07/08/2010
Mon évasion
Une grand dame du féminisme et une grande dame tout court. A découvrir d'urgence si ce n'est déjà fait car son avant dernier opus vient de sortir en poche...
Benoîte Groult est un électron libre plein d’humour et c’est pour cela qu’on l’aime, cette charmante vieille dame aux yeux pétillants.
Elle n’a jamais appartenu à un part politique, jamais fait partie d’un groupe féministe, on ne lui a même pas demandé de signer le fameux manifeste des « 143 salopes » , comprendre le manifeste où des femmes reconnaissaient publiquement avoir avorté à une époque où l ‘IVG était interdite, et pourtant elle était concernée !
Non, elle ne rentre pas dans le moule, ses romans font scandale auprès des vieux barbons machistes mais connaissent un succès formidable car les femmes se rectrouvent dans ce qu’elle écrit. Quand j’entends un ministre proposer de revenir aux couches lavables pour bébés, j’ai envie de le renvoyer à le lecture des Vaisseaux du cœur où Benoîte Groult fait une description proprement apocalyptique de la quantité de travail que représentait ces couches aujourd’hui « écologiquement correctes »..
Dans son autobiographie, Mon évasion, elle revient ,sous une forme éclatée (récits mais aussi entretiens avec Josyane Savigneau, où l’on sent que s’établit une réelle complicité entre les deux femmes) sur ce qui l’a amené à prendre conscience de sa réelle personnalité, de ses réels besoins, dans une société encore lourdement misogyne.
Jamais amère, elle revient à la fois sur ses mariages , ses combats (la lutte contre l’excision, le droit à mourir dans la dignité) et nous propose aussi un récit la montrant à la fois en grand-mère indigne et tendre. Elle ne se pose jamais en modèle, mais on a diablement envie de l'imiter,en espérant être comme elle à son âge !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : benoîte groult
06/08/2010
Plage de Manaccora, 16 h 30
Le narrateur, Voltaire, écrivain en vacances dans le Sud de l'Italie avec sa femme Oum (pas comme le dauphin mais comme la célèbre chanteuse orientale) et leur fils Géo (en référence à Géo Trouvetout). Une petite famille beaucoup plus pacifiée que celle décrite dans Le cosmonaute et surtout beaucoup plus drôle. Mais avec Philippe Jaenada (moins prodigue ici de parenthèses enchassées) le drame n'est jamais bien loin. Cette fois avec Plage de Manaccora, 16 H 30, il prend une toute autre dimension.
En effet , le narrateur et sa famille vont se trouver cernés par l'un de ces redoutables incendies qui ont ravagé le Sud de l'Italie. La mort est là toute proche, même si totalement incongrue dans cette ambiance estivale, prête à dévorer celui qui fera le mauvais choix.
On sent dans ce roman une grande maturité. Est-ce la paternité, la confrontation avec le caractère éphémère de la vie (qui ne lui vaut pourtant que des pensées banales quant à la nécessité d'apprécier la vie et de relativiser tous nos petits ennuis) ? Ici l'auteur du Chameau sauvage surfe avec bonheur tant sur la vague de l'humour parfois caustique: "La grosse blonde remplie de saucisses zigzaguait en poussant de petitrs gémissements de cochon terrifié (chacun son tour)." que sur celle de l'émotion. On rit à gorge déployée (et tant pis pour les sourcils froncés du voisin) au début du texte et on essuie discrètement quelques larmes à la fin. Chapeau bas Monsieur Jaenada !
Plage de Manaccora, 16 h 30, Philippe Jaenada, Points Seuil, 221 pages tour à tour drôles et poignantes.
L'Ogresse, elle, a été déçue.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : philippe jaenada
05/08/2010
Le jeudi, c'est Italie...
Depuis que je bosse,( et ça fait un bail, mais pas encore assez hélas ), mon jeudi a toujours été libéré. D'abord par hasard ou presque, mais ensuite parce que je l'ai demandé. Peut être comme un écho de mes jeudis de la semaine des quatre jeudis, quand les écoliers se reposaient ce jour-là avant qu'on ne décide de changer. Alors, vous comprenez bien que le jeudi a une saveur particulière, celui de la liberté.. Aussi quand Chiffonnette décide de le réhabiliter, j'en suis !
"Certains esprits impulsifs, laissés trop longtemps sous l'éteignoir d'un bob Heineken, réagissent de manière imprévue face à une menace subite."
Philippe Jaenada, Plage de Manaccora, 16 h 30
Billet à venir demain...

06:00 Publié dans Extraits | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : le jeudi c'est ...
04/08/2010
L'épouvantail
"Ce que je savais du monde était bien déprimant."
"Archaïque et obsolète" car non totalement rompu aux techiques modernes, le journaliste Jack Mc Evoy vient de se faire licencier du L.A. Times, économie oblige.
Décidé à frapper fort avant de partir, il se lance dans la rédaction d'un article qui le mènera à débusquer par ricochet un tueur en série féru d'informatique.
C'est avec plaisir que l'on retrouve Jack et sa copine du FBI, Rachel Walling, déjà rencontrés dans Le Poète (le meilleur Connelly à ce jour pour moi).
Si la description du fonctionnement d'un journal est intéressante, jamais on ne s'inquiète vraiment pour Jack car on se doute bien que , telle Zorro, Rachel viendra à son secours et réciproquement.
Un roman un chouïa trop prévisible et un tantinet compliqué pour la quiche en informatique que je suis.En outre la psychologie du serial killer demeure des plus nébuleuses, juste évoquée à la fin du roman comme une obligation qu'il fallait à toutes forces remplir. Pas très convaincant donc.

L'épouvantail, Michael Connelly, traduit de l'anglais (E-U) par Robert Pépin, 495 pages bien huilées.
Merci Cath et Laurent ! :)
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : michael connelly
03/08/2010
Tamara Drewe
Ex vilain petit canard, Tamara Drewe revient dans le village de son enfance semer la perturbation à grands coups de mini shorts et de décolletés plongeants. En plus d'une superbe plastique, la demoiselle est dotée d'une intelligence revancharde, ce qui ne gâche rien. En un rien de temps, elle séduit tous ceux sur qui elle jette son dévolu, du batteur-star aux yeux de biche (ce qui nous vaut un numéro de batterie époustouflant dans une cuisine ! ) au romancier à succès bedonnant qui anime un atelier d'écriture dans un cottage absolument craquant , où entre poules d'ornement et pâtisseries maison, des littérateurs viennent traquer la muse et quémander des conseils avisés du maître.
Deux adolescentes , à grands coups d'internet et de téléphones portables, vont elles aussi à leur façon animer ce bien trop tranquille coin de campagne anglaise...
Entre répliques vachardes et paysages superbes, on ne s'ennuie pas une seconde dans ce film qui enchaîne saison après saison une année dans la vie de ce village et certains de ces habitants. C'est drôle, perfide et totalement jouissif !
A noter un superbe mâle doté de tablettes de chocolat ,capable de vous rénover (avec un goût exquis) un cottage vieillot en un rien de temps, une sorte de croisement entre Robert ( le bricoleur de France 3) et n'importe quel sexy man de votre choix ! Un homme comme ça on en redemande ! D'ailleurs bizarrement, j'ai proposé à mon Homme d 'aller revoir ce film, en sa compagnie cette fois , lui vantant les charmes du Dorset avec beaucoup de conviction.
Une autre Tamara vous en parle aussi ici.
L'avis de Kathel qui vous mènera vers plein d'autres !
Ps: Je n'avais aucune envie de lire la BD de Posy Simmonds dont je n'avais déjà pas aimé les dessins dans Gemma Bovery mais j'avais envie de découvrir l'histoire, merci donc à Stephen Frears et à Cath !
pps: Je me demande si un petit débardeur kaki produira le même effet sur mon Homme que sur Luke Evans...Pas sûr.
06:00 Publié dans je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : stephen frears, grande-bretagne
13/07/2010
Un petit boulot
"Je ne suis pas plus fêlé que le voisin , simplement plus décidé."
La crise a frappé la petite ville américaine où habite Jake . Le voilà au chômage,endetté et sans petite amie. La proposition du bookmaker local d'effacer ses dettes en échange de l'assassinat de sa strip-teaseuse de femme va transformer radicalement non seulement la vie de Jake mais aussi et surtout sa vision de la société : "L'économie c'est la souffrance, les mensonges, la peur et la bêtise, et je suis en train de faire une niche."
Cette transformation d'un travailleur consciencieux et honnête en tueur à gages est à la fois hilarante et très noire. Jake le constate lui-même : "Vérifier et revérifier sans répit, surveiller impérativement chaque détail.L'usine m'a formé pour ça." Il va simplement appliquer cette compétence à un tout autre domaine.
On jubile en découvrant les péripéties des aventures de cet apprenti tueur qui fustige au passage l'hypocrisie d'une société où chacun cherche à tromper l'autre et où les travailleurs honnêtes se font licencier sans vergogne par des gens qui cherchent à faire des économies. Déshumanisation d'un côté, tentatives desespérées de l'autre pour surnager, pour redonner un peu de moral aux chômeurs, comme ce patron de bar qui organise vaille que vaille des concours de fléchettes pour réinsuffler un peu de joie dans une ville en train de mourir, un portrait lucide mais très drôle d'une société en pleine déliquescence.
Un petit boulot, Iain Levison, traduit de l'américain par Fanchita Gonzalez Battle, Liana Levi 2003. Sorti en poche, 211 pages magistrales.
Emprunté à la médiathèque.
L'avis d'Amanda qui vous mènera vers plein d'autres
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : iain levison
12/07/2010
Celui qu'on ne voit pas. (dans sa PAL)
"Il ne voulait probablement pas se promener en ville une hache sous le bras."*
Une île suédoise séduisante, Gotland. Un tueur en série qui sévit à la veille des vacances et risque de compromettre la saison estivale. La pression est lourde sur le commissariat.
Certainement pas sur le lecteur qui lit sans déplaisir ce roman facile mais qui peine à instaurer un quelconque suspense.
L'auteure semble nettement plus à l'aise pour peindre en quelques lignes des portraits de femmes , (femmes avec lesquelles nous n'aurons guère le temps de faire plus ample connaissance, c'est la loi du genre ) et semble ne pas avoir su trancher entre le roman à l'eau de rose et son vocabulaire adéquat, "l'exquise collection de spiritueux et de shakers sur une étagère", "Une élégante chaîne hi-fi" et une intrigue parfois naïve (voir la citation donnée en titre).
On va paresseusement jusuq'au bout et on oublie aussitôt.
*Phrase qui m'a aussitôt fait penser à cet exemple de Jean-Louis Fournier dans l'un de ses manuels impertinents: "Pardonnez-moi, je suis pressé, je vais assassiner ma mère."
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : mari junstedt
10/07/2010
Winter
"J'ai appris des choses tout au long de cet hiver, de cette saison des rêves, et j'en ai oublié d'autres, de vieilles choses dont je n'aurai plus besoin désormais."
L'écrivain Rick Bass et sa compagne dénichent un travail de gardiens de propriété, ce qui leur permet de réaliser leur rêve: s'installer dans un coin reculé du Montana, en plein hiver.
L'expérience, qui sidère leurs familles respectives, s'avère passionnante et très enrichissante tant par la confrontation avec la nature qu'avec l'adaptation aux moeurs des autochtones."Il peut arriver n'importe quoi.", tout peut basculer et rien ne vaut cet exil volontaire dans un cadre à la fois magnifique et potentiellement dangereux pour en prendre conscience. de quoi réfléchir pour ceux qui voudraient se lancer dans l'aventure...
Pour reprendre les mots de Madame de Sévigné concernant le printemps en les adaptant à l'expérience de ce livre: Si vous voulez savoir ce que c'est qu'un hiver, il faut venir à Rick Bass !
Un livre qui séduira tous les amoureux de Nature Writing, et j'en fais bien évidemment partie !
Winter, Rick Bass, traduit de l'américain par Béatrice Vierne, Folio 2010, 261 pages crissantes de neige et crépitantes de feu de bois.
"un bain de fraîcheur" pour Papillon.
Pickwick a été un peu moins séduite.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : rick bass
09/07/2010
La Bar-Mitsva de Samuel
Titre à lire à distance des repas, je vous aurais prévenus.
"Elles étaient tellement vieilles que la seule jeunesse qu'on pouvait voir en elles, c'était en les imaginant en pouponnières à asticots".
Je croyais apprécier l'humour noir et l'ironie mordante mais La Bar-mitsva de Samuel vient de me démontrer que j'avais des limites.
En effet, ce récit de la vie d'une jeune juif français exilé contre son gré au Canada entre une mère qui ne l'aime pas (mais a su l'enlever à son père , resté en France) et un beau-père des plus effacé ne m'a laissé aucun espace pour respirer.
C'est un univers d'une noirceur quasi absolue, où la violence est banalisée (en particulier celle faite aux femmes) très cru, avec un langage ordurier (les femmes ne sont que des c...et on les espère vicieuses dès le plus jeune âge), où les personnages ne semblent capables d'aucune empathie.
Quant à la vision du Canada, elle est au diapason de ce qui précéde. On me dira que c'est ici la vision outrée d'un adolescent torturé par ses hormones mais bon, désolée, je ne compatis ni ne ris une minute.
06:00 Publié dans Lâches abandons, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : david fitoussi, humour très très noir
08/07/2010
Si Eve Volver apparaît dans une histoire le coup partira avant la fin
"-T'es maboule toi !
-J'suis la boule de personne !"
Un pied dans la réalité, un pied dans l'imaginaire, Eve Volver , six ans, nous raconte sa vie entre une grande soeur trop sérieuse, Victoria , et une petite, Loula, "capturée" juste après le séjour de maman à l'hôpital." C'est un moulin à paroles, et elle se fatigue elle-même à tant parler mais elle est diablement attachante cette Eve Volver même si on comprend parfois les réactions de son entourage...
Un énième récit à hauteur d'enfant ? Non, car Eve a une personnalité, une manière d'appréhender le monde qui se reflète dans le langage qu'elle emploie. Néologismes, calembours, syntaxe malmenée coulent de manière fluide et réinventent le monde.
Pas étonnant que sa famille soupire souvent et ne la comprenne pas toujours ! Le lecteur , lui, se régale car la tendresse, l'inventivité, la poésie et l'humour sont au rendez-vous.
Sans compter que, comme promis dans le titre, presque à la fin du récit, le roman bascule dans l'émotion pure sur un coup de tonnerre...
Glissez-vous avec bonheur dans l'univers d'Eve Volver sans plus attendre !
Si Eve Volver apparaît dans une histoire le coup partira avant la fin, Déborah Reverdy, L'école des Loisirs collection Médium, 238 pages qui fourmillent d'inventivité.
Un avant-goût : "Je pensais qu'à force de pas ranger mes affaires, au bout d'un moment elles retrouveraient la bonne combinaison de départ, comme le Rubik's Cube, et que je n'aurais pas à me casser la tête à remettre en ordre quoi que ce soit. Enfin j'y suis arrivée en conjuguant mes efforts au verbe vouloir. Après, comme j'avais les paupières qui s'enclumaient, j'ai rangé mon sac dans la soute pour bagages et je me suis assise au fond vers la fenêtre pour regarder le paysage se défiler."
Esmeraldae l'évoque ici.
Le blog de l'auteure.
06:03 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : déborah reverdy, enfance, émotion, humour