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02/04/2016

Mémoire de fille

"Ce récit serait donc celui d'une traversée périlleuse, jusqu'au port de l'écriture. Et, en définitive, la démonstration édifiante que, ce qui compte, ce n'est pas ce qui arrive, c'est ce qu'on fait de ce qui arrive. Tout cela relève de croyances rassurantes, vouées à s'enkyster de plus en plus profondément en soi, au fil de l'âge mais dont la vérité est, au fond ,impossible à établir."

Récit dont Annie Ernaux s'aperçoit a posteriori qu'il est "contenu entre deux bornes temporelles liées à la nourriture et au sang, les bornes du corps.", récit longuement différé tant a été violente la honte ressentie en cet été 58 , l' épisode évoqué de manière elliptique dans d'autres textes , Mémoire de fille  le raconte et comble ce vide.
Il s'agit de sa première nuit avec un homme, H., dont elle s'entichera, qui la rejettera,entraînant aussi les sarcasmes violents des autres moniteurs de la colonie où Annie Ernaux- alors Duchesne - fait l'expérience de ce qu'elle croit être la liberté.annie ernaux
Cette violence physique qui lui est faite, cette violence verbale aussi, elle est,en 1958, dans l'incapacité d'en prendre conscience et la retournera contre elle, essayant de se rapprocher le plus possible, tant physiquement  que socialement, de la jeune institutrice blonde que lui a momentanément préféré H.
Cet épisode, elle a voulu à toutes forces l'oublier, mais ce n'est que deux ans plus tard, grâce à la lecture  de Simone de Beauvoir qu'elle pourra mettre des mots sur ce qui lui est arrivé.
Ne possédant pas les codes sociaux, voulant à tout prix masquer son inexpérience, Annie Duchesne accumule les erreurs pour un comportement féminin qui, dix ans plus tard, deviendra acceptable, voire normal.
Se basant sur ses lettres, sur des photos, Annie Ernaux remonte le temps et interroge l'acte d'écrire : "Mais à quoi bon écrire  si ce n'est pour désenfouir des choses, même une seule, irréductible à des explications de toutes sortes, psychologiques, sociologiques, une chose qui ne soit pas le résultat d'une idée préconçue ni d'une démonstration, mais du récit, une chose sortant des replis étalés du temps et qui puisse aider à comprendre -à supporter-ce qui arrive et ce qu'on fait."
Le travail de mémoire est mené avec acuité et sans complaisance, Annie Ernaux se désignant comme "la fille de 58", "cette fille", "Elle" dans un distanciation nécessitée par les décennies qui se sont écoulées. Mémoire de fille est un récit nécessaire où se lit l'inscription du corps féminin dans une réalité sociale et historique, ainsi que le destin d'une jeune femme qui semblait tracé d'avance. Un texte sans concessions, qui marque profondément son lecteur.
Et zou sur l'étagère des indispensables !

Mémoire de fille, Annie Ernaux Gallimard 2016. 151 pages bruissantes de marque-pages!

 

 

10:40 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : annie ernaux

Commentaires

Je ne suis pas étonnée de voir ce livre atterrir sur ton étagère des indispensables... ;-)

Écrit par : Noukette | 02/04/2016

Je viendrai te lire après ma lecture.

Écrit par : clara | 02/04/2016

Et bien c'est noté illico !

Écrit par : Céline | 02/04/2016

Je te lis en diagonale, je le commence tout-à-l'heure :-) J'y reviendrai après ..

Écrit par : Aifelle | 02/04/2016

Rhaaa vous allez me faire craquer et j'ai lu ton billet car je n'avais aucune idée de quoi ça parlait mais c'est du Annie Ernaux : elle pourrait parler des vaches sacrées en Amazonie que ça m'intéresserait ! Je le note, forcément...

Écrit par : Asphodèle | 02/04/2016

Noukette, vraiment ? :)
Clara, Aifelle, j'attends vos billets avec impatience, les filles!:)
Céline, il faut le lire ! :)
Asphodèle, un bel enthousiasme ! :)

Écrit par : cathulu | 02/04/2016

Il me reste une quinzaine de pages à lire. Je lis et relis certains passages avant de passer à la suite. Avec Annie Ernaux, c'est souvent comme ça, j'ai besoin de temps pour essayer de comprendre toute la portée de ses mots. Mais j'adore. La plupart de ces textes font partie des mes indispensables.

Écrit par : Saxaoul | 03/04/2016

mhuuuuum tu donnes envie folle pour ce livre qui déjà me faisait grandement de l’œil ;-)

Écrit par : framboise | 03/04/2016

Elle a déclaré que ce serait son avant dernier livre. Sans doute l'un des plus importants de son oeuvre, tant il lui permet de revenir sur une période de sa vie avec laquelle elle ne parvenait pas à se "réconcilier". C'est pour moi un de ses textes les plus réussis.

Écrit par : jerome | 04/04/2016

C'est Annie Ernaux donc il me le faut ! Trêve de plaisanterie, je crois ne pas avoir lu son précédent ("Regarde les lumières, mon amour"), ce sera l'occasion de renouer avec mon auteure/autrice (cf. chez Cuné) fétiche.

Écrit par : Melanie B | 04/04/2016

Saxasoul, je te comprends.
Framboise, nous sommes nombreux à avoir beaucoup aimé !
Jerome, je confirme !
Melanie, "Regarde les lumières..." sort en folio début mai...

Écrit par : cathulu | 04/04/2016

Je suis d'accord un livre indispensable et transgénérationnel. L'époque a changé mais les désirs des filles n'a pas tant changé : trouvé sa voie, trouvé l'amour ...

Écrit par : lucieh | 05/04/2016

Lucieh, voilà le mot "indispensable", oui.

Écrit par : cathulu | 05/04/2016

Un livre d'Annie Ernaux c'est quelque chose de particulier qu'il ne faut pas rater... celui-là est une pépite. A lire absolument !!!

Écrit par : Organza | 16/04/2016

Organza, je crois que les avis sont unanimes concernant ce texte !

Écrit par : cathulu | 17/04/2016

Les commentaires sont fermés.