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28/09/2009

La patience de Mauricette

"Je recycle la souffrance."

Un cahier jaune où elle écrit pour sa thérapeute.Un panier vert dans lequel elle trimballe de drôles de trésors. La tentation serait grande de résumer Mauricette à ces deux objets. Mais quand elle disparaît de l'hôpital où on soigne sa santé mentale, son ami  Christophe Moreel va  prendre conscience de  la richesse de la personnalité de cette femme de soixante quinze ans, beaucoup moins ordinaire qu'il  n'y paraît à première vue...41o5MA+iisL._SL500_AA240_.jpg
Entrecroisant passé et présent, Lucien Suel brosse le portrait d'une personne, marquée par la  souffrance dès l'enfance  mais qui trouve refuge dans les mots et dans la poésie en particulier. Débusquant les alexandrins dans les phrases de la vie quotidienne, jouant avec les mots, les triturant, les faisant rouler dans sa  bouche, tout comme son "noyau de souffrance. Je le suce et le roule entre les  gencives depuis des  années.  Quelquefois je le prends  dans ma main et je la referme.  Il  est caché dans ma paume je regarde les  taches de vieillesse sur le  dos de ma main et je remets le  noyau dans ma bouche." ,Mauricette recèle bien des trésors et des originalités littéraires...Ses  mots partent  parfois en roue libre,  comme  ses pensées, mais l'humour n'en n'est jamais absent : "Le mou des  veaux, les mots de vous" et ce n'est certainement pas un hasard si Mauricette avait entrepris une anthologie regroupant les  phrases où  apparaît le mot "veau" comme un écho au livre de  Lucien Suel et Patrick Roy Têtes de porcs moues de  veaux (merci, Cath!). L'émotion est aussi au rendez-vous avec cette personnalité aux multiples  facettes, qui "se conduisait dans l'univers moderne comme une femme  des cavernes. Une femme d'avant l'invention des  horloges et des tranquillisants ."Je marche avec les yeux au plafond.""et qui s'estime elle même être son pire tribunal...Ce pourrait être lourd et étouffant,  c'est poignant, lumineux et plein de joyeuses surprises  car l'écriture de Mauricette est d'une richesse poétique inouïe  Un livre aux très nombreuses pages cornées, bien sûr. Un livre qui résonne longtemps  en nous et  qu'à peine fini on a envie de rouvrir pour mieux le savourer, plus lentement  cette fois. Un gros gros coup de coeur !

La patience de  Mauricette,  Lucien Suel, La table ronde, 233 pages lumineuses.

L'avis des viles tentatrices  Pagesàpages et Bellesahi

Le site de l'auteur.

Un coup de coeur  passion pour Ptitlapin !

L'avis de Dasola, qui  en dit un tout petit peu trop sur  le livre !:)

15/09/2009

Assez parlé d'amour.

"Je comprends que ce que je t'offre c'est d'avoir peur."

Assez parlé d'amour est un roman d'amour où des quadragénaires vont  être confrontés  au coup de foudre. Je vous entends  déjà soupirer. Assez parlé d'amour est un roman  écrit par un membre de l'Oulipo* , roman qui aurait pu s'appeler Les Dominos  Abkhazes car sa structure respecte les règles particulières  de ce jeu . Là vous vous arrachez les cheveux . Et vous avez tort . Car Hervé Le  Tellier  a  réussi  ici  un roman délicieux où  l'on trouve tour à tour  une "liste non exhaustive des achats d'Anna", un livre dans le livre: "Quarante souvenirs d'Anna Stein"pour  "accomplir l'impossible : ne plus te perdre  jamais" et ces souvenirs sont tout simplement magnifiques et plein d'émotion. On rêverait de  recevoir un tel livre...Sans  compter des informations drôles et saugrenues qui émaillent  le texte sans pour autant l'alourdir, des personnages qui sonnent justes et qui ont  tous un rapport très fort avec les mots, de par leur métier, mais pas  seulement. Beaucoup de délicatesse et d'humour, l'un des personnages, psychanalyste et psychiatre déclare  ainsi  à la femme qu'il aime  et qui se proclame folle: "- Je veux bien d'une folle.  J'ai toujours  rêvé de ramener du travail à la maison"**.68797425.jpg
Alors, tout le mal qu'on souhaite à Hervé Le  Tellier c'est, comme l'espère l'éditeur de l'écrivain (son double? dans  le roman ) ,qu'il trouve son public.

* Ouvroir  de Littérature potentielle, dont les membres utilisent souvent des contraintes d'écriture, qui  ne gênent en rien la lecture !

** Sans le  faire  exprès, j'avais noté la même citation que toi, Cuné !:)

Assez parlé  d'amour, Hervé Le  Tellier, J-C Lattès, 280 pages, fines et tendres.

Du même auteur, je vous conseille : Joconde jusqu'à  100 et Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable,  tous deux au castor  astral.

Merci Cuné !!!

13/09/2009

Apnées

"Enfin, dans les dictionnaires aussi on peut faire  de bonnes  plongées, réussis-je à conclure."

 

Parce qu'il tombe en panne à Plan-les-Ouates, un homme qui se rendait à une séance d'apnée va devoir occuper quelques heures dans un lieu qu'il ne connaît pas.Il  décide de suivre ,à son insu, un guide qui le mènera à travers les rues de cette cité  tout à fait ordinaire. Ce guide, ce sera une femme,"Une musarde hors catégorie".Ils finiront par entrer en contact et le récit prendra  alors un nouveau tournant...41TIT2y96jL._SL500_AA240_.jpg
Il ne se passe pas grand chose en apparence dans ce très court texte mais la  personnalité du narrateur le rend tout à fait singulier et passionnant.  Un homme qui  réussit à concilier  le goût des mots et sa pratique de l'apnée, même hors de l'eau, voilà qui n'est pas commun. On pense aussi à des pratiques oulipiennes , un lieu*, un temps donné,  des contraintes que l'on s'impose soi-même  et qui , tout en donnant un cadre  au texte, lui permette une plus grande liberté. Que dire enfin de la richesse  du lexique, qui ne gêne en rien la progression du récit et correspond parfaitement au caractère du narrateur  et permettra une très jolie pirouette finale ? Juste qu'une fois le roman terminé, on a envie de le relire un dictionnaire à portée de main !

 

Apnées,  Antoine Choplin,La fosse aux ours,  103 pages délicieuses.

 

Un grand merci à Caroline pour le prêt !

*  je pensais d'abord  que l'auteur  allait partir sur les traces  de  Perec et de sa  tentative d'épuisement d'un lieu parisien, mais non...:)

27/03/2009

"ça t'en mastique une fissure..."

Friand  de mots et d'expressions, Daniel Percheron guette et note avec jubilation les trouvailles langagières entendues "au hasard de [son] chemin".Expressives, ces découvertes témoignent de l'inventivité de la langue et de son constant renouvellement. Au fil de ses chroniques, Percheron remonte aussi le cours de  sa mémoire pour exhumer des expressions passées de mode. Il n'oublie  pas de nous livrer au passage le  sens de quelques expressions imagées comme "être  chocolat" qui "vient  du clown Chocolat, le compère de Footit. Il ya d'abord eu "faire le chocolat" pour "faire le naïf".  Puis  on  a  glissé à "être  chocolat" pour "être  frsutré  dans son  attente."51RailTtEOL._SL500_AA240_.jpg
Mais la plus jolie  expression que j'ai  pêchée dans ce joyeux bazar est celle de "Faire un trou à la nuit" pour  "filer  à l'anglaise"...

Bruits de  langue, Daniel  Percheron, 10/18 , 154 pages seulement ...juste de quoi  donner envie  de se plonger  plus avant dans l'oeuvre de  cet amoureux des mots !