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27/08/2021

Toutes les femmes sauf une...en poche

Il faudrait pardonner à ce vieil enfant essoufflé criant depuis soixante ans qu'on le tire du froid, ignorant que c'est fait. Je ne pardonne pas , je n'ai pas assez d'orgueil. Au maximum, je comprends. Et encore, pas sûr."

Sa fille, tout juste née, ne s'appellera pas Marie comme toutes les femmes de sa famille avant elle, mais Adèle. Avec énergie, avec colère, avec passion, la narratrice raconte à sa fille, son enfance tiraillée entre une mère qui aurait voulu tour à tour l"emmener sous l'eau avec elle, tour à tour sauver", qui souhaitait simultanément que sa fille s'élève socialement et ne maria pourchetle supportait pas car, elle-même , qui aurait pu devenir institutrice, avait été retirée de l'école trop tôt.
Elle dit la soumission, la langue "domestique",  le"vocabulaire émacié de votre langue", qui justifie la vie bridée, finie avant d'avoir même commencé ; cette langue qui s'inscrit en italiques dans le texte et au fer rouge dans la mémoire, devient un vivier où puiser des formules toutes faites pour justifier les vie brisées et l'amour qui ne peut circuler.
La narratrice évoque aussi la violence larvée de la maternité où le personnel n'est pas toujours tendre avec la primipare qui refuse de se plier aux règles implicites, d'où des mesures de rétorsion larvées.
Alors, oui ,on est bien loin des relations apaisées entre mères et filles, mais ça fait un bien fou de lire ce texte rageur et libre qui fait fi de toutes les convenances. Un grand coup de cœur.

26/08/2021

La petite dernière...en poche

"Je m'appelle Fatima.
Je recherche une stabilité.
Parce que c'est difficile d'être toujours à côté, à côté des autres, jamais avec eux, à côté de sa vie, à côté de la plaque."

Chaque chapitre de ce court roman à résonance autobiographique commence par la même affirmation identitaire: "Je m'appelle Fatima Daas."Suivent ensuite des variations permettant de préciser l’une des multiples facettes de cette jeune femme qui creuse avec opiniâtreté le même sillon, mais en changeant les angles d'attaque. Des souvenirs affluent après ce leitmotiv et se construit ainsi, par petite touches, le portrait de La petite dernière , aimée mais peut être pas désirée, seule née en France d'une famille algérienne, adolescente qui se situe plus du côté des gars que des filles, musulmane mais qui n'honore pas son prénom, tiraillée entre toutes ces définitions et inadaptée à la vie.fatima daas
 Cette recherche identitaire , ce monologue à multiples facettes ,se clôturera d'une manière apaisée quand la narratrice arrivera enfin à  ce paragraphe fluide qui résume le livre qu'elle est en train de rédiger : "Ça raconte l'histoire d'une fille qui n'est pas vraiment une fille, qui n'est ni algérienne ni française, une musulmane je crois, mais pas une bonne musulmane, une lesbienne avec une homophobie intégrée. Quoi d'autre ? " On a envie de lui répondre  :une autrice qui emporte ses lecteurs et ne le lâche plus.

Éditions Noir et Blanc 2020

23/08/2021

#Lacartepostale #NetGalleyFrance

"Cette famille, c'est comme un bouquet trop grand que je n'arrive pas à tenir fermement dans mes mains."

Enceinte, Anne Berest pense "à la lignée des femmes qui avaient accouché avant [elle]" et sollicite sa mère, Lélia,  pour "entendre le récit des ancêtres". Les archives accumulées par cette dernière et, en particulier, une carte postale anonyme, arrivée 10 ans plus tôt et portant les quatre prénoms des ascendants maternels assassinés dans des camps d'extermination, vont jouer un rôle essentiel dans cette quête difficile, tant du point de vue psychologique que matériel.
Ce sera aussi pour l'autrice l'occasion d'analyser ce que signifie pour elle le mot "Juif" , élevée dans une famille où la religion n'avait pas vraiment sa place, ce que signifie aussi le fait d'être identifié comme Juif en France de nos jours.
Retraçant à la fois le parcours de ses ascendants maternels, originaires de Russie , avant, pendant et après la Seconde guerre mondiale, cette quête passionnante, digne d'un polar, et réflexions plus intimes, Anne Berest réussit à ne jamais perdre notre intérêt. anne berest
Mieux encore, elle jette un éclairage sur certains points peu évoqués. J'ai ainsi pu découvrir le fonctionnement inhumain du camp de Pithiviers ou bien encore la manière peu glorieuse dont l'administration française a traité les différents aspects de l’indemnisation des survivants spoliés de leurs biens durant la guerre.
Un texte à découvrir absolument.anne berest

Grasset 2021


 

19/08/2021

Ma meilleure amie

"Sans doute les femmes tolèrent-elles mieux que les hommes les mouvements souterrains."

Trois  jeunes provinciales ,bien décidées à ne pas se laisser regarder de haut , partagent une colocation joyeuse, pleine de liberté , irriguée par l'amour des mots et des livres.
Helga, la narratrice ,a d'abord été séduite par Sambre,  la lumineuse qui se destinait à devenir comédienne. A ce duo s'est vite ajoutée Rosie, qui de petits boulots en petits boulots, trace sa voie sans jamais se départir d'une belle énergie.
Las, un jour Sambre claque la porte et Helga se retrouve démunie, sans modèle auquel se référer.41BLi85VfQS._SX195_.jpg
Avec un tel aperçu, on aurait pu s'attendre à un schéma tout tracé (retrouvailles, déception, nostalgie blablabla), schéma qu'évidemment, Fabienne Jacob s'empresse de dynamiter pour mieux se concentrer sur les expériences de sa narratrice au fil du temps qui passe.
Si le temps est effectivement un thème central de ce roman, c'est pour mieux souligner l'immédiateté dans laquelle baigne la jeunesse, persuadée par exemple de ne pas avoir besoin de photographies pour se remémorer.
Les sensations sont aussi extrêmement présentes, en particulier les auditives et tactiles, ce qui nous vaut de superbes passages sur la peau de la personne avec laquelle on partage un lit ou bien encore l'addiction que peuvent faire naître des draps de lin...
Un roman d'apprentissage sensuel et lumineux où l'on souligne quasi à chaque page une remarque ou un passage , un roman qui file bien évidemment sur l'étagère des indispensables.

Buchet-Chastel 2021, 209 pages .

19/06/2021

La vie en rose...en poche

"La scène a la beauté virile d'un clip de Michel Sardou, la profondeur de champ d'un film de Luc besson et la sauvage détermination d'un texte de Didier Barbelivien."

Ses parents partis en Polynésie, Rose se trouve en charge de ses frères et sœurs, cette famille qu'elle qualifie elle même de "dysfontionnante" . Famille qui va bientôt s'agrandir car la jeune femme se découvre bientôt enceinte des œuvres du lieutenant Personne avec qui elle s'est installée. Cette férue de Cervantès, Caldwell et la Boétie, arborant des tee-shirts Metallica va aussi se trouver au cœur d'un maelstrom d’émotions et d'aventures en tous genres dans lesquelles sont impliqués les membres sa drôle de famille, sans compter un tueur en série qui sévit dans le lycée de la ville.41n6V9fLJiL._SX307_BO1,204,203,200_.jpg
Multipliant les intrigues en apparence accessoires, Marin Ledun réussit le pari de tout tirer en clair et d'harmoniser cet apparent chaos farfelu et plein d'humour. Les vacheries fusent : " - Mon dieu que vous êtes grosse, ma pauvre fille!
Je l'adore déjà."
Les références littéraires se ramassent à la pelle (et les Listes à Lire augmentent à vue d’œil), et même si l'identité de l'assassin n'est pas difficile à trouver, l’essentiel est de passer un excellent moment de détente avec ce polar enlevé et plein d'humour. Mission accomplie et on en redemande !

Ce roman est la suite de Salut à toi ô mon frère (clic) et il vaut mieux les lire à la suite, oui.

17/06/2021

Ici ça va...en poche

"Je porte un collier de perles noires et invisibles autour de mon cou. le collier de ceux qui gardent leurs absents à l'intérieur. Nous sommes nombreux à la porter. Je ne le sens presque pas. Il n'embarrasse plus mes gestes ni mes rêves."

Comment ai-je pu échapper à ce livre chroniqué par toutes et tous ? Nous dirons qu'il attendait son heure...
Avec une économie de moyens et une puissance discrète mais efficace, Thomas Vinau nous peint par petites touches le portrait d'un homme qui vient avec sa compagne, Ema, s'installer dans une maison qu'il faut remettre en état. Dans une nature ensauvagée , avec laquelle ils choisissent de pactiser et non pas de dominer, ils trouvent petit à petit l'harmonie et la quiétude.thomas vinau

En creux, apparaît une histoire familiale douloureuse , liée à ce lieu, dont l'auteur laisse au lecteur le soin de compléter les failles.
C'est minimaliste, pudique et diablement prenant. Une pure merveille.



 

 

09/06/2021

Dysfonctionnelle...en poche

 

"Ma folle dont j'étais affolée."

Plus Dysfonctionnelle que la famille de Fidèle, alias Fifi, la narratrice de ce roman , y a pas. Jugez un peu : le père qui tient un bar ("Le bout du monde") va régulièrement effectuer de petits séjours en prison car il s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment (sic). La mère, elle, fuit une réalité traumatisante et se réfugie dans une folie plus ou moins douce. Quant aux enfants, Dalida, Alyson, JR, Jésus, Gregorio et Fidèle donc, ils constituent un bel éventail de cas sociaux , plus ou moins sympathiques.axl cendres
Quand Fidèle,  détectée à l'adolescence comme ayant une intelligence  précoce, est amenée à étudier dans un lycée rempli d'ados ayant des familles "fonctionnelles", cela ne va pas être sans heurts, mais c'est là qu'elle va rencontrer l'amour de sa vie sous les trait de la belle Sarah.
Axl cendres , dans ce roman destiné à la jeunesse  choisit de ne pas tomber dans le pittoresque gratuit. Ses personnages sont certes hauts en couleurs, mais la fratrie n'est pas forcément soudée.
Quant à l’intolérance face à l’homosexualité féminine, elle ne viendra pas forcément de là où on l'attend.
D'ailleurs, ce n'est que réside le principal problème de cette relation, mais bien dans l'opposition entre deux modes de vie.
Un roman tendre, généreux et optimiste.

Sarbacane 2015.

305 pages qui se tournent toutes seules.

08/06/2021

Le Homard...en poche

"Si on considère que la lecture est un voyage, alors mon mari était toujours en déplacement."

Envie d'un roman drôle (non amateur d'humour noir s'abstenir) , se déroulant en Bretagne, taclant les étrangers qui viennent faire grimper les prix de l'immobilier, où l'on croise un homard confident d'une femme qui fréquente plus souvent qu'à son tour les loteries du coin , un roman où rode peut-être même un serial killer ?
Alors procurez-vous vite ce galop d'essai de Pascale Dietrich 125 pages qui se dévorent  d'une traite.pascale dietrich

j'ai Lu 2021.

07/06/2021

Faut pas rêver

"La conversation se poursuivit en français sur des sujets anodins ,comme l'allaitement maternel, les placements immobiliers ou la crise des vocations chez les tueurs professionnels."

 

N'était sa propension à parler en dormant , tout en ayant des rêves fort agités, Carlos cocherait toutes les cases du compagnon et futur papa parfait: tendre et attentionné , il a même eu la bonne idée de se reconvertir en sage-femme.
De plus, il attise la curiosité de son infortunée compagne de lit, Louise, car il s'exprime en espagnol, langue à laquelle elle ne comprend rien, ou presque. La jeune femme décide donc, d'enregistrer ses logorrhées et de les faire traduire par une amie, Jeanne.pascale dietrich
Las, elle découvre un motif récurrent qui semble hanter les nuits de Carlos: un homme dans une voiture , balancé à la mer. Son amoureux est-il pour autant un criminel ? 
Pour en avoir le cœur net, Louise et Jeanne se rendent à Marbella, lieu qu'elles ont réussi à identifier.
Commencé sous les auspices de la comédie, Faut pas rêver vire rapidement au cauchemar, mais Pascale Dietrich sait doser comme personne ces deux registres et nous entraîne à la suite de ses personnages dans un roman échevelé qui égratigne au passage la corruption immobilière et nous permet de glaner au passage plein d'infos sur les rêves.

 

Liana Levi 2021

De la même autrice: sorti en poche :

"Elle en avait marre que les hommes s’accaparent le pouvoir alors qu'ils étaient moins compétents qu'elle. Puisqu'on ne la laissait pas monter en grade, elle allait faire le ménage."

Leone Acampora , vieux mafioso grenoblois, est sur le point de mourir. Ce que sa famille ignore encore c'est qu'il a lancé un contrat sur la tête de sa femme infidèle, car on ne rigole pas avec l'honneur dans la mafia.
Ses deux filles , Dina et Alessia ,vont tout faire pour sauver leur mère et , par la même occasion, Alessia entend bien prendre la tête de la mafia locale car il est grand temps que les hommes et leurs valeurs rétrogrades cèdent le pouvoir aux femmes qui l'exercent en sous-main depuis des années
C'est bien la première fois que je me lance dans un roman ayant pour thème la mafia (même pas vu ou lu "Le Parrain", c'est dire...) mais j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman qui fait la part belle aux femmes, et égratigne au passage les organisations humanitaires : "Au fond les organisations humanitaires et la mafia constituaient deux réponses opposées à un même problème: ces organisations se développaient quand c'était le chaos et que L’État ne faisait pas son boulot. La mafia offrait un statut et des ressources à ceux qui ne trouvaient pas de place dans l'économie légale. Quant aux ONG, elles aidaient à peu près les mêmes à survivre sans jamais inquiéter les gouvernements véreux ni s'attaquer aux véritables injustices. Pire, elles rattrapaient les dégâts et permettaient au système de perdurer."pascale dietrich
Les personnages sont bien croqués, l'écriture est pleine d'humour et les 151 pages se tournent toutes seules ou presque.

 

 

01/06/2021

Canoës

"Ni errance, ni même exploration, ces heures s'étirent dans une forme d'appréhension excitée, un jeu ouvert, où la monotonie de la banlieue , sa continuité infinie , mais aussi les échappées sur les collines, dans les plis rocheux de la montagne, peuvent à tout moment faire revenir une image, une pensée, une voix, et relier en moi ce qui se tient disjoint."

"Roman en pièces détachées", comme le décrit-elle-même l'autrice, Canoës explore la nature de la voix humaine, dans ce qu'elle peut avoir de plus ténu et de plus révélateur en sept textes, "sept satellites"  gravitant autour d'une novella centrale.maylis de kerangal
Les canoës, qui servaient autrefois à transmettre les messages dans les régions lacustres  se retrouvent dans chacun des textes, soit sous une forme discrète (en pendentif, par exemple) ou plus massivement. Ce qui relie également ces textes, ce sont les périodes troublées dans lesquelles évoluent les personnages, que ce soit ce veuf qui refuse d'effacer la voix de sa femme sur le répondeur ou cette narratrice de "Mustang" qui vient de perdre l'enfant qu'elle portait, ce qui est mentionné très discrètement ,et se trouve confrontée à un nouveau pays où la voix de son amoureux a changé, comme pour mieux s'adapter.
Qu'on s'interroge sur la voix que pouvaient avoir les derniers chasseurs-cueilleurs de la préhistoire, qu'on rencontre une amie qui veut rendre sa voix plus grave pour l’adapter aux critères d'un possible emploi à la radio , on est toujours au plus près de ces personnages et de leurs préoccupations tant le style de Maylis de Kerangal exerce un charme (au sens premier du terme) efficace et prégnant.

Verticales 2021.