08/06/2019
Notre vie dans les forêts ...en poche
"Ils nous traitent comme du bétail, je me suis dit. Ils nous infantilisent au point qu'ils ne nous avertissent pas de la procédure, même pas quand il s'agit de nos corps ! De mon corps !"
Après un essai sur une peintre allemande, revoici Marie Darrieussecq aux commandes d'une dystopie se déroulant dans un futur très proche, voire ayant peut être même déjà commencé.
Marie est psychologue, spécialisée dans le traitement des traumatismes, mais elle doute de plus en plus de l'efficacité des méthodes qu'elle applique. Tandis que dans son cabinet elle s'efforce de soigner, autour d'elle la société se délite et les libertés rétrécissent dangereusement. Mais un de ses patients va lui donner la possibilité de se rejoindre une bande d'humains et de clones libérés qui vivent au cœur des forêts.
Comme dans Truismes, la narratrice est empêchée dans son corps et se hâte de rédiger son histoire car la mort rôde. Mais là où le premier roman de l'écrivaine prenait son temps pour nous décrire les changements de la société, Notre vie dans les forêts est beaucoup plus court (189 pages) et le sentiment d’urgence encore plus grand.
Il y est beaucoup question de corps, augmenté par des implants et dont on change les organes comme autant de pièces de rechange si on est très riche. Le langage tient également une place importante, tout comme les clones dont la narratrice analyse avec finesse les interactions avec les humains.
Un roman surprenant, constellé de marque-pages.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marie darrieusecq
07/06/2019
Nos vies...en poche
"Nous parlions peu. Nous étions, je l'ai pensé plus tard, dans la pleine gloire de nos corps.souples, et à la proue de nous-mêmes."
La narratrice du roman a toujours été du côté de la fiction,observant, voire inventant, pour suppléer en quelque sorte la cécité de sa grand-mère. Devenue adulte, sans doute pour distraire sa solitude, elle continue en imaginant, brodant à partir de petits détails, la vie d'une caissière d'origine étrangère au Franprix de son quartier et celle d'un de ses clients du vendredi matin.
Parallèlement, se dévoile petit à petit la propre existence de la narratrice.
La solitude, les sentiments mis sous le boisseau, l'exil, tels sont les principaux thèmes du nouveau roman de Marie-Hélène Lafon. Qu'il soient étrangers ou juste venus de leur région, ses personnages partagent une même absence d'acclimatation à Paris. Ces vies infimes en apparence, Marie-Hélène Lafon sait leur prêter toute l'attention nécessaire pour nous les rendre proches et infiniment attachantes.
Nos vies, Marie-Hélène Lafon,
à noter que le personnage de Gordana, la caissière ici, apparaissait dans une longue nouvelle précédemment parue aux éditions du Chemin de fer en 2012.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marie-hélène lafon
26/05/2019
Laisser des traces
"En d'autres termes, l'engagement politique est un fragile équilibre entre détermination et doutes. Naguère, Maxime a jonglé sur ce fil; ensuite, il est tombé."
D'extraction modeste, Maxime Ronet a très tôt eu envie de Laisser des traces. Après avoir intégré par la petite porte les rangs du Mouvement, nouveau parti politique, présentant d’étranges ressemblances avec un parti que chacun pourra aisément identifier, il devient ensuite maire de la commune de Nevilly.
Le nouvel édile, nonobstant quelques petits accrocs dans son parfait parcours ,se laisse porter par son ambition jusqu'à ce qu'un fait divers le fasse basculer, puis reprendre pied.
Grâce à Arnaud Dudek, on a l'impression d'être une petite souris et de visiter, comme si on y était les coulisses du pouvoir, que ce soit celles d'un parti politique ou celles d'une municipalité .
Nourries de digressions parfois malicieuses (l'érection de la statue d'Hégésippe Simon, par exemple), les pages se tournent toutes seules ou presque. On suit le parcours de ce jeune homme, qui se perd parfois en route, mais retrouve son humanité de justesse avec autant de bienveillance que l'auteur.
Le propos sonne juste, soulignant les défauts mais aussi les espoirs que chacun peut placer en ces hommes et femmes politiques qui, à l'instar de Maxime Ronet, voudraient impliquer davantage les électeurs et voir "comment changer le système en en faisant partie." Vaste programme...
Éditions Anne Carrière 2019.
L'avis de Sabine: clic.
11:45 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : arnaud dudek
18/05/2019
Dans les prairies étoilées...en poche
"En même temps, quand on vient de vous offrir un mortissoir à brinches, être content, ça va de soi."
Délaissant la veine du "Ensemble, c'est tout", Marie-Sabine Roger nous livre ici un joli roman traitant de l'amitié, du temps qui passe, mais aussi des relations entre un créateur (auteur-dessinateur de BD) et sa créature, lors du décès de l'ami qui l'avait inspiré.
L'écriture est fluide mais la trame narrative manque de force à mon goût.
Cuné est plus enthousiaste: clic.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : marie-sabine roger
16/05/2019
Des orties et des hommes
"Chacun dans sa cour de ferme, on n'a pas grandi avec du Nutella entre les doigts mais avec la glaise, la sueur, les caresses animales et la sale matière du travail pur. L'âge qui s'avance nous pèse comme la bosse de Joël. On devient adolescents et lointains."
Pia, double de l'auteure, nous relate dans ce roman poétique et sensuel, le monde rural de la Charente où s'est installée une famille d’origine italienne.
Le travail dur, la sécheresse intolérable d'un été des années 70 qui fait pleurer une mère de faille agricultrice, mais aussi les orties cueillies sans se faire piquer et progressivement le passage à une agriculture industrielle, sont au cœur de ce récit.
En parallèle, c'est aussi le passage à l'adolescence et si, parfois , le rythme semble lent et sans véritable intensité narrative, à la fin, on se retrouve un peu démuni et on aimerait savoir ce que sont devenus les différents protagonistes.
Éditions Liana Levi 2019, 295 pages piquetées de marque-pages.
Clara a aussi aimé.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : paola pigani
13/05/2019
En attendant la neige
"J'allais trouver un territoire vierge qui ne serait pas entaché par cette faute, un espace suffisant pour exister, avoir un futur possible. C'était tout ce que je demandais."
Responsable d'un accident de voiture dans lequel sa mère a trouvé la mort, Véra tout autant pour se reconstruire que pour échapper à l'emprise d'une sœur trop parfaite qui entend régenter sa vie, se réfugie dans un chalet isolé du Jura.
Là, elle pourra se désintoxiquer des médicaments prescrits pour lutter contre les conséquences physiques de l’accident et se confronter à sa culpabilité. Mais, trop centrée sur ses problèmes, Véra n’entend pas les mises en garde et devra se confronter à d'autres problèmes inattendus, sans compter que la neige risque bientôt de la bloquer dans son chalet.
Suspense psychologique efficace, En attendant la neige ne ménage pas les nerfs de son lecteur sans pour autant bâcler les portraits de ses personnages, aussi bien principaux que secondaires. L'atmosphère est prenante et l’on dévore d'une traite ce roman.
Merci Clara !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : christine desrousseaux
05/05/2019
#MêmePasMoi #NetGalleyFrance
"Je ne veux réfléchir à rien. Je veux foncer, vivre. Y croire. Être une autre ou même moi. Quelque chose, un truc."
Pierre a quitté Elsa. Qui ne s'en remet pas. Alors, elle pense au suicide, tente la psychanalyse, la voyance par téléphone, le voyage au bout du monde, le lifting.
Elle qui s'est toujours sentie décalée repense aussi à son enfance, à son adolescence et à ses soirées au Palace.
Le synopsis est mince, j'ai cherché en vain l'autodérision et l'émotion. Quant à l'écriture, elle est souvent oralisée et se compose principalement de phrases juxtaposées.
Stock 2019.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : stéphanie murat
01/05/2019
Mercy, Mary, Patty...en poche
"Quinze jours pour trancher qui est la vraie Patricia, une marxiste terroriste, une étudiante paumée, une authentique révolutionnaire."
Qu'ont en commun les Mercy, Mary, Patty du titre ? Ce sont des jeunes femmes kidnappées à des époques différentes, qui ont toutes choisi de rester-définitivement ou pas - avec ceux qui les avaient enlevées, tournant ainsi violemment le dos à leur éducation de filles soumises.
Centré sur la figure de Patricia Hearst, fille d'un milliardaire enlevée en 1974 par un groupuscule révolutionnaire, le roman de Lola Lafon analyse par le biais d'une universitaire américaine venue enseigner en France, Gene Neveva, et chargée de rédiger un rapport pour l'avocat de la jeune femme, toute l'affaire d'un point de vue féministe, original et extrêmement fouillé.On est bien loin ici du syndrome de Stockholm couramment évoqué ou de la manipulation évoquée par les avocats de l'héritière.
En outre, le roman imagine aussi la manière dont une jeune française, Violaine, chargée d'aider Gene Neveva, verra sa vie si tranquille et tracée d'avance, radicalement bouleversée.
Des destins de femmes qui résonneront longtemps dans nos mémoires, un style percutant, des phrases soulignées à la pelle font de ce roman un indispensable.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lola lafon
29/04/2019
Le chien de Madame Halberstadt
"Tu me laisses passer où je t'éclate la gueule, ai-je articulé, d'une voix parfaitement désincarnée. Je te jure, j'hésiterai pas à te bouffer l'oreille."
Je ne sais pas d'où ça m’est venu. Des réminiscences de Myke Tyson, de Scarface, du Silence des agneaux. En tout cas, je le recommande dans des circonstances similaires."
Stéphane Carlier nous avait déjà régalé avec son personnage de cochon dans Les gens sont les gens (clic).
Cette fois, c'est à un chien, et plus précisément à un carlin nommé Croquette, que s'attache son personnage d'écrivain à la dérive, persuadé que ce dernier lui porte chance.
En effet, depuis qu'il rend service à sa voisine hospitalisé en gardant ce petit dogue, les ventes de son dernier roman s'envolent et son ex-petite amie s'est disputée avec son nouvel amoureux. Comment le sait-il ? Sans doute parce qu'il les observe depuis sa voiture...
Pathétique, certes, mais on s'attache à ce loser, à lui et à toute la petite bande de personnages secondaires gravitant autour de lui, tant la plume de Stéphane Carlier st vive et pleine d'humour (j'ai même ri aux éclats à plusieurs reprises).
Petit bémol: le sort réservé aux chiens dans cet opus n'est pas toujours folichon...
Le Tripode 2019, 174 pages où l'on croise aussi Fanny Ardant...
06:04 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : stéphane carlier
09/04/2019
#Lalbatros #NetGalleyFrance
"J'ai une conscience différente du corps. C'est un objet mystérieux et compliqué pour moi. Les corps qui font l'amour juste pour le plaisir, ceux qui dansent pour chasser, le temps d'une chanson, tout le poids de l'existence. Le corps qui n'est qu'objet de jouissance, qui ne se surveille pas. Celui que longtemps on ne ressent pas ,jusqu'à la stupeur des grandes vieillesses quand, peu à peu, il nous trahit. Alors seulement, les yeux s'agrandissent et les voix geignent."
Ils se sont aimés. Ils se sont donné rendez-vous lors d'un concert de Patti Smith. Elle sera dans la fosse, lui, bien sûr, fauteuil roulant oblige, placé bien plus haut.
Commence alors , entremêlé aux sensations que procure au narrateur la performance de l'artiste, un récit mêlant passé et présent. L'occasion de revisiter, de manière à la fois pudique et intense ,une existence marquée par un corps parfois incontrôlable, souvent rétif.
C'est ce rapport au corps et ce récit éclaté, plein d'une belle vigueur, cette voix vibrante que j'ai appréciés dans ce texte d'un auteur que je découvrais. A lire, même si on n'est pas spécialement fan de Patti Smith.
Stock 2019
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : nicolas houguet