23/01/2021
Ecotopia...en poche
"En fait, plus j'examine de près le tissu de la vie écotopienne , plus je dois reconnaître sa solidité, sa beauté."
Trois États de la côte ouest des États-Unis ont fait sécession et on construit une société écologique radicale présidée par une femme. Après vingt ans de relations tendues entre Ecotopia et son grand voisin, un journaliste, William Weston est autorisé à séjourner dans ce pays où les semaines de travail sont de vingt heures, où règnent la frugalité et le recyclage , bien loin donc des valeurs consuméristes américaines.
Alternant articles envoyés au Times-Post et journal de bord, plus intime le roman nous propose une sorte de catalogue des différents secteurs de l'économie, l’éducation, la société de cette utopie en action. Souvent très techniques, ces textes ont un aspect quelque peu rébarbatif, même s'ils offrent comme le souligne la quatrième de couverture "un antidote au désastre en cours."
Quant à ce balourd de Weston, il cumule les défauts du macho et même s'il évolue au fil du texte, il m'a profondément agacée, surtout quand il se retrouve à l’hôpital où l'infirmière (ça fait partie du traitement !) lui offre des services sexuels.
Écrit dans les années 70, ce roman porte la trace des utopies de cette époque (habitat en communauté , liberté sexuelle), mais ne résout pas pour autant de manière satisfaisante des problématiques toujours cruciales de nos jours comme la questions des minorités raciales. Bilan en demi-teintes donc.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Brice Matthieussent
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ernest callenbach
22/01/2021
Le complexe de la sorcière...en poche
"Je lui parle des innocentes qui finissaient par croire ce dont on les accusait, je lui parle ses exécutions. Je lui raconte ce qui m’arrive. Je lui dis que ces histoires me rappellent des souvenirs qui n'ont rien à voir avec les chasses elle-mêmes."
Alors qu'elle vient d'emménager avec l'homme qu'elle aime, la narratrice voit en rêve une femme qu'elle identifie bientôt comme étant une sorcière. Elle entame alors des recherches et découvre que le Moyen-Age et les sorcières ne sont pas liés, mais que les chasses aux sorcières ont eu lieu au XV ème siècle en France.
Elle se demande alors quel est l'impact de ces chasses aux sorcières , dûment organisées , sur le psychisme des femmes.
Au fur et à mesure de ses recherches, lui reviennent en mémoire des souvenirs occultés: celui du harcèlement dont elle avait été victime au collège et dont elle analyse patiemment les rouages, soulevant ainsi le poids du non-dit familial. L'analyse qu'elle poursuit en parallèle l'aide également à établir des liens entre ses propres souffrances et les traces que deux siècles de terreur pourraient avoir laissées dans la psyché féminine. Entre roman, autofiction et essai, un texte intense, original et fort qui parlera à tous ceux qui s'intéressent aux rouages de l'esprit humain.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : isabelle sorente
21/01/2021
Nous sommes à la lisière...en poche
"Ses histoires à elle, pourtant, n’inventent pas d'autres mondes. Pas d'autres amours non plus. Il leur suffit d'être complices de quelques vies sauvages."
Cheval, fourmis, hérisson, écureuil, chat ou oiseaux, entre autres, peuplent les nouvelles de Caroline Lamarche.
En effet, ce sont eux les héros, dûment prénommés, donc dotés d'une identité propre, avec lesquels au moins un humain entre en interaction .
Cette dernière peut être brève, peut être en apparence anecdotique, mais elle fait résonner de manière un peu différente les existences en tous points ordinaires qui nous sont ici relatées en quelques pages poétiques et d'une précision extrême.
Qu'elle s'arrête pour aider un hérisson à traverser la route et l’amoureuse de la nouvelle Ulysse, reliera par des liens éclectiques, mais toujours pertinents, cette rencontre fugitive avec ses propres interrogations lors d'un repas où se révèleront des enjeux qu'elle n'était peut être pas prête à admettre.
La plus longue et la plus émouvante nouvelle, Frou-Frou, évoque une histoire d'amour hors-normes, à bien des égards et témoigne de l'art de l'auteure pour évoquer avec délicatesse et sensibilité des émotions intenses mais sourdes.
La nature est souvent en danger dans ces textes, mais ses habitants, aux vies parfois éphémères, témoignent d'une volonté de vie et de liberté qui émeuvent au plus haut point.
Un grand coup de cœur! Et zou sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, nouvelles belges | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : caroline lamarche, animaux
14/01/2021
Préférer l'hiver...en poche
Face à un événement que l'on refuse tellement, on ne peut que prétendre que le meilleur nous a été enlevé. On ne peut pas fustiger les drames tout en admettant que ce qui nous a été arraché était somme toute, plutôt moyen, voire désagréable."
Une mère et sa fille adulte, marquées par les deuils et l'abandon, vivent recluses dans une forêt. L'hiver "qui anesthésie les peines et offre des cieux blancs et lumineux", est ici célébré, tout comme la nature, et les conduira vers une épure qui viendra à bout des violences subies.
Un texte qui vous prend par la main, ne vous lâche plus, tant sa langue est poétique et sa manière de dévoiler peu à peu ce qui était tu ,hypnotique.
Du grand art. Un premier roman fascinant.
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (1)
13/01/2021
Post-scriptum...en poche
1982-2013, telles sont les dates butoirs de ce nouveau volume du journal de Jane Birkin (je n'ai pas lu le premier volume).
Évidemment, ils faut aimer cette artiste pour avoir envie se pencher ainsi sur des extraits choisis, commentés et annotés par l'autrice a posteriori, mais l'écriture, très fluide et le portrait qui se dessine en filigrane de celle qu'on a l'impression de connaître par cœur, tant elle s'est livrée dans des interviews sans fards, font que l'on est forcément séduits, tant par sa franchise que par son manque total d'arrogance.
Elle n'est évidemment pas parfaite, Jane, et elle ne se présente pas comme telle, loin s'en faut, mais son joli brin de plume, son humour font que l'on en découvre de nouvelles facettes de notre Anglaise préférée.
Éludant d'une pirouette la maladie, revenant avec élégance sur ses amours, ses filles, ses échecs, parfois, ses deuils, elle nous livre ici ce qu'elle veut bien nous donner et c'est tant mieux car on n'a pas l'impression de lire par dessus l'épaule de quelqu’un.
06:00 Publié dans Autobiographie, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jane birkin
09/01/2021
Tout ce qui nous submerge...en poche
Elles étaient coupées physiquement, mais aussi linguistiquement du monde. Elles constituaient une espèce à elles seules."
Si "nous sommes déterminés par le paysage, notre vie est tracée en fonction des collines, des rivières et des arbres." et plus particulièrement ici par la rivière, sur laquelle ont vécu dans un bateau, la narratrice et sa mère, s'y créant un univers bien à elles, doté d'expressions singulières,empreintes de références mythologiques, et où rôdait un animal fantastique, englobant toutes les peurs : le Bonak.
Quand le roman commence la narratrice, Gretel, a retrouvé sa mère, Sarah, quasi aphasique, au comportement frôlant la folie après une disparition de seize ans. Seize ans, c'est aussi l'âge auquel Sarah a abandonné sa fille.
Dans ce roman, il est en effet beaucoup question d'abandons, ressentis comme nécessaires, de "traque", de liens familiaux particuliers.
Daisy Johnson brouille les pistes, via la chronologie des différents épisodes, mais aussi par le biais des identités fluctuantes, tant du point de vue des prénoms que du genre. Elle revisite ainsi de manière originale le mythe d’œdipe, se penche sur les souvenirs et le pouvoir des mots. Ce n'est ainsi pas un hasard si Gretel, exclue du groupe par son langage particulier, devient lexicographe, pour mieux maîtriser les mots.
Il se dégage de ce roman une atmosphère particulière, irriguée jusque dans l'espace entre les os par la rivière, à la fois maléfique et attirante , créant un univers à la frontière du fantastique. Un roman fascinant qui perd parfois son lecteur mais, en dépit de quelques longueurs, parvient toujours à le garder captif, tant l'écriture est poétique , au plus proche de la nature , des émotions.
06:04 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : daisy johnson
07/01/2021
Le consentement...en poche
"J'aurai quatorze ans pour la vie. C'est écrit."
Parce que je me souvenais très bien d'une prestation de celui que Vanessa Springora appelle G. dans l'émission de Bernard Pivot, et surtout de l'impression de malaise qu’avait suscité chez moi cet homme à la fois cynique et arrogant, j'ai décidé de lire ce roman.
Il aura fallu trois décennies à l'auteure pour qu'elle s'autorise à relater et à analyser au plus près ce qu'adolescente elle avait vécu, ce qu'elle croyait être une histoire d'amour avec un écrivain de cinquante ans ,alors très en vue dans le milieu littéraire. Trente ans pour analyser ce phénomène d’emprise parfaitement rôdé pour celui qu'elle identifie maintenant comme étant un ogre.
On reste sidéré par le laisser-faire des adultes entourant la très jeune fille, par le cynisme de celui qui n'hésite pas à s'emparer tout à la fois de son très jeune corps, sans jamais pour autant la forcer physiquement, et d'une certaine façon de son âme en la réduisant à un personnage d'une histoire qu'il réécrit à sa façon, se donnant bien sûr le beau rôle. Mais la réalité est bien plus sordide car celui qui prétendait être un amant hors pair pratique en fait une sexualité pauvre et mécanique.
Psychiquement abîmée, la jeune fille mettra longtemps à retrouver un équilibre affectif. L'écriture de ce texte est en tout cas une magnifique réappropriation de ce que lui avait sournoisement dérobé G.
06:25 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vanessa springora
05/12/2020
Passe-moi le champagne, j'ai un chat dans la gorge...en poche
"Bernard Arnault c'est le A de LVMH."
Les revoilà, encore plus riches, encore plus déconnectés de la réalité, la langue encore plus acérée et peut être encore plus drôles: les gens du monde de la mode, dont certains travers sont certes spécifiques, mais dont les réflexions, glanées par Loïc Prigent, pourraient très bien concerner d'autres milieux.
On sourit, on rit franchement, on grince des dents parfois devant tant d'arrogance décomplexée mais on surligne à tour de bras ces réflexions dont on ne sait parfois si c'est elles sont l'expression d'une méchanceté assumée ou d'une bêtise irrémédiable.
un petit florilège: "Je suis un fou de la santé. Je fais de la respiration jusqu'à six heures par jour quand je peux."
"Elle est passionnante comme la photocopie d'une feuille blanche."
"C'est quoi sa formation ?
- Piston +4."
"Me regarde pas j'ai mon mauvais profil aujourd'hui."
"Je déteste les fleurs. Envoie moi un sac à la place."
"Elle est de quelle origine ?
- Conne."
"J'étais à un mariage où personne n'allait à la gym c'était affreux."
"Pour être heureux il faut jamais penser. Elle est hyper heureuse."
"J'ai deux rendez-vous dont deux ennuyeux."
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : loïc prigent
05/11/2020
L'italienne qui ne voulait pas fêter Noël ...en poche
C'est mon côté aventurière. Je saute, et après on voit s'il y a de l'eau dans la piscine ou pas."
A la suite d'un défi intellectuel (et amoureux), où "il s'agissait de démontrer que les notions de famille et d'appartenance n'étaient pas forcément interdépendantes, qu'il il était tout à fait possible de se soustraire à certaines traditions sans que ce soit un drame, que ça pouvait se passer très bien. ", Francesca, jeune italienne venue terminer ses études en France doit annoncer à sa famille que certes, elle les rejoindra à Palerme ,mais qu'elle ne fêtera pas Noël avec eux.
Écrit a posteriori, le récit multiplie à l'envi les avertissements "dans les histoires horribles", ce qui est un peu agaçant quand on n'est pas sensible au comique de répétition mais a le mérite d'annoncer que forcément, cette situation va tourner à l'aigre dans une famille italienne qui se veut de gauche, mais surtout italienne.
Tous ceux qui comme l'héroïne sont plutôt partagés en ce qui concerne la gabegie des fêtes de fin d'année apprécieront ce texte qui fait la part belle à l'humour, avec une narratrice pas toujours fiable, mais opère soudain un virage à 180 degrés qui rend l'expérience plutôt saumâtre. Histoire de nous mettre en garde ?
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jérémie lefebvre
16/10/2020
Une éducation ...en poche
J'ai décidé d'expérimenter la normalité. Pendant dix-neuf ans, j'avais vécu selon la volonté de mon père. Maintenant, j'allais essayer autre chose."
Comment une jeune fille, n'ayant jamais fréquenté l'école, dont la naissance n'a été déclarée que cinq ans plus tard (avec deux dates différentes !), ayant reçu une éducation à la maison incomplète et biaisée au sein d'une famille de Mormons dirigée par un fanatique religieux a-t-elle pu échapper au destin tout tracé qui l’attendait, à savoir: mère de famille nombreuse ?
C'est ce que nous raconte dans son autobiographie Tara Westover. Elle relate avec franchise les différentes étapes qui l'ont amenée à exploiter son haut potentiel intellectuel, elle qui était née au sein d'une famille où l’État et ses différentes incarnations représentaient le mal absolu.
Elle ne nous cache rien de la honte qui l'habitait, ni du sentiment d'imposture, voire de traitrise, qu'elle ressentait dans les universités où elle a réussi à étudier, bravant à la fois les gouffres d'inculture et d'inadaptation sociale, en bonne fille de Mormon intégriste qu'elle était.
Elle prendra peu peu conscience des graves problèmes psychologiques de son père (les mots de "Schizophrène" et de "troubles bipolaires " seront évoqués ), les comprendra, mais ne pourra se résoudre à admettre que la majorité des membres de sa famille soit dans le déni en ce qui concerne le caractère manipulateur et extrêmement violent de son frère Shawn. Pour sauver sa peau, au sens strict du terme, elle devra se résoudre à une solution extrême.
On frémit en lisant ce texte où un père ferrailleur , pour des raisons de gain de temps, expose constamment ses enfants aux pires risques,au prétexte qu'il s'en remet à Dieu et à ses anges pour assurer leur sécurité. Pourtant, le portrait de qui pourrait être la caricature d'un tyran à la fois domestique et religieux est nuancé car l'auteure l'affirme : "je croyais à l'époque -et une partie de moi y croira toujours-, que je devais faire miennes les paroles de mon père."
Un texte fort et courageux où Tara Westover nous montre acquérir une éducation est une bataille de chaque instant contre les idées fausses et les préjugés. On ne s'étonnera pas que l'auteure ait choisi de se spécialiser dans la manière dont l'Histoire est relatée.
06:19 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tara westover