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03/09/2017

Les vies de papier...en poche

"La littérature est mon bac à sable. J'y joue, j'y construis mes forts et mes châteaux, j'y passe un temps merveilleux. C'est le monde à l'extérieur de mon bac à sable qui me pose problème."

Quel personnage, Aaliya Saleh ! Mariée à seize ans, répudiée presque aussitôt, cette Beyrouthine a passé presque toute sa vie au milieu des livres, s'affranchissant ainsi des carcans que voulaient lui imposer sa famille et la société libanaise d'alors. Âgée de 72 ans, elle s'apprête à commencer l'année par son petit rituel de traduction en arabe d'un roman original, "ayant une voix atypique". Elle n'a pas encore arrêté son choix et revient sur son passé, ses lectures, sa famille avec une impertinence et une autodérision réjouissantes: "Moi, j'ai commencé par Crime, le roman qui me convenait.Appelez-moi Boucle d'or."
Beyrouth, où elle habite depuis toujours, est elle aussi un personnage à part entière, qu'elle dépeint avec amour et lucidité:  "Beyrouth est l'Elizabeth Taylor des villes: démentes, magnifique, vulgaire, croulante, vieillissante et toujours en plein drame."51-CMGzbQQL._AC_US218_.jpg
Sans s'attarder sur les années de guerre, qu'elle condense en quelques épisodes révélateurs et réflexions irrévérencieuses, elle émaille ses pensées de références littéraires et philosophiques, n"hésitant pas à interpeller les romanciers: "Chers auteurs contemporains, à cause de vous, je me sens inadaptée, car ma vie n'est pas aussi limpide et concise que vos histoires."
Le processus de la traduction est lui aussi interrogé de manière pour le moins originale.
On entre de plain-pied dans l'univers de cette femme et on passe un  moment formidable en compagnie d'Aalyia et de ses voisines,elles aussi hautes en couleurs,  tout au long de ces 304 pages !

 Les vies de papierde Rabih ALAMEDDINE , traduit de l'anglais par Nicolas RICHARD, Les Escales 2016.

27/08/2017

Mariées rebelles ...en poche

Enfin, le premier recueil de poèmes de Laura Kasischke, dont on n'entendait parler que dans les articles consacrés à celle que nous ne connaissions que comme romancière ! Et ce dont deux éditeurs lillois qui se sont lancés dans cette folle entreprise ! La préface de Marie Desplechin nous donne une folle envie de dévorer tout à la fois le livre et un baba au rhum (dont acte); quant aux poèmes, je vous laisse le soin de les découvrir. Il y est beaucoup question de femmes, de neige et d'amour.laura kasischke

Mariées rebelles *, Laura Kasischke, Traduction Céline Leroy, édition bilingue, préface de Marie Desplechin.

Points Seuil

21/08/2017

La servante écarlate...en poche

"Je regrette qu'il y ait tant de souffrance dans cette histoire. Je regrette qu'elle soit en fragments, comme mon corps pris sous un feu croisé ou écartelé de force. Mais je ne peux rien faire pour la changer."

Théocratie, la République de Gilead , pour pallier la baisse tragique de la fécondité, a mis en place toute une série de stratégies  et une ségrégation de la société, en particulier des femmes.margaret atwood
La narratrice, Servante vêtue de rouge, dont nous ne connaîtrons jamais le vrai prénom, est nommée Defred, "patronyme composé de l'article possessif et du prénom du monsieur en question", c'est à dire du Commandant au service duquel elle est entrée et qui pouvait donc varier. Mais plus que son identité, c'est son corps qui est nié. En effet, les Servantes sont chargées d'assurer la postérité des membres de la classe dirigeante, dans des conditions qui ramènent ces femmes au rang d'objets purement fonctionnels.
Au fur et à mesure du récit, nous découvrons, effarés, le fonctionnement de cette société et la manière dont elle s'est mise en place. Certaines pages (la 290 par exemple) semblent cruellement d'actualité.
Dystopie glaçante, La Servante écarlate, comme le précise Margaret Atwood dans la postface de cette édition, n'utilise "rien que l'humanité n'ait déjà fait ailleurs ou à une autre époque , ou pour lequel la technologie n'existerait pas déjà." pour mieux renforcer la crédibilité de son texte et le rendre d'autant plus puissant. Mission accomplie dans une langue superbe et une construction imparable.

à (re)lire de toute urgence.

J'avais lu une première fois ce roman quand il était sorti pour la première fois en France en 1987, mais j'avoue qu'alors il n 'était pas autant entré en résonances avec les préoccupations que j'avais à l'époque et le monde dans lequel nous vivions.

La servante écarlate, Margaret Atwood, Robert Laffont Pavillons poche 2017, 522 pages bruissantes de marque-pages. Un indispensable et un classique.

11/08/2017

La faille

"Elle avait raison, bien sûr, mais je ne voyais pas en quoi une chose que personne ne lirait ferait du tort à l'intéressée. Son malheur deviendra plus réel, a dit Lucie."

Quand la narratrice, Mina,  retrouve Lucie, la plus belle fille du lycée, qu'elle avait laissée à l'aube d'une carrière prometteuse de comédienne, cette dernière est presque méconnaissable.isabelle sorente
Rapidement, Mina constate que Lucie semble être sous l'emprise de VDA, son mari, homme plus âgé qu'elle qui exploite sans vergogne La faille de Lucie. En effet, Lucie, que sa mère ne trouvait pas suffisamment intelligente, veut à tout prix plaire, est prête à tout pour les hommes dont elle tombe amoureuse.
 Il est beaucoup question de manipulations, mais aussi d'art dans ce roman dont la narratrice est le double de l'auteure. Beaucoup question aussi de mères mal aimantes et de pères absents.
Un roman qui souffre de quelques longueurs (500 pages) mais qui manipule avec brio son lecteur.

 

03/07/2017

Body...en poche (réédition)

"Je savais pas ce que le mot souffrir voulait dire avant que je me lance là-dedans."

Bienvenue à l'hôtel Flamingo où va se tenir le concours pour être élue Miss Cosmos, suprême récompense que visent deux candidates bodybuildeuses que tout oppose. D'un côté Shereel Dupont, créée de toutes pièces par son coach, ex red neck devenue une candidate menue au corps parfait ; de l'autre une Noire somptueuse et imposante, dont la masse musculaire a été sculptée par la fonte mais aussi par toute une série de piqûres. Deux conceptions opposées du corps féminin dans un microcosme dominé par les hommes.
Dans cet hôtel devenu un temple du muscle et de l'ascèse ,va débarquer une famille de ploucs XXL dans tous les sens du terme . harry crews,bodybuilding
De ce choc des cultures, Harry Crews tire un roman qui fait la part belle non aux corps parfaits, mais à ceux qui ne correspondent pas aux canons de beauté en vigueur dans le monde du bodybuilding. Il n'est que de voir le contraste entre les deux scènes de sexe, l'une clinique, l'autre voluptueuse, dans ce roman.
L'auteur analyse aussi le fonctionnement de la société américaine et si on ne s'étonne pas de voir évoquer Arnold Schwarzenegger, le fait de citer Donald Trump, en exemple de l'avidité américaine, s'avère quasi prophétique dans ce roman publié pour la première fois en 1990.
Ce pourrait être juste amusant, et l'auteur a certes le sens de la formule, mais c'est aussi bien noir et bien des indices annonciateurs de la tragédie à venir nous sont donnés au fil du texte. Une découverte improbable au départ qui a su me séduire.

27/06/2017

Les méduses ont-elles sommeil ? ...en poche

"Il y a cette fille à l'énergie débordante qui me laisse perplexe. Je lui demande à quoi elle tourne pour avoir autant la pêche. Elle me répond : "Au sommeil !". Je suis scotchée."

Roman qu'on devine autobiographique, Les méduses ont-elles sommeil ? est le récit de "huit mois de vie branlante qui m'ont paru des siècles."
Tout juste majeure , la narratrice s'installe à Paris où elle s'empresse de s'immerger dans le monde de la nuit et des drogues, en particulier, la MDMA.louisiane c. dor
Écrit a posteriori, ce roman n'idéalise jamais et, tendu et âpre, va droit à l'essentiel. On regrettera une fin un peu abrupte et théâtralisée, mais on sent ici une belle énergie et une écrivaine en devenir.
Frédéric Beigbeider qui a le sens de la formule évoque un texte "Entre Bonjour tristesse et Trainspotting."Je n'irais pas jusque là mais ne nierai pas pourtant l'impression durable de ce livre.

Folio 2017, 81 pages.

22/06/2017

Hikikomori...en poche

"Je n'ai jamais entendu parler de hikikomori américain. Les Américains ne se réfugient pas dans le silence, ils font encore plus de bruit.Ils deviennent fous et se mettent à tirer sur tout le monde."

Depuis trois ans, Thomas Tessler vit "en retrait, barricadé" dans sa chambre à Manhattan. Il a "enfermé le reste du monde dehors" et refuse toute communication avec sa femme, Silke. C'est un hikikomori.
Résolue à le sortir de son mutisme, son épouse fait appel à une jeune japonaise , Megumi, qui a déjà l'expérience de cette situation typiquement japonaise.jeff backhaus
D'emblée le lecteur, et on le suppose bien évidemment Silke, perçoit toutes les conséquences possibles de cette situation hors-normes. Mais Jeff Backhaus dont c'est ici le premier roman, sait contourner tous les écueils et mène sa barque vers une destination bien plus complexe.
Histoires de solitudes qui se croisent, parfois à distance, les relations entre  civilisations différenets sont analysées avec finesse. La poésie n'est pas absente (ah cette description de bain chaud en pleinair sous la neige la nuit !) et je n'émettrai qu'un seul regret: que le personnage de Silke n'ait pas été suffisamment exploré. Une très jolie découverte.

Hikikomori, jeff Backhaus, traduit de de l'anglais (E-U) par Marie de Prémonville,

19/06/2017

Elvis Cadillac King from Charleroi...en poche

"Tu sais ce qu'il disait, Guitry, quand il en croisait une comme la tienne, avec le cervelet d'Heidi dans les pâturages ? "J'ai échangé quelques idées avec elle. Je m' sens tout vide !"

Sosie officiel - plutôt façon fin de carrière- du King, Elvis, le bien-nommé, est invité à animer l'anniversaire d'une vieille châtelaine.nadine monfils
Flanqué de sa fidèle chienne carlin Priscilla, dotée d'une kitschissime banane rose (postiche), le voilà qui donne un peu de rêve à la vieille dame. Las, cette dernière est bientôt retrouvée morte. Nombreux sont les membres de sa famille, plus fins de race et antipathiques les uns que les autres, qui auraient bien pu accélérer le trépas de la riche mamie.
Dans ce polar façon Frédéric Dard, l'enquête importe peu. C'est la langue truculente de Nadine Monfils qui mène la danse, agrémentant de notes de bas de pages savoureuses toutes les références belges ou non. Fiction et réalité s’entremêlent dans une joyeuse sarabande où l'on ne sait plus laquelle dépasse l'autre.
Les personnages rivalisent de foldinguerie , mais sous des dehors parfois outranciers, révèlent aussi une réelle culture. Qui aurait cru qu’Elvis parviendrait à résoudre deux énigmes grâce à un roman peu connu de Camus ? Vous le voyez, Nadine Monfils a plus d'un tour dans son sac et Elvis, sous des dehors un peu benêt en a sous la  banane !
Certains feront peut être la fine bouche, perso, je me suis régalée !

La suite vient de paraître.

 

 

 

17/06/2017

Le lagon noir...en poche

"Deux univers se rencontraient sur cette lande. Deux univers qu'Erlendur pensait inconciliables."

En pleine guerre froide , la base américaine de Keflavik en Islande est un emplacement stratégique important. Mais les relations entre autochtones et soldats US ne vont pas toujours de soi. Aussi quand un technicien, qui travaillait pour le compte des américains, est retrouvé marnaldur indridasonort dans Le lagon noir , l'enquête menée par Erlendur, alors jeune policier, s'avère particulièrement malaisée.
D'autant, qu'en parallèle, Endurable enquête sur la disparition d'une jeune fille,un cold case remontant à 25 ans.
On retrouve ici les thèmes chers à Arnaldur Indridason et son rythme toujours aussi lent , mais efficace. La description, nuancée des relations entre islandais et américains est particulièrement intéressante, le roman se lit d'une traite avec le confort habituel mais sans une once de nouveauté pour emporter totalement l'adhésion.

16/06/2017

Les messieurs...en poche

 " Il n'y avait donc aucune méthode propre aux vieux d'avant 1938 dont j'aurais tout ignoré. Les nouvelles technologies n'avaient pas fait évoluer les baisers."

Elles ne recherchent ni un père de substitution, ni un sugar daddy qui les comblerait de cadeaux. Non, les héroïnes et narratrices de ces nouvelles sont attirées par Les messieurs âgés depuis toujours , ou presque: "- à huit ans, elle adorait déjà les vieux !"
Partagées entre bienveillance (qui les aimeraient si elles ne le faisaient pas ? ) et ironie mordante (elles ne perdent jamais leur sens de l’humour ), traquant qui la mèche-pont , qui les mesquineries ou les fautes de goût impardonnables, elles se font parfois prendre à leur propre jeu.
Notons au passage que les relations sexuelles ne constituent pas l'enjeu premier de ces relations ni de ces textes.claire castillon
Si je craignais le côté "pervers-pépères" ou lolita, j'ai vite été rassurée car Claire Castillon prend un malin plaisir à brouiller les pistes et à rendre ses personnages plus riches et plus fouillés.
Certains textes sortent nettement du lot , "le chant du cygne" ou "Quatrième Segpa", entre autres, mais tous recèlent une trouvaille tendre ou acerbe qui fait mouche.

Un petit plaisir à s’offrir en poche.