Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/11/2019

Quand sort la recluse...en poche

"D'aucuns disaient que l'on ne pouvait pas toujours savoir si le commissaire était en veille ou en sommeil, parfois même en marchant, et qu'il errait aux limites des ces deux mondes."

Nous avions laissé le commissaire Adamsberg dans les brumes islandaises. Forcé de renter à Paris par un crime qu'il résout en deux coups de cuillers à pot et quelques gravillons, Adamsberg découvre bientôt une série de décès d'hommes âgés à la suite d'une morsure d'araignée, la recluse. Or, les morsures de cette arachnide ne sont pas mortelles ,mais produisent d'ordinaire une nécrose des tissus humains. Alors que les forums s'enflamment sur internet, le commissaire faussement lunaire, subodore plutôt une série de crimes. Se mettant à dos son adjoint  le cultivé Danglard, Adamsberg poursuit néanmoins ses investigations, forcément en dehors de toute procédure légale.fred vargas
Quel plaisir de dévorer ce nouveau roman de Fred Vargas ! Jouant sur la polysémie du mot recluse, elle nous balade de Paris à Lourdes en passant par Nîmes et sa région, collectant au passage quelques boules à neige, deux cuillers et des araignées en pagaille ! On y croise aussi une brigade qui se mobilise pour nourrir une famille de merles, le chat qui ne ferait pas sept mètres pour réclamer sa nourriture, autant de présences animales chaleureuses et pleines de vie.
Il serait dommage d'en dévoiler plus sur l'intrigue qui ne semble jamais suivre de ligne droite mais parvient toujours à "retomber sur ses pattes" . Elle vaut surtout par l'écriture et l'attention qu'Adamsberg prête aux mots, les collectant soigneusement dans son carnet, avant de laisser agir ses "protopensées". On imagine très bien ce qu'un romancier "classique" aurait fait de cette histoire de vengeance par delà le temps, lui ôtant tout charme et toute poésie. Laissez-vous piéger par Fred Vargas  , c'est un pur bonheur !

24/10/2019

#LitalienneQuiNeVoulaitPasFêterNoël #NetGalleyFrance

"C'est mon côté aventurière. Je saute, et après on voit s'il y a de l'eau dans la piscine ou pas."

A la suite d'un défi intellectuel (et amoureux), où "il s'agissait de démontrer que les notions de famille et d'appartenance n'étaient pas forcément interdépendantes, qu'il il était tout à fait possible de se soustraire à certaines traditions sans que ce soit un drame, que ça pouvait se passer très bien. ", Francesca, jeune italienne venue terminer ses études en France doit annoncer à sa famille que certes, elle les rejoindra à Palerme ,mais qu'elle ne fêtera pas Noël avec eux. jérémie lefebvre
Écrit a posteriori, le récit multiplie à l'envi les avertissements "dans les histoires horribles", ce qui est un peu  agaçant quand on n'est pas sensible au comique de répétition mais a le mérite d'annoncer que forcément, cette situation va tourner à l'aigre dans une famille italienne qui se veut de gauche, mais surtout italienne.
Tous ceux qui comme l'héroïne sont plutôt partagés en ce qui concerne la gabegie des fêtes de fin d'année apprécieront ce texte qui fait la part belle à l'humour, avec une narratrice pas toujours fiable, mais opère soudain un virage à 180 degrés qui rend l'expérience plutôt saumâtre. Histoire de nous mettre en garde ?
 


21/10/2019

River

"Pourquoi cette River a-t-elle une bonne moyenne générale et range-t-elle son vélo au milieu du salon  quand elle est invitée chez les gens  ?Pourquoi la vie est-elle si compliquée par une enfant compliquée ?"

"...strange, zarbi, bizarre, glauque même...", voici quelques-uns des adjectifs qu’on accole spontanément à River, bientôt quinze ans, six thérapeutes, une mère dévouée qui s'efforce de toujours traduire positivement les comportements de sa fille les plus dérangeants, un père plutôt perplexe et une sœur parfaite en tous points. Sans oublier deux grands-mères qui prennent ponctuellement le relais.
Un solide maillage familial donc , mais qui ne pourra empêcher le harcèlement de cette jeune fille par une bande de garçons manipulateurs et brutaux qui profitent du fait que River ne maîtrise pas les codes sociaux.
Avec une extrême finesse, Claire Castillon se glisse dans la peau de River, n'apposant aucune étiquette  psychologique  à l'adolescente, libre à chacun de glisser ce qu'il veut derrière cette notion de "différence" et de ne pas réduire le personnage à un "cas" médical.claire castillon,différence,harcèlement scolaire
Le récit qui ménage un formidable retournement de situation  est aussi intelligemment mené, révélant par petites touches ce qui sera le calvaire de River avant que l'adolescente ne trouve en elle-même les moyens de se sortir de cette situation . Soulignons au passage que dont les membres de l'institution scolaire ne sortent pas vraiment grandis de ce roman, mais il est vrai que la loi du silence ne les aide en rien. Un roman qui broie le cœur.

Gallimard Scripto, 2019, 185 pages qui ouvrent les yeux des plus sceptiques.

 

Et zou sur l'étagère des indispensables.

18/10/2019

Désintégration...en poche

"C'est moi qui décide à présent. J'ai gagné le seul pouvoir qui m'a toujours importé, celui de refuser une chose lorsque les conditions de celle-ci ne me conviennent pas, et , surtout, la liberté de n'en exercer sur personne."

 Son seul objectif est d'écrire. Mais ni ses études, pourtant spécialisées, ni ses origines sociales modestes ne pourront l'aider à se frayer un passage dans un univers où elle n'a pas sa place. Ses colocataires bourgeois bohèmes parisiens, souvent fils ou filles de, le lui font bien comprendre, que ce soit par des réflexions ambiguës ou lorsqu'ils feignent de l'ignorer, lorsqu'elle n'a pas les bons codes, comportement d'autant plus violent que nié.
La liberté de la narratrice s’exprime aussi dans son rapport à son corps. Elle couche avec qui elle veut ,quand elle veut, et tant pis si cela bouscule les conventions d'un milieu hypocrite.
Avec acuité, Emmanuelle Richard dépeint la vie des travailleurs précaires à laquelle son héroïne est aussi confrontée, ces gens qui s'usent le corps et l'esprit pour un travail inintéressant et mal payé qui leur laisse juste la fin de semaine pour reconstituer leur force de travail. emmanuelle richard
En opposition,s'intercalent les entrevues avec celui qu'elle appelle l'homme-fleur, producteur qui la juge d'emblée vulgaire et qui la fascine sans pour autant lui donner l'envie de vaincre La désintégration à laquelle le présent la confronte, maintenant qu'elle a fait ses preuves en étant éditée.
Comme Annie Ernaux, la narratrice a "vengé sa race" mais ici elle est confrontée à la solitude des corps et au manque de tendresse.
Un roman qui peut choquer par sa virulence ,mais une description très juste d'un monde que bien souvent nous aussi feignons d'ignorer.

17/10/2019

#ProsperàLoeuvre #NetGalleyFrance

"Sa narine droite s'ornait d'un piercing (ce petit anneau ou bijou dont les adolescents s'hameçonnent l'épiderme comme des pêcheurs de rivière maladroits) et elle avait gratifié d'un autre son arcade sourcilière gauche tant et si bien qu'on aurait dit que, mal réveillée, elle avait crocheté n'importe où ses boucles d'oreilles."

Prosper Brouillon, écrivain à succès, est torturé au début du récit par une phrase qui le laisse insatisfait. Véritable torture physique pour celui qui n'aime rien tant le "triomphe sur le marché de masse" mais va se résoudre à donner une trame policière à son nouveau roman , car "cette forme de mépris du client ne lui ressemble pas."éric chevillard
Le ton ironique est donné et nous suivons le bienheureux Prosper Brouillon dans les affres de la création, ce qui nous vaudra,  de découvrir les ficelles du métier, faute de pouvoir suivre la master classe donnée par le maître (trop onéreuse à notre goût, hélas). Nous glanerons aussi au passage quelques citations extraites de son fameux ouvrage Écrire et tricoter, c'est pareil ,le suivrons lors de salons littéraires, ou d'un passage à la télévision. Bref, nous explorerons à sa suite l’univers des écrivains à succès dont se moque ici de manière caustique et hilarante, Eric Chevillard.
Placé sous l'égide de Katherine Pancol, David Foenkinos, Alexandre Jardin, Christine Angot, Eric-Emmanuel Schmitt et Yasmina Khadra, excusez du peu, Prosper Brouillon nous gratifie de phrases ampoulées, de comparaison hasardeuse "reprise trois fois par l'auteur, celui-ci estimant sans doute que le lecteur mithridatisé en apprécierait moins douloureusement la saveur la troisième fois", de truismes claironnés avec panache et j'en oublie.
Un festival de phrases hilarantes qui n'en oublie pas pour autant de pointer du doigt le principal objectif du bien nommé Prosper: "Il ne pense qu'à son lecteur, il pense à lui obsessionnellement, avec passion, à chaque nouveau livre inventer la torture nouvelle qui obligera ce rat cupide à cracher ses vingt euros."
Décapant et jouissif.
Les illustrations sobres de Jean-François Martin ajoutent au plaisir de la lecture.

Éditions Notabilia 2019.

Du même auteur, pouvant être lu indépendamment : Défense de Prosper Brouillonclic.

05/10/2019

Comment t'écrire adieu...en poche

"J'ai fait payer de longues années à mon frère de onze ans les posters de Samantha Fox et Sabrina ; et moi, femme adulte, cérébrale somme toute, et armée de convictions inversement proportionnelles à celles de mes bonnets, je me fais cueillir par cette blonde peroxydée, fluette mais qui s'est fait rajouter des seins comme si elle devait instamment exercer la profession de nourrice." [Il s'agit de Dolly Parton].

R. est parti. Sans dire adieu à Juliette qui, du coup, revisite via quatorze chansons éclectiques la bande sonore de sa vie. Elle décortique à sa manière drôle et futée les paroles de ces viatiques singuliers et revient sur cette histoire d'amour chaotique, ses fêlures, son enfance, son chien Gros, ses amis, ses amours précédentes, ses fixettes, le tout avec panache.5147ydvDuTL._SX301_BO1,204,203,200_.jpg
le texte de Juliette Arnaud pâtit un peu de cette volonté de vouloir tout dire en une seule fois,en vrac, mais c'est avec une sincérité désarmante. On retrouve avec beaucoup de plaisir le style si reconnaissable de la chroniqueuse de France Inter (dans l'émission Par Jupiter) et si la fin est un peu abrupte, on a néanmoins passé un très bon moment avec cette fille très sympathique dont on aimerait bien faire sa copine

03/10/2019

Mon autopsie...en poche

"J'ai toujours eu peur de l'attendrissement.
La sensibilité me semblait une faiblesse qu'il fallait cacher.
J'ai essayé d'être dur. Je crains d'avoir réussi."

C'est à une double autopsie que nous convie Jean-Louis Fournier: celle de son corps (dont il a fait don à la science), qu'il imagine réalisée par une très jolie étudiante ( charmeur jusqu'au bout des os, Jean-Louis), celle de son âme, qu'il se réserve.
Quand on est familier de l’œuvre du créateur d'Antivol ou de la Noiraude, on retrouve ici les membres de sa famille évoqués dans ces précédents ouvrages, mais ici l'auteur se livre à une sorte d'examen de conscience sans complaisance et n'hésite pas à nous livrer certains aspects de son caractère ou de son comportement pas forcément sympathiques.jean-louis fournier
Il n'en reste pas moins que l'humour s'invite régulièrement , souvent en fin de chapitre, et que la fiction de l'autopsie corporelle apporte la distance nécessaire à ce qui aurait pu devenir un exercice trop auto centré. Une nouvelle fois, l'auteur de La servante du seigneur tend les bras métaphoriquement parlant à sa fille qui s'est éloignée de lui. Une œuvre sensible et touchante qui manie l'humour noir avec dextérité

02/10/2019

Valentine ou la belle saison...en poche

"Tu en connais beaucoup des familles où tout le monde s'aime, se parle sans hypocrisie ni jalousie, et ne cache rien à personne ? "

A l'aube de la cinquantaine, Valentine et son frère aîné, Frédéric, vont devoir faire face à de nombreux bouleversements.
Sur fond de campagne électorale présidentielle ,chacun d'entre eux va devoir affronter à sa manière et "digérer" des secrets de famille façon poupées russes , secrets d'autant plus violents qu’ils les obligeront à faire le deuil de l'image idéalisée de leurs parents.anne-laure bondoux
Pour ne rien arranger, Fred comme Valentine doivent simultanément faire face à des tourments personnels...
Centré sur le personnage de Valentine, femme qui a bien du mal à accepter et son corps et la réalité, le roman d’Anne-Laure Bondoux se révèle addictif tant il excelle à croquer des personnages pleins de vie, de doutes mais d’énergie aussi.
Interrogeant les liens subtils, et parfois tortueux, qui unissent frères et sœurs, il brosse aussi en arrière plan le désenchantement d'une certaine gauche idéaliste.
Même si la fin me laisse dubitative, j'ai dévoré à belle dents ce roman qui fleure bon la joie de vivre malgré tout.

01/10/2019

Les silences sauvages

"...elles font partie de celles qu'on ne regarde pas." En butte à l'hostilité du monde pour des raisons principalement économiques, mais pas que, elles puisent dans leurs ressources intérieures, mais aussi dans leur rapport à la nature, de quoi tenir bon.
Un triptyque de textes donc, pour trois femmes dont le destin serre le cœur pour des raisons différentes.
Il y a d'abord l’héroïne de Sirène, à qui semble s'offrir une seconde chance mais qui sera rattrapée par la violence imbécile . Elle préfèrera confier son destin à l'eau et au brouillard. karin serres
Puis, la jeune femme de Chien qui ruse pour qu'on ne se rende pas compte de sa situation dans une société qui feint d'interpréter comme ça l'arrange les indices de plus en plus visibles de sa détresse. Récit central, il comporte des scène qui m'ont juste broyé le cœur, tant elles sont insoutenables.
Quant à la dernière, c'est celle qui semble la mieux insérée dans la société, mais qui ne possède pourtant qu’un seul tailleur pour assister à une réunion à l'étranger , l'occasion de s'ouvrir au monde et de s'intéresser à un animal océanique étrange, la Limule. Une échappée belle qui clôt ces récits sur une respiration bienvenue.
Entre onirisme, poésie et réalité brute, Karin Serres dépeint avec acuité et sensibilité un univers qui est à la fois le notre et pas tout à fait. Des portraits bouleversants. Une belle découverte.

 

Merci aux éditions Alma  et à Babelio.karin serres

30/09/2019

L'horizon qui nous manque

"Chacun connaît de ces moments maladifs, comme à battre des bras et des jambes dans la semoule, comme à essayer de s'accrocher aux lambeaux de son existence, et les paroles perdent en logique et en sens, et les gestes semblent indépendants de toute conscience."

Dans un espace naturel , miraculeusement préservé, entre Dunkerque et Gravelines, trois marginaux tentent de cohabiter. Le premier installé, Anatole, retraité, fabrique des oiseaux de bois flotté, supposés être des leurres destinés à la chasse.La deuxième, Lucille, institutrice en rupture avec l’Éducation Nationale, est désabusée depuis le démantèlement de la jungle de Calais où elle s'était investie auprès des migrants. Quant au dernier, Loïk, il est bien trop imprévisible pour ne pas retomber dans ses anciens travers qui l'ont déjà mené derrière les barreaux.pascal dessaint
Même si la fraternité existe entre ces personnages qui partagent un goût certain pour Jean Gabin, on est bien loin  de l'esprit d'Ensemble c'est tout . Ici, la tension est quasi permanente et l'on sent bien, entre une tournée de moules-frites ou un concours improvisé de décorticage de crevettes, que tout peut basculer sur un malentendu car "Quand il n'y a plus rien à gagner, on peut continuer à tout perdre...".
Un roman noir, ponctué de chansons des  Rubettes et autres Mike Brant, où l'on arpente les plages du Nord, où l'on suit une chouette, où l'on découvre ce qui fait la culture populaire d'un territoire marqué par l'Histoire , l’industrialisation et la crise économique. Du grand Dessaint.

Rivages 2019, 218 pages iodées.