Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/01/2019

Si j'avais un perroquet je l'appellerais Jean-Guy...en poche

J'ai un pieu dans le cœur depuis deux ans et je n'ai trouvé qu'une pince à épiler."

Dans un roman de Françoise Sagan, la narratrice, dont on apprendra tardivement le nom et le profession, trouve un marque-page intriguant. En effet, y sont inscrits le nom d’un homme ‒ Jean-Philippe ‒ et son numéro de téléphone, suivis de l’invitation « Appelle quand tu veux ».9782266288460ORI.jpg
Appellera ou pas ? Traumatisée (et il y a de quoi !), la narratrice , à grands coups de mensonges et de valse-hésitation va se fourrer dans de drôles de situations, dans la pure tradition de la littérature de filles.
Le ton est drôle, enlevé et à l'exception d'une petite baisse de rythme et d'un épisode à la tonalité plus sombre, on passe un bon moment de détente avec ce premier roman prometteur car l'auteure a su se créer un univers haut en couleurs et attrayant.

12/01/2019

L'atelier des souvenirs ...en poche

"On découvrait des personnalités, on s'investissait émotionnellement, on s'attachait. ..Mais les liens tricotés étaient en sursis. Le temps faisait impitoyablement son œuvre."

Alice, thésarde parisienne sans emploi, quand elle hérite d’une maison familiale dans la Meuse, décide d'animer des ateliers des souvenirs dans deux maisons de retraite. L’occasion de découvrir le passé des pensionnaires, y compris leurs histoires d'amour. Et l'amour  il en est beaucoup question car ces charmants retraités se mettent en tête de lui redonner le sourire en jouant les cupidons.9782266285865ORI.jpg
La première partie, même si elle est parfois prévisible, s'est avérée très agréable à lire, et le côté gentiment godiche d'Alice, apporte beaucoup de fraîcheur à l’histoire. Hélas, à trop vouloir multiplier les intrigues, le récit perd un peu son souffle et son lecteur en route. Bilan en demi-teintes donc.

09/01/2019

#Foulques #NetGalleyFrance

"Femmes sorties de leur histoire par l'âge, troupeau de plus en plus nombreux de veuves, divorcées, célibataires, sans enfants, les enfants partis, qui peuple les voyages organisés, les conférences, les cours de gymnastique, les soirées culturelles. Nous en étions, et ce n'était pas gai.Femmes qui s'inscrivent, qui adhèrent, cohorte parmi laquelle Foulques recrutait encore de nouvelles amies sympathiques, tandis qu'il recourait à de jeunes escort pour les choses sérieuses, les choses vitales."

Quel drôle d'oiseau que ce Foulques ! Pauvre ou riche, il est toujours sans réel emploi, solitaire, mais s'entoure de gens tout aussi seuls que lui, dont la narratrice.véronique boulais
Cette dernière, enseignante à la vie plutôt terne, revient à la fois sur l'histoire de son affection fluctuante avec cet être opaque avec qui elle s'est brouillée, puis rabibochée dix ans plus tard et sur ses propres histoires d’amitié et d'amour.
Qu'il offre de luxueux cadeaux et /ou voyages à la troupe dont il s'entoure, Foulques n'en demeure pas moins solitaire et sans véritables sentiments. L'argent, loin de faciliter sa vie, lui offre trop de possibilités, trop de choix, même quand il s'agit d'envisager le lieu de son dernier repos.
La narratrice analyse ainsi , sans concessions , les relations perturbées par l'argent, la lâcheté, qui unissent les membres de cette troupe improbable dont le seul facteur commun est Foulques. Un roman à la fois drôle et acide.

Jean-Claude Lattès 2019.véronique boulais

.

 

 

06/01/2019

Summer ...en poche

 "C'est donc ça. La réputation de ma famille, une fois de plus, l'image que nous donnons, de supériorité et de pouvoir."

Summer, dix-neuf ans, blonde, solaire, disparaît lors d'un pique-nique au bord d'un lac suisse. Vingt-cinq ans plus tard, son frère cadet, Benjamin, ne parvient plus à avancer dans la vie, bloqué qu'il est par le souvenir de cet été et par cette disparition inexpliquée.monica sabolo
"Et toujours en été" a-t-on envie de fredonner en lisant ce roman de Monica Sabolo tant l'impression de lumière prévaut dans ce texte. Pourtant, cette luminosité est contrebalancée par la métaphore filée de l'eau, à la surface certes brillante sous le soleil, mais dont les profondeurs  se révèlent bien plus troubles et boueuses.
Ainsi en est-il de la vie de cette famille à qui tout semble sourire, où la superbe Summer, tel un cygne blanc attire tous les regards, tandis que son cadet se vit davantage comme le vilain petit canard dont chacun pense peut être en secret que c'est lui qui aurait dû disparaître.
Aveuglé par la colère envers ses parents,  tout autant que par son amour pour Summer, Benjamin va remonter le fil du temps et mettre à jour tout ce qu'il avait occulté.
Roman poétique et entêtant, Summer distille au fil du texte des notations fugitives, comme autant d'indices qu'il faudra réagencer pour réinterpréter les fait a posteriori. Un texte qui a su me séduire, alors que j'avais beaucoup d'a priori en le commençant, craignant par-dessus tout que ce ne soit qu'un roman d'atmosphère et que je demeure frustrée par la fin. Rien de tel, bien au contraire.

05/01/2019

Le grand jeu ...en poche

"J'ai investi cet environnement et ces conditions qui me permettent de n'être pas dans l'obligation de croiser tous les matins un ingrat, un envieux, un imbécile. Qui me laissent le loisir de penser à tout autre chose, dans une action utile et mécanique."

Une femme s'isole dans un refuge high tech, épuré, accroché dans la montagne. La fatigue, la faim font partie de ce qu'elle appelle "[mon] traitement." Elle n'est pourtant pas malade : "Je ne me suis pas détachée par erreur , ni par lassitude, ni par aveuglement. Je travaille à mon détachement. Je suis en pleine santé."
Elle entend confronter son corps et son esprit aux éléments, s'entraîner tant physiquement que mentalement et répondre à cette question : comment vivre ?9782743645908.jpg
Elle a tout prévu, tout organisé et s'emploie à tirer le meilleur parti de son espace, cultivant, pêchant, explorant, interrogeant ses relations aux animaux. Tout prévu, sauf la présence d'une nonne ermite. Impossible de l'ignorer. à la moitié du livre s'enclenche donc une nouvelle dynamique qui culminera dans un finale à la fois logique et extrême, Le grand jeu.
Récit de la découverte progressive d'une pratique, Le grand jeu est un roman qui en déroutera plus d'un mais qui m'a enthousiasmée au plus haut point. C'est encore dans un nouvel espace que nous entraîne Céline Minard. On y retrouve son goût d'un vocabulaire précis, celui lié à tous les sports d'escalade et d'équilibre, son style aiguisé.
Ponctué de nombreuses interrogations, le texte incite son lecteur à la réflexion et lui offre de vivre, par procuration ,une expérience ontologique  de retraite dans une nature extrême. On en ressort transformé.

Et zou, sur l'étagère des indispensables.

04/01/2019

Point cardinal ...en poche

"Je suis dans une impasse. Comment réunir ma peau d'homme avec la femme que je suis à l’intérieur, ses formes, son esprit, ses désirs ?"

Laurent est heureux en couple avec Solange et leurs deux enfants. Pourtant si "Rien ne dépassait dans [leur] histoire", Laurent va tout faire éclater.
En effet, il n'en peut plus de ne pas faire coïncider l'homme qu'on voit et la femme qu'il se sent être.
Ce qui est extrêmement intéressant dans le roman de Léonor de Récondo c'est qu'elle choisit de nous montrer les répercussions que cela entraîne non seulement pour son héros, mais au sein de sa famille - et les réactions seront  extrêmement différentes pour son fils et pour sa fille- et de ses collègues.41ZKcV51uHL._SX301_BO1,204,203,200_.jpg
On pourrait reprocher au texte son manque d’aspérités, tout paraît aller de soi ou presque pour Laurent, mais la romancière a choisi de se situer au moment où le héros a atteint un point de non-retour . Reste à parcourir le  chemin vers le changement de sexe, parcours hérissé d'obstacles en France.
Léonor de Récondo traite avec sa délicatesse habituelle ce sujet  sensible et souligne que si Laurent veut devenir une femme, il m'en reste pas moins un père pour ses enfants et n'a pas perdu perdu ses sentiments pour son épouse. Il leur reste à inventer leur vie...

02/01/2019

Bacchantes

 

Le vin est devenu un investissement , soigneusement gardé ,dans d'anciens bunkers à Hong-Kong. Alors qu'un typhon menace, faisant grandir la tension dramatique, trois femmes réussissent à s'introduire dans ce lieu ultra sécurisé. Commence alors un face à face entre les braqueuses ultra chic retranchées à l'intérieur et les forces de police dirigée par Jackie Thran...céline minard
En un peu plus d'une centaine de pages , Céline Minard revisite le film de braquage, en une version ultra sophistiquée, qui bouleverse les règles du genre. Ses héroïnes sont de contemporaines Bacchantes qui redonnent tout son sens au breuvage célébré par Bacchus. C'est élégant et mené de main de maître.

 

Éditions Rivages 2019.

27/11/2018

Le discours

 "Pour ma mère, le monde se divise en trois catégories: ceux qui ont un cancer, ceux qui font construire et ceux qui n'ont pas d'actualité particulière."

"Un type désœuvré, dévasté par le chagrin d'amour et le manque, bloqué dans un repas où tout semble dénué de sens." Quand l'auteur nous propose très gentiment , via son narrateur principal, Adrien, quadragénaire névrosé et torturé, un résumé de la situation pour quoi se gêner ?
Il faut dire qu'on la comprend un peu, Sonia, de vouloir faire une pause: être régulièrement réveillée par un gars persuadé de faire une crise cardiaque, ça fatigue !fabcaro
Mais bon il est attachant aussi et c'est sans doute pourquoi son futur beau-frère vient de lui demander lors d'un dîner en famille de rédiger Le discours de son prochain mariage.
Belle occasion pour Adrien de se torturer les méninges et de scanner le fonctionnement des relation familiales , où chacun est tenu de jouer sa partition, sans déroger aux règles implicites. A moins que...
Du début à la fin de ce roman, j'ai eu le sourire devant les membres de cette famille, croqués à la fois avec tendresse, pertinence  et loufoquerie. On a vraiment l'impression d'y être et de reconnaître , poussés à l'extrême, jusqu'à l'absurde certains comportements de nos contemporains
A noter qu'on peut aussi glaner plein d'infos, à la fois drôles et surprenantes, histoire de briller dans notre prochain dîner de famille !

Gallimard 2018. Et zou, sur l'étagère des indispensables !

Un grand merci à Clara à qui je dois cette découverte !

The Autist Reading m'avait donné envie et indique plein de liens ! Merci à lui !

 

13/11/2018

Au grand lavoir

 Alors j'irai au grand lavoir là-bas, où la mémoire se récure contre le granit rugueux, où la langue se rince au torrent qui mousse comme un savon d'encre, où la fiction fait Javel. Je regarderai l'eau crasseuse s'écouler dans une grande synovie de mots et je laisserai sécher les éclaboussures au soleil de leur consolation. Grande lessive.

Il a assassiné la mère de celle qu'il voit un jour à la télé, par hasard.
L'étudiante d'alors est devenue  une écrivaine qui va venir pour une signature à Nogent-le-Rotrou Rotrou.
L'assassin a changé d'identité, a été réinséré. Il travaille aux espaces verts de cette commune et mène une vie routinière, totalement perturbée par cette nouvelle. Tous les stratagèmes mis en place vont montrer leurs faiblesses même si, paradoxalement, un point commun unit en pointillés ces deux personnages antagonistes: les plantes.sophie daul
Utilisant un montage en parallèle qui alterne les points de vue, Sophie Daul met ici en scène un parcours à la fois imaginaire même si inspiré de sa propre histoire. Elle a en effet découvert le corps de sa mère assassinée. Face à un tel drame comment réagir ? Vengeance ? Pardon ? Dans une mise en scène troublante où se dit aussi un corps figé à l'instar de celui de la mère dans une taille 34, Sophie Daul définit ici une troisième voie.
A dire vrai, je craignais la lecture de ce texte qui aurait pu être lacrymal, usant de grosses ficelles, mais l'autrice est à la fois cérébrale et sensible et j'ai dévoré ce roman d'une traite.

Philippe Rey 2018

09/11/2018

La femme brouillon ...en poche

"Le bébé siphonne notre tendresse. On s'adresse l 'un à l’autre comme deux vieux collègues exaspérés."

Entre bonheurs et inquiétudes, "Le père du bébé aurait fait une bien meilleure mère. Son instinct de sacrifice est plus développé, et c'est toujours lui qui fait les crêpes.", mais toujours avec beaucoup d'humour et d'énergie, la narratrice nous raconte les étapes obligées de sa grossesse, de l'annonce  à une conclusion qui évoque très joliment la transmission.amandine dhée
Celle qui se définit successivement ou simultanément comme "la gosse qui n'a pas les mots, l'ado blessée, la femme-lézard, la féministe, l'écrivaine et la demi-mère", une femme brouillon donc, dont on devine que le rapport à sa propre mère est plutôt douloureux, pose des mots très justes sur cette grossesse.
Si elle souligne l'attendrissement de certains devant son gros ventre, elle n'en oublie pas néanmoins que, bizarrement, ce dernier semble  devenir invisible dans les files d'attente ou les transports en commun...Avec lucidité, elle décrit ses propres contradictions de féministe et de mère en devenir, tiraillée entre le fait qu'on veuille la limiter à ce rôle et l'acceptation de ce rôle, trop normatif à son goût.
Ne perdant jamais son regard critique, dénichant la violence sous la guimauve, la narratrice s'en tire haut la main, ne reniant jamais son aspect  revendiqué de Femme brouillon, bien loin des mères parfaites qui nous sont imposées comme modèles. 
Un livre qui pose un regard décapant, drôle et intelligent sur la grossesse, voilà qui ne se refuse pas, quel que soit son âge !

Un grand coup de cœur, constellé de marque-pages !