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22/02/2022

Les fragiles ...en poche

Jérémiade s'était réveillée comme une héroïne  de série télé, ravie de fairesociété . Avec des choses à faire, des cheveux bien coiffés, un plan de carrière extraordinaire. même son legging en Lycra respire l'envie d'en découdre. Finies les migraines et la mélancolie poisseuse, finis les pied sur le linoléum, terminée la télécommande imprimée sur le cul à force de s'asseoir dessus. Elle marche d'un pas alerte et sûr."

Depuis cinq ans  une épidémie inattendue de suicides  sévit. Ceux qui sont désignés sous l'appellation de Fragiles  parce qu'ils n'affichent pas le bonheur obligatoire  et l'équilibre mental de rigueur sont regardés d'un mauvais œil, ostracisés et remisés, pour leur bien (est-ce si sûr ?) dans des établissements spécialisés dont il est très difficile de sortir.maud robaglia
 C'est donc le parcours de Jérémiade la bien  nommée que nous propose de suivre dans ce premier roman Maud Robaglia. Parcours qui a tout du calvaire mais qui , par un revirement inattendu ,verra la rédemption de ces Fragiles dont Jérémiade sera la figure emblématique. mais un tel revirement peut-il vraiment se faire dans l'intérêt de ceux dont la société ne peut s'accommoder ?
Noir, d'un humour très noir, allant au bout de sa démonstration, Les Fragiles est un roman  politique qui tend un miroir à peine déformant à notre société de la performance.

18/02/2022

Le Père/ La mère/Le fils...en poche

"La mère : Parfois, je fais des rêves dans lesquels je t'assassine. Ce sont mes rêves préférés. J'ai l'impression de vraiment me reposer, tu vois, quand je fais ce genre de rêve . Ça fait un bien fou. Mais je sais faire la différence entre les rêves et la réalité."

Après avoir vu le film de Florian Zeller avec Anthony Hopkins et Olivia Colman (remarquables tous les deux), j'ai déniché cet opus qui regroupe les trois textes de cette "trilogie involontaire".florian zeller
La lecture à la suite permet bien évidemment de dégager les motifs et procédés récurrents (confusion des personnages et des lecteurs (ou spectateurs) qui se voient proposés des versions différentes des événements), mais toujours une même douleur qui court dans ces pièces, celles de personnages qui voient leur monde intérieur s'effondrer. Une langue en apparence simple mais efficace .

 

Folio Théâtre 2021

17/02/2022

La vie ordinaire...en poche

Roman ? Essai ? Autobiographie ? Est-il vraiment nécessaire de poser une étiquette sur ce texte qui fait la part belle certes à la vie de l'autrice, philosophe de formation.
Son existence devient le point de départ d'une questionnement qui n'apporte pas toujours de réponses, tel n'est pas le but , mais permet d'envisager les choses sous un  angle différent.adèle van reeth
L'écriture est fluide, les propos concernant la grossesse souvent fort bien écrits et le tout reste plaisant à lire même si j'ai bien compris ce que n'était pas la vie ordinaire, mais pas vraiment ce qu'elle était.

04/02/2022

Histoire du fils...en poche

"Ce don qu'il avait toujours eu de se sentir partout à sa place, légitime et désiré, venait de là, de Chanterelle, du nom, de la mère, de la maison, des terres, de l'air cru."

Se jouant de la chronologie, Marie-Hélène Lafon retrace l'histoire de deux familles qui n'apprendront que bien plus tard comment leurs destins se sont imbriqués et incarnés en la personne de ce fils qui donne son titre au roman. Deux familles, mais aussi deux terroirs et deux noms, car tout est ici fortement lié. marie-hélène lafon
Cette structure éclatée déroute un peu le lecteur, au début,  mais la langue  drue de l'écrivaine nous soutient et nous emporte au fil du récit et nous nous attachons à ces personnages que nous apprenons peu à peu à identifier au sein du schéma familial.
Si le plaisir de lecture était bien présent, j'ai néanmoins eu l'impression d’être tenue à distance par ce roman,  dont à mon avis, la vraie héroïne est la figure forte de la mère biologique, femme atypique mais qui nous demeure néanmoins quelque peu opaque.

28/01/2022

Le lièvre d'Amérique..en poche

"Diane ne se souvenait pas de cette impression de faire entièrement partie du paysage, de la proximité des grandes oies des neiges, comme si elles piétinaient sa peau. C'est sûrement ça qu'elle avait oublié en partant subitement. L'appartenance."

Alternant les souvenirs d'adolescence de Diane et  de son ami Eugène dans une nature sauvage où ils évoluent en parfaite harmonie, descriptions naturalistes de l'animal qui donne son titre au roman et récit d'une Diane adulte se remettant d'une mystérieuse intervention destinée à la rendre encore plus performante, le texte de Mireille Gagné alterne les tonalités et les temporalités sans jamais perdre son lecteur.mireille gagné
L'écriture est étonnante de véracité et de poésie , tant dans les sentiments que dans les descriptions de la nature et c'est par petites touches que se découvre une transformation qui pourrait aussi bien  appartenir à l’univers du conte  qu'à un futur très proche, tant les manipulations génétiques deviennent monnaie courante.
On suit de l’intérieur la métamorphose de Diane ,accro au boulot, qui s'est coupée de tout et de tous ( surtout de la nature, en fait)qui est devenue une proie et agit en tant que telle. On l'accompagne dans cette transformation, le souffle court, le cœur battant, espérant que la jeune femme s'en sorte.
A noter que l'autrice fait la part belle au vocabulaire maritime et au parler rural de l'île aux grues, île située sur le fleuve Saint-Laurent, donnant ainsi plus de véracité à son texte, mais aussi de précision et de charme.
S'inscrivant dans la lignée de La femme changée en renard de David Garnett , ou plus acide et violent de Truismes de Marie Darrieussecq, Le lièvre d’Amérique renouvelle le genre , par sa poésie et son amour de la nature, et se prête comme ses prédécesseurs à de multiples interprétations. Un grand coup de cœur pour ce récit envoûtant !
Et zou, sur l'étagère des indispensables.

22/01/2022

La reine des orties...en poche

"Cette fille possédait un don, elle voyait l'invisible.
 Ou encore, je le comprends aujourd'hui, ce que nos refusions de voir."

Tous les habitants du Palais des orties, chat et chien y compris tombent sous le charme de Fred, jeune woofeuse venue aider Nora, Simon et leurs enfants , contre le gîte et le couvert. 41Dy3XH-RTL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_.jpg
Rien de glamour, rien de branché dans cette campagne triste où Simon a repris l'exploitation familiale mais l'a orientée vers la culture de cette plante que tout le monde rejette: l'ortie.
Mais ce que Marie Nimier peint, dans ce récit rétrospectif , est surtout l'histoire d'une passion amoureuse entre deux femmes.
Avec beaucoup de délicatesse, d'empathie, elle nous fait partager la vie de cette famille que Fred va bouleverser , sans nous livrer pour autant tous les secrets de ces personnages qui nous deviennent vite familiers.
Un roman où l'autrice semble se libérer des carcans où on la sentait parfois enfermée dans ses précédents ouvrages. Une lecture réconfortante et brûlante à la fois.

14/01/2022

Lumière d'été, puis vient la nuit...en poche

Un village de quatre cents âmes perdu au milieu de la campagne islandaise. Ses habitants, parfois hauts en couleurs, travaillés par la solitude, l'usure des couples, le désir amoureux, l'envie de partir, la violence, la bienveillance, bref par tous les sentiments qui agitent un microcosme observé avec beaucoup de bienveillance par l'auteur. jón kalman stefánsson
La mort est souvent présente, parfois cruelle, parfois choisie, et irrigue constamment ce texte qui tient à la fois du conte et de la poésie.
Laissez-vous embarquer par cette lecture-fleuve qui fait aussi la part belle à la Nature.
Magnifique traduction de l'islandais d 'Eric Boury

13/01/2022

Mathilde ne dit rien...en poche

"Mathilde se dit que si, elle imagine. Elle sait très bien ce que c'est d'être envoyé dans les marges par la force centrifuge du monde."

Le roman débute par une scène de violence psychologique à couper le souffle et se clôt par une scène de violence, physique cette fois qui laisse le lecteur groggy .
Le point commun de ces deux moments intenses ? Mathilde. Celle qui ne dit rien, essaie de passer inaperçue, mais c'est compliqué quand on a son gabarit. Travailleuse sociale , Mathilde fait son job de manière efficace, sans doute parce qu'elle a connu de près les galères de ces gens qu'une facture de trop peut faire valser dans la misère. Mais le passé douloureux de Mathilde nous ne le découvrirons que peu à peu.312gyibp5-L._SX302_BO1,204,203,200_.jpg
Tristan Saule peint avec une précision d'entomologiste le quotidien de ces gens (voir en particulier la scène de la baguette chaude au supermarché de proximité qui s'organise comme une chorégraphie muette ) les rouages des aides sociales, les trafics, la violence...Il choisit de ne pas surplomber ses personnages mais se met à leur hauteur, analysant avec précisions les mécanismes de ce qui peut entraîner ces gens fragiles dans la misère. Un roman social d'une force extrême.

08/01/2022

Le bonheur est au fond du couloir, à gauche...en poche

"Depuis l'enfance, on nous répète que nous sommes libres de réaliser nos rêves. On nous oblige à faire nos propres choix, à suivre la filière correspondant à nos vœux, et donc à assumer seuls nos erreurs et nos échecs.On nous a retiré la bouée de sauvetage de la faute à autrui. Merci du cadeau."

Le narrateur de ce nouveau roman de J.M. Erre est l’illustration parfaite de  cette citation de Jean-Louis Fournier : "C'était un angoissé pour qui tout allait bien, jusqu'au jour où il est né."jm erre
Et angoissé Michel H. l'est d'autant plus que Bérénice vient de le quitter, lui laissant en cadeau une flopée de livres de développement personnel, traitant tous de l'art d'être heureux.
"Velléitaire", "timoré", "dépressif suicidaire", les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier cet individu encore jeune , qui peine à trouver sa place dans une société où l'injonction au bonheur est devenue une véritable tyrannie , individu que son voisin peu amène, M. Patusse traite simplement de "raté".
Michel H. est persuadé que Bérénice reviendra  s'il devient heureux et se lance donc dans une série  de tentatives éperdues , loufoques, marquées par le déni le plus total de la réalité, déni qui le fera tomber de Charybde en Scylla.
L'occasion pour J M. Erre de dégommer tous les travers de notre société, en une série de raisonnements biaisés, de fausse logique , le tout assaisonné d'une bonne dose d'humour noir. Le récit file à toute allure et il faut prendre le temps de le relire pour mieux  en apprécier toute la saveur. Un festival de citations à collecter et une mécanique imparable dans la construction font de ces 183 pages de la dynamite ! Un indispensable, bien évidemment  !

07/01/2022

Encabanée...en poche

"Incarner la femme au foyer au sein d'une forêt glaciale demeure, pour moi, l'acte le plus féministe que je puisse commettre, car c'est suivre mon instinct de femelle et me dessiner dans la neige et l'encre les étapes de mon affranchissement ."

Quel beau mot que cet Encabanée qui donne son titre au roman ! Évoquant tout à la fois le refuge et la prison, fleurant bon la langue québécoise, il était juste parfait pour ce roman inspiré par le journal intime de l'autrice, enfermée dix jours  dans son petit refuge du Bas-Saint-Laurent à cause d’une vague de froid .41sDkKggumL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_.jpg
Ici la narratrice , choisit de quitter une vie confortable pour s'acheter une cabane et un terrain à Kamouraska , dans une nature à peine troublée par le bruit de trains. Elle veut mener une vie plus frugale, plus proche de la nature , lire de la poésie et écrire. Il lui faudra aussi s'atteler à l'entretien de son poêle pour faire face à un hiver particulièrement rude. Pas de réseau pour le téléphone portable, tout peut donc devenir dangereux.
J'ai tout aimé dans ce roman, la langue, la démarche et la narration qui fait la part belle au romanesque et au corps ,avec l'irruption d'un intrus qui permettra de satisfaire les désirs charnels de notre narratrice.
Un grand coup de cœur pour ce roman qui peint et défend la nature  canadienne avec brio et nous propose un point de vue féminin et féministe sur une expérience plus  souvent racontée au masculin.