03/09/2010
Zélie et les Gazzi
"Et comme ils s'ennuient, la journée se termine régulièrement par une bagarre."
Les Gazzi ? Des bandits à la petite semaine , des gamins dans des corps d'adultes, plus bêtes que méchants et qui , alors qu'ils projetaient un kidnapping ,vont se retrouver à quattre pattes en train de créer des déguisements avec Zélie , la fille de la couturière.
Evidemment , comme nous le montre la couverture, la petite fille va prendre le dessus , car elle est bien plus maligne que ces bandits d'opérette !
Comment lutter contre l'ennui, source de bien des ennuis ? Adrien Albert, aux commandes du texte et des dessins ( d'une fluidité remarquable) nous propose une solution qui plaira sans doute aux enfants en âge de lire la collection Mouche , mais pas qu' 'à eux !
Beaucoup de vivacité et d'humour, un régal !
Zélie et les Gazzi, Adrien Albert, Mouche de l'Ecole des loisirs 2010 .
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : adrien albert, ennui
02/09/2010
Grandir
Bien sûr, il y eut des fêlures , mais quand la mère, âgée, devient fragile, que la relation de "dépendance" commence à s'inverser, c'est l'occasion pour chacune d'elle de Grandir d'une manière différente et d'apprivoiser le temps qui passe .
Avec beaucoup de pudeur et d'élégance Sophie Fontanel nous livre ce beau récit entremêlant souvenirs heureux et découverte d'un tout autre univers, celui de la vieillesse et de ses aléas, en complet décalage avec le monde futile de la monde dans lequel évolue la narratrice. Des chapitres courts, comme autant de vignettes, pour dire la tendresse et les jolies choses dont il faut se souvenir, pour s'en servir comme d' un viatique.
A mille lieues de l'univers habituel (chichiponpon )de l'auteure.
Grandir, Sophie Fontanel, Robert Laffont 2010, 145 pages réconfortantes.
Merci à Stéphie pour cette découverte.
Antigone a aimé aussi
Une belle surprise pour Papillon
Un coup de coeur pour Keisha !
08:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : sophie fontanel, rapport mère-fille, vieillesse
Le jeudi c'est énergie !
" Mais vous ne m'avez jamais suffi, mais qu'est ce que tu t'imagines ? Simplement , j'étais trop prise par vous pour avoir de l'énergie pour autre chose, pour quelqu'un d'autre, moi par exemple ! Et vous vous êtes habitués. Que vous me soyez essentiels ne veut pas dire que vous me suffisiez, quelle idée. Est-ce que nous suffisons à nos enfants ? Bien sûr que non ! Et heureusement !"
Page 238 de Fugue , Anne Delaflotte-Mehdevi, Gaïa 2010.

06:00 Publié dans Extraits | Lien permanent | Commentaires (3)
01/09/2010
Fugue
"Il faut beaucoup de temps pour découdre les mauvaises raisons."
A force de crier le prénom de sa fille qui s'est échappée de l'école le jour de la rentrée, Clothilde a perdu sa voix.
Et c'est tout un bel équilibre qui s'effondre car la jeune femme va provoquer tour à tour l'incompréhension de son père, de son mari et de sa meilleure amie en refusant de se soigner à marche forcée. Elle sent en effet qu'il lui faut prendre son temps pour retrouver sa voix et sa voie ca ,paradoxalement, le chant va entrer dans sa vie et prendre une place prépondérante.
Qu'elle est attachante cette Clothilde qui , à son rythme, faisant fi pour une fois des contrariétés qu'elle engendre chez les autres en ne leur renvoyant plus l'image qu'ils avaient d'elle, va distiller les événements et tranquillement s'insurger : "qu'est ce que je disais de si important que vous voulez entendre ? ". Elle va posément, en acceptant les opportunités qui s'offrent à elle, retrouver le chemin de sa vie , fuguer tout en restant chez elle, ne plus se contenter d'être la fille , l'épouse , la mère, voire l'amie, à la vie bien lisse.
Aucun ressentiment pourtant, aucunne revendication forcenée, non juste un constat simple et lucide du besoin de consacrer son énergie à quelque chose qui la fasse se sentir en harmonie, qui la révèle à elle même, tout en la reliant aux autres.
Ainsi le titre du roman, Fugue, joue-t-il sur la polysémie de ce mot. La fugue c'est bien sûr l'escapade initiale de la fillette mais aussi le morceau de musique qui tisse des liens de par sa structure, comme le roman le fait ici, multipliant les points de vue et éclairant de manière très subtile la personnalité de ces femmes et de la constellation familiale et amicale qui l'entoure.
Un très beau texte, empli de poésie, où s'engouffrent des moments exotiques et colorés, un roman d'une grande justesse psychologique , un magnifique portrait de femme.
Un livre lu et relu, dont j'ai extrait une flopée de citations .
Notons au passage un petit clin d'oeil qui fait le lien avec le précédent roman de Anne Delaflotte- Mehdevi : "Le temps pouvait bien passer, tout lui prendre, elle avait chanté, comme un cuisinier cuisine, comme un maçon construit bien, un relieur relie, un marathonien arrive au terme de sa course."
Fugue, Anne Delaflotte Mehdevi, Editions Gaïa 2010, 336 pages sereines et pleines de vie (un viatique? )
La relieuse du gué, c'est ici !
Pour découvrir la lecture du chapitre 1 de Fugue, c'est ici.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : anne delaflotte mehdevi
31/08/2010
Babyfaces
"Tu n'es pas grosse. Tu es puissante."
Pas facile la vie de Nejma. Même si elle n'est pas violente, tout le monde la craint dans son école primaire, car moche, mal habillée et renfrognée, ça fait beaucoup pour une seule fille . En plus, la voici accusée d'avoir salement amoché Jonathan Suyckerbuck, grand amateur de catch !
Il lui faudra accepter l'aide de son ami, le freluquet Raja et d'Isidore , le vigile du supermarché, pour se sortir de cette sale affaire et même se sortir du marasme qu'est sa vie.
Marie Desplechin prête toujours une attention particulière aux habitants de ce qu'on appelle "les quartiers", ces ensembles clos, excentrés, qui enferment les populations et les isolent. D'où l'importance d ela passerelle qu'emprunte Nejma et qui exerce parfois sur elle une fascination un peu morbide.
L'auteur s'est ici penchée sur le phénomène du catch , nouvel engouement des enfants, en particulier dans les quartiers populaires. Pas question pour autant de cautionner un phénomène qui peut s'avérer dangereux -voir l'accident de Jonathan et la fermeture (un peu trop) providentielle de l'école de catch. C'est dans un autre sport que Nejma trouvera sans doute sa rédemption.
Malgré la gravité de la situation décrite, Marie Desplechin parvient toujours à montrer à ses personnages une lueur d'espoir, reposant sur la solidarité et la fraternité. Seule, Nejma ne peut rien. C'est en s'ouvrant sur les autres et en acceptant leur aide qu'elle parviendra à s'en sortir. Un livre généreux et chaleureux. On n'en attendait aps moins de l'auteur de La prédiction de Nadia ,qui se déroulait aussi dans ces quartiers d'Amiens.
Babyfaces, Marie Desplechin, Ecole des Loisirs, collection neuf, 2010, 139 pages
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : marie desplechin, catch
30/08/2010
L'arbre du père
"La maison se désintégrait, tout comme nous; ça méritait bien une fête."
Une famille australienne subit brutalement un deuil, celui du père de famille. Simone, la narratrice , âgée de neuf ans à l'époque, trouve refuge dans le flamboyant qui pousse devant la maison et y entend la voix de son père. La mère qui ne peut accepter la disparition de son époux, va elle aussi voir dans ce symbole un moyen de faire face . Mais les racines du flamboyant menacent la maison et il faudrait couper l'arbre...
Dans ce roman tour à tour poétique et fantastique, Judy Pascoe analyse avec finesse les sentiments de cette famille qui doit affronter le deuil. Chacun se débrouille comme il peut pour arriver à supporter l'absence paternelle. La narratrice qui prend en charge ce récit a postériori le fait sans se donner le beau rôle et revient sur les événements avec lucidité, évoquant les souvenirs d'une année marquée par la chaleur et la solitude malgré la sollicitude de l'entourage, voisinage compris.
Chaque personnage, même secondaire, est croqué avec une justesse confondante et devient aussitôt partie intégrante de l'univers que Judy Pascoe réussit en un peu moins de deux cent pages à créer.
Quant à la nature australienne, elle tient un rôle exceptionnel, tour à tour réconfortante ou dévastatrice, donnant lieu à des scènes très visuelles qui n'ont pu qu'inciter à l'adaptation cinématographique du roman.
Un concentré d'émotions qui chahute le lecteur mais une écriture qui ne verse jamais dans le pathos, un texte très visuel et captivant.
L'arbre du père ,Judy Pascoe, traduit de l'anglais par Anne Berton, 10/18 2010, 191 pages
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : judy pascoe, deuil, reconstruction, australie
29/08/2010
Vivement l'avenir
"La vie m'apprend de force, et c'est tant mieux."
Alex, jeune femme trentenaire volontairement sans amarres, a atterri un peu par hasard chez Marlène. Marlène , la forte en gueule qui malnène avec une belle ardeur la langue française et son mari , sans oublier celui qui lui pourrit un peu beaucoup ses rêves, son beau-frère handicapé, rebaptisé affectueusement Roswell par Alex.
Bien qu'elle s'en défende, la jeune femme va s'attacher de plus en plus à ce Picasso en volume ainsi qu'à deux autres garçons de son âge , Cédric et le Mérou, qui font le désespoir de leurs parents à osciller entre glandouille et chômage.
Cette rencontre sera peut être le déclic qui donnera envie à ces trentenaires angoissés de se lancer car "Combien de gens s'abonnent au malheur, tout seuls, comme des grands, et ne résilient plus jamais l'abonnement ? "
Des personnages sans prestige mais pas sans panache , une vie quotidienne parfois tristouille mais qu'il suffit de bousculer un peu pour la faire briller de nouveau, redonner un peu de lustre aux rêves du passé, voici un joli programme que nous propose Marie-Sabine Roger. On y croit le temps du livre et on collecte avec plaisir les citations comme autant de gri-gri pour les jours sans.
La construction alterne les points de vue et génère le sourire qand on voit comment une même situation peut être interprétée différemment par les protagonistes.
J'ai particulièrement apprécié le rapport aux mots qu'ont les personnages: Alex qui mine de rien rectifie les expressions de Marlène, qui s'enferre de plus belle, Le Mérou qui dispose de certains mots définitifs, mais aussi la poésie qui se fraie un chemin à travers le langage entravé de Roswell...Une écriture qui n'en fait jamais trop et ne tombe pas dans la joliesse, un très beau moment de lecture.
Vivement l'avenir, Marie-Sabine Roger, Editions du Rouergue, la brune 2010 , 302 pages Sschuper ! comme dirait Roswell.
Un grand merci Dame Cuné !
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : marie-sabine roger, amitié
28/08/2010
Une forme de vie
"Les pays de l'Est sont excellents pour l'ego, je l'ai souvent remarqué."
A l 'opposé d'Un artiste de la faim kafkaïen, le G.I qui écrit d'Irak à Amélie Nothomb veut mettre en scène son obésité monstrueuse , devenir en quelque sorte un artiste de la graisse. S'engage alors un étrange échange de missives qui va susciter l'intérêt de notre romancière belge préférée.
Je n'aime que les romans d'Amélie Nothomb où elle se met en scène (voilà qui est dit ) avec une justesse et une attention aux autres tout à fait remarquables.
Ici, elle aborde avec finesse et précision les relations épistolaires qu'elle entretient avec ses lecteurs et cela nous vaut une description pertinente des vraies lettres qui ont "pour sens et mission l'épiphanie du destinataire."
La pirouette finale m'a un peu laissée sur ma faim mais j'ai retrouvé avec bonheur celle qui semble toujours être juste et ce quelque soit la situation (je l'ai vue dans ce qui s'est avérée être une émission littéraire qui tenait plus d'un jeu digne d'Intervilles que de Bouillon de culture et imperturbable, entre deux épreuves, parler sans faillir de son dernier roman !) .
Merci Cuné !
Mango a aussi été séduite.
Une forme de vie, Amélie Nothomb, Albin Michel 2010 , 169 pages, un assez bon cru .
06:00 Publié dans rentrée 2010, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : amélie nothomb, lettres, l'art de la graisse
27/08/2010
'Ta mère
Des fils, des mères, dont les destins s'entrelacent pour échapper à l'armée russe, pour échapper à la guerre en Tchétchénie, pour retrouver une mère dans une Saint-Péterbourg étouffant sous la chaleur et sous les bâches de la grande rénovation en vue du tricentenaire de la ville.
Mais peut-on échapper à son destin et à la violence dans une ville conçue pour que chacun soit exposé au regard de tous ?
'Ta mère tisse le destin de trois garçons qui peinent à trouver leur place dans un monde où toute échappatoire semble impossible. Des brèches semblent s'ouvrir mais c'est pour que les mâchoires d'un piège cruel se referment sur le fugitif . La violence est omniprésente, elle sature ce récit qui pourtant ne sombre jamais dans le voyeurisme ou la complaisance. Un récit qui orchestre différents points de vue , sans que l'on se perde, et établit un lien entre Brésil et Russie , justifiant ainsi que ce roman se déroulant à Saint-Pétersbourtg été écrit par..un Brésilien ! Un roman âpre et fort, où l'amour et la tendresse ne sont que de faibles lueurs mais dont les pages résonnent longtemps en nous.
A découvrir absolument !
'Ta mère, Bernardo Carvalho, traduit du brésilien par Geneviève Leibrich, Editions Métailié 2010, 216 pages ardentes.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : bernardo carvahlo, russie, brésil
26/08/2010
Un bûcher sous la neige
"De nos jours, qui prend le temps de soigner son âme ? "
"Gueuse", "malfaisante"mais aussi et surtout "sorcière" voilà quelques uns des mots qui stigmatisent Corrag, jeune fille qui s'apprête à subir l'ordalie par le feu au coeur de l'Ecosse du XVIIème siècle.
Quel crime at-elle commis ? Aucun, hormis le fait d'avoir soigné par des plantes . Aucun , si ce n'est d'avoir vécu en dehors de la compagnie des hommes, solitaire et sauvage, les cheveux pleins de papillons et de toiles d'araignées, accordant son attention aux endroits, aux animaux sauvages, au moindre frémissement de la nature dans laquelle elle vit en osmose.
Elle a été aussi témoin d'un massacre et c'est à ce titre que le Révérend Charles Leslie l'interroge dans la prison où Corrag guette la fin de l'hiver , la saison dont elle se sent la plus proche, fin de l'hiver qui verra s'enflammer le bûcher que l'on construit pour elle.
Au fur et à mesure du dialogue qui s'instaure, nous verrons une réelle communication s'établir entre Corrag et le Révérend. Car si la jeune fille connaît les plantes et leurs bienfaits, elle a aussi le don de transmettre sa vision du monde, faisant fi des luttes intestines qui opposent les Hommes dans cette période troublée de l'Histoire.
Le bûcher sous la neige est un roman où couve la braise, celle des sentiments de Corrag, analysés avec finesse et sensibilité par Susan Fletcher. C'est aussi un texte qui fait la part belle à la Nature en général et aux plantes en particulier, ces plantes dont les vertus inaugurent chaque chapitre.
Un roman qui s'inscrit dans la réalité historique d'une époque mais qui la dépasse aussi car la façon qu'a Corrag de se réjouir du gonflement d'un bourgeon ou de l'apparition d'un cerf pourrait être la nôtre. Un rythme un peu lent parfois mais un magnifique portrait de femme , une femme libre, malgré tout, ce qui réjouit le coeur du lecteur. La dimension historique, qui n'est pas vraiment ma tasse de thé, fait que j'ai moins été convaincue par ce roman que par les précédents.
Un bûcher sous la neige, Susan Fletcher, traduit de l'anglais par Suzanne Mayoux, Editions Plon 2010, 390 pages ardentes.
Marie a été séduite !
Du même auteur :
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : susan fletcher, sorcière, hiver