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24/09/2020

Les impatients...en poche

"Une voix enthousiaste généreuse en qualificatifs dit ce qu'on voit: une femme de tête, femme d'intérieur, femme d’affaires, femme de chiffres, femme d'avenir, femme de pouvoir, femme de terrain, femme de goût. C'est fou  tout ce qu’une femme doit être pour qu'on en parle, s'étonne à cinquante kilomètres la Reine Mère assistant à la pimodiffusion, c'est moi ou on n'avance pas ? "

A trente-deux ans, Reine entame sa deuxième vie. Après avoir suivi jusqu'à présent un parcours sans faute où,  passant par une école de commerce, elle a jeté son dévolu sur un de ses professeurs, devenu un compagnon  avisé mais vaguement ennuyeux, la jeune femme choisit de délaisser le salariat et de devenir entrepreneuse.maria pourchet
Qu'elle ait rencontré Marin, spécialiste des algues n'y est pas pour rien, mais le jeune homme ne sera pas de l'aventure: le voilà voguant vers l'Antarctique dans la cadre d'une mission professionnelle.
Pas grave, Reine qui vit à 200 pour cent, on découvrira vers la fin du roman pourquoi, aura à ses côtés son meilleur ami, Étienne. Issu de le la classe ouvrière, le trentenaire rêve de devenir calife à la place du calife, comprendre : remplacer le PDG increvable de sa boîte.
Le roman de 188 pages file à toute allure, comme ses personnages, décortiquant au passage avec acuité les rouages d'un monde qui se donne l’illusion d'être sans cesse en réinvention, mais qui reste néanmoins très codé.
Combinant avec tendresse et humour, la romance et la sociologie, Les Impatients est un roman à la fois drôle et caustique qui demande une seconde lecture afin de mieux le savourer.
La narration englobant avec le "on" ou le "vous" le lecteur, le prenant souvent à témoin, fonctionne parfaitement mais nous laisse un peu frustrés: on en reprendrait bien encore un peu (beaucoup).
Gallimard 2019

Et zou sur l'étagère des indispensables !

31/08/2020

les gratitudes...en poche

"Je chéris le tremblement de leurs voix. Cette fragilité. Cette douceur. Je chéris leurs mots travestis, approximatifs, égarés , et leurs silences."

Même s'il y a bien eu des signes avant coureurs, c'est venu d'un coup:  Michka la vieille dame chérie par Marie, ne peut plus rester seule. Les mots lui échappent de plus en plus et elle est tombée dans son salon.
Placée en Ehpad , la vieille dame reçoit régulièrement la visite de Marie,ainsi que celle d'un orthophoniste, Jérôme.9782253934288-001-T.jpeg
Leurs points de vue , ainsi que celui, biaisé de Michka, qui raconte de manière cauchemardesque des événements dont on ne sait s'ils sont réels ou rêvés, alternent pour brosser de manière sensible et tendre le portrait de cette femme qui s'éloigne de plus en plus de celle qu'elle a été.
Tourmentée par une gratitude qu'elle n'a pu exprimer, Michka sera aidée par ses deux amis pour mener à bien cette mission.
On ne peut qu'être séduit par la délicatesse dont fait preuve à son habitude Delphine de Vigan.
Seul bémol : la volonté de vouloir à tout prix terminer sur une note trop optimiste, ce qui gâche un peu le plaisir du lecteur.

30/08/2020

Bacchantes...en poche

e vin est devenu un investissement , soigneusement gardé ,dans d'anciens bunkers à Hong-Kong. Alors qu'un typhon menace, faisant grandir la tension dramatique, trois femmes réussissent à s'introduire dans ce lieu ultra sécurisé. Commence alors un face à face entre les braqueuses ultra chic retranchées à l'intérieur et les forces de police dirigée par Jackie Thran...418RokujgJL._AC_UY218_.jpg
En un peu plus d'une centaine de pages , Céline Minard revisite le film de braquage, en une version ultra sophistiquée, qui bouleverse les règles du genre. Ses héroïnes sont de contemporaines Bacchantes qui redonnent tout son sens au breuvage célébré par Bacchus. C'est élégant et mené de main de maître.

27/08/2020

La belle Lumière

"Ce paysage est celui d'une contrée dont la langue est plus hermétique que le sanskrit ou le japonais. Car ce n'est pas d'une langue qu'il s'agit, bien sûr, c'est d'un corps, un corps combattant."

D'Helen Keller on connaît bien sûr l'histoire extra-ordinaire de cette enfant devenue sourde, muette et aveugle  qu'une éducatrice hors-normes parviendra à faire communiquer avec le monde extérieur, de manière à ce qu'elle soit "Accueillie dans le monde des hommes."Livres, films déclinent à l'envi cette renaissance et font d'Helen une figure emblématique.angélique villeneuve,helen keller,kate keller
Angélique Villeneuve, elle, choisit de mettre en lumière la mère d'Helen, Kate, de montrer leur relation fusionnelle , pétrie d'amour et de culpabilité, et la déchirure que représente  la nécessité de la séparation pour qu'Helen puisse ne plus être envisagée comme un cas désespéré.
Nous sommes en Alabama en 1880, les tensions raciales  sont toujours présentes et les libertés des femmes sont réduites à la portion congrue. Pourtant, Kate parviendra à lever tous les obstacles pour que Helen  ne soit plus  cette "petite fille folle que le monde voudrait savoir morte."
Avec La Belle Lumière, l'autrice de Maria poursuit son exploration fouillée et sensible des thèmes qui irriguent son œuvre : le corps féminin,  la maternité et  la place accordée aux femmes par la société. Elle brosse ici un portrait riche et marquant d'une mère restée dans l'ombre, comme c'est trop souvent le cas. L'écriture est fluide, enlevée et rend compte au plus près de la relation entre les corps féminins. Un livre magnifique.

Éditions le Passage 2020, 238 pages piquetées de marque-pages.

Sur le blog d Antigone, plein de liens !

24/08/2020

Les billes du pachinko...en poche

"Ce n’est pas ma faute, je pense, si je ne raconte rien. Si j'oublie le coréen. Ce n'est pas ma faute si je parle français. C'est pour vous que j'ai appris le japonais. C'est les langues des pays dans lesquels on vit."

Claire passe l'été chez ses grands-parents Coréens du Sud que la guerre a exilés depuis cinquante ans à Tokyo. La communication est difficile car ses grands -parents vivent dans une enclave coréenne et refusent de parler la langue de leur pays d'accueil.Pourtant, l'amour est bien présent et circule entre les générations.
Ses grands-parents différant toujours le projet de visiter leur pays natal, Claire, pour occuper son temps donne des cours de français à une jeune japonaise, Mieko, élevée seule par sa mère.elisa shua dusapin
Comme dans le précédent roman de Elisa Shua Dusapin, Hiver à Sokcho,( découvert en poche récemment et que j'ai beaucoup aimé ), en apparence, il ne se passe presque rien, mais la romancière excelle à peindre ce qui est tu et ne se devine qu'à partir de notations ténues. Un roman vibrant et émouvant.

Les grands cerfs ...poche

"Je découvrais "l'effet affût": le monde arrive et se pose à nos pieds comme si nous n'étions pas là. Comme si nous n'étions pas, tout court. On constate que le monde se passe de nous. Et même davantage: il va mieux sans nous."

"Un tonnerre de beauté", telle est la première métaphore pour désigner l'un de ces êtres magnifiques qui donnent son titre au nouveau roman de Claudie Hunziger. Cette apparition nocturne, dans la lumière des phares le 29 octobre 2017 va déclencher une nouvelle étape d'un processus né de la rencontre avec un photographe animalier se consacrant uniquement aux cerfs, Léo.claudie hunzinger
Ce dernier a demandé à la narratrice -qui ressemble fortement à l'autrice-,des années auparavant, l’autorisation d'installer un affût sur un terrain des Hautes-Huttes, nouvelle appellation à ce lieu retiré ,parfois appelé Bambois dans d'autres textes de Hunziger. A commencé alors une amitié en pointillés, Léo toujours sur la réserve, pendant laquelle le photographe a distillé ses connaissances sur les différents cerfs de ce coin des Vosges.
La narratrice , fascinée par la beauté des cervidés, prend aussi conscience des enjeux économiques qu'ils représentent pour des intérêts contradictoires: ceux des chasseurs et ceux de l'Office National des Forêts. Intérêts contradictoires mais ayant quand même pou runique résultat la destruction des cerfs.
Ce roman est une splendeur,  par la langue, à la fois ultra précise concernant le vocabulaire spécifique lié aux cerfs, que poétique. C'est à un véritable bain de nature que nous convie Claudie Hunziger, bain alarmiste toutefois car l'autrice tire aussi la sonnette d'alarme sur la disparition des espèces animales et végétales, qu'elle a pu elle-même constater en une dizaine d'années.
Un roman qui file sur l'étagère des indispensables

23/08/2020

Trencadis

"Trencadis est le mot (catalan) qu'elle retient. une mosaïque d’éclats de céramique et verre , lui explique-t-on. De la vieille vaisselle cassée et recyclée pour faire simple. Si je comprend s bien le Trencadis est une cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l'unique pour épanouir le composite, broyer le figé pour enfanter le mouvement, briser le quotidien pour inventer le féérique, c'est cela ? Elle rit: ça devrait être presque un art de vie, non ? "

Caroline Deyns, dans ce roman a choisi de privilégier des moments forts de la vie de Niki de saint Phalle. Une vie où le corps féminin est extrêmement présent  car "Le fait est qu'elle possède un corps à géométrie variable, extraordinairement réactif au milieu qui l'entoure, des tripes modulables et rétractiles qu'un espace charpenté au cordeau parvient à compacter au format cube à angles aigus."
Un corps d'abord sujet , objet des violences de la mère (coups de brosse) puis abus sexuels du père, un corps qui lui permettra de devenir modèle de mode, puis sujet quand la rebelle deviendra une artiste s'emparant de toutes sortes de formes artistiques.caroline deyns,niki de saint phalle
Une femme qui vivra plusieurs passions amoureuses, dans une grande liberté bien en avance sur son époque, qui extraira de son "magma d'émotions intimes", des œuvres toujours accessibles comme le souligne  Carolyne Deyns. Et l'écriture de devenir un flot charriant les émotions de Niki, mais aussi une peinture sans affèteries du corps vieillissant de l'artiste, imaginant le dialogue par delà la mort avec Jean Tinguely , qui fut à la fois son compagnon dans la vie et dans l'art.
Un roman plein d’énergie qui rend compte avec talent d'une existence riche et multiple.

Quidam 2020

 

Une lecture qui vient compléter cette courte biographie : clic

22/08/2020

#Histoiredufils #NetGalleyFrance

"Ce don qu'il avait toujours eu de se sentir partout à sa place, légitime et désiré, venait de là, de Chanterelle, du nom, de la mère, de la maison, des terres, de l'air cru."

Se jouant de la chronologie, Marie-Hélène Lafon retrace l'histoire de deux familles qui n'apprendront que bien plus tard comment leurs destins se sont imbriqués et incarnés en la personne de ce fils qui donne son titre au roman. Deux familles, mais aussi deux terroirs et deux noms, car tout est ici fortement lié.
Cette structure éclatée déroute un peu le lecteur, au début,  mais la langue  drue de l'écrivaine nous soutient et nous emporte au fil du récit et nous nous attachons à ces personnages que nous apprenons peu à peu à identifier au sein du schéma familial.marie-hélène lafon
Si le plaisir de lecture était bien présent, j'ai néanmoins eu l'impression d’être tenue à distance par ce roman,  dont à mon avis, la vraie héroïne est la figure forte de la mère biologique, femme atypique mais qui nous demeure néanmoins quelque peu opaque.

Buchet-Chastel 2020marie-hélène lafon

 

21/08/2020

On fait parfois des vagues

"[..]; si la certitude est un pays, l'esquive est un empire- et mon père maîtrise cet art aussi bien que le badminton."

A dix ans, le narrateur , Nicolas, apprend qu'il est né d'un don de gamètes et que le père qui l'élève n'est donc pas son père biologique. "En grandissant, je prends l'habitude de vivre à côté de mon père sans en ressentir pleinement la présence, comme si ses contours avaient été floutés pour qu'il se fonde dans le décor; comme s'il était devenu presque invisible- une sorte de décalcomanie, à la Magritte, une silhouette à travers laquelle on voit tout mais qui n'est rien." Aucun reproche à faire à ce père mais les deux hommes s'éloignent peu à peu, le silence qui a suivi la révélation a laissé des traces.arnaud dudek
Devenu adulte, Nicolas va à la fois décider de partir à  la recherche du donneur bienveillant, mais aussi d'écrire un récit de filiation car "[...] ouais, la vie est foutrement tordue, mais elle ne peut pas s'échapper quand je l'emprisonne entre mes lignes, alors-là, j'en fais ce que je veux."
Pouvoir des mots, pouvoir du créateur qui peut écrire à sa façon le roman familial, et faire preuve d'empathie envers ce père disqualifié par la nature et par la société aussi d'une certaine façon.
On retrouve ici l'écriture faussement simple d'Arnaud Dudek, son extrême sensibilité, sans jamais tomber pour autant dans la sensiblerie .
Si on dévore d'abord ce roman, avec l'envie de savoir ce qu'il 'il va advenir de ces pères et de ce fils, on prend ensuite le temps de le savourer pour mieux apprécier la délicatesse et la force d'émotion de ce roman. Une grande réussite !

Éditions Anne carrière 2020.

Laisser des traces...en poche

"En d'autres termes, l'engagement politique est un fragile équilibre entre détermination et doutes. Naguère, Maxime a jonglé sur ce fil; ensuite, il est tombé."

D'extraction modeste, Maxime Ronet a très tôt eu envie de Laisser des traces. Après avoir intégré par la petite porte les rangs du Mouvement, nouveau parti politique, présentant d’étranges ressemblances avec un parti que chacun pourra aisément identifier, il devient ensuite maire de la commune de Nevilly.
Le nouvel édile, nonobstant quelques petits accrocs dans son parfait parcours ,se laisse porter par son ambition jusqu'à ce qu'un fait divers le fasse basculer, puis reprendre pied.arnaud dudek
Grâce à Arnaud Dudek, on a l'impression d'être une petite souris et  de visiter, comme si on y était les coulisses du pouvoir, que ce soit celles d'un parti politique ou celles d'une municipalité .
Nourries de digressions parfois malicieuses (l'érection de la statue d'Hégésippe Simon, par exemple), les pages se tournent toutes seules ou presque. On suit le parcours  de ce jeune homme, qui se perd parfois en route, mais retrouve son humanité de justesse avec autant de bienveillance que l'auteur.
Le propos sonne juste, soulignant les défauts mais aussi les espoirs que chacun peut placer en ces hommes et femmes politiques qui, à l'instar de Maxime Ronet, voudraient impliquer davantage les électeurs et voir "comment changer le système en en faisant partie." Vaste programme...