07/06/2022
Soixante printemps en hiver
"- Quand les vieux maris quittent leur femme, on les comprend, on leur trouve toutes sortes d'excuses. Mais quand ce sont les femmes...
- Nous sommes les sorcières qui broient les cœurs et brisent les familles... "
Le jour de son soixantième anniversaire, Josy quitte son mari, devenu juste un compagnon, ses enfants et petits enfants et s'embarque dans son vieux combi VW.
Ce n'est pas dans un road-trip qu'elle se lance mais bien dans la reconquête de la sa liberté, nonobstant le harcèlement téléphonique de ses enfants et leur volonté de la faire culpabiliser. Mais Josy , via des rencontres qu'elle n'aurait jamais pu faire en restant dans le rôle qui lui était dévolu par les siens, va se tourner vers la sororité avec des femmes qui ont su s'affranchir elles aussi des diktats de la société et/ou rebondir face aux aléas de la vie. Une bande dessinée qui montre aussi avec beaucoup de douceur et de délicatesse le corps vieillissant des femmes et ne fait pas l'économie de leur sexualité et de la tendresse qui peut se vivre entre elles à tout âge.
Ed. Dupuis 2022
06:00 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : aimée de jongh, ingrid chabbert
06/06/2022
Les choses sont contre nous
Ami.e.s du tiède, du mou, du consensus, passez votre chemin.Dans ces, je cite ,"essais féministes au vitriol", L'autrice des Lionnes se lance dans des diatribes revigorantes contre , pêle-mêle, la société patriarcale,"Les pistons et les pompes" et autres symboles phalliques, dénigre les romans noirs, analyse en détails "La petite maison dans la prairie", conseille aux filles des "Morning routine" de "sauver les baleines, de planter des arbres, de construire des voies ferrées, de démanteler Guantánamo, de rencontrer des gens ou juste de lire un livre. ", s'en prend aux soutien-gorges, prône la grève du sexe, dézingue Trump avec des formules qu'aucun journaliste n'oserait employer et regrette "L’art perdu du pas-bouger", auquel elle consacre un chapitre entier.
De longues énumérations charrient ses griefs ou ceux à qui elle s'en prend, mais l'humour n'est jamais absent , un humour souvent grinçant, qui ne plaira pas à tout le monde mais qui m'a beaucoup fait sourire. Mettre sur le même plan des dictateurs sanguinaires et les emprunteurs de livres n'est pas donné à tout le monde. Bref, des textes décapants et des points de vue originaux , auxquels on n’adhèrera pas forcément toujours , font de ces essais une lecture hautement stimulante . La traduction de Claro est comme d'habitude juste parfaite.
Et zou, direction l'étagère des indispensables.
Éditions du Seuil 2022.
294 pages
09:50 Publié dans Essai, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : lucy ellmann, claro
02/06/2022
L'anomalie...en poche
Dévoré en une journée. Un livre vertigineux et drôle qui m'a donné envie de manger une andouillette. C'est grave , docteur ?
19:18 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : hervé le tellier
27/05/2022
La résurrection de Joan Ashby...en poche
" Elle comprend qu'elle vivait comme cousue de l'intérieur depuis très longtemps et que les coutures commencent à craquer."
Pas de suspense, tout est dans le titre : Joan Ashby finira par renaître. Mais au bout de quel processus, celle qui, très jeune avait écrit deux recueils de nouvelles, encensés par la critique et le public, s'est laissée éloigner de l'écriture par une vie de famille pas totalement choisie ?
Dans ce roman de 636 pages, non dénué de longueurs, mais totalement maîtrisé du point de vue de la structure et un pur régal au niveau de l'écriture, Cherise Wolas ne ménage pas son héroïne, multipliant à l'envi les obstacles sur sa route. Certains sont connus (charge mentale, manque de temps, d'espace à soi, nécessité de faire passer les besoins des autres avant les siens propres...) et communs à bien des femmes, mais d'autres sont spécifiquement liés au monde de la création. Joan Ashby a beau regimber, a beau ruser pour se ménager un espace à la fois mental et physique à elle , une dernière catastrophe vient annihiler ses efforts à la fin de la première partie. Une catastrophe qui détruit à la fois son identité d 'écrivaine et de mère.
Car c'est bien d'identité qu'il s'agit ici, ainsi que des liens qui unissent les membres d'une famille atypique où certains sont si doués qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils entravent les autres. Avec une franchis décapante, une lucidité sans pareille , Joan Ashby décortique les relations mère-fils sans faux semblants ni bons sentiments.
Les deux dernières parties relatant la résurrection de l'écrivaine sont passionnantes, mais notre plaisir est quelque peu gâché par les coquilles et fautes d'orthographe récurrentes. Un grand coup de cœur néanmoins qu'il faut prendre le temps de savourer.
Delcourt 2019, traduit de l’anglais (E-U) par Carole Hanna
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cherise wolas
26/05/2022
Le dernier bain de Gustave Flaubert...en poche
"Le style, cette puissance, ce couperet, cette déflagration. Le style qui recrée le monde à force de s'en emparer, de le réfléchir, d'en construire un double sublime."
C'est à un véritable tour de force, stylistique et romanesque que nous convie ici Régis Jauffret dans cette biographie romancée de l'auteur de Madame Bovary.
Flaubert prend donc son dernier bain, sera sans doute ensuite victime d'une crise d’épilepsie puis d'une attaque cérébrale.
Dans cet entre-deux, Jauffret imagine donc les hallucinations, les souvenirs, vrais ou faux, les apparitions de personnages de romans qui viennent demander des comptes (en particulier celle qui se montre la plus vindicative, Emma Bovary), des anecdotes peu reluisantes qui disent la vérité d'une époque et brossent un portrait, non pas en majesté, mais en déliquescence, du vieil auteur qui profitait autrefois, avec avidité et égoïsme ,des plaisirs de la vie.
Nous sommes donc emportés dans un maelstrom charriant aussi bien des considérations sur les mots, le style, les procès, la censure (dont furent à la fois victimes les deux écrivains), les amours, le tout dans un style puissant et gourmand de mots. On y trouvera aussi bien des mots contemporains de Flaubert que des mots du XXI siècle employés par l'auteur de Bouvard et Pécuchet car, Flaubert peut à la fois être mort et sur le point de mourir dans ce roman qui se joue de la temporalité avec maestria. Flaubert lui-même ne se penche-t-il pas , dans une fascinante mise en abîme sur sa postérité et sur le "saligaud de son espèce" qui "s’emparerait de celui qu il fut" ?
Car oui, en plus d'être brillant ce texte est bourré d'humour (noir, façon Jauffret, bien sûr). Un chutier (dont la taille de police est juste bonne à nous crever les yeux) complète le plaisir en nous offrant, non pas les scories, mais tout ce qui n'a pu trouver place dans ce roman magistral.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : régis jauffret jauffret
24/05/2022
La fille qui voulait voir l'ours
"Je ne me suis jamais senti aussi humaine et pleine vie que dans ce cosmos sylvestre. J'y ressens la palpitation du monde. J'imagine les flux de sève dans les arbres, les racines exploratrices du sol, les usines à chlorophylle des feuillages.
Mais je sens aussi mes limites à écouter, sentir, comprendre tout ce qui m'entoure. "
Acheté un peu par hasard, beaucoup pour travailler sur le thème du voyage en privilégiant le voyage au féminin, ce récit de Katia Astafieff a dépassé mes espérances par sa fluidité d'écriture, son humour, son attention aux autres et à la nature et surtout sa volonté de ne pas se poser en héroïne.
La narratrice ne nous cache rien de ses échecs, de ses limites physiques et surtout détaille bien les problèmes spécifiques qui se posent aux femmes en matière de préparation logistique: quid du soutien-gorge , comment résoudre le problème des règles en conciliant efficacité et légèreté car il faut veiller à ne pas trop se charger. Et la voilà partie sur le sentier international des Appalaches en plein été...
Un récit qui détonne agréablement comparé à ceux de certains de ses confrères masculins...
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : katia astafieff
23/05/2022
La gaufre vagabonde
Quand un auteur nous livre la définition de son texte, pourquoi se priver ?: "Alors quel style de poésie convient le mieux aux plaines betteravières ? Celui que nous employons à l'instant, digressif, discursif et évolutif. " Car ici la gaufre est un prétexte pour évoquer, au fil des souvenirs, un mot en entraînant un autre par le jeu des allitérations ou des assonances, le pays de l'enfance, de la gourmandise, de l'écriture bien sûr, au sein d'un itinéraire faussement erratique mais vraiment cultivé et poétique.
Au fil des chapitres, nous glanerons en chemin la liste des ingrédients pour confectionner cette fameuse gaufre liégeoise, mais surtout l'envie de découvrir davantage l’œuvre de cet auteur.
Éditions Cours toujours 2018
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jacques darras
20/05/2022
Tout le bonheur du monde... en poche
"-J'ai l'impression d 'avoir engendré des poupées russes, dit Marilyn. Dès qu'on croit en avoir fini avec l'une, une autre surgit avec un paquet de Camel à la main.
- C'est sans doute le danger de la production de filles en série."
Les sagas familiales en sont pas vraiment ma tasse de thé. Les livres de 698 pages non plus, d'ailleurs . Et pourtant j'ai adoré l'histoire de cette famille de quatre sœurs dont les parents semblent vivre un amour sans faille et donc placent la barre très (trop ? ) haut pour leurs filles.
On ne se perd pas dans une flopée de personnages, l'histoire reste centrée sur cette famille et les "pièces rapportées "qui s'y agrègent ou non.
Claire Lombardo a su nuancer ses héros, leur donnant des caractères bien défini et à multiples facettes. Les relations à géométrie variable entre les filles sont particulièrement bien décrites et on ne se perd pas dans la chronologie qui est pourtant chahutée.
La toute jeune autrice ne embarrasse pas de bons sentiments et n'hésite pas à nous montrer que les vieux couples peuvent encore (au grand dam parfois de leur progéniture) avoir une vie sexuelle et à nous décrire les conséquences physiques et morales peu glorieuses d'un accouchement.
Gare, c'est le genre de roman qu'on ne peut pas lâcher tant les rebondissements sont nombreux et tant on s'attache aux personnages !
Traduit de l’anglais (E-U) par la virtuose Lætitia Devaux.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : claire lombardo
19/05/2022
#LesAffinitéssélectives #NetGalleyFrance !
"A trente et un ans, elle n'arrivait toujours pas à accepter que l'on autorise et encourage certaines personnes à poursuivre leurs passions tandis que d'autres n’auraient jamais l'opportunité de le faire. "
L'une, Elisabeth, a écrit un roman et vient d'avoir un enfant. Elle s'ennuie dans une petite ville, bien trop loin de New York. L'autre, Sam, est une étudiante, d'origine modeste, dont l'avenir est déjà entravé par des prêts contractés pour payer ses études.
Elisabeth va embaucher Sam pour garder son fils et vite s'enticher de la jeune femme dont elle entend bien révéler le potentiel artistique. Mais l'ingérence dans la vie amoureuse et professionnelle des autres est-elle vraiment une bonne chose ?
Tout est un peu trop parfait, trop lisse, dans ce roman qui entend pourtant dénoncer certains faits économiques et surfe sur l'air du temps en mentionnant par exemple les groupes sur les réseaux sociaux et autres influenceuses. Mais cela reste bien timide et les problèmes financiers sont trop vite résolus...
Il n'en reste pas moins que l'écriture fluide de l'autrice fait que l'on tourne les pages sans déplaisir. Un bon gros pavé estival qui fait le job.
Éditions les Escales 2022. Traduit de l'anglais (E-U) par Caroline Bouet.560 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : j. courtney sullivan
18/05/2022
Un colosse...en poche
"Jean-Pierre sera glorieux, mais il continuera à travailler la terre."
Jean-Pierre Mazas naît dans le sud-ouest de la France en 1847 et ne commence à grandir de manière démesurée qu'à partir de 16 ans . Ce gigantisme facilité sa tâche de laboureur mais bientôt il deviendra aussi lutteur et sa notoriété dépasseras frontières.
Pascal Dessaint, délaissant le roman noir, se penche ici sur une destinée hors-normes, celle d'un homme qui finira phénomène de foire et curiosité scientifique dans un monde qui évolue très rapidement par certains côtés, mais conserve aussi certains vestiges du passé.
Le romancier mène l’enquête, rétablit quelques vérités et/ou approximations et peint un tableau plein de vie d'une société qui exhibe sans honte ceux qu’elle considère comme des monstres. C'est donc l'histoire d'un corps, mais aussi d'un paysan, tous deux voués à un destin tragique que nous propose Pascal Dessaint.Un récit court, un peu plus de 120 pages, mais dense.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal dessaint