprendra qu'il se lance en fait dans une quête de ses origines, ce qui le confrontera à une violence extrême, écho de celle qu'a connue Léonie.
Bestiae verae,Bestiae fabulosae, les deux premières parties du roman nous offrent comme narrateurs témoins des animaux très divers, dont les points de vue alternent au fil des chapitres. Puis le narrateur se verra adjoindre un auxiliaire un Canis lupus lupus, chien formidable, comme issu des Enfers qui lui sera indéfectiblement fidèle.Enfin,dans la dernière partie homo sapiens sapiens,  le point de vue du coroner ,chargé de faire le lien entre les enquêteurs et Wahhch, bouclera le côté policier de la traque.
Tout au long de ce périple initiatique à travers le continent américain, le héros sera confronté à la violence des hommes entre eux, envers les animaux, ce qui nous vaudra quelques scènes éprouvantes tant elles sont réalistes d'un combat de chiens, qui m'a bien sût fait penser à Croc-Blanc ,ou d'un transport de chevaux apocalyptique.
La frontière entre les deux espèces ,humaine et animale, est poreuse,Wahhch se trouvant bien plus d'accointances avec les rats ou les chevaux qu'avec des humains  finalement plus bestiaux car "Seules les bêtes savent vraiment ce dont elles ont besoin pour vivre."
Suspense, maelstrom d'émotions, réflexions sur la mémoire, le pouvoir des mots, les relations animaux/hommes, les 494 pages d'Anima sont d'une richesse inouïe et jamais pesante car les chapitres sont effectivement souvent très courts.

le superbe billet de Papillon m’avait donné envie, la citation de l'auteur à la télévision affirmant que le scarabée était son animal préféré car il recyclait toutes les cochonneries dont il se nourrissait en une splendide carapace vert-jade, idée que j'ai retrouvée, rédigée de manière plus littéraire sur son site  aura été l'élément déclencheur.

Anima Wajdi Mouawad, Babel 2014.

Et zou sur l'étagère des indispensables , bien sûr.

"Le scarabée est un insecte qui se nourrit des excréments d’animaux autrement plus gros que lui. Les intestins de ces animaux ont cru tirer tout ce qu’il y avait à tirer de la nourriture ingurgitée par l’animal. Pourtant, le scarabée trouve, à l’intérieur de ce qui a été rejeté, la nourriture nécessaire à sa survie grâce à un système intestinal dont la précision, la finesse et une incroyable sensibilité surpassent celles de n’importe quel mammifère. De ces excréments dont il se nourrit, le scarabée tire la substance appropriée à la production de cette carapace si magnifique qu’on lui connaît et qui émeut notre regard : le vert jade du scarabée de Chine, le rouge pourpre du scarabée d’Afrique, le noir de jais du scarabée d’Europe et le trésor du scarabée d’or, mythique entre tous, introuvable, mystère des mystères.
Un artiste est un scarabée qui trouve, dans les excréments mêmes de la société, les aliments nécessaires pour produire les œuvres qui fascinent et bouleversent ses semblables. L’artiste, tel un scarabée, se nourrit de la merde du monde pour lequel il œuvre, et de cette nourriture abjecte il parvient, parfois, à faire jaillir la beauté."

15/06/2016

Embrouilles lilloises

"-Mais comment faites-vous pour être toujours aussi cynique ? Vous prenez des cours du soir ? "

 Le beau Fabio Battisti,homme à femmes et proche de la maire de Lille, a été assassiné dans son lit. à ses côtés, le cadavre d'une inconnue.  Tous les voyants se mettent au rouge et le petit monde de la magistrature et de la police lilloise est sur le pied de guerre. S’agit-il d'une affaire politique ou plus prosaïquement de crimes possessionnels ? blandine lejeune
Le commandant Boulard, pas plus que Louise Degallaix, juge d'instruction,à qui ont été confiée l'Affaire,  n'entendent se soumettre aux pressions de ce microcosme en ébullition.
Roman de pure détente, Embrouilles lilloises remplit parfaitement son contrat avec ses personnages parfaitement  croqués évoluant dans l'agglomération lilloise.
Amateurs de trash ou de gore, passez votre chemin ! L'auteure, pénaliste renommée, les a en horreur autant en tant que lectrice qu'autrice !
Un bon moment de lecture sans prétention, mais un roman bien écrit avec quelques pointes d'humour et qui ravit la Lilloise que j'ai été deux ans durant !

 

Déniché à la médiathèque où nous avons eu le plaisir de recevoir Blandine Lejeune !

06/06/2016

Lorette

"En endossant la tunique des lettres de Laurence voici ce que je choisis : la vie poétique, la vie spirituelle, c'est à dire l'amour."

Prénommée Laurence à la naissance, ayant signé pendant vingt ans ses romans du prénom de Lorette, l'auteure de La démangeaison se réapproprie son prénom initial, pour mieux renaître.
Serait-elle une girouette soumise aux vents de ses caprices ? Que nenni. Elle pose ici un geste fort dont elle s'explique avec son intensité coutumière au long de ses 112 pages.laurence nobécourt
Quand l'écriture, les mots, "les lettres du nom vrai" touchent autant à la vie,au corps, on ne peut que souligner la démarche  de vérité dans laquelle s'inscrit l'autrice.
De son écriture à la fois mystique et poétique, Laurence Nobécourt poursuit une œuvre intimement mêlée à sa vie, à la vie.

Lorette, Laurence Nobécourt, grasset 2016

De la même autrice: clic

laurence nobécourt

30/05/2016

Blonde à forte poitrine

"Changer de corps pour changer de vie. Depuis ses débuts, c'est en modifiant son aspect physique qu'elle a forgé son destin."

Fantasme par excellence, la Blonde à forte poitrine draine à la fois des idées de candeur et de luxure. Cette synthèse improbable, l'héroïne de Camille de Peretti la réussit pour son plus grand malheur.camille de peretti
S'inspirant du destin d'Anne Nicole Smith, bimbo qui épousera un sugar daddy millionnaire quasi nonagénaire, l'autrice dissèque ici le destin d'une femme emblématique qui, manipule un corps qui en fait jamais ne lui a appartenu,car elle lui a fait subir de nombreuses violences pour l'adapter aux désirs masculins. D’éprouvantes descriptions d’opérations de chirurgies esthétiques nous font bien prendre conscience que ces actes  n'ont rien d'anodin et entraînent des conséquences  à plus ou moins long terme.
La tragédie file à toute allure, décrivant les multiples facettes d'une femme qui avait tout à la fois besoin de protéger ses enfants et  de se faire protéger elle-même mais,victime de son physique, s'y est prise d'une manière fort dangereuse.
Un roman prenant qui dépasse largement le cadre de l'anecdote et peut s'appliquer à d'autres blondes à fortes poitrines. Un bon moment de lecture.

Blonde à forte poitrine, Camille de Peretti, Éditions Kero 2016.camille de peretti

25/05/2016

L'année pensionnaire

 "Un pensionnat est une institution forte parce qu’en un sens, il est fondé sur le chantage et on y cède."

Fréquentant un pensionnat de jeunes filles au pied des Pyrénées depuis l'âge de sept ans, la narratrice, âgée de quatorze ans, en connaît les codes et les usages par cœur. Elle croyait n'avoir rien à espérer de cette rentrée scolaire quand elle découvre une nouvelle venue, Attalie. Cette dernière, semblant indifférente à tout, lestée d'un passé qui la singularise, devient aussitôt un objet de fascination éperdue.isabelle lortholary
Raconté à quarante ans de distance cette Année pensionnaire , marquée par la mort,est d'abord un roman d'atmosphère, empli de solitudes qui se frôlent dans un pensionnat glacial , exsudant une "stagnation"où les jeunes filles ont "engluées". Pas d'épanouissement ici mais la prolongation "presque jusqu’à la démence d'une enfance sénile."  On se croirait plus au XIX ème siècle que dans les années 70 !
La narratrice, dont nous ne connaîtrons le prénom qu'à la toute fin du texte, porte un regard acéré à la fois sur ses parents  qui "n'avaient de parents que la fonction, deux inscriptions joliment manuscrites à la plume, face à face dans un livret de famille: mais il fallait tourner la page pour me voir apparaître, derrière, au verso-cachée aux regards, une présence héritée et peu désirée.", sur le manque de solidarité et la cruauté des pensionnaires envers les plus faibles. Cruauté dont elle ne sera pas exempte.
Il se dégage de ce roman un  sourd poison qu'il faut prendre le temps de siroter et de laisser agir. 139 pages maîtrisée, denses, et que je n'oublierai pas de sitôt ! Un grand coup de cœur !isabelle lortholary

Merci à l'éditeur et à Babelio.

L'année pensionnaire, isabelle Lortholary, Gallimard 2016.

Lu dans le cadre de Masse critique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

23/05/2016

Non exclusif

catherine charrier"-Je ne t'ai pas menti. Je t'ai dit que je n'avais rien dans ma vie qui puisse m'empêcher d'avoir une relation et c'était vrai."

Laure, à quelques heures de partir en week-end , apprend incidemment que Vincent, son nouvel amoureux, est déjà en couple avec Anne, une peintre. Pour la quadragénaire, le choc est rude. Elle appelle celui qui, estime-t-elle, l'a trahie et ils décident de se laisser une quinzaine de jours avant de se revoir.
Laure ignore encore ce qu'elle va faire, mais les conseils de sa vieille voisine pourront l'aider à y voir plus clair.
Situation digne d'une vaudeville ? à première vue, oui .Mais Catherine Charrier a le chic pour dynamiter les clichés et son héroïne est d'une trempe telle qu’elle saura analyser la situation sans préjugés et l'affronter avec énergie.
Pour elle, Vincent n'a rien d'un Don Juan et son histoire personnelle peut expliquer son comportement. Il n'en reste pas moins que Laure souffre et que certaines de ses décisions auront des conséquences sur plus d'une vie.
J'ai beaucoup aimé ce portrait de femme et les réflexions très pertinentes qui l'émaillent, tant sur la vie amoureuse que sur la vie professionnelle de Laure.
Finesse psychologique, récit mené tambour battant, écriture précise et efficace, Catherine Charrier confirme ici tout le bien que je pensais déjà d'elle !

Non exclusif, Catherine Charrier, Éditions Kero 2016.catherine charrier

De la même autrice: clic et reclic

17/05/2016

Brillante

"Difficile d'oser avouer l'échec professionnel quand on est programmé pour réussir."

Diplômée d'une grande école, Claire, issue d'un milieu modeste, a tout réussi : son mariage avec Antonin, avec qui elle partage la même conception de la réussite, et son intégration dans un grand groupe afro-alimentaire où tout semble lui réussir.stéphanie dupays
Las, la belle mécanique va se gripper quand sa supérieure hiérarchique ,qui peine à concilier vie de famille et exigences professionnelle, va prendre ombrage de cette quasi perfection de Claire et progressivement mettre la trentenaire sur la touche.
Stéphanie Dupays peint avec subtilité le monde de l'entreprise, en démontant les codes, et l'utilisation si particulière du langage qui y est employé: " Un monde où la langue n'a plus d'importance, où toute l'activité est orientée vers le présent et l'opérationnel.". Une "no man's langue" qui contamine le vocabulaire de l'héroïne au quotidien, soulignant que "l'entreprise modèle nos paroles et nos comportements.".
Elle montre aussi comment Claire , coupée de son histoire, se retrouve seule à affronter l'échec, personne dans son entourage familial ne pouvant lui donner une solution de repli.
La tension est extrême et en 185 pages denses, au rythme rapide, l'autrice nous entraîne dans le sillage de Claire, Brillante ,mais à quel prix ? Un gros coup de cœur !

 

Le billet de Cuné qui m'a donné envie.

13/05/2016

Bad girl classes de littérature...en poche

"Tu auras honte de tes souvenirs. Tu voudrais être quelqu'un d'autre...et feras de ton mieux pour l'être."

Enfant non désirée, entrave à la volonté naissante de liberté et d'ambitions intellectuelles de sa mère, on peut dire que Nancy Huston partait avec un lourd passif.
S'adressant au fœtus à naître qu'elle fut, l'autrice revient non seulement sur son parcours de "drôle de petit chamois vaillant devenu dame vieillissante en femme de lettres." Mais surtout sur ce qu'elle appelle ses classes de littérature , que ce soit  la musique et le langage, "échafaudages invisibles, sans poids, auxquels tu pourras toujours te cramponner.", "le fait d'être "la nouvelle", encore et encore"ou les leçons de piano.nancy huston
Elle explore pas à pas le trauma, sans rien omettre de ses découvertes , même  accidentelles ,et c'est cette façon de faire ,précise, et le style imagé de Nancy Huston qui ont su me séduire.

257 pages et une forêt de marque-pages !

 

12/05/2016

Poulets grillés...en poche

"-Y a du corgi, le chien de la reine d'Angleterre, un peu de teckel, du bâtard, du corniaud, du clébard. Ce n'est plus un croisement, c'est un échangeur d'autoroute, gloussa-t-elle, contente de sa blague ou de son chien. Il s'appelle Pilote, mais vous pouvez Pilou.
-C'est vrai, je peux ? Il ne se vexera pas ? "

 On ne peut pas les virer ? Qu' à cela ne tienne ! Le nouveau patron du 36 quai des Orfèvres crée une nouvelle brigade composée de tous les indésirables de la police. ll y a là un ancien négociateur du raid,  une écrivaine s’inspirant un peu trop de ses collègues, un alcoolo, un porte-poisse, un ou deux crétins, le tout chapeauté par Anne Capestan, étoile vite montée, vite déchue de la judiciaire.sophie hénaff
Réussissant à dénicher deux affaire à deux doigts d'être classées, cette belle bande de bras peut être pas si cassés que cela , va se mettre en branle et donner son maximum pour révéler la vérité.
Un grand sens du rythme, de l'humour et des personnages bien croqués font de ces 342 pages endiablées un petit plaisir de lecture à dénicher, comme moi en médiathèque, ou à s’offrir en poche.

Sophie Hénaff

09/05/2016

Le grand n'importe quoi

"-Si possible, il faudrait éviter le centre. Il y a des culturistes à mes trousses, des policiers à ma recherche, des extraterrestres sur mes talons, et le père Cadick qui patrouille avec sa carabine."

Bienvenue (ou pas) à Gourdiflot-le-Bombé, sa rue du Poney myope, son impasse du Marcassin Boiteux et ses habitants tous plus frappadingues les uns que les autres. Arthur aurait sans doute mieux fait de refuser l'invitation de Framboise, cela lui aurait éviter de se retrouver coincé dans une boucle temporelle, "pour vivre des situations toujours plus humiliantes" en compagnie de lémuriens et de quelques extraterrestres. L'occasion pour lui de trouver un sens à sa vie et accessoirement à la nôtre. Oui, rien que ça.
Il faut pas mal de culot pour oser intituler son roman Le grand n'importe quoi car si le contenu n'est pas à la hauteur des objectifs,le titre risque de se retourner contre son auteur !j.m. erre
Et pourtant , le pari est tenu: J.M.Erre s'en prend cette fois à l'univers des romans et films de science-fiction qu'il passe à la moulinette et secoue dans son shaker déjanté , y ajoutant quelques zeugmas "puis il prit en même temps une bouteille et un air menaçant", un soupçon de virelangue "un grand gras à gros goitre", force personnifications et autres ingrédients pleins d'humour dont il a le secret.
On pourra regretter une petite baisse de forme vers la fin ,qu'une pirouette de dernière minute ne parvient pas  vraiment à sauver, mais c'est un bon moment de lecture déjantée dont on aurait tort de se priver.

Le grand n’importe quoi, J.M.ERRE Buchet-Chastel 2016, 296 pages folles ,folles, folles .

 Le billet de Clara !