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10/03/2021

les Fragiles

"Jérémiade s'était réveillée comme une héroïne  de série télé, ravie de fairesociété . Avec des choses à faire, des cheveux bien coiffés, un plan de carrière extraordinaire. même son legging en Lycra respire l'envie d'en découdre. Finies les migraines et la mélancolie poisseuse, finis les pied sur le linoléum, terminée la télécommande imprimée sur le cul à force de s'asseoir dessus. Elle marche d'un pas alerte et sûr."

Depuis cinq ans  une épidémie inattendue de suicides  sévit. Ceux qui sont désignés sous l'appellation de Fragiles  parce qu'ils n'affichent pas le bonheur obligatoire  et l'équilibre mental de rigueur sont regardés d'un mauvais œil, ostracisés et remisés, pour leur bien (est-ce si sûr ?) dans des établissements spécialisés dont il est très difficile de sortir.maud robaglia
 C'est donc le parcours de Jérémiade la bien  nommée que nous propose de suivre dans ce premier roman Maud Robaglia. Parcours qui a tout du calvaire mais qui , par un revirement inattendu ,verra la rédemption de ces Fragiles dont Jérémiade sera la figure emblématique. mais un tel revirement peut-il vraiment se faire dans l'intérêt de ceux dont la société ne peut s'accommoder ?
Noir, d'un humour très noir, allant au bout de sa démonstration, Les Fragiles est un roman  politique qui tend un miroir à peine déformant à notre société de la performance.

 

Éditions du masque 2021, 188 pages d'une autrice à suivre.

 

05/03/2021

Un si petit monde

Envisager l'évolution des habitants (ou ex-habitants) d'un groupe scolaire (des instits donc) à partir de la chute du mur de Berlin était attrayant mais peut être parce que je n'avais pas lu le premier volume , L'escapade, je suis restée sur ma faim. jean-philippe blondel
Les personnages m'ont paru à la limite de la caricature, leurs revirements parfois télescopés et le tout distille un ennui poli.

01/03/2021

Vue mer

"Stefan incarne le mouvement, la vie au pas de course, l'activité avant tout. il ne se laisse ni dépasser ni submerger. Aucune paralysie-affective, sentimentale, familiale-, aucune entrave, il gère, il avance. Comme le temps."

Stefan , pour une fois, se tient en retrait et ne démarre ni sa voiture, ni sa journée. Mentalement, ce chef d’entreprise manipule comme des marionnettes ses collaborateurs, prévoyant leurs agissements, leurs réactions face la nouvelle qu'il laisse à son associée le soin de leur annoncer. Une nouvelle qui va bouleverser leur routine bien huilée.colombe boncenne
En un peu plus de cent vingt pages, Colombe Boncenne bosse une satire sociale malicieuse, multiplie les références littéraires (Françoise Deprouste, Bart El' Bye) ou plus contemporaines (Maria Quaraie), entrecoupe son récit de poèmes d'ascenseur et observe avec acuité la vie de cette fourmilière d'entreprises modernes regroupées dans une tour.
Elle souligne le formatage des prétendues élites , la vacuité des comportements si prévisibles de chacun des rouages de cette entreprise. Une pirouette finale permettra de dégonfler les egos en beauté.

Zoé 2020.

25/02/2021

Jour de courage...en poche

"Il ne fallait pas être bien malin pour comprendre que depuis quarante minutes, Livio parlait de lui, de sa fragilité, de son impossibilité à trouver sa place, il était visible qu'il avait recherché comment l'homosexualité avait été abordée dans les différentes sociétés au fil des époques, et Arthur avait été le premier à voir venir, à sentir monter en lui une violence qui devenait impossible à contenir."

Qui dans cette classe de lycée avait déjà entendu parler de Magnus Hirschfeld ,ce médecin juif-allemand qui dès le début du XXème siècle avait lutté  en Allemagne pour les droits des homosexuels et avait mis en place un institut étudiant la sexologie ? Personne, peut être même pas la prof d'histoire.
Pourtant, Livio, dix-sept ans, volontaire pour prendre en charge un exposé sur les premiers autodafés nazis, va retracer le parcours exceptionnel de cet homme, une manière pour lui de faire comprendre publiquement ce que même sa meilleure amie se refuse à voir.
Un "passage obligé" dont Brigitte Giraud rend compte au plus près, dans ces 156 pages, retraçant non seulement l'exposé et ses digressions, mais aussi les réactions du public du jeune homme. Le corps de l'adolescent est au centre du dispositif, ce grand corps qui trahit la souffrance de Livio qui peine à trouver sa place non seulement au sein de ses pairs, mais surtout au cœur de sa famille, dont l'histoire familiale repose sur ses fragiles épaules.41BTst5l27L._SX307_BO1,204,203,200_.jpg
Un roman intense qui rappelle que , quelle que soit l'époque, "Là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes", citation de Heinrich Heine que Livio aurait dû écrire dès son introduction, oubli révélateur du véritable objet de son exposé.

08/02/2021

Age tendre

"[...]; je me suis soudain senti comme arraché à mon vrai monde , placé de force dans un monde sans justesse, sans joliesse et sans joie et ça me semblait extrêmement injuste.
Alors j’ai erré, erré et j'ai trouvé un magasin de peinture.

Age tendre et tête de bois *, ajouteront par automatisme tous ceux qui ont connu les années soixante, et cela conviendrait ma foi fort bien à dépeindre en partie Valentin, astreint à faire son service civique dans les Hauts de France.
Le collégien (il entrera en classe de seconde à l'issue de cette mission) est en effet arcbouté sur un certain nombre de certitudes ,surtout dues à sa méconnaissance de  la vie et de ses fluctuations
et qui le rendent parfois cruel sans qu'il s'en rende bien compte.clémentine beauvais
Son stage dans un centre pour personnes âgées atteintes d’Alzheimer va lui permettre de s'épanouir en découvrant les années 60, minutieusement reconstituées afin de reproduire l'univers qu'ont connu les pensionnaires dans leur jeunesse.
Sa première mission sera de faire venir un sosie de Françoise Hardy afin de satisfaire une pensionnaire persuadée d'avoir gagner un concours dans feu Salut les copains !
C'est le rapport de stage de Valentin "Le rapport ne devra pas dépasser trente pages dactylographiées.[...]

Longueur : 378 pages

(J'ai dépassé.) "

que nous lisons , avec ses maladresses, son humour involontaire et nous découvrons surtout son évolution depuis le langage stéréotypé qu'il s'applique à reproduire , avant de s'en affranchir et de laisser la part belle aux émotions, aux repentirs, aux précisions rétrospectives, aux réflexions sur l'écriture et la fiction.
Clémentine Beauvais fait le choix de ne jamais poser d'étiquettes sur ses personnages , jeunes ou vieux, ne les enferme jamais dans une catégorie( sexuelle, médicale ...)  et ne tombe jamais dans les bons sentiments , même si on sent beaucoup de bienveillance et d'amusement.
Elle choisit de les faire évoluer dans un monde qui pourrait être le notre très bientôt , ou pas,se permet quelques jolies entorses à la réalité (les pensionnaires boivent du champagne) et brosse un portrait plutôt sympathique et poétique de ma région,  tout cela avec beaucoup de fluidité. Bref, c'est une réussite !

Éditions sarbacane

*Nom d'une émission de variétés des années 60 .

27/01/2021

Les Bordes

"Elle avait perdu la possibilité de ne rien craindre"

Comme chaque année, il faut aller aux Bordes, chez les Bordes, sa belle-famille, pour le pique-nique familial. Une véritable corvée pour Brune,  la narratrice, qui a été d'emblée disqualifiée par ses beaux-parents, nous comprendrons pourquoi au fil du texte.aurélie jeannin
Que ce soit durant le trajet ou le court séjour , cette juge ne cesse d'envisager tous les dangers qui pourraient guetter ses enfants, Hilde huit ans et Garnier quatre ans. Une angoisse perpétuelle qui sature chaque page du roman  et ne fait qu'aggraver la fatigue de cette mère de famille.
Angoisse exacerbée qui prend sa source à la fois dans son travail mais aussi dans son passé.
Aurélie Jeannin révèle l'envers des clichés sur la maternité heureuse ou les relations au sein d'une fratrie ,de façon nuancée mais sans fards. C'est douloureux mais chaque mère pourra s'y reconnaître, ne serait-ce que partiellement. Quant au récit, il ne pourra échapper à sa folle logique. Un roman dérangeant.

Merci à l'éditeur et à Babelio.

Harper Collins 2021, 228 pages.

De la même autrice, en poche, clic.

26/01/2021

L'instruction

Un juge d’instruction inexpérimenté reprend une affaire qui avait probablement conduit son prédécesseur  au suicide, dossier que visiblement tout le monde voudrait oublier.antoine brea
Alternant avec ce récit, une autre histoire , tout aussi sombre et qui, évidemment , va rejoindre la première, la rendant encore plus sinistre. Plus que le récit c 'et l'atmosphère de délitement généralisé que je retiendrai de ce roman  à l'atmosphère étouffante et quasi désespérée. Un portait de l'univers carcéral, de la justice, de la police d'une noirceur extrême.

 

Le Quartanier 2021.

25/01/2021

Et par endroits ça fait des noeuds

Quand on a une vingtaine d'années, on ne s’attend vraiment pas à faire un AVC. C'est pourtant ce qui arrive en 2017 à Camille Reynaud, qui séjourne alors en Espagne.camille reynaud
Les symptômes n'ont au départ rien d'alarmant: des maux de tête persistant, des troubles de la vision puis de la mémoire et de la parole. Il faudra trois jours pour que son état soit pris au sérieux et le diagnostic posé.
Son corps lui échappant, par cette autofiction qui convoque de multiples références artistiques , philosophiques, la jeune femme se le réapproprie . Elle affirme sa parole, n'hésitant pas à reproduire les quatre pages de la notice d’utilisation énumérant les effets secondaire possibles d'un traitement qui lui a été garanti n'en avoir aucun, alors même que l'utilité  de ce médicament est sujette à caution...
L'écriture est fluide, fouillée, mais jamais ennuyeuse et on dévore ce roman plein de vie.

 

Autrement 2021, 304 pages.

22/01/2021

Le complexe de la sorcière...en poche

"Je lui parle des innocentes qui finissaient par croire ce dont on les accusait, je lui parle ses exécutions. Je lui raconte ce qui m’arrive. Je lui dis que ces histoires me rappellent des souvenirs qui n'ont rien à voir avec les chasses elle-mêmes."

Alors qu'elle vient d'emménager avec l'homme qu'elle aime, la narratrice voit en rêve une femme  qu'elle identifie bientôt comme étant une sorcière. Elle entame alors des recherches et découvre que le Moyen-Age et les sorcières ne sont pas liés, mais que les chasses aux sorcières ont eu lieu au XV ème siècle en France.
Elle se demande alors quel est l'impact de ces chasses aux sorcières , dûment organisées , sur le psychisme des femmes.isabelle sorente
Au fur et à mesure de ses recherches, lui reviennent en mémoire des souvenirs occultés: celui du harcèlement dont elle avait été victime au collège et dont elle analyse patiemment les rouages, soulevant ainsi le poids du non-dit familial. L'analyse qu'elle poursuit en parallèle l'aide également à établir des liens entre ses propres souffrances et les traces que deux siècles de terreur pourraient avoir laissées dans la psyché féminine. Entre roman, autofiction et essai, un texte intense, original et fort qui parlera à tous ceux qui s'intéressent aux rouages de l'esprit humain.

20/01/2021

Ce qu'il faut d'air pour voler

"Il y a  dix-huit ans, j’étais une jeune femme en train de devenir maman. Je dois maintenant parcourir le chemin inverse."

Les seize photos de couverture montrent bien ce qui est en jeu, au moins en partie dans ce roman qu'on devine imprégné d’autobiographie: la mue fascinante de l'enfance à l'âge adulte (jeune adulte, plutôt). Mais il est aussi question de l'émancipation de la mère-narratrice qui passera elle aussi par de nombreuses étapes, se libèrera des normes bourgeoises avant de trouver ses propres voies d'expression : la photographie, la littérature.sandrine roudeix
Adressé à cet enfant avec qui elle a vécu très souvent en duo, même si le père reste présent et même si la mère a eu des compagnons, ce texte peut dans un premier temps troubler par la mise à nu qui est faite de leurs relations, mais très vite on se laisse emporter par un récit qui trouve la bonne distance.
Élaboré à partir de photos qui nous demeurent invisibles, ce texte ne frustre pas pour autant son lecteur, tant l'écriture est limpide. Sorte de longue lettre d’amour à celui qui revendique sa liberté, ce roman se dévore d'une traite.

Le passage 2021,219 pages.