26/02/2025
Western...en poche
"Si le western est un genre, c'est le féminin. Il articule en un seul trajet l'idée du destin, l'idée du tragique de la condition humaine à celle de la plus fascinante liberté.C'est quoi, tout ça en une seule forme, sinon une femme."
Alexis Zagner, comédien en vogue, alerté d'un vague danger qui le menace, a disparu à quelques jours de la première de Dom Juan, dont il incarnait le rôle titre.
Nous découvrirons peu à peu les raisons de sa cavale, qui ont beaucoup à voir avec son attitude avec les femmes.
Quelques mois plus tôt, Aurore qui élève seule son fils Cosma , a appris le décès de sa mère, et ,bombardée "coordinatrice chargée des paramètres humains détachée à l'adaptation aux ressources digitales à cent pour cent de télétravail" (sic), a décidé de déménager à l'ouest, dans la maison maternelle, située sur un causse.
Évidemment, nos deux héros ne pourront que se rencontrer, mais pas forcément dans les circonstances que nous pourrions imaginer.
Faire cohabiter dans un roman le personnage de Dom Juan de Molière et le genre du western voilà qui paraît quelque peu iconoclaste. Mais cela fonctionne très bien et permet de dézinguer au passage le fonctionnement de notre société avec un humour acide.
Maria Pourchet analyse aussi avec férocité ,par le biais des Fragments d'un Discours Amoureux de Roland Barthes, l'avalanche de messages dont Alexis avait accablé une apprentie comédienne dont il croyait être tombé amoureux.
Alternant les temporalités, Maria Pourchet imprime à son récit un rythme vif et multiplie les rebondissements mais néglige peut être au passage ses personnages qui manquent un peu d'épaisseur. Je suis restée parfois perplexe devant certaines de leurs réactions mais il n'en reste pas moins que Western marquera sans doute cette rentrée 2023.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : maria pourchet
24/02/2025
Soeurs ( roman à l'origine du film September & July)
"Le chagrin est une maison sans fenêtre ni porte, sans possibilité de voir le temps qui passe."
Septembre et Juillet sont des sœurs nées à dix mois d'intervalle mais entretiennent une relation quasi gémellaire, même si elles ne se ressemblent pas physiquement. Sheela, leur mère est bien consciente de l’emprise, de la manipulation , confinant parfois à la cruauté, que l'aînée exerce sur sa cadette mais n'intervient pour autant pas de manière efficace.
Harcelée à l'école, "cette bête de Juillet " donnera lieu à un premier incident, puis à un second dont la gravité vaudra à cette famille de trois femmes de se réfugier dans une vieille maison au bord de la mer où l'atmosphère oscillera entre cauchemar et réalité.
Daisy Johnson excelle à créer ces mondes entre deux eaux où ses personnages se perdent pour mieux se retrouver. Elle y entraîne son lecteur, le déroutant parfois, le faisant douter avant que de dévoiler ce qui était devant nos yeux et ne pouvait mener qu'au drame. Un roman envoûtant qui confirme le talent singulier de cette autrice.
Traduit de l’anglais par Lætitia Devaux. 216 pages . Stock 2021
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : daisy johnson
22/02/2025
Les filles du chasseur d'ours...en poche
"Tant que vous n'avez pas séjourné au milieu des très anciens et majestueux pins gris au tronc orné de polypores qui peuplent les forêts profondes , vous ne savez rien de la Finlande."
Comme dans les contes, elles sont sept sœurs. Comme dans les contes, elles vont habiter seules dans la forêt. Ne les imaginez pas comme des petites choses fragile, elles sont fortes, intrépides, ingurgitent des flots de gnôle maison et de bière quand l'occasion se présente. Elles affrontent les éléments, la faim, le froid, la folie aussi.
Sauront-elles trouver leur place à la ville ces femmes sauvages et libres ?
Un roman surprenant qui emprunte au conte certains de ses motifs pour mieux envisager d'un point de vue extérieur la société finlandaise contemporaine et proposer des modèles féminins , rudes mais attachants . Un roman féministe plein de vigueur.
07:33 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anneli jordhal
20/02/2025
Le signal...en poche
"Je n'en reviens pas.
Que le signal soit capable encore, après toutes les souffrances , d'offrir cette poésie folle, d'inventer ce paysage nouveau, de la mer en transparence, presque en symbiose."
Quelle drôle d'idée que de consacrer un ouvrage à un immeuble et de le voir évoluer au fil des ans !
Oui mais cet édifice est tout à fait particulier. Il s'agit en effet du Signal ,immeuble d’habitations construit entre 1965 et 1970 en bord de mer et destiné à offrir une vue imprenable à des populations modestes dont c'était le rêve de toute une vie.
Las, le rêve vire au cauchemar car l'érosion marine a été plus rapide que prévu, réchauffement climatique oblige, et l'océan qui a gagné sur la côte aquitaine a chassé les propriétaires de leurs appartements.
Coup de foudre en 2014 pour Sophie Poirier qui suit, fascinée son évolution, imagine les vies des propriétaires expulsés et en procès avec les autorités.
Cet immeuble fait aussi résonner en elle des relations à d'autres habitations et ouvre simultanément l'imaginaire de ses lectrices et lecteurs.
Le Signal fonctionne donc comme une formidable machine à rêver , tantôt poétique, tantôt prosaïque, n'occulte en rien les aspects sociaux et environnementaux et nous fait à notre tour tomber en amour pour cet immeuble promis à la démolition cette année.
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
à noter également les photographies d'Olivier Crouzel .
Éditions Inculte 2022.
06:30 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sophie poirier
28/01/2025
Les Ravissements ...en poche
"Si vous avez l'intention de prier, vous pouvez dire tout ce que vous voulez sur qui vous voulez."
Une maladie mystérieuse touche, tour à tour, les onze enfants de la classe d'un petit village d'Irlande du Nord au début des vacances d'été 1993.
Scientifiques, journalistes se ruent bientôt sur ce microcosme rural où les morts se succèdent et où la jeune Hannah va vivre une expérience troublante : chacun de ses camarades, une fois décédé, lui apparaît. Rien de morbide pour autant car le lieu où ils sont arrivés est leur village, mais sans les adultes.
Hannah, onze ans, issue d'une famille très pieuse qui la prive de tout ce qui ressemble à une forme d'amusement, va s’accommoder des visites de ces fantômes.
Si l'autrice ménage un certain suspense quant à l'origine de cette maladie, elle se penche surtout sur la communauté d'adultes et ne les épargne guère: bêtise, manque d'amour, manque d'intérêt , racisme larvé, bien peu trouvent grâce à ses yeux. Elle sait aussi éviter l'aspect répétitif qu'on aurait pu craindre et son réalisme magique se fond avec bonheur dans la narration. Un bonheur de lecture.
Traduit de l’anglais (Irlande du Nord) par Dominique Goy-Blaquet
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jan carson
27/01/2025
Sweet Harmony
"Oui, bon j’espère qu'il te traitera bien".
Elle n'aurait pas employé de mots plus forts si elle avait voulu le qualifier de descendant d'Attila, de dépravé et de maniaque. "
Plus besoin d'aller chez le dentiste, de s'épiler, de se casser la tête pour avoir l'air fraîche après une nuit des plus courtes, il suffit de s'abonner aux extensions de santé qui s'offrent à vous (moyennant des contrats léonins et onéreux ) et les nanotechnologies vont œuvrer pour votre santé et votre beauté. Le bonheur !
Tout semble donc aller pour le mieux pour Harmony, jeune trentenaire qui, ayant soigneusement sélectionné ses extensions, se montre performante dans sa vie professionnelle et sentimentale, .
Jusqu'au jour où un bouton des plus incongrus apparaît sur son menton. La belle mécanique va alors se dérégler...
Société des apparences où la santé est devenue une marchandise qu'on octroie ou retire sans états d'âme..."Londres. Bientôt" nous dit sobrement la quatrième de couverture. On n'est pas pressés de connaître cette époque.
Avec cette dystopie très courte (159 pages) , je découvre le talent de Claire North (et les éditions Le Bélial). Je sors donc de ma zone de confort et ne le regrette pas du tout car j'ai vraiment apprécié son écriture discrètement ironique, sa manière de peindre les personnages avec beaucoup d'humanité et de sensibilité.
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : claire north
25/01/2025
Là où je nous entraîne...en poche
"Je n'écris pas dans un carnet, sur un écran ou des Post-it, j'écris sur notre mère. "
Ouvrir un roman d'Isabelle Desesquelles c'est partager une brassée d'émotions fortes mais qui ne flirtent jamais avec le pathos. L'autrice parvient en effet toujours à maintenir un équilibre entre ce qu'elle raconte et ce qu'elle suscite chez la lectrice ou le lecteur.
Avec Là où je nous entraîne, d'emblée on devine que cette fois nous allons la suivre au plus près de ce qui fonde son écriture, l'événement traumatique qui a marqué son enfance et l'a menée à l'écriture : "Il y a quarante-six ans une petite fille a commencé à écrire dans sa tête où l'on est deux , l'enfantôme et moi. Elle est l'enfance abolie qui vous hante. Une mère se tue, elle tue l'enfant en vous. L'enfantôme, elle, a refusé de mourir . [...] L'écrire, c'est aller à la source. "
Interrogeant les liens entre réalité et fiction, faisant dialoguer deux textes, l'un consacré à cette petite fille devenue écrivaine qui interroge ses proches sur le suicide maternel, l'autre à une tragédie en route au sein d'une famille marquée par l'écriture et l'intensité des sentiments, Isabelle Desesquelles nous coupe parfois le souffle et nous montre la puissance de l'écriture . Une autrice à son meilleur.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : isabelle desesquelles
24/01/2025
Qui-vive...en poche
J'imagine une vie qui serait une éternelle errance où je m'arrêterais devant chaque personne croisée et l'écouterais quelques minutes. "
Parce qu'il y a eu les attentats; le Covid, les confinements; le retour de la guerre en Europe; la découverte de feuillets énigmatiques après le décès de son grand-père, Mathilde est devenue insomniaque, a perdu le sens du toucher ,est obsédée par des vidéos de Leonard Cohen. Bref, Mathilde ne sait plus où elle en est. Et c'est fâcheux pour cette professeure d'histoire-géographie.
Laissant son mari et sa fille, elle part sur un coup de tête en Israël, entame un périple où elle se frotte à des réalités contrastées, bien éloignées de son quotidien. L'occasion de retours en arrière, de changements de perspectives dans ce pays où sa famille n'a pas choisi de vivre mais dont elle parle néanmoins la langue. Un récit où L'Histoire affleure tout le temps. Un récit sensible et poignant qui prend une dimension encore plus grande au vu de l'actualité.
Éditions de l'Olivier 2024, 169 pages. Points 2025
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : valérie zénatti
22/01/2025
Après...en poche
"Un manque d'épaisseur dans nos entrevues. Un manque d'épaisseur dans nos liens. Un manque d'épaisseur tragique."
Après s'être installée plusieurs années, loin de l’Australie et de sa mère, Nikki Gemmell, est rentrée au pays avec mari et enfants. Les relations entre les deux femmes ont toujours été compliquées et l'autrice écrit même qu'elle avait "rompu avec Elayn d'un point de vue émotionnel à l'age de treize ans , quand elle m'a forcée à acheter mes chaussures d'école avec mon propre argent de poche. Elle voulait donner une bonne leçon à mon père parce qu'il était en retard dans le versement de ma pension alimentaire."
Femme autonome, parfois rugueuse, Elayn n'était pas une mère conventionnelle et elle ne mâchait pas ses mots.
Son décès subit va tout remettre en question, surtout quand l'enquête de police va montrer qu'Elayn laminée par des douleurs qu'on ne pouvait traiter efficacement, a choisi de mourir.
Commence alors un parcours qui mène l'autrice à brosser le portrait d'une femme à multiples facette, mais aussi une enquête sur le suicide assisté, la manière, souvent inefficace dont on traite les douleurs physiques, les opérations parfois inutiles qui ne font que générer de nouvelles douleurs. Un long parcours qui permettra d'atteindre une forme de compréhension de ce geste et d'apaisement. Un texte fort.
Au Diable Vauvert 2019, traduction Gaëlle Rey
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nikki gemmell
17/01/2025
Misericordia...en poche
" Et c'est là la difficulté de me retrouver à vivre à l’Hôtel Paradis. Exil. Il n'y a plus rien qui ne soit qu'à moi, ni mon corps, ni mon esprit. "
Elle vit dans une maison de retraite dont l'appellation est pour le moins ambigüe et si on la déplace en fauteuil roulant, parfois comme un paquet, elle n'a rien perdu de ses facultés d'observation et enregistre sur un petit magnétophone le journal de ce qui sera sa dernière année de vie. Sa fille, l'écrivaine Lidia Jorge, retranscrit ici ces textes et leur insuffle émotion et poésie.
Il est très poignant de voir "de l'intérieur" les explications de comportements qui peuvent parfois paraître incompréhensibles (appel en pleine nuit pour connaître une information pour le moins triviale, terreurs nocturnes parfaitement retranscrites où la narratrice lutte pied à pied contre la mort...). Mais il y a aussi les histoires d'amours entre les pensionnaire ou celles des soignants et tout ce microcosme est rendu avec vivacité et bienveillance. Quelques longueurs m'ont parfois perdue en route mais la fin du texte , avec la description du Covid , des mesures qui sont appliquées sans aucune explication aux pensionnaires , restera un moment fort de littérature.
Traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues.
Éditions Métailié 2023. Points 2025
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lidia jorge