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15/08/2017

Les attachants

"Une classe, c'est comme un roman. Vingt-six histoires qui se combinent, qui se heurtent qui s’emboitent. Cinq jours sur sept, de huit heures du matin jusqu'à la fin de l'après-midi, près de neuf mois dans une année, ces histoires se tissent. Si l'on calcule le temps passé ensemble, on s'effraie de constater à quel point une classe absorbe les individus qui la constituent."

Après quelques années passées à jongler avec les remplacements, ça y est, Emma a enfin "sa" classe à l'école des Acacias. Celle qui était en dernière position sur sa liste de vœux.
Encore mal aguerrie, idéaliste et "montant dans les tours" tout aussi vite qu'elle s’indigne, la jeune instit va devoir faire face à une classe de CM 2 comptant pas mal d'individus tout aussi insupportables qu'attachants.
En contrepoint, se déroule aussi l'histoire personnelle d'Emma, son évolution et son entrée dans l'âge adulte.
Alors oui, "Ce n'est pas parce que c'est petit que c'est gentil. A trois ans, on peut être déjà pas mal vicieux.", mais les enfants dont ils est question dans ce roman sont aussi le fruit de l'éducation  ou de ce qui en tient lieu qu'ils ont reçue, par des parents qui souvent rejettent l'institution scolaire, parfois violemment : "Devait-on en rire, de ce doute immense, cette perte de confiance, cette revanche de pauvres gens qui ne savaient plus que haïr et s'en prenaient aux enseignants qui s'occupaient de leurs enfants, dans un geste irrationnel et si triste ? "rachel corenblit
Sans angélisme ni défaitisme, c'est toute une galerie de parents et d 'enfants qui se donne ici à voir. parfois émouvants, parfois atroces,  toujours riches d'humanité. on n'oubliera pas de sitôt Ryan, Caïn, Karima et tous les autres.Des enfants dont on ne peut s'empêcher de penser que la République les oublie...
Quelques éclairs d'humour et de rares instants d'harmonie permettent tant aux enseignants, toujours sur la corde raide entre bienveillance, volonté de ne pas couper le lien avec des familles dysfonctionnelles et volonté de sauver des enfants, qu'aux lecteurs, de souffler un peu. j'allais oublier de parler du style: juste magnifique !

Un grand coup de cœur ! Et zou sur l’étagère des indispensables! La rentrée littéraire commence fort !

Les attachants, Rachel Corenblit, Éditions du Rouergue 2017, 188pages que tout futur enseignant devrait lire.

11/08/2017

La faille

"Elle avait raison, bien sûr, mais je ne voyais pas en quoi une chose que personne ne lirait ferait du tort à l'intéressée. Son malheur deviendra plus réel, a dit Lucie."

Quand la narratrice, Mina,  retrouve Lucie, la plus belle fille du lycée, qu'elle avait laissée à l'aube d'une carrière prometteuse de comédienne, cette dernière est presque méconnaissable.isabelle sorente
Rapidement, Mina constate que Lucie semble être sous l'emprise de VDA, son mari, homme plus âgé qu'elle qui exploite sans vergogne La faille de Lucie. En effet, Lucie, que sa mère ne trouvait pas suffisamment intelligente, veut à tout prix plaire, est prête à tout pour les hommes dont elle tombe amoureuse.
 Il est beaucoup question de manipulations, mais aussi d'art dans ce roman dont la narratrice est le double de l'auteure. Beaucoup question aussi de mères mal aimantes et de pères absents.
Un roman qui souffre de quelques longueurs (500 pages) mais qui manipule avec brio son lecteur.

 

08/08/2017

Nuit

Après Glacé, qui avait vu la rencontre du flic toulousain Martin Servaz et du psychopathe Suisse Julian Hirtmann, Bernard Minier poursuit les aventures de ses héros dans ce nouvel opus, après Le cercle et N'éteins pas la lumière.
 Le récit commence sur une plate-forme pétrolière norvégienne dont une technicienne a été assassinée. L’inspectrice locale Kirsten Nigaard découvre sur place , dans les affaires d'un technicien manquant à l'appel, des photos de Martin Servaz, ainsi que celles d'un enfant prénommé Gustav.
Kirsten se rend donc en France pour prévenir Servaz.bernard minier
De rebondissements en assassinats, sans oublier quelques manipulations,  Bernard Minier nous balade jusqu'en Autriche où le psychopathe et le flic toulousain vont s'affronter.
Un roman qui nous prend par la main, nous balance pas mal de statistiques (pour mieux faire oublier quelques invraisemblances ?) mais qu' on suit sans défaillir ou presque. Une lecture facile, qu'on ne lâche pas, du bon boulot.

 

Merci à Cathy pour le prêt.

 

Pas besoin d'avoir lu les précédents romans, on peut très bien" prendre le train en marche".

27/06/2017

Les méduses ont-elles sommeil ? ...en poche

"Il y a cette fille à l'énergie débordante qui me laisse perplexe. Je lui demande à quoi elle tourne pour avoir autant la pêche. Elle me répond : "Au sommeil !". Je suis scotchée."

Roman qu'on devine autobiographique, Les méduses ont-elles sommeil ? est le récit de "huit mois de vie branlante qui m'ont paru des siècles."
Tout juste majeure , la narratrice s'installe à Paris où elle s'empresse de s'immerger dans le monde de la nuit et des drogues, en particulier, la MDMA.louisiane c. dor
Écrit a posteriori, ce roman n'idéalise jamais et, tendu et âpre, va droit à l'essentiel. On regrettera une fin un peu abrupte et théâtralisée, mais on sent ici une belle énergie et une écrivaine en devenir.
Frédéric Beigbeider qui a le sens de la formule évoque un texte "Entre Bonjour tristesse et Trainspotting."Je n'irais pas jusque là mais ne nierai pas pourtant l'impression durable de ce livre.

Folio 2017, 81 pages.

05/06/2017

La succession

"Elle était de ces femmes sur lesquelles on sait pouvoir compter et qui n'hésitaient pas à vous remettre dans le droit chemin du bonheur."

Paul Katrakilis a fui sa famille et son destin tout tracé en devenant non pas médecin, comme son père, mais joueur professionnel de cesta punta à Miami. jean-paul dubois
Ce qui ne l'a pourtant guère égayé. Il traîne une mélancolie languide, dont on ne sait si elle due à une enfance pour le moins particulière ou à son atavisme familial, les Katrakilis ayant une fâcheuse tendance à se suicider.
Le décès de son père l'oblige à rentrer en France, où il va peu à peu remettre ses pas dans ceux de celui qu 'il envisage comme étant "lui aussi reclus dans une forme de solitude, enfermé dans une prison familiale avec des détenus dont il ne parlait pas la langue."
L'espoir ne fait ici que de brèves apparitions, vouées immédiatement à l'échec. La tragédie est en marche et le détachement du personnage principal, s'il empêche tout pathos , ne trompe pas son monde. Un roman qui distille une mélancolie contagieuse.

 

La succession, Jean-Paul Dubois, Le seuil 2016.

Déniché à la médiathèque.

01/06/2017

Manger dans ta main

"La scarification comme butée identitaire. Et ce corps flottant,que l'on ne sent vivre qu'au moment de l'entaille. Elle les comprenait tant. Il fallait que ça saigne, à l'adolescence."

Autant Sandra, jeune psychologue, apparaît dure envers sa mère, autant elle se sent proche des adolescents dont elle s'occupe dans un atelier d'écriture, au sein d'un hôpital  parisien accueillant des jeunes atteints de troubles alimentaires. sophie carquain,anorexie,rapports mère  fille,rapports hommes animaux
Ses parents ont pris leur retraite dans leur Portugal natal et on sent d'emblée qu'ils sont marqués par un drame. Pour redonner le sourire à sa femme, le fantasque Daniel offre à Luisa une cochette, promise à une mort certaine, car rejetée par sa mère. D'abord réticente, Luisa va se prendre d'affection pour la jeune truie, Rose, qu'elle engraisse , tout en la traitant en animal de compagnie, tant elle lui apparait intelligente et drôle.
Alternant les chapitres portugais et français, le roman traite d'une relation mère fille perturbée, évoque le thème d'un deuil impossible à faire , celui de la relation à la nourriture, au corps adolescent ou non, mais interroge aussi notre relation à un animal souvent honni ,mais très proche de nous, le cochon.
On sent d'emblée que l'autrice, qui a coécrit en compagnie de la regrettée Maryse Vaillant des ouvrages de psychologie, sait de quoi elle parle, sans pour autant tomber dans l'écueil de la vulgarisation à tout crin. Le propos est nuancé, les personnages proches de nous et nous entrons autant en empathie avec les humains qu'avec l'animal.
Un roman attachant que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire et qui nourrit aussi la réflexion sur les thèmes évoqués.

Manger dans ta main, Sophie Carquain, Albin Michel 2017, 311 pages validées par Marie Desplechin.

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31/05/2017

Célibataire longue durée...en poche

"Et si , maintenant que je ne suis plus une femme, je décidais d'en devenir une ? "

Quand une héroïne a la gentillesse de résumer sa situation, on ne va pas se gêner : "Si je récapitule, je viens d'être licenciée, depuis deux ans je suis veuve et seule responsable de mes enfants, sans compter que le grand amour n'a toujours pas frappé à ma porte. Soit je fais une dépression, soit je me dis que je suis à un tournant de ma vie et qu'il va falloir négocier le virage intelligemment." Ajoutons que Vanessa Poulemploi est à l'aube de la cinquantaine, qu'elle a deux amies et un meilleur ami toujours là pour l'aider, ce qui est fort utile quand on est à la fois"grande gueule et fonceuse" et "serpillère, qui s'écrase comme une merde".véronique poulain
Le processus d’identification joue à fond ici dans cette fiction endiablée où, à force de chercher le grand amour, Vanessa finira sans doute par se connaître et identifier ses vrais besoins, ce qui n'est déjà pas si mal. On la suit avec bonheur dans son parcours, émaillé de râteaux  mais aussi de rebellions mémorables et jouissives, entre autres un email d'anthologie qui revient façon boomerang dans la face d'un goujat de première catégorie. Car,si parfois elle comate sur son canapé, elle a aussi du punch Vanessa et une façon de retomber sur ses pieds fort réjouissante ! La fin réussit même à déjouer les clichés du genre, ce qui est en soi un petit miracle !
Vous l'aurez compris j'ai pris un énorme plaisir à dévorer d'une traite ce nouveau roman de Véronique Poulain , un anti-grisaille garanti !

26/05/2017

L'homme idéal existe. Il est Québéquois...en poche

"Comment une intello de la capitale se retrouve-t-elle sur le parking d'un supermarché entouré de neige à chercher un char avec un Canadien derrière elle ? "

Originaire du pays basque, avant de se retrouver dans un grand magasin canadien, , flanqué d'un gamin de cinq ans et se son craquant papa, notre héroïne a d'abord dû s’acclimater aux mœurs des mâles parisiens, mœurs qu'elle dissèque avec une mordante ironie.
C'est dire si elle est méfiante dans la Belle Province,  mais en même temps fort attirée par cet indigène si pittoresque qui lui conseille paisiblement ""-Faut pas ma beauté, t'excite pas le poil des jambes, ça va bien se passer", ce qui est , ma foi fort déroutant, limite insultant. Rassurez-vous cela signifie juste qu'il ne faut pas stresser.diane ducret
Anne Ducret joue à fond des situations comiques générées par les idiosyncrasies québécoises, tant dans le langage que dans le mode de vie, et c'est très plaisant. Son récit est enjoué et joue avec bonheur des codes du genre, mais avec beaucoup de fraîcheur. Une lecture très plaisante qui se savoure comme un bonbon.

23/05/2017

La daronne

"Nous étions entre nous, appartenant au grand flou dhannelore cayrees classes moyennes étranglées par ses vieux. C'était rassurant."

A part une brève parenthèse de bonheur marital, on ne peut pas dire que la vie de notre narratrice ait été marquée par la joie de vivre. Lasse d'être employée au noir par l’État comme interprète judiciaire, de n'avoir ni sécu ni retraite en vue, lasse d'avoir bossé pour  payer les études de ses filles, puis maintenant pour l'EPHAD de sa mère, elle saisit l'opportunité de se glisser dans un monde qu'elle connaît bien pour le suivre via des écoutes téléphoniques : celui du trafic de drogue.
Et là, elle revit, jonglant avec la langue qu'elle connaît depuis l'enfance, "la langue d'avant Babel qui réunit tous les hommes", à savoir l'argent. Elle endosse avec jubilation l'identité de La daronne, délicieusement amorale, fustigeant notre société et ses hypocrisies. Usant d'une langue tour à tour soutenue puis argotique, "elle, au contraire, avait l’œil émerillonné de celles qui aiment le biff", Hannelore Cayre se régale visiblement à ponctuer son récit de remarques vachardes et délicieuses à nos yeux de lecteurs: "Je me suis très mal conduite avec lui, mais il faut dire que son honnêteté à toute épreuve en faisait un sacré boulet."
Enfin, une héroïne en colère, amorale et qui ne trouve pas son salut dans l'amooouuuur, voilà qui fait bien fou ! (Plein de femmes fortes d'ailleurs dans ce roman , chacune dans leur genre !).

Les billets de Cuné, Aifelle et Papillon m'avaient donné envie.

De la même autrice: clic

18/05/2017

Celle que vous croyez...en poche

"C'est mystérieux, le désir. On veut de l'autre quelque chose qu'on n'a pas ou qu'on n'a plus."

Claire, quarante-huit ans, divorcée, crée un faux profil facebook, où elle se rajeunit allègrement et emprunte la photo d'une inconnue, pour surveiller son amant volage. C'est évidemment de ce faux profil que va tomber amoureux KissChris, un jeune homme qui se dit photographe.camille laurens
Comment passer du virtuel au réel sans pour autant faire disparaître le désir ? Comment Christophe réagira-t-il en apprenant l'âge de sa belle ? à ses interrogations s'ajoute une mise en abîme du récit qui à chaque fois est envisagé sous une perspective différente, pour mieux brouiller les pistes et interroger les frontières entre réel et fiction, réel et virtuel.
à cela s’ajoute un magnifique portrait de femme quinquagénaire, sans concessions sur la place qui lui est réservée dans la société occidentale ; une femme qui entend bien ne pas s'effacer et revendique son désir.
Papesse de l'autofiction, Camille Laurens se joue ici des codes du genre et nous livre un roman brillant, plein d'énergie et de surprises...
J'avais beaucoup d'a priori sur cette auteure, ils ont été pulvérisés par cette première lecture !

Un grand coup de cœur !