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30/11/2017

Même Dieu ne veut pas s'en mêler

"Le génocide, c'est quand l'humanité tire un trait sur vous
Quand sous vos yeux des amis, des connaissances, des épouses se transforment en tueurs,
Quand votre cœur saigne de n'avoir plus de voisins pou vous porter secours, alors que votre agonie dure des mois,
Quand votre humanité vous est déniée,
Quand on tue des enfants , tandis qu'on évacue des chiens,
Quand nul ne songe à votre désillusion le jour où vous découvrez qu'ils vous ont regardé vous faire découper à la machette."

Rescapée du génocide rwandais , telle est devenue  l'identité d'Annick Kayitesi-Jozan. Elle revient dans ce récit alternant les époques sur le massacre de sa famille et en particulier sur la mort de sa mère, assassinée sous ses yeux, sur la manière dont elle et sa sœur ont survécu et réussi à être évacuées en France.
Dans la première partie de ce récit, elle analyse de manière précise et fouillée sa relation à la mort de sa mère et l'impossibilité  pour elle de se délester du poids de ce décès, tant que le corps maternel n'aura pas trouvé de sépulture.annick kayitesi-jozan
J'avoue que les incessants allers-retours dans entre les différentes époques ont fini par me perdre un peu en route et que j'ai lu avec beaucoup de distance la suite du parcours de l'auteure. Un récit nécessaire mais qui aurait peut être gagné à être plus fluide dans sa narration.

Lu dans le cadre du grand prix des lectrices de Elle.

28/11/2017

La fourmi rouge

"Tout a déjà changé sans que je le sache même. Or, je ne sais pas si ça se sent, mais je suis à peu près aussi douée pour le changement que l'étaient les dinosaures..."

Vania Strudel, quinze ans, a l'impression de ne pas avoir tiré le gros lot à la loterie de la vie. Jugez un peu : en plus d'un prénom et d 'un nom sujets à moquerie, elle est affligée d'un ptosis congénital à l’œil gauche, "En gros , [sa] paupière s’affaisse sur mon iris, ce qui fait qu'[elle a ] l’œil perpétuellement mi-clos, comme l'inspecteur Columbo.", un père taxidermiste et une ennemie jurée.emilie chazerand
Elle trimballe aussi, nous l’apprendrons petit à petit une cargaison de secrets. Mais ce qui va déclencher toute une série de bouleversements dans sa façon d'envisager l'existence, c'est un mail anonyme à la fois "dévastateur et constructif", l'incitant, non pas à rester une"fourmi noire"banale et sans ambition, mais à assumer sa singularité en devenant une fourmi rouge.
Et il a bien raison l'auteur de ce mail car Vania en a du caractère et de l'humour, souvent vachard d'ailleurs.Il lui reste juste à accepter de grandir à la fois dans son corps et dans son esprit.
Émilie Chazerand brosse ici le portrait d'un microcosme plein de vie et de fantaisie où les ennuis semblent s'accumuler sur le dos de son héroïne , mais, elle a les épaules Vania  et on la suit sans hésiter, défrichant à sa suite la jungle des mensonges où beaucoup de gens qui l'aiment l'ont laissée s'enferrer.
J'ai beaucoup aimé aussi la manière très directe, parfois scatologique (et pourquoi pas ?)dont Vania parle de son corps en pleine mutation. Revigorant et très drôle !


Merci à l'éditeur, Sarbacane, et et à Babelio (masse critique)

27/11/2017

Tango fantôme

"L'histoire se répétait : encore une fois, elle se retrouvait dans l’ombre de sa sœur, qui prenait toute la place."

Helene Bergman croyait avoir coupé tout lien avec sa famille dysfonctionnelle: une mère disparue en Argentine lors de la "Guerre sale", un père irresponsable et alcoolique. A peine entretenait-elle quelques liens distants avec sa sœur Camilla, dite Charlie. tove alsterdal
Mais quand cette dernière tombe d'un balcon, du onzième étage, même si la police conclut rapidement à un suicide, Helene va mener sa propre enquête, partant sur les traces de sa sœur dont elle découvre rapidement qu'elle avait effectué  récemment un voyage en Argentine.
Alternant les époques, le roman de Tove Alderstal rafraîchit nos connaissances sur la situation politique en Amérique du Sud dans les années 70 et brosse le portrait de femmes qui, maladroitement, tentent de se construire un destin.
L'héroïne  n'est en rien attachante, la description des personnages secondaires est un peu superficielle mais,
en dépit de longueurs dans le début du roman, je me suis laissée prendre par l'intrigue, faisant fi de quelques invraisemblances.

Pas encore un coup de cœur pour ce roman policier lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices de ELLE.

21/11/2017

Sous la neige, nos pas

" Toute ma vie, je resterais au seuil de ce mystère que certaines personnes, sans qu'on puisse expliquer pourquoi, sont imperméables à la facilité collective de la malveillance. Cette méchanceté générique des hommes, avec ses mille bras bornés, à accrocher l'inerte et le vivant dans les convoyeuses à chaînes des abattoirs méthodiques, elle n'a pas prise sur eux. Lucien était un brave homme, un phoque blanc, un mouton noir."

Août 1983, une jeune institutrice, Esther et sa petite fille,  Juliette,tout à fait ignares de l’âpreté de la vie quasi moyenâgeuse qui les attend, viennent s'arrimer sur les hauteurs de la Margeride en Lozère.
Une trentaine d'années plus tard, Esther revient sur cette expérience et sur ses conséquences, aussi bien pour ces deux ex-citadines que pour les habitants du village qui les avaient accueillies et protégées, sans qu'elles s'en rendent vraiment compte.laurence
Personnalités atypiques, Esther et Juliette vont pouvoir donner libre cours à leurs "sauvagerie" dans cet espace de liberté où pourtant le monde de la ville va les rattraper.  Elles découvriront aussi  les beautés de la nature et les qualités humaines des habitants du village.
Si je n'ai pas été totalement séduite par le côté "noir" du roman, j'ai été totalement enthousiasmée par la langue de l'auteure et sa manière, tantôt lyrique, tantôt plus rude, de décrire la nature et les animaux. Une magnifique découverte !

Dans la neige, nos pas. Laurence Biberfeld, Éditions La Manufacture des livres 2017

Déniché à la médiathèque.

 

20/11/2017

Ces rêves qu'on piétine

"Elle n'a jamais blessé personne. Elle n'a jamais haussé la voix. Elle a été à la hauteur. Elle s'est battue. Elle a menti. Elle a collé au personnage qu'on avait voulu faire d'elle. Digne de son rôle."

 Montage alterné pour ce roman mettant en scène la fin de la Seconde Guerre mondiale: tandis que sont engagées les marches de la mort, Martha Goebbels et six de ses enfants se terrent avec quelques dignitaires nazis dans le bunker berlinois d'Hitler.

sébastien spitzer


L'occasion de revenir sur le parcours de cette femme qui a bâti sa vie sur un mensonge (son père était juif) et a embrassé sans barguigner les thèses du nazisme pour livrer cours à ses ambitions.
L'occasion aussi de brosser un portrait saisissant et puissant des derniers massacres, tant par les soldats que par les populations civiles, des survivants des camps de la mort.
Faisant le lien entre les deux, les lettres (imaginées par l'auteur) qu’un père a adressées à la fille qui n'a rien fait pour le sauver.
Si le style de l'auteur est à la fois très évocateur mais sans pathos, je suis malheureusement restée à distance de ce texte, un peu pour me préserver et aussi parce que j'avais déjà lu plusieurs romans sur cette période historique .Ce dernier en a sans doute pâti.

Lu dans le cadre du grand prix des Lectrices de Elle.

17/11/2017

La veillée...en poche

"Ce qui change le cours des choses n'est pas la vérité, mais  de la savoir."

Le père de Sébastien vient de mourir.  Marie, son amie d'enfance,  le rejoint et l'accompagne lors de La Veillée du  défunt. L'occasion de découvrir tout un pan de la vie paternelle, mais aussi de revenir sur des éléments du passé de ces quadragénaires qui auraient pu évoluer différemment.virginie carton
Chacun d'entre nous a eu ou aura à se confronter au deuil d'un parent. Une situation douloureuse pour laquelle Virginie Carton a su trouver le ton juste, ne basculant ni dans le sentimentalisme, ni dans la contrition.Elle dépeint avec une grande précision la gamme des sentiments par laquelle passe Sébastien et brosse avec tendresse une formidable histoire d'amitié , qui a su se jouer du temps et de la distance.
Un roman qui fait du bien et nous donne envie de profiter encore plus de la vie.

La veillée, Virginie Carton, Stock 2016, 219 pages piquetées de marque-pages.

16/11/2017

La meilleure des vies

"Pourquoi vous parler des bienfaits de l'échec ? Tout simplement parce qu'il vous permet de vous dépouiller de tout ce qui n'est pas essentiel. "

Invitée à prononcer le discours de la cérémonie de remise de diplômes à l'université Harvard, la célébrissime J. K Rowling choisit d'axer son allocution sur les vertus de l'échec et de l’imagination. Paradoxal mais efficace pour marquer les esprits.j k rowling
Elle s'appuie sur sa propre expérience dans ces deux domaines ,ainsi que sur la compassion que l'organisation Amnesty International lui a permis de découvrir quand elle était étudiante et travaillait pour eux.
Empreint d'humour, jamais pompeux, un discours comme on aurait aimé en entendre à la fin de nos études.

 

70 pages illustrées. Grasset 2017.

06:05 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : j k rowling

15/11/2017

Quand vient le temps d'aimer...en poche

"La beauté est un état éternellement hors de portée."

Vacances d’hiver à Erdenfield, petit village du Sud de l'Angleterre. Les étudiants, harassés, rentrent dans leurs foyers, les adultes règlent des problèmes domestiques mais tous,quelque soit leur âge, se débattent avec des problèmes amoureux.
Qu'ils soient tiraillés par le démon de midi, découvrent l'infidélité d'un conjoint , souhaitent se venger, tombent amoureux de la mauvaise personne ou tentent de briser une solitude qui leur pèsent, tous les personnages sont envisagés avec la même bienveillance par l'auteur. william nicholson
Les portraits sont bien campés, du chirurgien esthétique au scénariste en butte aux demandes les plus absurdes en passant par la femme au foyer qui souhaite renouer avec une vieille flamme (ce qui nous vaut une scène de  sexe hilarante dans un hôtel !) jusqu'au vieil artiste atrabilaire dénonçant le vide de l'art conceptuel.
On retrouve avec bonheur les personnages de L'intensité secrète de la vie quotidienne (clic) (qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu), la capacité de l'auteur à inscrire ses personnages dans un quotidien criant de vérité, son humour parfois vachard (les hommes ne sont pas épargnés ! : "-[...] que suis-je censée offrir à Tom pour Noël ? Une ceinture de chasteté ?
- Je ne crois pas que cela existe pour les hommes.
-Si je lui achetais une gaine  ? Ce ne serait pas mal pour lui tenir le ventre. Sans compter que j'aimerais le voir porter une gaine  avec une tr... bien raide.")
 et on passe un excellent moment dans ce roman 100 % british !

Quand vient le temps d'aimer, (All the Hopefull Lovers), William Nicholson, traduit de l'anglais par Anne Hervouët, Éditions de Fallois 2015, 333 pages délicieuses.

14/11/2017

La salle de bal

"Quelqu'un dont l'intérieur, elle le savait, se déployait sur des kilomètres, même si son extérieur était aussi fermé et barricadé qu'avant."

Ella, jeune ouvrière , parce qu'elle a brisé une vitre de la filature où elle travaille depuis l'enfance, se retrouve enfermée dans un asile d’aliénés du Yorkshire.Là, elle se liera d'amitié avec Clem, une jeune femme cultivée, qui revendique sa liberté en refusant de se nourrir . Cette dernière aidera Ella à établir un lien avec John Mulligan, un Irlandais farouche et déprimé.anna hope
Nous sommes en 1911 et, en quelques mois, le destin de ces trois personnages va basculer au gré des pratiques pour le moins erratiques d'un jeune médecin, Charles. Ce dernier, dans un premier temps, se lance dans un usage thérapeutique de la musique, n'hésitant pas à organiser un bal hebdomadaire, permettant de réunir les hommes et les femmes de l'établissement, séparés le reste du temps. Mais Charles est aussi fortement intéressé par l'eugénisme, alors fort en vogue à l'époque et , ne pouvant se résoudre à assumer ses pulsions sexuelles, il basculera ensuite dans un comportement qui frôle la folie.
Ella, John et Charles, trois voix qui alternent tout au long de ce roman très maîtrisé du point de vue de la structure narrative. Chacun d'entre eux possède un objectif commun, la liberté, mais ils vont emprunter des chemins très différents pour la conquérir. On se laisse porter par le roman d'Anna Hope, empreint de sensualité et de sensibilité. On assiste, le cœur serré , aux rebondissements parfois un tantinet trop sentimentaux, mais ne boudons pas notre plaisir car Anna Hope a su éviter les écueils du roman historique et nous rendre très actuels ses héros. Un grand plaisir de lecture.
Si je connaissais déjà, via le roman de Maggie O'Farrell L’étrange disparition d'Esme Lennox, la manière dont on bridait les revendications de liberté féminines au début du XXème siècle en Grande-Bretagne, j'ai découvert l'enthousiasme suscité par l'eugénisme en Grande -Bretagne, y compris auprès de Churchill.

13/11/2017

Les passagères du 221

"Ne pas me plaindre, il a déjà bien de la peine, je vais pas lui rajouter la mienne. Et puis moi, j'ai la liberté
Le sens de la lame...J'en parlerais pas non plus
Mais alors, à part le chat, de quoi on va causer ensemble ? "

Unité de temps, un trajet, de lieu, le bus 221, d'action, des femmes d'âges, de milieux différents se rendent à la maison d'arrêt pour visiter un homme et lui apporter du linge propre.
Nous les quitterons au moment où elle s'apprêtent à atteindre leur objectif. Entre temps, nous aurons découvert leurs tragédies intimes, leurs tourments et la manière dont la prison confisque à la fois leur temps et leurs pensées.catherine béchaux
Dans l'espace clos du bus 221, ces trajectoires se frôlent et vont se souder provisoirement à travers une même crainte: arriver en retard du fait de contre-temps que le chauffeur du bus, qui les observe du coin de l’œil avec une empathie discrète, entend bien leur épargner. ça n'est jamais grandiloquent, c'est tout en retenue pour mieux faire naître l'émotion.
Nous les avons sûrement croisées ou aperçues, ces femmes qui, lestées d’encombrants cabas tout autant que de problèmes et le grand talent de Catherine Béchaux est de leur donner une identité bien ancrée dans la réalité. En effet, l’autrice connaît bien ce microcosme de la maison d'arrêt et nous en brosse un portrait qui sonne juste, en particulier quant aux tracasseries administratives concernant les vêtements qui doivent corresponde à des critères bien précis, tout en dépendant du bon vouloir ou non des gardiens. Un roman qui donne une voix à celles qui trop souvent n'en n'ont pas. Un texte à qui on a fait une place trop discrète dans les médias. à découvrir de toute urgence .

Éditions Liana Levi 2017, 119 pages nécessaires.