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30/08/2021

Sainte Marguerite-Marie et Moi

"En m'obligeant à la prendre au sérieux, en m'imposant ce parti-pris résolument bienveillant , l'éditrice a sauvé Marguerite-Marie de mes griffes ; et, à la place m'a livrée à elle. Ses inconforts, ses doutes, ses ambiguïtés, moi aussi je suis maintenant forcée de les habiter. "

Rien ne prédisposait une écolo-végétarienne, féministe, capable de réciter la première page de Harry Potter, mais pour qui le Notre Père reste lacunaire ,car agnostique et non baptisée , à écrire sur une sainte, même un peu gore.
Rien, sauf le fait que Marguerite-Marie Alacoque est apparentée à Clémentine Beauvais. De plus, l'autrice de  Brexit Romance  est enceinte et prend conscience de l'importance de la mémoire. Enfin, le père de son enfant est très catholique,(c'est elle qui souligne) et, par son intermédiaire, elle va devenir amie avec une éditrice d’une maison d'édition très catholique qui va lui suggérer ce projet un peu fou.
Ce livre est donc le récit d'un work in progress, émaillé des réflexions souvent très drôles de Clémentine Beauvais, mais aussi de ses tiraillements car,trouver l'angle juste, le ton juste , ne vont pas de soi quand on ne possède pas les codes d'un univers qui nous est totalement étranger ou presque.clémentine beauvais
Sans doute parce qu'on sent une grande sincérité, de la part des intervenants , comme de l'autrice, on ne tombe jamais dans une vision trop figée ou au contraire trop "décoiffante" de la sainte en question.
Si l'on m'avait dit que je dévorerais un ouvrage portant sur Sainte Marguerite-Marie, j'aurais bien ri. Et pourtant c'est le cas. Un petit "miracle "dû à Clémentine Beauvais.

Quasar 2021.

25/08/2021

#Jewishcock #NetGalleyFrance !

" Dévoilant au grand jour ce qu'on fait toujours semblant d'ignorer, à savoir qu'en vérité il est rare que les gens s'apprécient les uns les autres et que la plupart de nos constructions sociales ne reposent que sur des rapports de force ou d'intérêt."

La narratrice, Allemande qui vit à Londres, monologue tandis que le Dr Seligman ausculte ses organes génitaux. La situation est pour le moins incongrue mais le discours qu'elle tient l'est encore plus car elle attaque d'emblée sur le thème du nazisme, dézinguant avec un humour féroce de prétendues obsessions hitlériennes. katharina volkmer
Tout y passe : la langue allemande  ("- D'ailleurs ce n'est pas un hasard si le mot "plaisir" n'existe pas en allemand; nous ne connaissons que la concupiscence et la joie"), sa famille , les religions, les injonctions faites aux femmes par la société...
Elle se livre aussi sur son amant, ses préférences sexuelles et sa volonté de changer de genre, d'obtenir un Jewish Cock. Finalement, le Dr Seligman en saura plus sur elle que Jason, le pauvre thérapeute chargé de soigner celle qui a  menacé "d’agrafer l’oreille d’un collègue à son bureau " et remarque : "C’était plutôt moi qui risquais de perdre un œil à cause d’une agrafe perdue, mais ça, bien sûr, ils s’en fichent éperdument."
Une quête éperdue et obstinée d'identité qui fait fi des bons sentiments, se dévore d'une traite et vous laisse un peu groggy. C'est caustique et hautement réjouissant.
Vous l'aurez compris, une voix est née, et on a déjà hâte de lire à nouveau cette autrice qui a choisi de s'exprimer en anglais, qui n'est pas sa langue maternelle, afin d'y trouver plus de liberté. Le pari est plus que réussi.

Traduit de l’anglais par Pierre Demarty. Grasset 2021.katharina volkmer

23/08/2021

#Lacartepostale #NetGalleyFrance

"Cette famille, c'est comme un bouquet trop grand que je n'arrive pas à tenir fermement dans mes mains."

Enceinte, Anne Berest pense "à la lignée des femmes qui avaient accouché avant [elle]" et sollicite sa mère, Lélia,  pour "entendre le récit des ancêtres". Les archives accumulées par cette dernière et, en particulier, une carte postale anonyme, arrivée 10 ans plus tôt et portant les quatre prénoms des ascendants maternels assassinés dans des camps d'extermination, vont jouer un rôle essentiel dans cette quête difficile, tant du point de vue psychologique que matériel.
Ce sera aussi pour l'autrice l'occasion d'analyser ce que signifie pour elle le mot "Juif" , élevée dans une famille où la religion n'avait pas vraiment sa place, ce que signifie aussi le fait d'être identifié comme Juif en France de nos jours.
Retraçant à la fois le parcours de ses ascendants maternels, originaires de Russie , avant, pendant et après la Seconde guerre mondiale, cette quête passionnante, digne d'un polar, et réflexions plus intimes, Anne Berest réussit à ne jamais perdre notre intérêt. anne berest
Mieux encore, elle jette un éclairage sur certains points peu évoqués. J'ai ainsi pu découvrir le fonctionnement inhumain du camp de Pithiviers ou bien encore la manière peu glorieuse dont l'administration française a traité les différents aspects de l’indemnisation des survivants spoliés de leurs biens durant la guerre.
Un texte à découvrir absolument.anne berest

Grasset 2021


 

19/08/2021

Ma meilleure amie

"Sans doute les femmes tolèrent-elles mieux que les hommes les mouvements souterrains."

Trois  jeunes provinciales ,bien décidées à ne pas se laisser regarder de haut , partagent une colocation joyeuse, pleine de liberté , irriguée par l'amour des mots et des livres.
Helga, la narratrice ,a d'abord été séduite par Sambre,  la lumineuse qui se destinait à devenir comédienne. A ce duo s'est vite ajoutée Rosie, qui de petits boulots en petits boulots, trace sa voie sans jamais se départir d'une belle énergie.
Las, un jour Sambre claque la porte et Helga se retrouve démunie, sans modèle auquel se référer.41BLi85VfQS._SX195_.jpg
Avec un tel aperçu, on aurait pu s'attendre à un schéma tout tracé (retrouvailles, déception, nostalgie blablabla), schéma qu'évidemment, Fabienne Jacob s'empresse de dynamiter pour mieux se concentrer sur les expériences de sa narratrice au fil du temps qui passe.
Si le temps est effectivement un thème central de ce roman, c'est pour mieux souligner l'immédiateté dans laquelle baigne la jeunesse, persuadée par exemple de ne pas avoir besoin de photographies pour se remémorer.
Les sensations sont aussi extrêmement présentes, en particulier les auditives et tactiles, ce qui nous vaut de superbes passages sur la peau de la personne avec laquelle on partage un lit ou bien encore l'addiction que peuvent faire naître des draps de lin...
Un roman d'apprentissage sensuel et lumineux où l'on souligne quasi à chaque page une remarque ou un passage , un roman qui file bien évidemment sur l'étagère des indispensables.

Buchet-Chastel 2021, 209 pages .