23/08/2022
Rivière
" Je suis un Travailleur d'Unité Collective, une Contractuel Plein d'Empathie, un Moine Ouvrier d'Intimité, un Bénévole Terrien de Proximité, bref un homme à tout faire. Tout cela sans me retirer de l'amour."
"Comment vivre encore quand les clartés de l'amour, de la connaissance, de la foi et de la raison s'éteignent brusquement, quand ce qui faisait le sel de la vie disparaît ? " Claire est décédée trop tôt, laissant son compagnon, Jean-Baptiste Rivière inconsolable. Accompagné de son chien, Jean-Baptiste se laisse envahir par les flots de souvenirs de leur jeunesse , de cet amour vécu dans les années 70. Mais le sentiment de révolte s'est émoussé et c'est quasi indifférent que le vieil homme assiste en spectateur à la victoire d'un capitalisme débridé qui saccage la nature et méprise l'humain.
Pourtant, mine de rien, c'est en se tournant vers les autres, en appréciant de nouveau le spectacle de la nature que notre héros va reprendre pied...
Rivière est aussi le récit d'un amour par- delà la mort, Claire continuant à prendre la parole, sans que Jean-Baptiste en soit conscient, un roman lumineux porté par l'écriture maîtrisée et poétique de Lucien Suel. Une éclaircie dans la morosité.
Éditions Cours Toujours 2022.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : lucien suel
11/03/2014
Je suis debout
"L'hiver sera ici.La mousse glaciale du givre raidira les feuilles encore vertes. La dernière scarole sera fichue. L'hiver va mordre les gencives rouges des chanteurs de rue. Ils bredouilleront vaguement des cantiques vermoulus en offrant à la ronde des chapeaux renversés."
Lucien Suel s'est fait connaître récemment du grand public avec trois romans où la poésie avait la part belle : Mort d'un jardinier (clic), La patience de Mauricette (clic) et Blanche étincelle (reclic).
Mais cela fait bien longtemps qu'il "capte les pensées fugitives , la prose bop spontanée, le cut-up des langues, sans hiérarchie ni sélection. Rien que la vie brute" Et pour cela , il s'empare avec enthousiasme et plie à ses envies toutes les formes de poésie à sa disposition : calligrammes -pour mieux figurer les terrils-, haïkus, prose poétique, alexandrins ... autant de cadres pour jouer avec les mots, leurs sonorités : "Dans le tumohubohulte d'azur et d'acier, le promeneur est un espion, un danseur sur la scène sur le champ de bataille."
Une belle énergie pour dire et vivre "la quotidienneté en continu", cueillir des alexandrins qui nous avaient échappé, souligner l’absurdité de ce que nous nous contentons d'effleurer, faire sourire et réfléchir tout à la fois : "La campagne, de publicité, était souillée".
Rien n'est indigne de la poésie: le déambulateur, les lunettes, le pèse-personne, le téléphone mobile. Rien n'échappe à l'attention du poète, à son intérêt. Il scrute, pointe des mots les incohérences de notre époque et réaffirme aussi son amour de la Beat Generation. ça pulse, ça vibre et je n'ai qu'une hâte: entendre ce soir Lucien Suel faire vivre avec intensité ses textes.
Ce sera au bateau Livres à 19 h à Lille.
Je suis debout , recueil regroupant des poésies déjà parues ou inédites, Lucien Suel, La table ronde 2014.
06:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : lucien suel
16/01/2012
Blanche étincelle
"Vivre va prendre tout mon temps."
En 2009, dans La patience de Mauricette nous avions fait la connaissance de cette femme extra-ordinaire, marquée par la souffrance ,mais qui avait trouvé refuge dans les mots et la poésie.
Blanche étincelle nous propose ici son journal ,sans dates, d'une année de reconstruction. Mauricette a déménagé et, à la faveur d'une rencontre un peu magique dans une librairie va ,petit à petit, se lier d'amitié avec Blanche.
Blanche, qui va lui offrir en partage la musique, des expositions artistiques, mais aussi sa famille et ses propres liens avec la mort. De crêpes partagées en balades à travers la région, "Nous avançons dans l'hiver, chacune avec le ballot de ses souvenirs, de ses soucis, de ses rêves. Mon bagage est lourd. J'ai commencé à le partager." Et ce partage, Mauricette va le pratiquer aussi bien avec Blanche qu'avec les enfants de celle-ci. Étonnants , émouvants échanges culturels et affectifs entre cette femme qui pourrait être leur grand-mère (elle qui n a jamais eu d'enfants)et ces jeunes ouverts sur le monde.
L'art est en effet peut être encore plus présent et j'ai hérissé mon exemplaire de multiples marque-pages pour les références littéraires , musicales ou picturales qui émaillent ce texte et le font vibrer d'enthousiasme.
L'écriture est toujours aussi belle mais la tonalité est plus optimiste, ce qui ne gâche rien ! On sent ici Mauricette plus posée, apaisée presque, mais toujours aussi attentive aux mots, à la nature, moins exaltée , et ses épisodes de logorrhée sont plus rares. Allez, vite, embarquez dans le monde poétique et surprenant de Mauricette !
Blanche étincelle, Lucien Suel, La Table Ronde 2012, 232 pages fluides et toute bruissantes de marque-pages !
Pour écouter Lucien Suel c'est ici !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : lucien suel
02/07/2011
La patience de Mauricette...en poche
"Je recycle la souffrance."
Un cahier jaune où elle écrit pour sa thérapeute.Un panier vert dans lequel elle trimballe de drôles de trésors. La tentation serait grande de résumer Mauricette à ces deux objets. Mais quand elle disparaît de l'hôpital où on soigne sa santé mentale, son ami Christophe Moreel va prendre conscience de la richesse de la personnalité de cette femme de soixante quinze ans, beaucoup moins ordinaire qu'il n'y paraît à première vue...
Entrecroisant passé et présent, Lucien Suel brosse le portrait d'une personne, marquée par la souffrance dès l'enfance mais qui trouve refuge dans les mots et dans la poésie en particulier. Débusquant les alexandrins dans les phrases de la vie quotidienne, jouant avec les mots, les triturant, les faisant rouler dans sa bouche, tout comme son "noyau de souffrance. Je le suce et le roule entre les gencives depuis des années. Quelquefois je le prends dans ma main et je la referme. Il est caché dans ma paume je regarde les taches de vieillesse sur le dos de ma main et je remets le noyau dans ma bouche." ,Mauricette recèle bien des trésors et des originalités littéraires...Ses mots partent parfois en roue libre, comme ses pensées, mais l'humour n'en n'est jamais absent : "Le mou des veaux, les mots de vous" et ce n'est certainement pas un hasard si Mauricette avait entrepris une anthologie regroupant les phrases où apparaît le mot "veau" comme un écho au livre de Lucien Suel et Patrick Roy Têtes de porcs moues de veaux (merci, Cath!). L'émotion est aussi au rendez-vous avec cette personnalité aux multiples facettes, qui "se conduisait dans l'univers moderne comme une femme des cavernes. Une femme d'avant l'invention des horloges et des tranquillisants ."Je marche avec les yeux au plafond.""et qui s'estime elle même être son pire tribunal...Ce pourrait être lourd et étouffant, c'est poignant, lumineux et plein de joyeuses surprises car l'écriture de Mauricette est d'une richesse poétique inouïe Un livre aux très nombreuses pages cornées, bien sûr. Un livre qui résonne longtemps en nous et qu'à peine fini on a envie de rouvrir pour mieux le savourer, plus lentement cette fois. Un gros gros coup de coeur !
03:45 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : lucien suel
20/06/2011
Mort d'un jardinier
"...tu n'es plus connecté au serveur de la réalité ici et maintenant, tu glisses dans un autre monde, dans les débris de ton cerveau en capilotade..."
Un jardinier, aimant autant les mots que les salades, est frappé d'un accident cardiaque dans son jardin. Tandis qu'il gît sur le sol, envisageant ainsi la réalité sous un autre angle, tous les artistes, écrivains , musiciens qu'il a aimés sont convoqués autour de lui.
Mais ce sont aussi les mots, ceux qu'il a écrits, ceux qu'il a lus qui envahissent son corps, accomplissant ainsi une transsubstantiation finale : "ton corps est ton dernier volume."
De grands pans de plusieurs pages, le rythme va en s'amplifiant au fil du roman, répartis en courts chapitres, un flot par lequel il faut se laisser emporter, admirant au passage le travail toujours recommencé du jardinier, usant du vocabulaire imagé du potager mais aussi de celui de la modernité (le jardinier-poète ne se coupe pas de la technicité et accueille tous les mots), voici qui peut dérouter de prime abord. Mais très vite on se laisse séduire par cette vision et par cette écriture qui balaie tout sur son passage.
Un livre d'une densité aigüe, qui brouille les frontières entre roman et poésie.
Mort d'un jardinier, Lucien Suel, La Table Ronde 2008, Folio 2010, 159 pages que j'ai pris le temps d'apprivoiser (dans ma Pal depuis 1 an !) mais là c'était le bon moment et je l'ai dévoré d'une traite !
06:00 Publié dans Poésie, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : lucien suel
28/09/2009
La patience de Mauricette
"Je recycle la souffrance."
Un cahier jaune où elle écrit pour sa thérapeute.Un panier vert dans lequel elle trimballe de drôles de trésors. La tentation serait grande de résumer Mauricette à ces deux objets. Mais quand elle disparaît de l'hôpital où on soigne sa santé mentale, son ami Christophe Moreel va prendre conscience de la richesse de la personnalité de cette femme de soixante quinze ans, beaucoup moins ordinaire qu'il n'y paraît à première vue...
Entrecroisant passé et présent, Lucien Suel brosse le portrait d'une personne, marquée par la souffrance dès l'enfance mais qui trouve refuge dans les mots et dans la poésie en particulier. Débusquant les alexandrins dans les phrases de la vie quotidienne, jouant avec les mots, les triturant, les faisant rouler dans sa bouche, tout comme son "noyau de souffrance. Je le suce et le roule entre les gencives depuis des années. Quelquefois je le prends dans ma main et je la referme. Il est caché dans ma paume je regarde les taches de vieillesse sur le dos de ma main et je remets le noyau dans ma bouche." ,Mauricette recèle bien des trésors et des originalités littéraires...Ses mots partent parfois en roue libre, comme ses pensées, mais l'humour n'en n'est jamais absent : "Le mou des veaux, les mots de vous" et ce n'est certainement pas un hasard si Mauricette avait entrepris une anthologie regroupant les phrases où apparaît le mot "veau" comme un écho au livre de Lucien Suel et Patrick Roy Têtes de porcs moues de veaux (merci, Cath!). L'émotion est aussi au rendez-vous avec cette personnalité aux multiples facettes, qui "se conduisait dans l'univers moderne comme une femme des cavernes. Une femme d'avant l'invention des horloges et des tranquillisants ."Je marche avec les yeux au plafond.""et qui s'estime elle même être son pire tribunal...Ce pourrait être lourd et étouffant, c'est poignant, lumineux et plein de joyeuses surprises car l'écriture de Mauricette est d'une richesse poétique inouïe Un livre aux très nombreuses pages cornées, bien sûr. Un livre qui résonne longtemps en nous et qu'à peine fini on a envie de rouvrir pour mieux le savourer, plus lentement cette fois. Un gros gros coup de coeur !
La patience de Mauricette, Lucien Suel, La table ronde, 233 pages lumineuses.
L'avis des viles tentatrices Pagesàpages et Bellesahi
Le site de l'auteur.
Un coup de coeur passion pour Ptitlapin !
L'avis de Dasola, qui en dit un tout petit peu trop sur le livre !:)
06:00 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : lucien suel, amour des mots, maladie mentale, souffrance, nord