Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/11/2010

La mauvaise habitude d'être soi

"Il s'attribuait son quotidien pour en faire de la bouillie."

Un homme voit débarquer chez lui un inspecteur persuadé que l'occupant de cet appartement est décédé. Qui a raison , qui a tort ? Le narrateur , comme le lecteur, est d'abord fort de ses certitudes et tente de se raccrocher à des faits qui se font de plus en plus fluctuants sous la logique imparable du 41C1tPqL6TL._SL500_AA300_.jpgreprésentant de la loi. " Vous ne vous remettez jamais en cause, hein ? ", ce reproche ne pourra être fait au héros de la deuxième nouvelle qui est fatigué d'être lui,ou à celui qui choisit d'habiter dans un endroit, ô combien singulier, où "pour la première fois [il a] le sentiment d'être chez [lui]..."
Sentiment de singularité, identité pesante, perte de contrôle de son existence, inversion cyniquement réjouissante des valeurs, tels sont les thèmes qui courent tout au long de ces sept nouvelles qui échappent, ô miracle, aux pièges de la chute et de la mécanique bien rodée. Il s'en dégage d'abord un mal être bizarrement joyeux car à plonger dans l'absurde, à se frotter à la fausse logique, le lecteur ne peut qu'être séduit par ce réel à la fois si proche et si  délicieusement excentrique.Les deux dernières nouvelles ont une tonalité plus noire et plus tragique, puisqu'un personnage va même jusqu'à "s'expuls[er] de sa propre vie." et la paranoïa gagne du terrain sous une forme à la fois fantastique et faussement banale. Le malaise  envahit le lecteur et témoigne d'un monde où cohabitent principe de sécurité à tout crin et la violence contre les individus hors-normes.Un crescendo très efficace  .
Les illustrations de Quentin Faucompré se fondent totalement dans l'univers si particulier de Martin Page et en soulignent le non-sense .

Quel bonheur de commencer un recueil de nouvelles dont on sait dès les premiers mots qu'il va vous mettre le sourire aux lèvres ! On  a le coeur qui bat un peu en se demandant si le livre va tenir toutes ses promesses et ... oui !

 

 

 La mauvaise habitude d'être soi, Martin Page, Quentin Faucompré, Editions de l'olivier 2010, 145 pages enthousiasmantes ! Et zou, sur l'étagère des indispensables !

06/09/2009

Le sens de la famille

 

"Autobiographie de l'inconnu"

"Je suis au téléphone avec ma mère lorsqu'elle reçoit un coup de  téléphone  l'informant que ma mère est morte. Voilà qui ressemble un peu trop à un vers de Gertrude Stein."
Ces  phrases étonnantes sont extraites du récit autobiographique de la romancière américiane A. M. Homes. Elle a 31 ans quand surgissent dans sa vie d'abord sa mère biologique, exaltée à l'idée de rencontrer sa fille, puis son père biologique qui aura une attitude beaucoup plus ambivalente.51PxpzK70bL._SL500_AA240_.jpg
Quelle est la part de la génétique,  quelle est la part de l'éducation  dans ce qui fait son identité?  Voilà quelques unes des questions que se pose A. M Homes  et qui l'amèneront progressivement à remonter le temps, dans ses deux familles. Six textes courts constituent ce récit qui se conclut de la plus jolie façon : à une table ancienne- léguée par sa grand-mère- en compagnie de sa fille. Comme s'il avait fallu tout ce chemin pour que la romancière accepte de donner la vie.
Croisant son expérience d'adoptée et d 'écrivaine reconnue, A.M Homes fouille au plus profond ses sentiments,sans tabou,  imagine les relations de ses parents biologiques et adresse toute une floppée de questions à son père, le traînant en quelque sorte devant un tribunal dont on ne sait s'il est réel ou imaginaire. Tout ne trouvera pas de réponse mais l'auteure ne pourra plus écrire  "Je me suis volatilisée".

Le sens de la famille, A.M Homes,  traduit de l'américain par Yoann Gentric, Actes Sud.  235 pages troublantes.

Merci Cuné !