26/04/2018
Sens averse (répétitions)
"Il va falloir chanter à la barbe de l’horreur
Il va falloir danser sous petite et grande ourses
Grand et petit chariots bien mieux que les autos
Comme de bonnes casseroles et de bonne volonté." (p.121)
- Ouvrir un recueil de poèmes c'est prendre tout à la fois des nouvelles du poète et du monde dans lequel il s'inscrit avec sa sensibilité.
Ouvrir Sens averse, c'est retrouver d'emblée le plaisir partagé de jouer avec les mots, de cueillir des brassées de plantes aux noms déjà déjà métaphoriques, d'évoquer les moments du quotidien (faire cuire des pâtes, patienter à la caisse du supermarché...) en faisant un pas de côté ,un pied de nez aux conventions, en inventant un escargot... Mais c'est aussi évoquer le sort des abeilles, de la planète, d'écrire un dizain au lecteur "qui est souvent une lectrice",de convoquer, aussi bien la Compagnie Créole que Jacques Higelin, de glaner chez d'autres poètes afin de composer d'autres bouquets de vers et d'avoir l'élégance de mentionner ses sources. Bref, de faire feu de tout bois.
De la caissière du Lidl à Dominique Rocheteau, des accidents du quotidien aux souvenirs de l'enfance, fêlures anciennes ou chagrins actuels, tous ont droit de cité et la forme ludique qu'emprunte le poème chez Valérie Rouzeau permet de faire la nique au malheur et à la tristesse. Ce recueil est pour moi un viatique, constellé de marque-pages, ancré sur ma table de chevet.
La Table Ronde 2018
06:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : valérie rouzeau
14/03/2012
Vrouz
Voici du VROUZ ! annonce le bandeau de couverture. Du Vrouz? Un mot-valise plein d'énergie créé par l'acteur Jacques Bonnaffé (avec Sardine Robinson et Adèle Cockrobin) pour désigner V(alérie) Rouz(eau).
Et de l'énergie il y en a dans ce recueil de poèmes qui m'a enthousiasmée du début à la fin !
L'auteure fait feu de tout bois et recycle avec un humour parfois caustique les messages formatés de notre quotidien, qu'ils figurent sur une emballage de cigarettes , une notice de médicaments, voire une feuille de résultats d'analyses ! Elle nous entraîne dans son univers, qui pourrait être le notre, celui d'une quadra qui s'affirme dès le premier vers "Bonne à ça ou rien" , énumère ses incapacités , parfois cocasses, parfois plus sombres ,avant de conclure
"Pas fichue d'interrompre la rumeur qui se prend
Dans mes feuilles de saison"
et c'est tant mieux !
Une grande liberté aussi dans l'incorporation des citations d'auteurs chéris (et dûment répertoriés dans les notes de fin de volume- la dame est fort honnête et nous invite par la même occasion à emprunter de nouveaux chemins -) dans l'utilisation des registres de langue, voire de mots anglais. N'oublions pas en effet que Valérie Rouzeau est traductrice et spécialiste de Sylvia Plath.
Ces jeux sur les sons et les rythmes entraînent parfois la suppression des déterminants et des rencontres lexicales parfois brutales pour dire le monde où les humains sont réifiés, aussi interchangeables et remplaçables que leur téléphone (page87) sonnant dans une poubelle.
Les tonalités diffèrent donc, mais si les nuages et la pluie semblent omniprésents, le temps n'est pourtant pas à la mélancolie facile. L'auteure se livre sans fards , laissant deviner les marques de l'âge, les découragements devant cette "époque médiatique" si creuse et nous offre un très joli autoportrait (page 156) où elle affirme:
"Ne suis pas très causante encore moins conviviale
Quand vos paroles sont tellement toujours les mêmes
Interchangeables et creuses formules des tics en toc"
et renouvelle page 114 le thème de la Supplique pour être enterré en demandant :
"Plantez un chêne pour la rouzeau
Du vertical pour l'horizon
Puis de l'herbe bien folle autour
Plutôt qu'un gazon dormitif"
Une bien dynamique façon d'envisager le paysage qui abritera son corps !
Pour conclure une dernière citation :
"J'ai l'amour spontané de mon prochain saud quand
Mon prochain s'intéresse de trop près à mon goût
à ma personne gentille et froide et solitaire
Alors là je m'éloigne à grande enjambées
Du buffet dînatoire où j'étais conviée
Et je rentre chez moi savourer mon congé"
Un recueil tout bruissant de marque-pages (un paquet y est passé !)
Vrouz, Valérie Rouzeau, La table ronde 2012, 169 pages toniques et jubilatoires !
Et zou , le voici promu d'emblée livre de chevet !
06:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : valérie rouzeau
07/03/2012
Une poétesse contemporaine...
...en couverture , un événement rare ! j'ai hâte de me procurer ce numéro !
06:00 Publié dans Bric à Brac, Poésie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : valérie rouzeau
06/07/2011
Ariel...en poche, enfin !
"Elle a l'habitude de ce genre de choses.
Et ses ténèbres craquent et ses ténèbres durent."
Comme le rappelle Valérie Rouzeau dans sa préface"la biographie occulte parfois l'oeuvre [de Sylvia Plath] et c'est dommage."
S'imposant défi sur défi ,cette jeune poétesse américaine qui par amour pour Ted Hughes, s'était installée en Grande-Bretagne, avait laissé un recueil de poèmes encore en chantier , Ariel, poèmes dont elle était persuadée "Qu'ils feraient sa renommée" et qui ne paraîtront qu'en 1965, deux ans après que Plath se soit donné la mort.
Les notes de la traductrice- et poètesse elle même- Valérie Rouzeau- éclairent les poèmes et d'emblée nous précisent l'ordre voulu par Sylvia Plath pour organiser ce recueil, ordre que changea son mari Ted Hughes.
Si comme moi vous attendiez que ce recueil sorte enfin en poche, vous ne pouvez que dévorer ces poèmes fiévreux , pleins d'énergie, solaires , brassant les thèmes de la mort, de la chair corrompue, de la résurrection aussi, traversés par la luminosité des voilages blancs et du rouge qui blesse les yeux. ..
112 pages qui vont m'accompagner longtemps.
06:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : sylvia plath, valérie rouzeau