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31/08/2018

Gabriëlle...en poche

"Ce fut notre gageure de déterrer quelqu’un qui  voulut rester dans l'ombre."

Gabriële Buffet-Picabia,"théoricienne de l'art visionnaire, femme de Francis Picabia, maîtresse de Marcel Duchamp, amie intime d’Apollinaire" avait tout à la fois disparu de l 'histoire de l'art et de la vie de ses arrières petites-filles, Anne et Claire Berest, qui ignoraient jusqu'à son existence.
Se basant sur une solide documentation, mais faisant aussi la part belle à leur propre subjectivité, les auteures ont donc sorti de l'oubli cette personnalité exceptionnelle qui fut plus une femme qu'une mère, sachant privilégier l'art de Picabia et fermer les yeux sur ses frasques .anne et claire berest
Elle aurait pu être une musicienne, mais sans éclat ,et se révéla bien davantage dans sa manière d'accompagner et de révéler à eux mêmes les artistes d'avant-garde.
J'ai été un peu frustrée de voir résumer en quelques lignes la vie de Gabriële après Picabia, mais cela participait de la logique intrinsèque du texte, puisqu'il s'agissait de jeter par delà les années une sorte de pont entre cette aïeule atypique, et elles-mêmes.
Quelques longueurs, mais Anne et Claire Berest ont su m'intéresser à la vie hors-normes de cette femme. Il se dégage aussi une grande sensibilité et la volonté de ne pas blesser leur propre mère en exhumant une histoire familiale douloureuse.

 

30/08/2018

Un loup pour l'homme...en poche

"Antoine va et vient entre les blessés et sa femme, ici la mort qui rôde et là la vie à venir. C'est un étrange face à face, dans moins de trois mois il sera père. Il est juste avant, dans un grand vide qu'il ne sait comment habiter."

L'appel sous les drapeaux d’Antoine correspond à la découverte de la grossesse de sa jeune épousée. Nous sommes en 1960 et le jeune homme va devoir partir pour l'Algérie.
N'étant pas d'un tempérament guerrier, il a réussi, contre toute attente ,à obtenir une formation d’infirmier, ce qui ne lui épargnera pourtant pas le côté sauvage de cette mission de soin, alliant sauvetage et ramassage des morts sur le terrain des combats.brigitte giraud
Brigitte Giraud, par petites touches, brosse le portrait de jeunes gens un peu à la dérive dans ce qui ne prendra que beaucoup plus tard le nom de guerre. Elle dit le quotidien par des détails criants de vérité, la chaleur, le sable qui envahit tout, le manque d'informations des appelés, la détresse, les salauds et les héros et tous ceux qui oscillent entre les deux.
Les mots étrangers qu'on s'approprie peu à peu, les corps et leurs détresses sont aussi au cœur de ce roman qui nous fait partager les expériences de ces jeunes hommes dans un pays étranger où il sont supposés maintenir l'ordre.
J'ai lu avec beaucoup d'émotion ce roman qui m'a permis de partager un peu ce qu'ont vécu,de manière différente bien sûr, mes parents à la même époque. Un roman rare et puissant.

28/08/2018

#TousLesHommesDésirentNaturellementSavoir #NetGalleyFrance

Scandé par des titres de chapitre qui reviennent tout au long du texte (Devenir, Se souvenir, Savoir et enfin Être), le roman de Nina Bouraoui  alterne les souvenirs de l'enfance lumineuse en Algérie et ceux de son adolescence en France.  En quête de son identité  (est-elle algérienne ou française ?), la très jeune femme délaisse l'université pour fréquenter les boîtes de nuit lesbiennes, en particulier le Kat, mais n'assume pas encore son homosexualité.nina bouraoui
Elle brosse aussi, par petites touches, le portrait d'une femme, sa mère, qui , par amour, prendra le chemin inverse de bien des français d'alors: en 1962, elle décide d'habiter avec son mari algérien dans ce pays qui vient de recouvrer la liberté.  Un femme qui refusera de poser des mots sur la violence masculine qu’elle subira des années plus tard.
La violence, il en est aussi question dans les relations qui s'établissent dans le Kat , relations qui fascinent mais semblent aussi effrayer la jeune Nina.
Se voulant le portrait de l'enfance d'une jeune femme homosexuelle, le roman se révèle  un peu trop léger à mon goût, n'approfondissant pas assez la réflexion et nous laissant sur notre faim.

 

Jean-Claude Lattès 2018

27/08/2018

#TroisFoisLaFinDuMonde #NetGalleyFrance

"Faut pas mollir. Organiser son temps. Avoir son propre règlement, que celui des Bleus ne soit plus le seul à s'imposer. Curieusement, au lieu de nous contraindre plus, cela nous garantit de la liberté, ou quelque chose d'approchant."

Un seul personnage principal , Joseph Kamal, va connaître Trois fois la fin du monde. La première en étant incarcéré pour la première fois de sa vie en prison où il fera l'expérience d'une communauté imposée et n'aspirera qu'à la solitude. La deuxième, quand à l'issue d'une Catastrophe, indéterminée, il fera partie des survivants et mettra à profit les acquis de la prison. La dernière, quand il se retrouvera seul dans la nature à rechercher la compagnie des animaux pour ressentir à nouveau des émotions et des sentiments.sophie divry,robinson crusoe
N'étant guère friande ni de romans carcéraux ni de romans  évoquant la fin du monde , je me suis pourtant régalée du début à la fin de ce roman de Sophie Divry, la présentation et la citation mise en exergue me donnant comme boussole" l’histoire revisitée d’un Robinson Crusoé plongé jusqu'à la folie dans son îlot mental". C'est donc avec enthousiasme que j'ai lu ce roman, établissant sans cesse des comparaison avec les textes de Defoe et/ou de Michel Tournier. Quant à la dernière partie, elle a tout de suite fait écho à un texte clairement revendiqué comme source d'inspiration par l'auteure, à savoir Le mur invisible de Marlen Haushofer.
Évoquant le thème de la solitude recherchée ou subie, Trois fois la fin du monde montre qu'une fois de plus Sophie Divry a su se renouveler avec bonheur.

Éditions Noir sur Blanc 2018.sophie divry,robinson crusoe

Antigone, Kathel ont beaucoup aimé.

 

Cuné émet quelques réserves.

25/08/2018

Anomalie

" Nous étions jeunes, nous étions la vitalité, l'ardeur.

Nous étions faits de gestes et de rires, de clameurs et de joie."

Leila, 12 ans et son petit frère Mehdi, dix ans, ont été recueillis par Danielle et son mari Dédé, mais la famille part à vau l'eau quand Danielle tombe gravement malade.julie peyr
Livrés à eux-mêmes, les deux préadolescents ont tout loisir de défricher de nouveaux territoires entre les tours de leur cité HLM, dans ce qu'on appelait encore au milieu des années 80 la banlieue rouge.
A la piscine municipale, ils font la connaissance de Mai, jeune fille timide qu’une scoliose contraint à nager chaque semaine. Mai vient d'un milieu plus aisé mais se laisse fasciner par la sauvagerie de Leila.
Amours préadolescentes, découvertes des corps , pulsions , Julie Peyr qui confie la narration à Mehdi devenu adulte, sait en dépeindre l'acidité, la cruauté, sans jamais tomber dans le glauque. à découvrir.

 

Anomalie, Julie Peyr, Éditions des Équateurs 2018, 280 pages.

22/08/2018

#LeGuetteur #NetGalleyFrance

"Ma mère était ce que je savais pas d'elle et que je chercherais indéfiniment toute ma vie."

Christophe Boltanski se penche une nouvelle fois sur un membre de sa famille si particulière, à savoir sa mère. Quels points communs y -a-t-il entre cette femme âgée, quasi recluse et paranoïaque dont, après sa mort l'auteur découvrira qu'elle avait commencé plusieurs romans noirs et la jeune femme sans doute impliquée dans un réseau de porteurs de valises lors de la guerre d'Algérie ?christophe boltanski
L'auteur ne force pas le trait, ni les faits , et juxtaposent les récits mi-rêvés mi- réels dans une (en) quête  qui brosse un portrait à facettes d'une mère à jamais hors de portée. Un roman fort et troublant.

Stock 2018.

 

 

17/08/2018

Je voudrais que la nuit me prenne

"Et je suis là encore. je suis quoi, je suis qui ? Une ébullition du passé. Sa grande fille qu'il ressasse et convoque, qu'il a devinée et s'injecte en une perfusion poétique."


Un couple de jeunes gens extrêmement amoureux, leur petite fille de bientôt huit ans, une famille donc, vit dans une sorte de bulle de bonheur et de fantaisie, bulle où la poésie, les chansons, les mots en général participent de la fête. La sensualité est elle aussi très présente, que ce soit dans l'exploration des corps ou le rapport à la nature, ce dont rend très bien compte l'écriture très charnelle d'Isabelle Desesquelles.isabelle desesquelles
Ce n'est qu'à la page 81 qu'est clairement énoncé ce qui fonde le thème de ce roman et qui se laissait deviner auparavant par de légers indices disséminés dans le texte. Il ne s'agit évidemment pas ici d'un roman à suspense , mais je me garderais bien pour autant d'en révéler trop. Disons juste que la tonalité change , que la nuit s'invite et que le souvenir trop ressassé se révèle plus nocif que bénéfique.
Un roman qui déchire le cœur (je n'ai pas pu le lire d'une seule traite pour laisser place à l’émotion) mais qui dégage néanmoins une formidable lumière. Un grand coup de cœur.

 

Je voudrais que la nuit me prenne, Isabelle Desesquelles, Belfond 2018, 204 pages poignantes.

16/08/2018

Tenir jusqu'à l'aube

"Elle ne pouvait se permettre aucune erreur, aucun écart. L'enfant et elle devaient filer doux, afficher zéro défaut, ne laisser aucune prise à la société. A tout instant, ils risquaient d'être étiquetés "famille à problèmes". Ils étaient hors-normes, ils étaient fragiles, ils étaient suspects."

Dans l'espoir de maintenir un lien ténu avec le père de son enfant de deux ans, la narratrice, graphiste free-lance, continue à vivre dans une ville où elle n'a ni amis, ni famille qui pourraient la sortir de ce huis-clos parfois étouffant avec son fils.
Les difficultés matérielles s'accumulent et la jeune femme commence à fuguer hors de l'appartement pour échapper à "cette créature qu'elle avait créée de toutes pièces: la bonne mère ".
Ces fugues "comme une respiration" un entêtement" créent une tension dans le roman car elles deviennent de plus en plus une nécessité et la narratrice ne peut s'en empêcher, même si elle a bien conscience de "Tirer sur la corde", titre de la deuxième partie du roman.
Cette tension est d'autant plus grande qu'elle est mise en parallèle avec le récit dont le petit ne se lasse pas: "La chèvre de Monsieur Seguin", cette chèvre ,qui, par amour de la liberté est prête à affronter le pire. Scandant le roman, les extraits de la nouvelle d'Alphonse Daudet seront aussi l'occasion d'un clin d’œil final à la fois jubilatoire et  violent.carole fives
Car oui, de la violence il y en a dans ce roman. Celle des internautes intervenant sur les forums de mamans solos, sortes de harpies vengeresses prêtes à lapider toutes celles qui osent se plaindre de leur fatigue,de leurs galères, de leur solitude... Celle des institutions (crèches, personnel de santé...), des propriétaires de logements, celle d'une société où les violences physiques faites aux femmes sont banalisées et niées, ne serait-ce que par les mots...
Mais Carole Fives sait aussi se faire intimiste en décrivant le quotidien de ce couple fusionnel mère-enfant, en soulignant la nécessité de "Réintégrer son corps." ,"Un corps sans enfant qui s'y cramponne. Un corps sans poussette qui le prolonge". Là, l'écriture colle au plus près des sensations et fait partager au lecteur ce sentiment de grande respiration nécessaire.
Un roman dévoré d'une traite puis relu dans la foulée, plus lentement cette fois pour mieux le savourer. Et zou sur l’étagère des indispensables !

 

 Tenir jusqu'à l'aube, Carole Fives, Gallimard 2018.177 pages intenses.

Merci à l'éditeur et à Babelio.

Hélène a elle aussi beaucoup aimé : clic., Delphine également : clic

Un coup de cœur pour Joëlle :clic

carole fives

10/08/2018

Fugitive parce que reine

"Non, ni lui ni aucun homme ne lui était arrivé à la cheville. Et s je savais que cette déclaration émanait du regard idolâtre de la petite fille que j'avais été, et si j'étais capable , avec le recul de la maturité, de brosser son portrait de manière plus nuancée-je voyais nettement sa fêlure comme sa force-, néanmoins, maman restait à mes yeux plus héroïque que quiconque.maman était mon héroïne, un point c'est tout."

Tout ou presque a été dit sur ce premier roman autobiographique de Violaine Huisman, couronné par le prix du roman Marie-Claire.violaine huisman
Poignante déclaration d'amour inconditionnel d'une fille à sa mère excessive et déséquilibrée psychiquement , mais qui a toujours su préserver ses enfants, même en usant de moyens parfois radicaux pour lutter contre ses troubles mentaux.
Une femme éprise de liberté dont Violaine brosse un portrait vibrant. Si j'ai moins été convaincue par la deuxième partie du livre qui relate de manière linéaire la vie de cette mère, j'ai néanmoins été enthousiasmée par  'écriture et la tonalité de ce roman.

 

01/08/2018

Les maux bleus

" Je lui dis adieu. Désolée, je ne serai jamais toi. Désolée, papa, maman Désolée. J'aurais bien aimé, pourtant, ça doit être si confortable d'être approuvée.
  Cette fille idéale, aujourd’hui, je la pleure comme on pleurerait une morte."

Bien qu'elle le sache depuis trois ans, Armelle, seize ans, n'a pas encore annoncé son homosexualité à ses parents, un couple de restaurateurs plutôt traditionnels qui rêvent pour elle d'une avenir tout tracé.
L'ostracisation dont elle est soudain victime au lycée et sa participation, bien contre son gré , à la manif pour tous vont précipiter les événements et entraîner son éviction brutale du domicile parental.
La voici donc à la rue, rejetée par tous,ou presque.christine féret-fleury,gay friendly
Partant d'un phénomène, hélas courant, comme il est rappelé en postface, Christine Féret-Fleury réussit le pari délicat d'évoquer l'homophobie dont sont victimes les jeunes au sein de leur famille, tout en brossant le portrait tout en émotions d'une adolescente intelligente et sensible.
Les personnages sont criants de vérité et l'auteure,sans édulcorer les faits, nous propose des situations qui ne tombent ni dans l'angélisme ni dans un pathos à tout crin. Armelle argumente mais , via son journal intime, nous confie aussi ses espoirs et ses douleurs.
Un constat raisonnablement optimiste et pragmatique qu'accompagne une liste de lignes d'urgence  ainsi que les coordonnées d'associations nationales et régionales à contacter au cas où.
Un grand coup de cœur que, comme Stephie, je vais utiliser en cours.

Les maux bleus, hristine Féret-Fleury, Gulfstream éditeur 2018, 191 pages indispensables.

Un grand merci à Stephie (clic) grâce à qui j'ai découvert ce roman.