20/11/2025
La Fugue
"Depuis toujours je veux vivre avec des « comme moi ». Ceux qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas, ceux qui en ont marre de ce monde agressif, qui veulent plus de silence, de nature, de réflexion et d’écoute. Ensemble, on devrait avoir un pays, un drapeau, un hymne national et une devise : « Liberté, égalité, adelphité ».
Inès, mariée, deux grands enfants, quarante-sept ans au compteur et un énorme ras-le bol de ce qu'elle a subi jusqu'alors, croyant que c'était de l'amour, prend la route. 
Suivant un van , elle arrive presque au bout du monde: dans une petite commune du Finistère. Là, dans une maison qui ressemble à celle dont elle a rêvé, elle va réinventer sa vie, se connectant aux autrices composant la bibliothèque de la propriétaire précédente et créant petit à petit une sororité avec des femmes fortes qui l'entourent.
Je n'avais jamais lu cette autrice et cette lecture a été fort agréable, l'occasion aussi de glaner au passage quelques noms d'autrices à découvrir.
J C Lattès 2025
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : aurélie valognes
06/11/2025
#Delautrecôtédelamère #NetGalleyFrance !
"Tandis qu'un homme qui aime une femme, qui l'aime vraiment et qui aime comme une femme, voilà qui suscite la suspicion. "

Nine a été élevée par son père car sa mère, Fiona, a fui la maison familiale quand la petite fille avait quatre ans. Sur le point d'accueillir son premier enfant, la jeune femme découvre à la mort de son père les cartes postales envoyées par sa mère, cartes postales dont elle ignorait l'existence.
Entremêlant les voix de Nine et de Fiona, ce roman de Pauline Harmange relate la quête de cette mère dont Nine n'a gardé aucun souvenir.
Qu'une mère abandonne son enfant est sans aucun doute un tabou qu'explore ici la romancière avec pudeur et sensibilité. Néanmoins, je me suis senti à distance de ce texte qui m'a paru souvent très opaque en ce qui concerne les motivations de Fiona.
Editions J.C Lattès 2025. 
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pauline harmange
04/11/2025
Trois enterrements
"Ils vont enterrer Asha.
Tout le monde sait, ou tous ceux qui veulent savoir savent, ce qui arrive aux migrants pris dans les filets de la lutte contre l'immigration. On les enterre. Elle va finir dans une cellule en béton. Ensevelie sous la paperasserie et les procédures. Inhumée sous l'administratif et les changements de règlements et les appels sans suite et zéro avocat."
La vie, récemment, n' a pas épargné Cherry, infirmière dans un hôpital londonien. Aussi, révoltée par ce qu'elle, les siens et d'autres subissent, n'hésite-t-elle guère à s'embarquer dans une folle virée pour enterrer dignement un migrant massacré par un policier raciste et fermement décidé à la rattraper.
Plaçant son héroïne sous l'égide de Thelma et Louise, l'auteur fait d'elle une femme au caractère bien trempé, avec ses forces et ses faiblesses, et nous entraîne à sa suite dans un road trip tour à tour émouvant, drôle et engagé. En effet, le portrait qu'il brosse de la société britannique est corrosif et sans appel.
Un roman très bien structuré qu'on ne lâche pas.
Traduit de l'anglais par Claro, ce qui ne gâche rien. Actes Sud 2025.
Découvert grâce à Alex, que je remercie: clic.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8)
29/10/2025
Les preuves de mon innocence
" Son propos, en résumé, portait sur la nécessité d’abattre les syndicats, non pas à cause de leur militantisme ou parce qu’ils prétendaient prendre le pays en otage à coups de grève, mais simplement parce qu’à long terme c’était dans l’intérêt de l’économie du pays de sous-payer ses travailleurs. Il fallait maximiser les bénéfices privés, soutenait-il : c’était le seul moyen d’inciter réellement les patrons à rechercher l’efficacité et la productivité. Et si le sommet de la pyramide était bien rémunéré, ces gens iraient dépenser leur argent, qui finirait par circuler dans l’ensemble de la société : non en taxant les riches, mais grâce à l’action naturelle et immuable du marché. "

Poussée de l'extrême droite britannique en lien avec les États-Unis, volonté assumée de détruire le système de santé pour qu'il soit privatisé et enrichisse de grands groupes aux aguets, tels sont quelques uns des thèmes du nouveau roman de Jonathan Coe.
Le tout est enchâssé dans une sorte de Cluedo comportant son lot de personnages hauts en couleurs: la vieille inspectrice gourmande, les vieux conservateurs hautains, le vieux manoir et ses passages secrets, le journaliste blogueur trop curieux, sans oublier deux étudiantes qui vont s'improviser enquêtrices.
L'auteur multiplie les clins d’œil au lecteur en terminant systématiquement les chapitres avant le meurtre par l'adjectif "meurtrier", résout le mystère de manière virtuose , tout en surprenant par une dernière pirouette . Du grand art donc mais le roman est quelque peu empesé par des longueurs récurrentes.
Traduit de l'anglais par Marguerite Capelle.
Gallimard 2025. 476 pages.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, Rentrée Littéraire 2025, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jonathan coe
21/10/2025
Searoad
"Et puis, ne plus être l'associée de de Will Hambleton serait un soulagement. Il faut garder l’œil à la fois sur ses mains baladeuses et sur ses comptes , on a l'impression de travailler avec un éléphant mâle, comme je l'ai dit à Mary, il faut constamment surveiller les deux bouts: s'il ne t'enroule pas dans sa trompe, il risque de s'asseoir sur toi. "
L'héroïne de ce roman en treize chapitres connectés est la petite ville imaginaire de Klatsand, sur la côte Ouest des États-Unis. Visiteurs de passage ou résidents permanents s'y croisent au fil du temps et si l'autrice choisit de mêler les époques en un savant tissage , on y retrouve principalement des personnages féminins, dont une lignée de femmes qui se déploie dans le dernier chapitre, le plus long. 
Alternant humour vachard, parfois , et descriptions poétiques, c'est dans un roman plus intimiste que se déploie ici l'imaginaire d'Ursula K. Le Guin.
Féminicide passant sans problème pour un accident, viol dont tout le monde connaît l'auteur, mari qui argumente longuement pour que son épouse n'entreprenne pas des études universitaires, n'hésitant pas à attribuer ses succès à elle à sa position sociale à lui, la vie est rude pour ses femmes, qui parviennent néanmoins à faire face, pour certaines, même de manière ténue. Qu'elles soient jeunes ou sur le point de mourir, leurs portraits sont nuancés , pleins d'humanité et nous touchent en plein cœur.
Editions Rivages 2025. Traduit de l'anglais (E-U) par Hélène Collon
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : ursula k. le guin
20/10/2025
Le monde est fatigué
"-Ce que je veux dire, c'est qu'on n'est jamais les mêmes, que nos vies sont des superpositions de nous-mêmes. On est des strates, rien n'est valable tout le temps. "
Qui est Eve ? Une sirène professionnelle ou une femme meurtrie , dans sa chair et dans son âme, qui cherche à se venger ? 
De Genève à Dubaï en passant par Tokyo, Brisbane ou Los Angeles, Eve distribue dans des aquariums géants des bisous-bulles, utilise son argent pour mener sa quête , en se confrontant à sa douleur et à celle du monde.
Joseph Incardona en profite en effet pour tacler , entre autres, "L’uniformisation de la pensée [qui] fait baisser les compétences linguistiques", l'exploitation du corps des femmes, l'hypocrisie d'un monde qui signe des traités supposés sauver dans la planète dans un pays où règne la plus grande aberration anti-écologique. Avec ce court roman (212 pages), je découvre le style si particulier de cet auteur et je compte bien ne pas en rester là. Un roman souvent abrupt mais plein d'énergie et de sensibilité.
Editions Finitude 2025.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans suisses | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : joseph incardona
14/10/2025
#Folcoche #NetGalleyFrance !
"Le plus célèbre matricide littéraire, qui, depuis sa parution, berne des générations de lecteurs ."
Folcoche, contraction de "folle" et de "cochonne". Un personnage inoubliable que ce soit pour ceux qui ont lu le roman d' Hervé Bazin ou vu le téléfilm dans lequel Alice Sapritch fut inoubliable. LA mauvaise mère par excellence. Tyrannique, odieuse, violente et contre laquelle lutte le personnage de Jean, adolescent présenté comme double de l'auteur. 
Mais la réalité est toute autre et l'enquête basée sur les archives et sur des témoignages de la famille, famille, condamnée au silence pendant des années, est implacable : "Le roman à succès de Jean Hervé6bazin , celui à partir duquel il connut le succès et fonda son écrasante notoriété, est une manœuvre destinée à punir sa famille de l'avoir placé sous interdiction judiciaire et ainsi privé de sa part d'héritage. "
En effet, L'auteur de Vipère au poing est tout à la fois un voleur, un escroc, un manipulateur qui n'hésite pas à alterner promesses et menaces , fait des séjours en asile psychiatrique, en prison, bref qui jette l'opprobre sur sa famille qui essaie tant bien que mal de sauver les apparences. et de le sauver, lui.
Une enquête édifiante sur un mystificateur hors pair.
Grasset 2025. 
06:00 Publié dans Enquête, Rentrée Littéraire 2025 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : emilie lanez
13/10/2025
La Bonne Mère
"Elle est ancrée.Il y a toujours l'ouragan qui lui tourne autour, bien sûr, en surface. Au fond, elle est plus stable qu'elle ne l'a jamais été. "
Quand Clara rentre à Marseille pour présenter son amoureux à ses parents, Véro , sa mère, cagole haute en couleurs dans tous les sens du terme, appelle aussitôt in petto le garçon en question Le Girafon. Elle sent d'emblée que Raphaël, ce fils de bonne famille, ne rendra pas heureuse sa fille chérie. 
Clara est en effet une transfuge de classe qui termine sa thèse à Paris , tiraillée entre ses origines marseillaises, qu'elle tente de gommer, et sa fidélité à ses parents et en particulier à sa mère.
Avec cette dernière, les relations ne sont pas toujours faciles mais quand la jeune femme sera en butte à une forme particulièrement sournoise mais efficace de violence, elle pourra compter sur sa mère et sa bande copines pour intervenir...
Une couverture façon partchwork bigarré pour présenter un premier roman très attachant, à la fois drôle et dramatique , où s'opposent deux villes et où l'héroïne devra prendre conscience des messages que lui envoie son corps face à des formes de violence dont elle a hérité sans pour autant en prendre conscience. Un bel hommage aussi à la sororité. J'attends avec impatience le prochain roman de cette autrice qui a un sens de la formule efficace : "La belle-sœur les regarde comme si c'était l'Open 13. Elle comprend pas un mot de leur conversation. Quand je la vois, celle-là, ça me rassure. Je me dis qu'au moins je suis pas si con."
Editions l'Iconoclaste 2025.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : mathilda di matteo
06/10/2025
La Bossue
"Je hais le machisme de la culture du livre qui exige la pleine et entière pratique de ces 5 critères de la bonne santé : voir avec les yeux, pouvoir tenir un livre dans ses mains, pouvoir tourner les pages, pouvoir endurer la position de la lecture, pouvoir aller à sa guise dans une librairie acheter un livre. Je hais l'arrogance imbécile de tous ceux qui « adorent les livres » sans se rendre compte du privilège orgueilleux qu'ils expriment par là."
Atteinte d'une myopathie myotubulaire, comme l'autrice, ma narratrice de ce roman a pour objectif d'être enceinte pour pouvoir avorter comme n'importe quelle femme valide. Le ton est donné. 
Dénonçant avec rage la violence d'une société validiste, décrivant avec précision tous les empêchements physiques, matériels qu'elle doit affronter pour (sur) vivre, elle déverse sur les réseaux sociaux ses fantasmes sexuels, ses réflexions acides jusqu'au jour où un intervenant du foyer de vie où elle demeure l'identifie...
Attention, ce livre brûle les mains. Pas de pathos, pas de misérabilisme mais une provocation permanente qui en dérangera plus d'un.e.
Merci à l'éditeur et à Babelio.
Editions Globe 2025. Traduit du japonais par Patrick Honnoré.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sao ichikawa
08/09/2025
DJ Bambi
"Les gens voudraient savoir ce qu'on ressent quand on ne fait partie d'aucun groupe, quand on en aurait envie mais qu'on n'en a pas la possibilité, ils veulent par leurs lectures se confronter à ce qu'ils craignent de vivre, connaître la souffrance d'autrui et découvrir ainsi de nouvelles facettes d'eux-mêmes. "
Depuis six décennies, celle qui a choisi comme nouveau prénom Logn, à savoir l'absence totale de vent, vivait dans un corps d'homme. Il lui a fallu beaucoup de temps pour cerner son identité (était-elle homosexuelle?) et trouver le courage de le dire à sa famille.
Isolée quasiment de tous, seul son frère jumeau vient le voir quotidiennement, et même s'il est laconique, sa présence témoigne de son soutien et de son amour, la tentation du suicide n'est jamais bien loin. L'attente de "l'opération du bas" et la rencontre d'une ancienne camarade de classe, journaliste qui veut écrire sur elle , conduit Logn à se plonger dans ses souvenirs.
La question de l'identité, mais aussi celle du temps car Logn considère qu'elle "n'[est]pas encore née", sont au cœur de ce roman tout en pudeur et poésie.
Le personnage de l'écrivaine, une certaine Audur T. , s'interroge beaucoup sur la pertinence de ce projet d'écriture qu'elle ne cesse de tourner dans tous les sens et finit par conclure: "Pour être tout à fait honnête, Gudridur Logn, tu es l'une des femmes les plus normales que j'aie jamais rencontrées. "
Audur Ava Olafsdottir n'a pas écrit un roman-dossier sur la transidentité mais un texte sensible, parfois humoristique, ni pessimiste, ni optimiste à tout crin, sur une quête d'identité qui a pris son temps pour aboutir. Un roman plein d'émotion et de justesse qui file sur l'étagère des indispensables.
Traduction de l'islandais par Eric Boury.
Editions Zulma 2025
PS: Un roman qui donne envie de découvrir le roman de l'écrivain juif autrichien Felix Salten, Bambi, la vie dans les bois, publié en 1923, apparemment très différent de la version du dessin animé de Walt Disney...
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Rentrée Littéraire 2025, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : audur ava olafsdottir


