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14/09/2018

L'abattoir de verre

"Je ne suis pas intéressée par les problèmes, John -ni par les problèmes ni par la solution aux problèmes. J'abhorre cet état d'esprit qui voit la vie comme une succession de problèmes soumis à l'intellect en vue de leur solution."

L'abattoir de verre réunit sept textes ayant comme fil rouge l'évolution dans le temps d'un personnage déjà rencontré chez Coetzee:  l'écrivaine Elizabeth Costello.41rN8Q1RxcL._AC_US218_.jpg
Elle doit faire face à la vieillesse qui gagne du terrain,à ses enfants qui n'envisagent pas son avenir de la même façon qu'elle. C'est aussi l’occasion de réflexions sur la condition animale et la manière dont notre société cache la souffrance de ces êtres.
Les textes sont brefs, souvent brutaux mais d'une efficacité imparable.

13/09/2018

La planète des champignons

Je me réjouissais de lire enfin un roman russe contemporain qui, en outre,  avait choisi une forme intéressante: structurer le récit en sept jours correspondant au rythme de la création du monde.
L'intrigue ? Un traducteur pusillanime et une femme d'affaires ambitieuse sont voisins de datchas à la campagne depuis l'enfance, mais ils n'ont fait jusqu'ici que s’apercevoir. elena tchijova
Ils ont de nombreux points communs: le sentiment d'avoir déçu leurs parents et l'amour de la nature.
La description de la société russe rural est intéressante, tout comme l'écriture mais le rythme extrêmement lent n'a pas su conserver mon attention et j'ai abandonné ce roman bien avant que la rencontre ne se déroule enfin.

12/09/2018

Et soudain la liberté ...en poche

"Ce que les mères reportent sur leurs filles, tout de même. Ce qu'elles leur demandent, souvent silencieusement. Ce pacte qu’elles signent ensemble de leur sang partagé."

Récit d'une double émancipation ,parfois erratiques,  celle de la mère d'Evelyne Pisier et la sienne, ce roman avait au départ tout pour me plaire. 41PgiqtZmrL._SX303_BO1,204,203,200_.jpg
Que l'autrice n'ait pu terminer son livre, que son éditrice ait pris le relais, poursuivant par delà la mort le dialogue entamé avec ferveur entre les deux femmes de générations différentes n'était en soi pas gênant, bien au contraire.
Non, ce qui m'a vraiment dérangée est que ce qui est annoncé comme un roman (à tendance clairement autobiographique) exhibe ses coutures, sa fabrication : on nous énonce ce qui est inventé ou non,un personnage public est clairement identifié à une page et renommé quelques pages plus loin.
Dans un tout autre genre, j'ai  ainsi nettement préféré le premier roman d'Isabelle Carré qui nous indique avoir inventé certains faits, sans pour autant nous donner les clés et  nous plonge ainsi plus efficacement dans la magie romanesque.

Lu dans le cadre du grand prix des lectrices de Elle.

07/09/2018

Le complexe d'Hoffman

"Simon réfléchit à la surprise de Jackie. Sans doute un transistor pour garder le contact avec le monde extérieur. Elle avait toujours des attentions  qui accusaient Catherine l'air de rien et la maintenaient dans la maladie."

Des parents séparés, une fratrie divisée: la fille avec le père, Simon avec sa mère, Catherine qui souffre de problèmes mentaux. Des problèmes, Simon en a aussi à l'école, où du fait de son nom, Hoffman, des lois anti-alsaciennes édictées par un petit groupe d'élèves rejouent d'autres mesures de stigmatisation et d'éviction.colas gutman
Simon , sans doute pour évacuer et lutter contre l'atmosphère mortifère du foyer familial, rédige un texte grand guignolesque , plein d'humour noir et absurde que vient contrebalancer le témoignage d'un de ses camarades: Lakhdar, dyslexique, témoignage à la fois naïf et plein d’inventions lexicales
Un roman qui m'a mise mal à l'aise par sa noirceur assumée.

Éditions de l'Olivier 2018.

06/09/2018

La chance de leur vie

agnès desarthe"Le sac de ses jeunes femmes exsangues la fait rêver. Elle a renoncé au sien depuis si longtemps. Disparu le réservoir de vie, d'inventivité, cette cavité contenant la solution à tous les problèmes, un poids, certes, mais qui atteste d'un engagement , d'un héroïsme dont son existence aujourd'hui est dépourvue."

Quelle drôle de femme que cette Sylvie ! Elle ne réagit jamais comme on s'y attendrait et n'aspire qu'à une chose aux États-Unis où , avec leur fils, Lester, elle a accompagné son mari, Hector: redevenir invisible.
Expatriée dans des conditions confortables, Hector a été nommé professeur dans une université de Caroline du Nord où il va enchaîner les conquêtes sans que cela trouble le moins du monde son épouse, elle pourrait accéder à une petite notoriété artistique mais ne le désire pas vraiment.
C'est finalement par Lester que, d'une manière étonnante, le trouble se répandra.
Agnès Desarthe brosse ici le portrait d'une famille expatriée qui vivra, de loin, les attentats meurtriers de novembre 2015, mais aussi celui du corps d'une femme vieillissante et surprenante.

Éditions de l'Olivier 2018.

Cuné est plus enthousiaste que moi.

05/09/2018

Eden Springs

"Est-ce que tu sens ça ,mon ange ? murmura-t-il. C'est ça ,la vie éternelle"
   Ruth Banford rit. Elle dit "Je le sens bien. C'est un homme qui se faufile sous mes jupes."

Promettant tout à la fois la vie éternelle et un corps éternellement jeune, Benjamin Purnell fonde une communauté religieuse qui offre aussi le paradis sur terre sous forme d'un parc d'attractions. Le charisme de l'individu est tel que des fidèles viennent en masse des États-Unis, mais aussi de l’étranger.
Prônant l'abstinence sexuelle, mais profitant de sa beauté et de son autorité, il abuse des jeunes filles de la communauté, sans que grand monde y trouve à redire.laura kasischke
Il faudra la mort d'une très jeune femme pour que la machine se grippe, ce qui est annoncé d'emblée.
Alternant les points de vue, proposant des citations et des photographies, le roman évoque en effet des faits réels, Laura Kasischke s'approprie cette histoire en la faisant baigner dans une atmosphère de sexualité diffuse , bucolique et métaphorique.
Elle fait également la part belle à l'évocation du corps des femmes , qu'elles soient jeunes ou vieillissantes, usées par les grossesses ou exclues de toute sexualité de par leur statut social ou leur âge "avancé" pour l’époque (nous sommes au début du 20 ème siècle).
Un roman un peu trop court à mon goût, mais où l'on retrouve bien l'atmosphère étrange chère à l'auteure de Esprit d'hiver.

 

Traduction Céline Leroy, Éditions Page à Page 2018.

04/09/2018

Les billes du Pachinko

"Ce n’est pas ma faute, je pense, si je ne raconte rien. Si j'oublie le coréen. Ce n'est pas ma faute si je parle français. C'est pour vous que j'ai appris le japonais. C'est les langues des pays dans lesquels on vit."

Claire passe l'été chez ses grands-parents Coréens du Sud que la guerre a exilés depuis cinquante ans à Tokyo. La communication est difficile car ses grands -parents vivent dans une enclave coréenne et refusent de parler la langue de leur pays d'accueil.Pourtant, l'amour est bien présent et circule entre les générations.
Ses grands-parents différant toujours le projet de visiter leur pays natal, Claire, pour occuper son temps donne des cours de français à une jeune japonaise, Mieko, élevée seule par sa mère.elisa shua duspin
Comme dans le précédent roman de Elisa Shua Dusapin, Hiver à Sokcho,( découvert en poche récemment et que j'ai beaucoup aimé ), en apparence, il ne se passe presque rien, mais la romancière excelle à peindre ce qui est tu et ne se devine qu'à partir de notations ténues. Un roman vibrant et émouvant.

Éditions Zoé 2018.

03/09/2018

La vraie vie

"La mort habitait chez nous. Et elle me scrutait  de ses yeux de verre. Son regard mordait ma nuque, se délectait de l 'odeur sucrée de mon petit frère."

Attention, bombe émotionnelle !
Dans un lotissement jouxté par le bois des Petits Pendus (tout un programme), vit une famille qui se donne l'apparence de la normalité: deux parents, deux enfants dont l'aînée, la narratrice, aime et protège son petit frère.adeline dieudonné
En effet,dès l'incipit, le ton est donné : "A la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère, Gilles, celle de mes parents et celle des cadavres." C'est là que le père, tyran domestique, entrepose les trophées de chasse les plus divers, dont une hyène particulièrement effrayante. Cet animal deviendra ainsi la métaphore du mal qui, à la suite d'un choc traumatique, fera basculer Gilles dans un univers où les émotions auront disparu. Dès lors, la narratrice se donne une mission en apparence impossible:effacer cette vie qu'elle considère comme une mauvaise branche pour sauver son frère.
Nous la suivrons donc au fil de cinq années, où, avec une volonté farouche, elle va progressivement se donner les moyens de changer le présent. Dotée de grandes capacités scientifiques,  elle analyse lucidement la situation, d'un œil quasi clinique: sa mère est une amibe qui a pour seule fonction d'avoir peur de son mari . Quant au père , "Son goût pour l’anéantissement allait [l']obliger à[ se ]construire en silence, sur la pointe des pieds."
Adelien Dieudonné ne ménage pas nos nerfs, maîtrisant son récit d'une main ferme , tout en le dotant d'une écriture à la fois imagée et efficace. On tremble, on frémit, on a la gorge serrée devant cette héroïne qui se construit à la fois physiquement, psychologiquement et émotionnellement, refusant farouchement de devenir une victime.
Un premier roman que j'ai trimballé partout avec moi le temps de sa lecture, un objet compact dont la couverture rend parfaitement l'idée de huis-clos et de menace animale. Une réussite époustouflante. Et zou sur l'étagère des indispensables !