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19/01/2021

Un papillon, un scarabée, une rose

"Je suis allée prendre un balai pour nettoyer le balcon en me disant que j'adorais avoir l'idée d'un lieu où les souvenirs pourraient émerger, comme s'ils appartenaient naturellement à l'état gazeux et que la tente leur éviterait de s'évaporer."

A huit ans Francie est accueillie chez sa tante et son oncle, sur le point de devenir parents. C'est dans ce foyer aimant qu'elle grandira en compagnie de sa cousine Vicky, pendant que sa propre mère est soignée pour une dépression récurrente.
D'abord raconté à hauteur d'enfant, et donc parcellaire, le récit sera approfondi par une Francie à l'orée de l'âge adulte qui reviendra sur son passé et en particulier sur les trois événements qui donnent son titre français au roman. Trois moments de son histoire où des éléments morts ont semblé prendre vie et, comme le souligne la narratrice,  "[...]c'est amusant dans une histoire , c'est terrifiant dans la réalité."aimee bender
La notion de limite nécessaire pour contenir le réel  revient fréquemment dans ce récit où les frontières entre le réel et l'imaginaire peuvent devenir floues quand on a une mère qui ne les distingue plus vraiment, où rôde la peur de la folie, héréditaire ou non. Et ce n'est qu'à la toute fin du roman que la narratrice comprendra pourquoi elle a besoin qu'on l'enferme dans sa chambre.
De ce qui aurait pu être un texte  pesant, Aime Bender et son écriture riche en métaphores font un texte lumineux, empli de bienveillance et d'espoir, sans pour autant tomber dans le "feel good ". Qui d'autre qu'elle peut écrire :"[...] un jour qui n'avait rien de remarquable  en dehors d'un certain vide familier dont je sentais les bords rouloter à l'intérieur de moi [...]" ? (soulignons au passage la virtuosité de la traductrice !).
Entrer dans un roman d'Aimee Bender, c'est entrer dans un univers coloré, riche de sensations , parsemé de quelques touches de fantastique pour mieux donner à voir les émotions fugaces . Un grand coup de cœur .
Éditions de l'Olivier 2021, 350 pages d'où pourraient bien s'envoler un papillon, un scarabée ou une rose...

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Céline Leroy

de la même autrice: clic, reclic

 

15/04/2013

L'ombre de moi-même

"...il y a quelque chose chez toi, Mona Gray , qui fait déborder mon coeur."

Depuis dix ans, le père de Mona est atteint d'une terrible maladie, dont personne ne parle en famille. La petite fille ( pour se préparer à la perte de son père ?) est devenue "amoureuse de l'abandon". Elle conserve pourtant une relation compulsive avec les chiffres.Exilée de chez ses parents, un univers qui semble déserté par les couleurs, Mona, à l'âge de vingt ans, va enseigner, un peu par hasard, les aimee bender,chiffresmathématiques dans une école primaire, une expérience diont les conséquences seront imprévisibles...
Il me restait de ma première lecture en 2001 de L'ombre de moi-même quelques images fortes: celle de cette quincaillerie abandonnée à son sort, celle d'une classe primaire avec des méthode d'enseignement fort singulières et surtout l'atmosphère si particulière aux romans d'Aimee Bender. Nous sommes en effet à la fois ancrés dans la réalité mais une réalité qui glisse souvent de côté, où les personnages dévoilent peu à peu des comportements légèrement anormaux dont chacun semble s'accommoder. J'avais pourtant oublié cette alliance dérangeante de l'enfance et de la morbidité, dont  en fait les enfants s'arrangent bien plus facilement que les adultes. Un roman moins abouti que La singulière tristesse du gâteau au citron (clic) mais une bien belle introduction au style d'Aimee Bender.

 L'ombre de moi-même, Aimee Bender,Traduit de l'anglais par Agnès Desarthe, points seuil 2013, 305 pages lumineuses.

01/03/2013

La singulière tristesse du gâteau au citron

"Je ne parlais pas à table parce que je me consacrais entièrement à survivre au repas."

Imaginez que vous puissiez détecter les émotions de la personne qui a concocté un plat rien qu'en le dégustant. Voilà qui pourrait être très troublant...Cette étrange capacité, Rosa Edlstein la découvre le jour  de ses neuf ans en dégustant le gâteau au citron préparé par sa mère. à partir de ce jour, sa perception des autres en général et de sa famille, en particulier, va être bouleversée car cette sensibilité extrême peut être fort embarrassante.aimee bender
Portrait tout en délicatesse d'une famille en apparence banale (ne lisez surtout pas la 4 ème de couv' bien trop prolixe), La singulière tristesse du gâteau au citron est un petit chef d'oeuvre , tant du point de vue de la construction que du style, à la fois poétique et imagé.
Aimee Bender a le chic pour créer des atmosphères en demi-teintes où le fantastique apparaît par touches très discrètes et peut être envisagé comme une sensibilité portée à l'extrême. Un roman à découvrir absolument ! et zou sur l'étagère des indispensables où il rejoint les précédents textes de cette auteure !

La singulière tristesse du gâteau au citron, traduit avec talent de l'anglais (E-U) par Céline Leroy, Editions de l'Olivier 2013, 343 pages piquetées de marque-page, bien sûr !