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24/07/2018

La vie effaçant toutes choses

"Je marche sous le joug d'une sacoche de dix kilos que j'appelle mon kit de survie, j'apprends que j'ai peur des baleines mortes et je ne sais pas qui je suis.Et je ne sais pas si je l'apprendrai ici.Mais je sens que si je me laisse porter par les fanfares de la Renaissance, par la tempête et les corps de baleines, j'accèderai à une part de moi que je ne me rappelle pas avoir jamais approchée."

Neuf femmes, d'âges,de milieux différents, mais toutes dans un moment de fragilité, fragilité qu'il leur faudra accepter, et surtout dans une volonté de se débarrasser de "l'échiquier social" qui leur a imparti un rôle -carcan. Signe de ce malaise à la fois psychique et physique, les cauchemars morbides (décrits de manière très réaliste) dont beaucoup d'entre elles souffrent.fanny chiarello
Fanny Chiarello scrute ici avec une attention sans faille les micro-fonctionnements de nos relations avec les autres, en soulignant la violence cachée: "Il y a violence à feindre de ne pas percevoir le spectre lumineux d'un être vivant, même si l'on feint pour le laisser croire qu'il dispose d'une forme d'intimité, là, entre sa valise et le couloir du TER, même si l'on feint pour le laisser détendre ses épaules sans témoin."
Elle décrit aussi avec une précision poétique les paysages dévastés des bords de voies de chemins de fer, les petites villes côtières, les chambres d'hôtels modestes, tous ces lieux que nous traversons sans leur accorder plus qu'un regard distrait, mais qui en disent long sur notre humanité.
Roman ou nouvelles ? L’éditeur ne tranche pas. Disons qu 'il s'agit de neuf récits qui s'interpénètrent par le biais de personnages récurrents, qu'ils soient principaux ou non, une SDF, Rita , étant un peu le fil rouge que l'on va retrouver dans chacun de ces textes, simple silhouette ou actrice à part entière, interagissant avec les autres héroïnes.
Autre lien : la musique, qu'elle intervienne par le biais d'orchestres, d'une artiste ou d'une station de radio dont certains animateurs ou animatrices joueront aussi un rôle au sein de ce dispositif narratif.
Certaines métaphores servent aussi de leitmotiv, comme autant de cailloux que l'auteure sème à l'attention du lecteur.
Un roman puissant, tant par la forme que par le fond .
L'écriture de Fanny Chiarello, précise, vive, donne chair à ces neuf femmes, parfois rugueuses, nous les rend attachantes, sensibles et presque sœurs. Un grand coup de cœur ! Et zou sur l’étagère des indispensables.

21/07/2018

Dust...en poche

"Elle devait absolument se débarrasser des pensées parasites, refroidir son affect. Ne pas agir avec son cerveau reptilien mais solliciter le lobe frontal."

La profileuse française Anna Baxter est sollicitée par la police de Nairobi pour élucider une série de crimes sans cadavres, mais laissant de grandes croix de sang tracées dans la poussière.
Sur place, elle découvre aussi un phénomène qui touche nombre de pays africains: le massacre d'albinos à des fins de sorcellerie.sonja delzongle
Très vite, Anna comprend que les deux phénomènes sont liés...
Tableau sans concession d'un pays violent où règne la superstition, où les dessous de table et les détournements de fonds sont  habituels, Dust n'exploite pas à fond ce qui aurait dû être son thème principal: le génocide d'albinos.
Sans véritable suspense, le roman perd encore en intensité en allant flirter avec un arrière-plan nazillon tout à fait superflu. L'écriture aurait nécessité aussi un bon toilettage de tous les clichés qui l'émaillent et l'affaiblissent. Quant aux personnages, leur manière de s'exprimer est parfois caricaturale. Des longueurs dans le récit ont fait que j'ai abandonné aux trois quarts la lecture de ce roman dont l'héroïne atypique avait pourtant tout pour me plaire.


20/07/2018

Tropique de la violence

Pa de billet à proprement parler sur ce roman couvert de prix, que tout le monde , ou presque, a déjà loué à juste titre sur la blogosphère.
Je voudrais juste signaler qu'un manuel scolaire propose de comparer certains passages des Misérables (consacrés à Gavroche) avec des extraits du roman de Nathacha Appanah concernant Moïse et que ça a super bien fonctionné avec des Seconde Bac Pro.nathacha appanah, victor hugo
Ils ont vraiment été intéressés par les deux personnages et ont pis conscience de la situation des jeunes dans le dernier département français.

13/07/2018

Votre commande a bien été expédiée ...en poche

"Ils parlent de tout et de rien, de choses minuscules, parce que les mots sont des armes, d'accord, mais ils sont aussi cette musique entraînante qui s'insinue entre les hommes, les femmes , les verres de vin, et fait glisser l'ensemble vers un engourdissement bienheureux."

Un simple dysfonctionnement: Eugène n'a toujours pas reçu sa cocotte rouge en fonte commandée via internet. Pourtant, elle ne vient pas d bout du monde mais le trajet Normandie Pays basque semble soumis aux aléas climatiques, hum.nathalie peyrebonne
Eugène ne se décourage pourtant pas, parvient à contourner les formulaires automatiques et établit un contact avec une conseillère clientèle de l'entreprise, Lucia. Commence alors un échange d'abord épistolaire, souvent très drôle,  qui débouchera sur une vraie rencontre.
Par petites touches, avec humour et tendresse, Nathalie Peyrebonne entraîne son lecteur dans un monde qui glisse  avec douceur dans un fantastique très léger (façon homéopathie) pour mieux interroger les rapports que nous entretenons avec la réalité (qui hoquette dans la dernière partie du roman).
Les personnages sont attachants, la langue alerte, on se sent bien avec Eugène, Lucia et tous les autres autour de la cocotte rouge.

 

De la même autrice: clic.

 

10/07/2018

Dysfonctionnelle

"Ma folle dont j'étais affolée."

Plus Dysfonctionnelle que la famille de Fidèle, alias Fifi, la narratrice de ce roman , y a pas. Jugez un peu : le père qui tient un bar ("Le bout du monde") va régulièrement effectuer de petits séjours en prison car il s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment (sic). La mère, elle, fuit une réalité traumatisante et se réfugie dans une folie plus ou moins douce. Quant aux enfants, Dalida, Alyson, JR, Jésus, Gregorio et Fidèle donc, ils constituent un bel éventail de cas sociaux , plus ou moins sympathiques.axl cendres,gay friendly
Quand Fidèle,  détectée à l'adolescence comme ayant une intelligence  précoce, est amenée à étudier dans un lycée rempli d'ados ayant des familles "fonctionnelles", cela ne va pas être sans heurts, mais c'est là qu'elle va rencontrer l'amour de sa vie sous les trait de la belle Sarah.
Axl cendres , dans ce roman destiné à la jeunesse  choisit de ne pas tomber dans le pittoresque gratuit. Ses personnages sont certes hauts en couleurs, mais la fratrie n'est pas forcément soudée.
Quant à l’intolérance face à l’homosexualité féminine, elle ne viendra pas forcément de là où on l'attend.
D'ailleurs, ce n'est que réside le principal problème de cette relation, mais bien dans l'opposition entre deux modes de vie.
Un roman tendre, généreux et optimiste.

Sarbacane 2015.

305 pages qui se tournent toutes seules.

26/06/2018

#LePrinceCharmant,c'estVous! #NetGalleyFrance

"J'étais faite pour être père, moi, pas mère."

Journaliste d'investigation pugnace, maman comblée de deux petites filles, épouse d'un mari charmant mais glandeur pathologique qu'elle entretient depuis le début de leur relation, tout en assumant le quotidien, la narratrice est au bord de l'implosion.isabelle saporta
Aidée par son psy, sa tante loufoque, son meilleur ami gay et son amie( punk sous des dehors BCBG), notre quadragénaire  parviendra-t-elle à se défaire de sa culpabilité,  à arrêter de tout assumer en serrant les dents, voire à se débarrasser de ce troisième enfant qu'elle vient de se découvrir, à savoir son mari ?
Si l’appellation "superwoman" a disparu de nos écrans, le concept semble néanmoins bien ancré dans l' inconscient féminin , c'est pourquoi le roman d’Isabelle Saporta parlera à beaucoup d'entre nous. Sa vivacité, son humour en font une excellente lecture à savourer au soleil .

Fayard 2018

25/06/2018

#MissionHygge #NetGalleyFrance

"ça n'est pas parce qu'on est triste qu'on est obligé d'être malheureux."

Plus habituée aux terrains de guerre qu'au confort douillet,  la journaliste Chloé Savigny est envoyée, bien contre son gré, enquêter sous couverture dans le  petit village danois de Gilleleje où les gens sont les plus heureux au monde .caroline franc
Stressée, irritable, peu douée pour les relations sociales, souvent sarcastique, Chloé va peiner à trouver sa place au sein de la petite communauté danoise où elle va officier en tant que serveuse. Pourtant, peu à peu, à son corps défendant, Chloé va évoluer, s'ouvrir aux autres et admettre ses propres faiblesses.
Livre qui fait du bien, Mission Hygge remplit parfaitement son office tant son écriture est fluide, ses personnages sympathiques, même s'ils manquent un peu de profondeur, et sa lecture aisée sans tomber pour autant dans la facilité.
L'auteure sait nuancer son propos et ne fait pas du Danemark un pays de niais, bien au contraire. Elle souligne la rigueur des habitants mais aussi leur capacité à s'adapter aux conditions climatiques et aux difficultés en général. Elle n'omet également pas de préciser que le taux de suicide est hyper élevé dans ce pays , "Preuve que le bonheur n'est pas forcément contagieux."

Un  bon roman de détente qui se lit d'une traite, à glisser dans sa valise estivale. 240 pages éditions First 2018.caroline franc

 

 

23/06/2018

Point de gravité

"Quelles paroles, quels gestes ? On sous-estime toujours le pouvoir des mots, le poids des actes, leurs empreintes dans le tissu du temps."

à sa sortie, elle l'attend.  Florianne n'est plus une adolescente et , à son tour, elle emmène Loïc au bord de la Mer du Nord.L'occasion de faire resurgir différentes strates de souvenirs pour celui qui a besoin de temps "Pour [se] réaccoutumer au chaos du monde, [se] réconcilier avec ce millénaire qui pour l'heure ne [l'] a guère épargné." L'occasion peut être de renouer, aussi, avec la beauté du monde.Ludovc Joce
Un roman sec et nerveux où le personnage principal tombe de Charybde en Scylla, sans (auto) apitoiement , et une découverte au passage du métier d'éducateur, sans clichés ni tabous. Un métier qui nécessite attention, pour repérer les subtils changements d'ambiance, mais aussi distance afin de ne pas brouiller les règles de ce qui n'est pas un jeu. Un peu chevalier blanc, un peu paumé, souvent sur le fil du rasoir, Loïc  cherche autant à éclairer sa vie que celle des autres.
Un premier roman sensible, doté d'une belle efficacité dans le récit et d'un style émouvant.Lu d'une traite car très prenant !

 

Point de gravité, Ludovic Joce,

réédité chez Jasmin noir en 2018 !

21/06/2018

Les hordes invisibles

"Alex s'interrogeait sur leur responsabilité collective. Tous, ils laissaient le vocabulaire commun enjoliver ce qui s'apparentait à des meurtres de masse."

Quel plaisir de retrouver les personnages des Ravagé(e)s ! Alexandra a arrêté la bière et tente de faire une place dans sa vie à l'amoureux qui bosse avec elle à la Brigade Des Crimes et Délits Sexuels.louise mey
Si le roman ne joue plus sur l'effet de surprise, il approfondit les thèmes abordés dès le premier volume et montre bien l'aspect quotidien, quasi banal des violences faites aux femmes et ce dans tous les milieux sociaux.
Le péché mignon d'Alexandra, les statistiques, permettent d'étayer les faits et de convaincre de l'ampleur du phénomène.
Un roman un peu didactique, dont l'intrigue est parfois relâchée, mais qui remplit parfaitement son contrat et qu’on ne lâche pas !

Les Ravagé(e)s : clic

 

 

17/06/2018

Songe à la douceur...en poche

"C'est frêle,
ces jeunes personnes tellement éblouies par le jour
          qu'elles ne se sont pas apprêtées pour la nuit."

Un roman en vers libres qui dépoussière et revisite Eugène Onéguine avec une couverture rose bonbon pleine de fioritures ? Ce n'était pas gagné d'avance en ce qui me concerne, même si je n'avais jamais lu le roman de Pouchkine ni vu l'opéra de Tchaïkovski.clémentine beauvais
Et pourtant , une fois commencé, je n'ai pas pu lâcher ce roman destiné aux jeunes adultes (mais pas que).
L'histoire ? Une jeune femme, Tatiana, à l'aube d'entrer dans la vie adulte, rencontre fortuitement Eugène, celui dont elle était tombée amoureuse quand elle avait quatorze ans ans et lui trois de plus. Dix ans plus tard, Eugène est-il toujours aussi désenchanté et cynique ? Les amours adolescentes avortées peuvent-elles renaître de leurs cendres ?
On craint le pire et c'est le meilleur que l'on découvre tant Clémentine Beauvais se penche avec empathie que ses héros, les décrivant sans mièvrerie mais avec une acuité non dénuée de poésie. La sensualité est-elle aussi présente, sans tomber pour autant dans l'impudeur et la tragédie qui touche un des personnages est évoquée avec délicatesse.
Un exercice d'équilibre improbable parfaitement réussi dont la forme renforce le plaisir: intertextualité (des vers célèbres s'insèrent au fil du texte) des calligrammes et des interventions de l'auteure viennent encore ajouter au plaisir de lecture. On sort de là avec des étoiles dans les yeux, ravi que la fin évite les clichés du genre. Un grand bonheur de lecture dont on aurait tort de se priver.

Et zou sur l'étagère des indispensables !

Paru initialement dans une collection pour ados.