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18/01/2021

Ce matin-là

"Clara se dit qu’elle voudrait trouver un lieu où poser ce qui la transperce. Pour s'asseoir et écouter le silence."

Ce Matin-Là, son véhicule ne veut pas démarrer. Le corps de Clara non plus ne lui obéit plus. Incapable de prévenir qui que ce soit , la jeune femme peine à regagner son appartement. Ce matin-là et beaucoup d'autres ensuite, elle ne pourra plus "en découdre avec la vie".gaëlle josse,burn-out
Récit d'un burn-out qui ne dira jamais son nom, le roman de Gaëlle Josse cerne au plus près et en un peu plus de deux cents pages ce corps qui lâche, qui regimbe et force Clara à reconnaître sa fragilité, sa vulnérabilité.
Pourtant la "reverdie" s'amorcera progressivement, à partir d'un rien, un bouquet de tulipes qui tente la jeune femme , à partir d'une amitié fidèle par-delà les années.
Avec délicatesse, poésie même , Gaëlle Josse nous livre ici un livre précieux comme un talisman et qui atteint bien le but qu'elle s'était fixée en le rédigeant :
" J'ai voulu un livre qui soit comme une main posée sur l'épaule."

Un livre qui ne peut que filer sur l'étagère des indispensables.

Éditions Notabilia

08/01/2021

La folie de ma mère

"Enfant, tu m'as toujours effrayée. Pourtant tu n'étais pas méchante. Tu imposais peu de choses, les choses s'imposaient. La zone dangereuse n'était indiquée nulle part. Mais l’enfance est poreuse aux exhalaisons adultes. "

 

En un peu plus de 120 pages, Isabelle Flaten réussit un tour de force : nous raconter, de manière épurée et bouleversante, l'histoire d'une relation mère-fille placée sous le signe du déni, du mensonge ,de la folie, mais aussi de l'amour.
Quand "Rien ni personne n'est fiable.
", comment parvenir à se construire ? La narratrice y parviendra quand même et ,adulte, découvrira un secret de famille  qu'elle était la seule à ignorer.isabelle flaten
On est happé par ce texte  pudique, qui ne tourne jamais au règlement de compte, utilise avec brio les ellipses, sans jamais perdre de vue son lecteur, et ne tombe pas dans le pathos. J'ai été tenue en haleine, remuée au plus profond de moi et suis sortie la gorge nouée de cette lecture.

Et zou, sur l'étagère des indispensables !

Le Nouvel Attila 2020.

De la même autrice : clic

A noter la magnifique illustration de couverture de Juliette Lemontey.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

07/01/2021

Le consentement...en poche

"J'aurai quatorze ans pour la vie. C'est écrit."

Parce que je me souvenais très bien d'une prestation de celui que Vanessa Springora appelle G. dans l'émission de Bernard Pivot, et surtout de l'impression de malaise qu’avait suscité chez moi cet homme à la fois cynique et arrogant, j'ai décidé de lire ce roman.vanessa springora
Il aura fallu trois décennies à l'auteure pour qu'elle s'autorise à relater et à analyser au plus près ce qu'adolescente elle avait vécu, ce qu'elle croyait être une histoire d'amour avec un écrivain de cinquante ans ,alors très en vue dans le milieu littéraire. Trente ans pour analyser ce phénomène d’emprise parfaitement rôdé pour celui qu'elle identifie maintenant comme étant un ogre.
On reste sidéré par le laisser-faire des adultes entourant la très jeune fille, par le cynisme de celui qui n'hésite pas à s'emparer tout à la fois de son très jeune corps, sans jamais pour autant la forcer physiquement, et d'une certaine façon de son âme en la réduisant à un personnage d'une histoire qu'il réécrit à sa façon, se donnant bien sûr le beau rôle. Mais la réalité est bien plus sordide car celui qui prétendait être un amant hors pair pratique en fait une sexualité pauvre et mécanique.
Psychiquement abîmée, la jeune fille mettra longtemps à retrouver un équilibre affectif. L'écriture de ce texte est en tout cas une magnifique réappropriation de ce que lui avait sournoisement dérobé G.

06/01/2021

Le bonheur est au fond du couloir à gauche

"Depuis l'enfance, on nous répète que nous sommes libres de réaliser nos rêves. On nous oblige à faire nos propres choix, à suivre la filière correspondant à nos vœux, et donc à assumer seuls nos erreurs et nos échecs.On nous a retiré la bouée de sauvetage de la faute à autrui. Merci du cadeau."

Le narrateur de ce nouveau roman de J.M. Erre est l’illustration parfaite de  cette citation de Jean-Louis Fournier : "C'était un angoissé pour qui tout allait bien, jusqu'au jour où il est né."
Et angoissé Michel H. l'est d'autant plus que Bérénice vient de le quitter, lui laissant en cadeau une flopée de livres de développement personnel, traitant tous de l'art d'être heureux.
"Velléitaire", "timoré", "dépressif suicidaire", les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier cet individu encore jeune , qui peine à trouver sa place dans une société où l'injonction au bonheur est devenue une véritable tyrannie , individu que son voisin peu amène, M. Patusse traite simplement de "raté".j.m. erre
Michel H. est persuadé que Bérénice reviendra  s'il devient heureux et se lance donc dans une série  de tentatives éperdues , loufoques, marquées par le déni le plus total de la réalité, déni qui le fera tomber de Charybde en Scylla.
L'occasion pour J M. Erre de dégommer tous les travers de notre société, en une série de raisonnements biaisés, de fausse logique , le tout assaisonné d'une bonne dose d'humour noir. Le récit file à toute allure et il faut prendre le temps de le relire pour mieux  en apprécier toute la saveur. Un festival de citations à collecter et une mécanique imparable dans la construction font de ces 183 pages de la dynamite ! Un indispensable, bien évidemment  !

 

Buchet-Chastel 2021

05/01/2021

Les grandes occasions

"Dans la famille, il n'y a pas d'affection. On ne sait pas se toucher. Le corps est absent. Aussi absent que les espoirs. La même peur de décevoir. La même peur du rejet, de l'énervement formidable si on s'approche trop. Chacun doit rester en soi. Se maîtriser. Ne pas donner aux autres la responsabilité de s'aimer. "

Esther, par cette journée caniculaire , veut à tout prix réunir cette fratrie qui se délite autour d'elle et de son mari Reza. Deux garçons, deux filles , leurs enfants aussi, qui, comme d'habitude, sont en retard, voire trouveront des prétextes pour ne pas se retrouver autour de celle qui, patiemment a noué, métaphoriquement, les fils d'un tapis qu'elle espère solide et durable.
L'attente est aussi le prétexte pour revenir sur le passé, les mille et une histoires de cet amour empêché au sein de cette famille.
Je l'avoue, j'ai bien failli abandonner ce récit majoritairement composé de phrases juxtaposées (pour mieux rendre l'absence de liens entre les protagonistes ?) qui ressassait trop à mon goût cette métaphore du tapis.
Mais J'aurais eu tort de me laisser gêner par ce défaut mineur qui disparaît ensuite au premier tiers du livre , pour mieux fouiller les portraits des différents protagonistes, leur donner de l'épaisseur et davantage faire confiance au lecteur, en ne lui donnant pas forcément toutes les réponses. alexandra matine,famille
Un roman qui fouille les plaies, procure parfois une sensation d'étouffement ,mais brosse un portrait de groupe criant de vérité. Un premier roman  non exempt de défauts ,et c'est normal ,mais qui augure bien de l'avenir de cette romancière.

Les Avrils 2020 , 249 pages écrasées de soleil.

 

Merci à l'éditeur et à Babelio.alexandra matine,famille

05/11/2020

L'italienne qui ne voulait pas fêter Noël ...en poche

C'est mon côté aventurière. Je saute, et après on voit s'il y a de l'eau dans la piscine ou pas."

A la suite d'un défi intellectuel (et amoureux), où "il s'agissait de démontrer que les notions de famille et d'appartenance n'étaient pas forcément interdépendantes, qu'il il était tout à fait possible de se soustraire à certaines traditions sans que ce soit un drame, que ça pouvait se passer très bien. ", Francesca, jeune italienne venue terminer ses études en France doit annoncer à sa famille que certes, elle les rejoindra à Palerme ,mais qu'elle ne fêtera pas Noël avec eux. jérémie lefebvre
Écrit a posteriori, le récit multiplie à l'envi les avertissements "dans les histoires horribles", ce qui est un peu  agaçant quand on n'est pas sensible au comique de répétition mais a le mérite d'annoncer que forcément, cette situation va tourner à l'aigre dans une famille italienne qui se veut de gauche, mais surtout italienne.
Tous ceux qui comme l'héroïne sont plutôt partagés en ce qui concerne la gabegie des fêtes de fin d'année apprécieront ce texte qui fait la part belle à l'humour, avec une narratrice pas toujours fiable, mais opère soudain un virage à 180 degrés qui rend l'expérience plutôt saumâtre. Histoire de nous mettre en garde ?
 

29/10/2020

Les potos d'abord

"- Tu vis sur quelle planète, Nathan ? Dans quel monde tu évolues ? J'ai l'impression que coincé dans ton univers de petit bourgeois de merde tu ne t’aperçois de rien !"

Amis depuis toujours , Nathan, le narrateur et son meilleur ami, Ihmed partent pour la première fois en vacances sans leurs parents.51mtVUe+naL._SX195_.jpg
De déconvenues classiques, en plans foireux qui se transformeront sans doute plus tard en souvenirs pleins d'humour, l’aventure va soudain virer à l'aigre quand les deux potes se trouveront confrontés à ce que Nathan refuse de voir: le racisme et les différences sociales.
Un récit moins léger qu'il n'y paraît de prime abord.

Collection Court Toujours  Éditions Nathan,  texte qui donne accès à la version numérique et à la version audio.

28/10/2020

Son héroïne

"Tout était parfaitement huilé, mais ça n'a pas suffi."

Feignant d'être son amie, Rosalie sauve une inconnue, Jessica, d'un homme trop "lourd" dans le tramway.
Las, Rosalie va très vite se convaincre qu'elle doit changer la vie de Jessica . La situation dérape rapidement et une série de révélations distillées au compte-gouttes font comprendre au lecteur que la situation risque de devenir très dangereuse.séverine vidal
Séverine Vidal  tire parti avec maestria du format court imposé par cette collection et instaure un climat d'angoisse et de suspense très efficaces. Une réussite !

Collection Court Toujours  Éditions Nathan,  texte qui donne accès à la version numérique et à la version audio.

L'avis de Noukette: clic

Celui de Jérôme: reclic

 

27/10/2020

Silent Boy

"Comme pour Nathan. Je me suis arrangé avec la vérité."

Anton fait profil bas dans ce lycée difficile où il est interne. Histoire de ne pas attirer l'attention des leaders de la classe qui chahutent certains profs et harcèlent les lycéens qui ne rentrent pas dans le moule.
Sa seule respiration est un forum en ligne où il intervient sous le pseudo de Silent Boy et où il trouve un espace de bienveillance.gaël aymon
Pourtant la rencontre avec Nathan, avec qui il va devoir partager sa chambre, va changer la donne et le forcer à intervenir dans la vraie vie.
Ces 63 pages sont un concentré édifiant de la violence sourde qui sévit dans certains établissements , au sein de certains groupes. Violence verbale ou physique dont les enseignants ne voient trop souvent que la partie émergée de l'iceberg. Une écriture sans complaisance  qui fait mouche.

Collection Court Toujours  Éditions Nathan,  texte qui donne accès à la version numérique et à la version audio.

 

26/10/2020

Le palais des orties

"Cette fille possédait un don, elle voyait l'invisible.
 Ou encore, je le comprends aujourd'hui, ce que nos refusions de voir."

Tous les habitants du Palais des orties, chat et chien y compris tombent sous le charme de Fred, jeune woofeuse venue aider Nora, Simon et leurs enfants , contre le gîte et le couvert.
Rien de glamour, rien de branché dans cette campagne triste où Simon a repris l'exploitation familiale mais l'a orientée vers la culture de cette plante que tout le monde rejette: l'ortie.
Mais ce que Marie Nimier peint, dans ce récit rétrospectif , est surtout l'histoire d'une passion amoureuse entre deux femmes.marie nimier
Avec beaucoup de délicatesse, d'empathie, elle nous fait partager la vie de cette famille que Fred va bouleverser , sans nous livrer pour autant tous les secrets de ces personnages qui nous deviennent vite familiers.
Un roman où l'autrice semble se libérer des carcans où on la sentait parfois enfermée dans ses précédents ouvrages. Une lecture réconfortante et brûlante à la fois.

Gallimard 2020