15/09/2016
L'incandescente
"Je pensais filer en sa compagnie du côté des enfants amoureux, le seul pays dont je me revendique, où tout est encore lié, les herbes , les mots, le monde."
Découvrant des lettres adressées à sa mère, l'autrice reconstitue l'histoire d'amour qui l'a liée à Marcelle, L'incandescente, avant qu’Emma n'épouse Marcel.
Sous fond de tuberculose, le fléau aux aspects romantiques, Claudie Hunzinger donne vie à toute une époque et à une histoire d'amour enflammée.
Si j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver le style de l'autrice, je suis restée un peu sur ma faim à cause du choix qu'elle fait de ne pas nous livrer le texte de ces lettres, ou de nous les résumer, mais de se les approprier, tout en les commentant , leur conférant ainsi un statut un peu bizarre. Avis en demi-teintes donc.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : claudie hunzinger
13/09/2016
Riquet à la houppe
* Riquet à la houppe, Amélie Nothomb, Albin Michel 2016.
Pas de rentrée littéraire sans notre Belge préférée, pas de couverture sans photographie de l'auteure, toujours réussie !
Revisitant le conte de Riquet à la houppe, personnage moche mais ayant beaucoup d'esprit qui réussira à épouser une princesse dotée de beauté mais dénuée d'intelligence, Amélie Nothomb nous offre un roman fluide, doté de tous les ingrédients de rigueur. Les personnages portent des prénoms improbables (énide, Honorat, Déodat ou Trémière) et évoluent dans un univers toujours un peu décalé. L'autrice se fend ensuite de quelques confidences sur la littérature pour justifier la fin heureuse de son roman. Rien de transcendant mais une lecture bien agréable,qui sera vite oubliée.
06:00 Publié dans Je l'ai lu !, Rentrée 2016, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : amélie nothomb
12/09/2016
Les ravagé(e)s
"-Pour une fois, au moins, on n'a plus à se demander ce qu'est vraiment notre boulot, soupira Marco. Essayer de canaliser le chaos.
-Avec de la bonne volonté et des punaises."
Alex élève seule sa fille et travaille dans une brigade spécialisée dans les crimes sexuels, au Nord de Paris. Dans le commissariat, on accueille avec plus ou moins d'empathie les victimes, majoritairement féminines. Pourtant, l'agression d'un jeune homme va mettre au jour un phénomène discret mais prenant de l'ampleur et la peur va changer de camp.
Dans ce premier roman, Louise Mey permute le point de vue agresseur/victime pour mieux nous faire ressentir entre autres, ce que c'est que d'arpenter l'espace public la peur au ventre. Nourri de statistiques et de témoignages ,brefs mais efficaces, sur les agressions dont sont victimes les femmes, comme autant de piqûres de rappel, le texte n'a pas qu'une volonté dénonciatrice.
Les personnages sont hauts en couleurs et se débattent dans un quotidien qui les mine souvent mais ne les abat pas pour autant. Alex est un personnage féminin puissant et la voir régler son compte à quelque malotru ignorant son statut de policier est un pur régal. Si l'intrigue pêche un peu par une intrigue secondaire (le journaliste intrusif dont on se débarrasse d'ailleurs de manière un peu expéditive), il n'en reste pas moins qu’il y a du suspense, des rebondissements et pas mal d'humour! Un régal dont on aurait tort de se priver !
Les ravagé(e)s, Louise Mey, Éditions Fleuve 2016, 432 pages qui se tournent toutes seules.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : louise mey, polar
07/09/2016
Les gens dans l'enveloppe...en poche
"C'est une histoire d'abandons. De l'abandon dont sont capables et victimes les femmes."
En juin 2012, Isabelle Monnin achète sur internet un lot de photographies d'une famille dont elle ne sait rien. Constatant une absence, celle de la mère d'une petite fille dont la photo figure en couverture, elle imagine un roman mettant en scène ces gens ordinaires qui pourraient être nous.
Le texte une fois achevé, elle part à la recherche des vraies personnes, aidée en cela par un amateur de clochers qui a recensé sur internet tous ceux de Franche-Comté. Elle découvrira alors que, dans la vraie vie, la position centrale de ce récit est en fait occupée par le père de famille...
N'ayant aucun goût pour la nostalgie, j'ai un peu traîné des pieds avant d'entamer la lecture de ce roman .Pourtant le dispositif m'intéressait vraiment et l'écriture sensible d'Isabelle Monnin, sa délicatesse et sa pudeur ont fait que j'ai été emportée par les deux textes. Une œuvre singulière, accompagnée des photographies et d'un disque avec des chansons composée par Alex Beaupain et des reprises où l'on entend certains des gens dans l’enveloppe.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : isabelle monnin, alex beaupain
03/09/2016
Nous serons des héros...en poche
Elle avait préféré insinuer que c'était moi qui avais besoin d'un père de substitution plutôt qu'elle d'un nouveau mari, cela était plus facile à entendre, plus noble et généreux."
Quelques années avant la fin de la dictature de Salazar, Olivio, huit ans, et sa mère fuient le Portugal et s'installent dans une banlieue lyonnaise. L'enfant n'apprendra que quelques temps plus tard le décès de son père.
D'abord aidés par des compatriotes, le narrateur et sa mère vont bientôt emménager chez un autre exilé, Max, un pied-noir fraîchement divorcé, qui supporte très mal la séparation d'avec son jeune fils. La cohabitation s'instaure tant bien que mal, Olivio devenant un adolescent sensible supportant mal le caractère hâbleur et souvent rude de Max.
Sur la seule foi du résumé, je n’aurais probablement pas donné sa chance à ce roman mais le seul nom de l'auteure a su me décider et j'ai bien fait car d'emblée j'ai été prise par l'émotion intense qui se dégage de ce texte.
L'exil, l'intégration, les sentiments mêlés , l'évolution de cet enfant mais aussi le portrait en creux d’une mère, à la fois volontaire et discrète, blessée mais digne, qui se forge discrètement une place dans la société française du début des années 70 et laisse sous le boisseau ses chagrins et sa détresse ont su m'émouvoir profondément.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : brigitte giraud
31/08/2016
Aux petits mots les grands remèdes
"Ma mère était une spécialiste de la culture comme arme d'élimination massive."
Alexandre, bibliothérapeuthe, a pour objectif de reconquérir Mélanie, qui vient de le quitter, et de soigner de nouveaux clients afin d'améliorer sa situation financière.
Nous le suivons donc dans cette double quête, émaillée de références romanesques, et entrons à sa suite dans des univers très différents.
Baigné d'une atmosphère douce-amère, le roman de Michaël Uras se lit sans déplaisir mais ne m'a pas enthousiasmée pour autant. Peut être attendais-je un héros plus charismatique...
Éditions Préludes 2016
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : michaêl uras
22/08/2016
Sauf quand on les aime...en poche
"- [...]Ce qui est beau n'est pas fait pour durer, il faut sans cesse le ressusciter."
Le roman commence par une scène très forte ,et malheureusement banale: une agression verbale par un mec "lourd" qui s'en prend à une jeune femme noire. Les autres passagers du wagon sont "devenus transparents". Tisha ne devra son salut qu'à une femme qui prend la peine d'écouter l'agresseur et de détourner son attention.
Claire, elle aussi présente ,n'a pas osé intervenir mais les circonstances feront qu'elle invitera Tisha dans l’appartement qu'elle partage en colocation avec son amie Juliette et son pote Kader. Des jeunes gens d’aujourd’hui qui naviguent de petits boulots en CDD, loin de leur formation initiale et de leurs espoirs. à côté d'eux, vivant dans une "solitude radicale", un vieil homme qui se prend à rêver en écoutant le violoncelle de Claire.
Sans angélisme ni voyeurisme, Frédérique Martin brosse le portrait d'une jeunesse souvent meurtrie, évoluant dans un univers urbain où le corps de la femme devient souvent celui d'une proie. Tout en nuances, ces personnages s'apostrophent, s'insultent, se déchirent mais aussi s'entraident,se réconfortent et tentent de s'aimer vaille que vaille. Toulouse compose le décor essentiel et diablement vivant de ce roman où de brèves échappées champêtres sont autant de respirations et de pauses pour Juliette et les autres.
De très beaux moments comme la perspective d'échapper à une soirée d'anniversaire en solitaire ou une dans improvisée au son du violoncelle viennent éclairer ce roman qui se termine malgré tout sur une note d'espoir, sans vouloir à toutes forces terminer par un "happy end". Un très beau moment d'émotions que cette lecture portée par l'écriture tour tour rageuse, bienveillante et sensuelle de Frédérique Martin.
De la même autrice , j'avais aussi beaucoup aimé les nouvelles de J'envisage de te vendre (j'y pense de plus en plus) clic.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : frédérique martin
20/08/2016
La dictature des ronces...en poche
"Certains accès de courage sont comme des oiseaux: on n'a pas envie de les voir s'envoler. Alors j'ai cheminé précautionneusement au milieu des piafs pour ne pas les effrayer."
Comment ne pas aimer un roman qui commence ainsi : "Cet été là , le canapé avait conclu un marché avec mon postérieur , si bien qu'ils avaient fini par devenir les meilleurs amis du monde et qu'il fallait désormais faire des pieds et des mains pour les séparer." ?
Pour rompre cette apathie, heureusement, le narrateur reçoit une proposition: s'installer pour un mois sur une île , Sainte Pélagie, chez son ami Henri qui doit partir ,et en échange s'occuper du chien et de l'entretien du jardin.
Sur place, il va vite tomber sous le charme de l'île et de ses étranges habitants , aux occupations tout à la fois poétiques et surprenantes. Un univers douillet et surréaliste, dont je vous laisse découvrir les nombreuses surprises,et où subsiste néanmoins une infime pointe de noirceur... .
Mais plus que tout, j'ai beaucoup aimé le commerce qu'entretiennent Guillaume Siaudeau et les mots. Ceux qu'ils personnifient dans sa postface et avec lesquels il crée une atmosphère si particulière, une bulle de poésie teintée d'humour.Un très joli moment de lecture !
Pocket 2016.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : guillaume siaudeau
18/08/2016
L'administrateur provisoire
"Il y a sûrement quelque part dans son corps -mais où ? - un endroit où fouiller pour trouver cette parole arrêtée, mais je n'arrive jamais à remonter tout à fait assez haut, tout à fait assez loin dans le corps de mon père pour qu'on parle, ce qui s'appelle parler."
Pourquoi le frère du narrateur, hanté par la Shoah, est-il mort ?Pourquoi leur mère participe-t-elle à des réunions d'amitié judéo-chrétiennes alors que rien ne les relie à la religion juive ? à ces questions, et à bien d'autres, le narrateur entreprend de trouver des réponses.
Aidé d'abord par son oncle, puis par un historien, il découvre que son arrière-grand-père, Raoul H., a occupé, sous Vichy, le poste d'administrateur provisoire. Derrière ces mots,en apparence anodins, se cache une entreprise d'aryanisation collective, de spoliation des entreprises possédées par des personnes juives en France, que Raoul H. a mené sans états d'âme, "dans un style parfaitement neutre, très méthodique , scrupuleux". Une manière de procéder que l'on peut rapprocher de la formule utilisée à l'époque, "éléments juifs",qui ,en réifiant les personnes aseptise et déshumanise. Formule qui sera aussi utilisée par une gardienne du camp,de Bergen-Belsen.
Il règne dans le deuxième roman d'Alexandre Seurat une angoisse diffuse,créée par les non-dits ou le demi-vérités qui circulent dans cette famille bourgeoise aux liens distendus. La mère sème quelques indices , évoquant les romans de Modiano ou le texte d'Alexandre Jardin consacré à son grand-père collaborateur, sans jamais les nommer explicitement, tandis que le narrateur, lui, s'en tient aux faits, s'appuie sur des documents réels, cités dans le roman. Il redonne une identité- même si les noms ont été changés-, une histoire,aux victimes de l'arrière-grand-père. Il remonte à la source du secret de famille, mal qui a gangréné le corps et l'esprit de son frère, le conduisant à la mort et par-là même dévoile tout un pan encore trop mal connu de notre histoire.
Un roman nécessaire.
L'administrateur provisoire ,Alexandre Seurat, Editions du Rouergue 2016.182 pages glaçantes.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : alexandre seurat
17/08/2016
Sous la vague
"Tout reprendre, tout détricoter et retricoter ensuite dans le bon ordre et avec patience. Raccommoder les lambeaux de ce qu'était devenue sa vie, remette les choses à leur place, reconstituer la logique des événements, leur lente dégradation, puis l'effet de cette dégradation elle-même dans son esprit, comme une contamination par un virus, avec mutation et progression [...]."
Le tsunami de 2011, non content d'entraîner une catastrophe nucléaire, va pousser Bertrand Nerger-Lafitte, à la tête d'une prestigieuse mais vieillissante maison de cognac, Sous la vague. Jugez un peu: effondrement des cours des spiritueux, tractations en sous-main d'un de ses associés pour l'évincer, aidé de surcroît par son ex-femme. Quant à sa fille, elle est enceinte d'un de ses ouvriers syndicalistes.
Bizarrement,le quinquagénaire, au fil des événements apparemment saugrenus qui s’enchaînent, constate que "sa vie, de fade et pâle qu'elle était devenue avec le temps, prenait soudain une profondeur insoupçonnée, un relief, une dimension. Une couleur."
Discrètement épaulé par Eddy son chauffeur d"une redoutable efficacité", Bertrand va progressivement évoluer, "expliquer le rôle de chaque élément, pourquoi avoir voulu achever un faon, pourquoi avoir changé d'avis et désiré le protéger, pourquoi s’être accroché à cette idée afin d'éviter le naufrage de sa propre vie."Entre autres. Faudrait-il simplement se laisser aller ?
Dans cette comédie sociale (que je verrais bien adaptée au cinéma), on retrouve l'humour et le talent d'Anne Percin pour brosser le portrait d'êtres attachants et hauts en couleurs. Tous existent à nos yeux, y compris les personnages secondaires et les animaux , qu'elle sait tout aussi bien croquer .
Riche en citations et en réflexions, ce roman ,en apparence léger,dénonce aussi au passage les travers et les dérives de notre société. J'ai pris un plaisir fou à dévorer ces 200 pages jubilatoires (piquetées de marque-pages) ! Je les ai même relues avec tout autant d'enthousiasme !
Sous la vague, Anne Percin, Éditions du Rouergue 2016
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, Rentrée 2016, romans français | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : anne percin