25/08/2010
Un autre amour
"Certains soirs elle allait se coucher sans savoir qui elle serait en se levant le lendemain."
Un séjour à Rome en amoureux pour Connie et Matt Wilson. Pendant ce temps, leurs trois garçons sont gardés par la meilleure amie du couple, Mary. De cette escapade, Connie rentrera seule : son époux a décidé de rester en Italie.
Commence alors une longue évolution de Connie qui n'accepte pas sans souffrance de voir remis en question sa vie de famille et un amour qui dure depuis ses quinze ans.
Sur un sujet des plus rebattus, Kate o'Riordan réussit un tour de force: contourner tous les clichés et tenir l'attention de son lecteur perpétuellement en éveil , ménageant des révélations jusqu'à la toute dernière minute.
Je dois avouer que même si j'aime beaucoup cette auteure, j'y allais en faisant un peu la grimace car le thème n'a rien de confortable (qui peut affirmer que son couple durera jusqu'à ce que la mort sépare les amoureux ? ) mais tant le style , très imagé, de Kate o' Riordan que sa peinture toute en finesse tant des rapports amoureux, familiaux (pas d'hypocrisie dans la manière de Connie de parler de ses trois garçons si différents) voire même amicaux (ah le portrait de Mary qui prie à toutes force Saint Antoine, le morigène avant de se tourner vers Saint Jude, peut être plus efficace !) ont su emporter ma totale adhésion et je freinais des quatre fers pour retarder au maximum de découvrir la fin...On sourit, on frémit, on s'identifie à l'une puis à l'autre et on retrouve ici tout le talent de cette auteure qui n'hésite pas à appuyer là où ça fait mal.
Un autre amour , Kate O'Riordan, traduit de l'anglais par Florence-lévy-Paolini, Editions Joëlle Losfeld 2010, 279 pages qui ne vous laisseront pas intact.
De Kate o'Riordan , j'avais aussi beaucoup aimé Le garçon dans la lune et Pierres de mémoire
06:04 Publié dans rentrée 2010, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : kate o'riordan
24/08/2010
Corps
"Je suis pour elles une étrangère et une intime. Le paradoxe incite à la confidence."
Du corps de Monika, la narratrice qui travaille dans un institut de beauté, nous ne connaîtrons rien. Ou presque. Juste les souvenirs d'enfance, au seuil de l'adolescence ,quand la fillette mesurait sa féminité à l'aune des femmes qui l'entouraient, soeur, mère ou voisine.
Aujourd'hui, c'est elle qui regarde et surtout qui écoute des clientes jamais satisfaites de leurs corps. Un corps qui n'est jamais en adéquation avec les critères en vogue. Des corps dont Monika interprète la matière, la langueur, et pour qui elle a beaucoup d'empathie, à de rares exceptions près.
En tissant les souvenirs de l'esthéticienne aux confidences de ses clientes, Fabienne Jacob évite l'aspect "succession de portraits" et confère une vraie chair à son roman. Son style , parfois rude mais aussi sensuel, peut parfois heurter mais j'en retiendrai surtout son adéquation avec l'exploration de ce territoire de l'intime. Une jolie découverte que j'ai envie de poursuivre en lisant les recueils de nouvelles de l'auteure. Un livre, pour lequel j'aurais eu un vrai coup de coeur s'il avait davantage développé l'aspect tactile du métier évoqué.
Corps, Fabienne Jacob, Buchet-Chastel 2010, 157 pages.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : fabienne jacob, femmes
23/08/2010
Le chien boomerang
"C'était un sentimental inversé."
"C'est un vrai chien de chasse, un bleu bourru d'Auvergne" ainsi en a décidé , par intuition la mère d'Henri Cueco. Vrai chien de chasse ? A vérifier ,car Le chien boomerang (je vous laisse le plaisir de découvrir le bien-fondé de cette appellation), s'il chasse ce sont surtout les clients du petit commerce familial. Une vraie terreur, ce Loulou, et moche avec ça, mais pas question de le lui dire en face. Il se vexerait et se vengerait. Obsédé sexuel,voleur, mordeur, compissant la maison et les trottoirs, il se mêle de tout, dialoguant la nuit avec la seule qu'il aime et aux pieds desquels il est venu se coucher un beau jour, la mère de famille, veuve avec cinq enfants, qui lui passe tout, y compris les puces dont il infeste la maison.
Mais il y a une solution à tout, y compris à Loulou qui va contribuer à assurer la pitance de cette famille nombreuse au sein de laquelle il joue un vrai rôle en bon chien dominant qu'il est...
Truffé de dialogues incisifs et caustiques, rappelant tout à la fois la Toutouque de Colette ou les saynètes campagnardes de Jules Renard, Le chien Boomerang est bien comme l'indique la quatrième de couverture "Une histoire de famille" car à travers les frasques de Loulou se lit en creux le portrait d'une tribu jugée bohême par son voisinage. Un texte court où l'absurde le dispute à l'humour grinçant...
Mais après nous avoir fait rire avec cet inénarrable Loulou, Cueco enchaîne avec un deuxième texte, tout aussi savoureux mais consacré cette fois à un chat,Caramel, un fieffé voyou, rouleur de mécaniques , qu'un accident rendra plus tendre. Et le récit de se teinter de poésie et d 'émotion.
Seule la troisième partie, très courte, consacrée à l'explication d'une injonction maternelle énigmatique, m'aura laissée de marbre.
Bref, un livre destiné à tous ceux qui aiment l'humour caustique et pas seulement aux mérotes à chien et/ ou à chats !
Le chien Boomerang, Henri Cueco, JBz & cie 2010, 155 pages pour avoir la larme à l'oeil, de rire ou d'émotion.
06:00 Publié dans Humour, rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (10)
22/08/2010
Poésies des petit bonheurs
Surfant sur la vague des bonheurs du quotidien, ce recueil de morceaux choisis, organisés en chapitres aux noms évocateurs : Bonheur du câlin, bonheur de la sieste ...ne m'a pas vraiment pas convaincue ni par les illustrations, trop sages à mon goût, ni par les citations, bien trop courtes souvent.
J'en retirerai juste ce poème d'Emily Dickinson :Il faut pour faire une prairie, traduit par Pierre Leyris .
"Il faut pour faire une prairie
Un trèfle et une abeille-
Un seul trèfle, une abeille
Et quelque rêverie.
La rêverie suffit
Si vous êtes à court d'abeilles."
De quoi me donner envie de découvrir cette poétesse...*
Emprunté à la médiathèque.
* Du coup je viens de dévorer La dame Blanche, de Christian Bobin... Billet à venir bientôt.
06:01 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : virgine aladjidi, caroline pellisier, eric puybarte
21/08/2010
Twist...en poche !
"Ma petite fille en fer blanc".
Delphine Bertholon, dans le roman Twist,traite d'une de nos angoisses les plus profondes quand on est mère ou père de famille : l'enlèvement d'enfant. Mais heureusement il ne sera pas question de pédophilie ici : R. qui a enlevé Madison, 11 ans, est bien évidemment un être dérangé mais il n'a pas l'intention de faire le moindre mal à la fillette qu'il gardera prisonnière durant cinq longues années.
Même si ce roman fait écho à des faits d'actualité, l'auteure dépasse le simple fait-divers en l'envisageant de manière polyphonique. Par le biais d'abord des lettres que la mère écrit secrètement à sa fille qu'elle refuse de croire morte, par les cahiers que Madison parvient à extorquer à son ravisseur car "Ecrire (...) m'emploie les mains et la cervelle, ce qui m'évite de taper dans les murs et de tourner sur moi même jusqu'à ne plus tenir droit."En effet, elle a du répondant Madison, elle a du caractère et ce qui lui permet de tenir bon et de manipuler tant bien que mal R.
Le dernier point de vue , qui prendra toute sa signification à la fin du livre, est celui du professeur de tennis pour qui la fillette avait le béguin. A la fois proche et extérieur, il offre un regard plus distancié: "Son prénom devint une marque déposée, le code-barre en sept lettres d'une société déglinguée".
L'évolution psychologique des personnages et particulièrement bien rendue et l'apect dramatique de la situation est contrebalancé par des pointes d'humour qui évitent tout pathos : "(Et un mec qui lit Auto-moto pour s'endormir ne peut vraiment pas être normal.)"
A mille lieues du thème exploré dans son précédent ouvrage, Delphine Bertholon confirme tout le bien que j'avais pensé d'elle car, tout en finesse, elle réussit à établir la bonne distance entre émotion et pathos. Une totale réussite même si j'ai trouvé le roman un tout petit peu trop long.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : delphine bertholon
20/08/2010
Girl meets boy
"Je fais tout bien comme il faut."
Midge et Anthea sont soeurs. Mais si la première fait tout pour s'intégrer au sein du groupe Pure, groupe tentaculaire qui compte bien mettre la main sur la marché de l'eau en Ecosse, la seconde rentre nettement moins bien dans le moule. Encore moins bien quand elle tombe amoureuse d'une fille, remettant ainsi en question les certitudes de Midge quant à son identité sexuelle.
Ali Smith revisite avec humour et poésie Les métamorphoses d'Ovide, non sans y ajouter une pointe de complicité chaleureuse et sororale, une bonne dose de féminisme, le tout ancré dans un paysage écossais des plus magiques.
Elle réussit le pari de se montrer légère et profonde, sans jamais ennuyer le lecteur, mais en lui faisant regarder le monde sous un nouvel angle. Une écriture fluide et fraîche.
Girl meets boy, Ali Smith, traduit de l'angalis par Laetitia Devaux, 138 pages qui coulent de source.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : ali smith, identité sexuelle, écosse
19/08/2010
Rosa candida
"L'incarnation de ma négligence en matière de contraception me regardait en face."
"Le corps, la mort et les roses, comme s'il me citait le titre d'un vieux roman de gare.", tels sont en effet les thèmes du premier roman d'Audur Ava Olafsdottir.Un très jeune homme, devenu père accidentellement, part à la fois pour remettre ses idées confuses en place et pour restaurer une roseraie renommée quasiment retournée en friche, au sein d'un monastère sur le continent. Commence alors un voyage initiatique où notre héros, candide et ne sachant comment se comporter avec les femmes, fera de nombreuses rencontres, y compris celles de la mort et de la résurrection. Sans le savoir également, il vivra les prémisses d'une histoire d'amour à rebours.
Tout sort de l'ordinaire dans Rosa candida, mais tout s'inscrit néanmoins dans une normalité paisible .Le subtil décalage qui s'établit entre Arnljotur et le monde qui l'entoure fait surgir une poésie lumineuse qui crée une atmosphère à nulle autre pareille.
L'absence de références géographiques précises, la roseraie est située "En un lieu où les courants des mers du sud caressent des rivages exotiques." laissent toute latitude à l'imagination du lecteur. Libre à lui aussi de compléter les références cinématographiques du moine féru de vidéo qui assiste le jeune homme dans sa prise de conscience , ou de se laisser séduire par toutes ces mentions de plantes qui scandent le roman, la nature jouant bien plus qu'un rôle de décor dans ce texte.
Rien de solennel ou de pesant dans ce roman où l'humour trouve sa place: "La seule adversité que je rencontre dans la vie est la difficulté à remonter la fermeture Eclair de mon jean.", l'auteure se jouant des codes du récit initiatique et leur confèrant une nouvelle fraîcheur.
Un roman chatoyant comme une bulle de savon mais qui reste longtemps en mémoire. Un gros coup de coeur ! A lire et relire pour encore mieux s'en imprégner. Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Rosa Candida, Audur Ava Olafsdottir, traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsson, Zulma 2010, 333 pages paisibles et lumineuses.
06:04 Publié dans Les livres qui font du bien, rentrée 2010, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : audur ava olafsdottir, islande, roman de formation
18/08/2010
Le coeur régulier
"J'ai tant d'admiration pour ceux qui se relèvent."
Après la mort de son frère, sorte de mouton noir de la famille, une jeune femme part au Japon sur les traces du défunt, laissant en France un mari et des enfants adolescents qui semblent s'être éloignés d'elle. A moins que ce ne soit l'inverse...

Le coeur régulier est un creuset des différentes thématiques abordées dans les précédents romans d'Olivier Adam : le décès d'un frère marginal aimé, une femme que sa vie familiale ne satisfait plus vraiment, le suicide . L'auteur les revisite sans que le lecteur éprouve de déplaisir , au contraire, mais faute de cohérence et d'approfondissement le lecteur demeure perplexe.
En effet, le Japon n'est ici qu'un décor que quelques mots étrangers jetés de- ci ,de-là ,ne suffisent pas à camper et l'atmosphère créée autour de cette falaise d'où se jettent des gens à bout de force pourrait être aussi bien française que nipponne.
Quant à son héroïne, elle souffre d'un manque d'inscription dans une quelconque réalité sociale. On ignore quasiment tout du métier qu'elle exerce , semblant flotter dans une abstraction qui fait perdre toute profondeur à sa souffrance. On attendait ainsi, par exemple ,plus de mordant dans la description du stage de motivation auquel elle participe.
Bref, tous ceux qui ont aimé les précédents romans d'Olivier Adam ne seront pas dépaysés mais resteront un peu sur leur faim.
Le coeur régulier, Olivier Adam, Editions de l'Olivier 2010 , 232 pages .
Clara a beaucoup aimé.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : olivier adam
17/08/2010
Le royaume minuscule
"J'étais un ingrédient trempé à toutes les sauces."
La narratrice, jeune française vivant à Londres, ne supporte pas sa voix et peine à se faire une place dans un monde vaguement menaçant, auquel elle a du mal adapter les fluctuations de sa personnalité. Il lui faudra aménager un placard dans l'appartement de son compagon , Seymour, pour parvenir à se créer un Royaume minuscule où elle pourra écrire en toute sérénité et peu à peu s'intégrer au monde extérieur sans trop de perturbations.
Il m'a fallu m'y reprendre à deux fois pour terminer ce premier roman.En effet, le début , comme indiqué par L'Ogresse, sent à plein nez le récit semi -autobiographique d'une drôlesse d'une trentaine d'années qui tente de nous faire passer pour passionnante sa vie quotidienne. Et puis, j'ai passé ce cap et je me suis positivement ré-ga-lée car même si sa narratrice est souvent agaçante, le style de l'auteur, original, plein de panache pour raconter les micro événements de la vie de son héroïne prend le dessus et l'on déguste ce roman plein d'inventions et de cheveux coupés en quatre qui, finalement , donnent le sourire !
Le royaume minuscule, Nataska Moreau, editions Léo Scheer, 2007, 282 pages acidulées.
Le billet de l'Ogresse qui m'avait donné envie, clic.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : nataska moreau
16/08/2010
Le jour où mon père s'est tu
Robert Linhart est le fondateur du mouvement maoïste en France. Figure importante des années 68, cet homme exceptionnel de charisme et d'intelligence décide, parès une tentative de suicide en mai 1981, de se taire.
Sa fille, Virginie, non seulement pour briser le silence qui a empesé sa famille après cette rupture brutale, mais aussi pour confronter ses souvenirs de mai 68 avec ceux des enfants des anciens compagnons de son père, commence une série d'entretiens qui aboutiront à ce livre, Le jour où mon père s'est tu.
Certains la soupçonnent parfois de vouloir critiquer à tout va cette "révolution" mais tel n'est pas l'objectif de l'auteure. Elle veut juste que soit faite une place à ceux qui n'en avaient peut être pas suffisamment à l'époque: les enfants.
Pas de réglements de compte mais une démarche éclairante et posée qui aura même un bénéfice inattendu pour Virgine Linhart : celui de comprendre le silence de son père. Très intéressant et plein d'humanité.
Le jour où mon père s'est tu, Viginie Linhart, Points Seuil 2010, 197 pages suivies de notices biographiques permettant de resituer les acteurs de cette enquête.
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : virginie linhart, mai 68, parents-enfants