29/12/2021
La maison où je suis mort autrefois...en poche
"C'est bien grâce à l'existence de cette maison que Sayaka avait appris la vérité. Elle savait maintenant qui elle était. Que ce soit une bonne ou une mauvaise chose, c'était difficile dire. "
C'est à un étrange séjour de deux jours dans une maison isolée que nous convie Keigo Higashino. Une maison où deux anciens amants se rendent pour éclaircir tout à la fois l'espèrent-ils le fait que la jeune femme, Sayaka, n'ait aucun souvenir de sa tendre enfance et peut-être aussi le fait qu'elle soit devenue, selon ses propres dires, une mère maltraitante pour sa fille.
La maison se révèlera être un dispositif temporel et mémoriel où les deux héros se livreront à une recherche à la fois intellectuelle et émotionnelle.
Si les thèmes de la mémoire, des secrets , sont omniprésents dans le roman , il y est aussi beaucoup question de la désinvolture (et de l’égoïsme) avec laquelle des adultes disposent des enfants.
Une première incursion pour moi dans l'univers de cet auteur et ce ne sera sans doute pas la dernière, tant j'ai apprécié l'atmosphère étrange et prenante de ce roman .
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : keigo higashino
28/12/2021
Poupée volée...en poche
"Tout ce qu'on fait et tout ce qu'on dit aux enfants dans le secret des maisons !"
Sur la plage, petit théâtre social, une famille élargie et bruyante semble fasciner la narratrice, Leda, universitaire en vacances studieuses. Une jeune femme, Nina, et sa fille, Elena, attirent tout particulièrement son attention, appliquées qu'elles sont à mettre en scène leur lien, la fillette reproduisant cette relation maternelle avec avec sa poupée.
Sur une impulsion, Leda vole le jouet, plongeant toute la famille dans l'effervescence.
Dans ce court roman, Elena Ferrante analyse avec acuité les liens mère-fille à différentes échelles et sans angélisme, n'hésitant pas à souligner toute leur ambivalence , voire leur cruauté. Elle souligne aussi les difficultés que rencontrent beaucoup de femmes du fait des injonctions sociales et/ou de difficultés psychologiques à assumer leur place de mère telle que souhaitée traditionnellement. Concilier travail épanouissant et maternité n'est pas évident et il sera toujours beaucoup plus pardonné aux hommes qu'aux femmes dans ce domaine semble dire l'autrice.
Pour autant, aucun manichéisme dans ce roman qui fait aussi la part belle aux personnages secondaires, observés et croqués avec maestria mais qui sait aussi conserver sa part de mystère et d’étrangeté. Une réussite !
Extrait de ma Pal quand j'ai appris son adaptation cinématographique (diffusé sur Netflix le 30 décembre).
Traduit de l'italien par Elsa Damien
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : elena ferrante
18/12/2021
La terre est ronde comme un losange...en poche
" Exercice de chaos numéro 43 B : rien n'interdit de faire le ménage un mercredi soir..."
Andréa, psychologue attitrée des cosmonautes de la station spatiale a fort à faire entre son métier, sa fille fort agitée de cinq ans et sa volonté de tout maîtriser. Tout sauf sa vie sentimentale, au point mort depuis son divorce.
L'arrivée dans son immeuble d'un contrebassiste en plein déni de dépression changera-t-elle la donne ?
Je vous vois déjà hausser les épaules , mais non. Si Emmanuelle Urien s'empare des codes du roman sentimental, c'est pour mieux les dynamiter en nous réservant deux surprises magistrales et en revendiquant le droit à la différence. L'humour est aussi de la partie avec le personnage de la sœur du dépressif qui prend un malin plaisir à jouer avec les expressions toutes faites . Un roman qui se dévore d'une traite et s'offre même la présence de Thomas Pesquet en guest star, que demander de mieux ?
Eyrolles Poche 2021, 350 pages revigorantes.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : emmanuelle urien
02/12/2021
Les orageuses...en poche
"Comment ça, elles ripostent ? Comment ça, elle ne laissent pas couler ? Comment ça, elles s'approprient la violence ? "
A l'instar de l'héroïne de Dirty Week-end (roman anglais un peu tombé dans l'oubli, mais qui vient d'être réédité et que je recommande chaudement), Les Orageuses de Marcia Burnier, parce qu'elles ont été violées, décident de se venger ,mais de manière moins sanglante que l'héroïne de Helen Zahavi.
Autre différence, elles s'organisent en bande, se soutiennent et mettent donc en pratique une sororité qui les aide à apaiser le monstre en elle , à trouver une forme de paix, une forme de réparation, chacune à leur façon.
Si le style de Marcia Burnier est vigoureux, ses analyses sont pertinentes et nuancées, n'hésitant pas à présenter la peur des femmes en pleine action de vengeance, ce ne sont pas ni super women ni des va-t-en guerre, ou cette fameuse zone grise où la victime se demande si elle a bien été agressée sexuellement.
Leur corps est lui aussi présenté de manière puissante, tant dans la description de la déflagration subie que dans ses capacités physiques à se défendre, même si la société les avaient conditionnées à se croire faibles.
Quant aux hommes, mêmes les meilleurs amis ont une fâcheuse tendance à minimiser voire à oublier rapidement, même si dans un premier temps ils se montraient compatissants. Un premier roman nécessaire et percutant. t zou, sur l'étagère des indispensables.
Cambourakis poche 2021
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français, romans suisses | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : marcia burnier
01/12/2021
La voyageuse de nuit...en poche
"La jeunesse a pris valeur de modèle pour l'existence entière, reléguant ainsi les âges de la vieillesse non à l’idée d'accomplissement mais à celle de surplus, de rebut, voire de non-sens."
Convoquant les créateurs , mais aussi son expérience personnelle, Laure Adler, soixante-dix ans , nous invite à flâner au pays de la vieillesse, plaidant pour une intégration des générations et non une relégation des personnes âgées, comme c'est actuellement le cas.
Se plaçant dans la lignée des écrits de Simone de Beauvoir, l'animatrice de L’Heure Bleue analyse avec finesse l'arrivée de cet âge de la vie qu'on ne sait vraiment délimiter soi-même mais qui se révèle fort désagréable à première vue. Tout l'art de l'essayiste est de nous convaincre du contraire, utilisant les exemples (entre autres) de Duras, Louise Bourgeois ou Matisse qui ont su exploiter au mieux l'expérience acquise au sein de leur art.
Dans une société vieillissante, une réflexion nécessaire pour des lecteurs de tous âges
06:00 Publié dans Essai, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : laure adler
30/11/2021
#Unejupetropcourte #NetGalleyFrance !
"Tous les jours il me frôle
sa main par inadvertance
me tapote comme une brave vache"
Rien de plus frustrant que de rester extérieure à un livre qui avait pourtant tout pour me plaire: une autrice dont je faisais enfin la découverte, des thèmes liés aux problématiques des femmes , la forme même du texte, poétique, ne me faisait pas peur loin s'en faut.
Peut être m'attendais-je à une langue plus travaillée ...Bref, c'était un rendez-vous raté.
Points Seuil 2021, traduit du finnois par Sébastien Cagnoli.
03:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : sofi oksanen
20/11/2021
13 à table ! 2022
"J'ai eu treize ans le 11 novembre 1974; c'était un lundi. j'étais content d'être né un jour férié parce que je me suis beaucoup ennuyé à l'école, et je n'aurais pas aimé passer en classe le jour de mon anniversaire. le lendemain matin, mardi 12 novembre, à 8h 10, mon père s'est suicidé." Marie-Hélène Lafon
Ne nous voilons pas la face, ce genre d'initiative caritative donne rarement lieu à e grandes réussites du point de vue littéraire, sans doute car il faut combiner auteurs populaires , susceptibles d'attirer un large public et auteurs plus reconnus par la critique.
Le thème retenu, de plus, Les Vacances, n'augurait rien de bon mais , à l'exception de ,je cafte, trois auteurs qui l'ont pris au pied de la lettre, le 13 à table de cette année est un excellent cru.
On y retrouvera ainsi la famille Santoire chère à Marie-Hélène Lafon, avec un dénouement plutôt audacieux ou un texte tout en délicatesse de Jean-Paul Dubois qui m'a fait penser à Alain Souchon et à un événement traumatique de son enfance.
Quant à Alexandra Lapierre, elle nous gratifie d'un récit sur une relation sororale magistrale. Les tonalités varient , mais la nostalgie n'est pas forcément au rendez-vous comme je le craignais de prime abord. Un recueil où Cyril Lignac nous offre même une recette de poulet rôti à l'origan frais et au citron ça ne se refuse pas .
Couverture de Riad Sattouf
Pocket 2021
11:20 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : tonino benacquista leïla slimani karine giebel romain puértolas
23/10/2021
Automne...en poche
"Il faut toujours être en train de lire, dit-il. Même quand on ne lit pas réellement. Sinon, comment lirions-nous le monde ? Considère ça comme une constante."
Automne, premier volume d'une tétralogie dont le deuxième volume est déjà paru en Grande-Bretagne, raconte l'amitié improbable entre Daniel, féru d'art et Elisabeth, jeune femme qui vient faire la lecture au centenaire dans sa maison de retraite
Leur lien, quasi filial, est né quand Daniel était le voisin de la jeune Elisabeth. Lors de leurs promenades, Daniel , par petites touches,a su éveiller sa curiosité sur le monde de l'art et ,des années plus tard Élisabeth deviendra une spécialiste de la seule femme représentante du pop Art anglais, Pauline Boty.
Le roman, à l'écriture poétique, explore les thèmes du temps et des saisons, sur fond de Brexit, glisse avec subtilité d'une époque à une autre, suggérant au passage, par des détails du quotidien, que la Grande-Bretagne se rapproche de plus en plus de certains des ouvrages que lit Elisabeth (Le Meilleur Des Mondes, par exemple). Nos démocraties sont en danger, mais comme la mère de l'héroïne, rien ne nous empêche de manifester notre désapprobation par des actes symboliques. Un roman que j'ai savouré
07:45 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ali smith
21/10/2021
Ma sombre Vanessa...en poche
"Ce n'est rien. C'est normal. Toutes les femmes intéressantes ont eu des amants plus âgés qu'elles dans leur jeunesse. C'est un rite de passage. A l'entrée, vous êtes une fille, et à la sortie, vous n'êtes pas tout à fait une femme, mais vous en en rapprochez.Vous êtes une fille plus consciente d'elle-même et de son pouvoir."
Vanessa, en 2017, est rattrapée par son passé via la déferlante MeeToo. Contactée par une journaliste et par une élève abusée par le professeur Strane, la jeune femme refuse pourtant de se considérer comme victime d'un prédateur qui aurait abusé de son autorité sur l'adolescente qu'elle était dix-sept ans plus tôt.
Non, elle considère la relation qui a commencé quand elle avait quinze ans comme une exceptionnelle histoire d'amour entre deux être très sombres et au mieux, reconnait-elle que Strane est éphébophile, mais en aucun cas pédophile.lle n'a pas perdu le lien avec cet homme qui l'a valorisée, qui a su amadouer cette étudiante douée à coups de lectures orientées ( Nabokov, bien évidemment), mais qui s'est aussi montré lâche et manipulateur.
Alternant les époques, Kate Elizabeth Russell fouille avec une précision chirurgicale les rouages faussés de cette relation et nous donne à voir le déni dans lequel se débat Vanessa , dont la vie ne correspond en rien à ce qu'elle aurait pu en attendre.
Les rebondissements se succèdent , sans jamais rien d'artificiel, les multiples facettes, souvent contradictoires de l'héroïne se donnent à voir et l'on est fasciné par une telle maitrise dans l'écriture et la construction de ce premier roman. à lire absolument.
Traduit de l'anglais par Caroline Bouet, Les Escales 2020, 442 pages constellées de marque-pages.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : kate elizabeth russell
16/10/2021
Avant que j'oublie...en poche
"Une dernière fois, je l'ai admiré pour son esprit original et si mal compris, pour l'élégante précision de ses idées, pour son entêtement insensé à ne s'être jamais autorisé que ça alors qu'il avait tant d'ampleur et pour m'avoir appris à être sensible à la poésie que dégagent les choses modestes."
Ni hagiographie, ni règlement de compte, le texte d'Anne Pauly est comme le définit elle-même l'autrice un tombeau de mots pour son père. Un père tout à la fois "déglingo" et féru de poésie, alcoolique et autodidacte, qui s'empêchait d'exprimer sa sensibilité. Un père à l'image de la maison que doit ranger sa fille après son décès: chaotiquAvec un tel début on pourrait craindre le pire, surtout pour un premier roman aux accents autobiographiques : bons sentiments à foison, vous êtes priés de préparer vos mouchoirs . Fort heureusement il n'en est rien. D'abord parce que le temps a fait son œuvre et que le texte n'a pas été écrit "à chaud". Ensuite parce qu’Anne Pauly regimbe devant les figures imposées du deuil qu'on veut nous vendre aujourd'hui : un deuil qu'il faut savoir "faire" rapidement. Et l'autrice de se moquer avec un humour grinçant de notre société qui nous vend pour tout et n’importe quoi du bonheur prêt à consommer.
Un texte d'une extrême pudeur, d'une écriture fluide et belle, qui ne se pose jamais en donneur de leçons et dont la fin m'a particulièrement touchée.
Verdier 2019.
Prix du Livre Inter 2020.
Prix "Envoyé par La poste"2019
07:41 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : anne pauly