28/08/2021
Je m'attache très facilement ...en poche
"Elle le voit, elle cache admirablement sa joie."
Lui, à l'aube de la cinquantaine, part rejoindre une femme plus jeune, pas libre, avec laquelle il a ébauché une relation. Visiblement sa venue en Écosse ne réjouit pas la Belle. En trois jours, notre héros parviendra-t-il à accepter la réalité ?
Chronique d'un fiasco annoncé, Je m’attache très facilement est un texte très court (74 pages) mais délicieux pour qui apprécie le style et l'univers si particuliers d'Hervé Le Tellier.
On oscille sans cesse entre les notations pleines d'acuité : "Après tout, suggère son geste on n'ira pas loin. C'est un excellent résumé." et un comportement qui ne parvient pas à se résoudre à accepter la situation. Mais tout cela ne verse pas dans l'amertume ou la tristesse car "C'est étrange songe-t-il, comme le pire est toujours prévisible."
A noter la parfaite couverture de Clémentine Mélois (et la liste des adresses et des marques de produits évoquées dans le texte !)
1001 nuits 2021
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : hervé le tellier
27/08/2021
Toutes les femmes sauf une...en poche
Il faudrait pardonner à ce vieil enfant essoufflé criant depuis soixante ans qu'on le tire du froid, ignorant que c'est fait. Je ne pardonne pas , je n'ai pas assez d'orgueil. Au maximum, je comprends. Et encore, pas sûr."
Sa fille, tout juste née, ne s'appellera pas Marie comme toutes les femmes de sa famille avant elle, mais Adèle. Avec énergie, avec colère, avec passion, la narratrice raconte à sa fille, son enfance tiraillée entre une mère qui aurait voulu tour à tour l"emmener sous l'eau avec elle, tour à tour sauver", qui souhaitait simultanément que sa fille s'élève socialement et ne le supportait pas car, elle-même , qui aurait pu devenir institutrice, avait été retirée de l'école trop tôt.
Elle dit la soumission, la langue "domestique", le"vocabulaire émacié de votre langue", qui justifie la vie bridée, finie avant d'avoir même commencé ; cette langue qui s'inscrit en italiques dans le texte et au fer rouge dans la mémoire, devient un vivier où puiser des formules toutes faites pour justifier les vie brisées et l'amour qui ne peut circuler.
La narratrice évoque aussi la violence larvée de la maternité où le personnel n'est pas toujours tendre avec la primipare qui refuse de se plier aux règles implicites, d'où des mesures de rétorsion larvées.
Alors, oui ,on est bien loin des relations apaisées entre mères et filles, mais ça fait un bien fou de lire ce texte rageur et libre qui fait fi de toutes les convenances. Un grand coup de cœur.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : maria pourchet
26/08/2021
La petite dernière...en poche
"Je m'appelle Fatima.
Je recherche une stabilité.
Parce que c'est difficile d'être toujours à côté, à côté des autres, jamais avec eux, à côté de sa vie, à côté de la plaque."
Chaque chapitre de ce court roman à résonance autobiographique commence par la même affirmation identitaire: "Je m'appelle Fatima Daas."Suivent ensuite des variations permettant de préciser l’une des multiples facettes de cette jeune femme qui creuse avec opiniâtreté le même sillon, mais en changeant les angles d'attaque. Des souvenirs affluent après ce leitmotiv et se construit ainsi, par petite touches, le portrait de La petite dernière , aimée mais peut être pas désirée, seule née en France d'une famille algérienne, adolescente qui se situe plus du côté des gars que des filles, musulmane mais qui n'honore pas son prénom, tiraillée entre toutes ces définitions et inadaptée à la vie.
Cette recherche identitaire , ce monologue à multiples facettes ,se clôturera d'une manière apaisée quand la narratrice arrivera enfin à ce paragraphe fluide qui résume le livre qu'elle est en train de rédiger : "Ça raconte l'histoire d'une fille qui n'est pas vraiment une fille, qui n'est ni algérienne ni française, une musulmane je crois, mais pas une bonne musulmane, une lesbienne avec une homophobie intégrée. Quoi d'autre ? " On a envie de lui répondre :une autrice qui emporte ses lecteurs et ne le lâche plus.
Éditions Noir et Blanc 2020
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fatima daas
20/08/2021
Glory...en poche
"Les flics, les avocats, les professeurs, les hommes d'église, le juge et les jurés, les gens qui ont élevé ce garçon avant de l'envoyer dans le mode - ils sont"tous coupables."
Gloria Ramirez, quatorze ans, arrive à se traîner jusqu'à la véranda d'une ferme paumée du Texas. Elle vient d'être violée et furieusement tabassée par un beau gosse de vingt ans, fils de pasteur. Il faudra tout le sang-froid et la détermination de Mary Rose Whitehead pour que cette enfant échappe à son poursuivant.
Dans cette région pétrolifère, en 1976, l'or noir tue indifféremment les hommes et la nature. Les femmes, elles, sont majoritairement assassinées par des hommes. Programmées pour faire des enfants, elles doivent materner aussi leurs maris, être là pour leur bien-être et bien peu d'entre elles ont la chance de faire des études, enceintes dès la fin du lycée et mariées dans la foulée. Les différents groupes religieux se chargent de les maintenir dans le droit chemin. Quant au racisme, il est froidement assumé. La violence est présente, aussi bien dans le climat que dans les mœurs, en témoigne l’équipement d'une patronne de restaurant: "Derrière le comptoir, elle garde un antique pistolet à bétail paralysant, pour les problèmes courants, et un fusil à pompe pour les situations incontrôlables."Mais, heureusement, toutes les femmes ne s'accommodent pas de cet état de faits et nombre d'entre elles mettent en place des stratégies pour échapper à leur condition.
Roman choral qui nous propose un bien belle galerie de portraits de femmes, Glory possède tout à la fois une structure efficace et des personnages aux caractères bien trempés, chacune à leur manière. Pas de bons sentiments, mais un vent de révolte qui emporte le lecteur et ne lui fera pas oublier de sitôt Corrine, Marie Rose et les autres. Un grand coup de cœur.
Glory, Elizabeth Wetmore, traduit de l'anglais (E-U) par
Éditions Les escales 2020
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : elizabeth wetmore
12/07/2021
Mrs Caliban ...en poche
"Il était toujours d'une politesse scrupuleuse. Maintenant qu'elle connaissait les méthodes brutales avec lesquelles on lui avait inculqué les bonnes manières à l’institut, ces petites marques de civilité lui paraissaient aussi poignantes que s'il s'agissait de cicatrices sur son corps."
Dorothy a perdu son enfant, son chien et son mariage est en train de sombrer.
Qu'est ce qui peut bien la sauver ?
Un monstre, répond Rachel Ingalls dans cet époustouflant roman de 138 pages où , sous des airs policés, elle dézingue à tout va la société américaine, son hypocrisie, sa duplicité , ses médecins qui entendent traiter les dépressions féminines à grands coups de petites pilules .
Il est aussi question du désir féminin, de l'altérité et ce n'est pas un hasard si la seule personne à comprendre Dorothy est le jardinier hispanique et écolo avant l'heure.
Un roman féministe et plein d'humour où l’héroïne porte un foulard pour protéger ses cheveux des odeurs de cuisine mais se donne avec un très grand naturel à un monstre vert qui adore faire le ménage . Dévoré en une bouchée. Traduction aux petits oignons de Céline Leroy.
Une écrivaine à (re) découvrir de toute urgence ! 10/18 2021
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : rachel ingalls
19/06/2021
La vie en rose...en poche
"La scène a la beauté virile d'un clip de Michel Sardou, la profondeur de champ d'un film de Luc besson et la sauvage détermination d'un texte de Didier Barbelivien."
Ses parents partis en Polynésie, Rose se trouve en charge de ses frères et sœurs, cette famille qu'elle qualifie elle même de "dysfontionnante" . Famille qui va bientôt s'agrandir car la jeune femme se découvre bientôt enceinte des œuvres du lieutenant Personne avec qui elle s'est installée. Cette férue de Cervantès, Caldwell et la Boétie, arborant des tee-shirts Metallica va aussi se trouver au cœur d'un maelstrom d’émotions et d'aventures en tous genres dans lesquelles sont impliqués les membres sa drôle de famille, sans compter un tueur en série qui sévit dans le lycée de la ville.
Multipliant les intrigues en apparence accessoires, Marin Ledun réussit le pari de tout tirer en clair et d'harmoniser cet apparent chaos farfelu et plein d'humour. Les vacheries fusent : " - Mon dieu que vous êtes grosse, ma pauvre fille!
Je l'adore déjà."
Les références littéraires se ramassent à la pelle (et les Listes à Lire augmentent à vue d’œil), et même si l'identité de l'assassin n'est pas difficile à trouver, l’essentiel est de passer un excellent moment de détente avec ce polar enlevé et plein d'humour. Mission accomplie et on en redemande !
Ce roman est la suite de Salut à toi ô mon frère (clic) et il vaut mieux les lire à la suite, oui.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marin ledun
09/06/2021
Dysfonctionnelle...en poche
"Ma folle dont j'étais affolée."
Plus Dysfonctionnelle que la famille de Fidèle, alias Fifi, la narratrice de ce roman , y a pas. Jugez un peu : le père qui tient un bar ("Le bout du monde") va régulièrement effectuer de petits séjours en prison car il s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment (sic). La mère, elle, fuit une réalité traumatisante et se réfugie dans une folie plus ou moins douce. Quant aux enfants, Dalida, Alyson, JR, Jésus, Gregorio et Fidèle donc, ils constituent un bel éventail de cas sociaux , plus ou moins sympathiques.
Quand Fidèle, détectée à l'adolescence comme ayant une intelligence précoce, est amenée à étudier dans un lycée rempli d'ados ayant des familles "fonctionnelles", cela ne va pas être sans heurts, mais c'est là qu'elle va rencontrer l'amour de sa vie sous les trait de la belle Sarah.
Axl cendres , dans ce roman destiné à la jeunesse choisit de ne pas tomber dans le pittoresque gratuit. Ses personnages sont certes hauts en couleurs, mais la fratrie n'est pas forcément soudée.
Quant à l’intolérance face à l’homosexualité féminine, elle ne viendra pas forcément de là où on l'attend.
D'ailleurs, ce n'est là que réside le principal problème de cette relation, mais bien dans l'opposition entre deux modes de vie.
Un roman tendre, généreux et optimiste.
Sarbacane 2015.
305 pages qui se tournent toutes seules.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : axl cendres
08/06/2021
Le Homard...en poche
"Si on considère que la lecture est un voyage, alors mon mari était toujours en déplacement."
Envie d'un roman drôle (non amateur d'humour noir s'abstenir) , se déroulant en Bretagne, taclant les étrangers qui viennent faire grimper les prix de l'immobilier, où l'on croise un homard confident d'une femme qui fréquente plus souvent qu'à son tour les loteries du coin , un roman où rode peut-être même un serial killer ?
Alors procurez-vous vite ce galop d'essai de Pascale Dietrich 125 pages qui se dévorent d'une traite.
j'ai Lu 2021.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascale dietrich
15/05/2021
Petits vices et gros défauts
"Elle lui avait répondu : "Tu cites Sautet dans Les Choses de la vie, mais tu n'as pas le charme de Piccoli au volant". "
Ces sept fameux péchés capitaux ne proviennent pas de la Bible, comme nous l'indique Ariane Bois dans son introduction , mais d'un moine en Égypte et au départ il y avait adjoint la tristesse.
Si sept écrivains s'étaient déjà penchés au siècle dernier sur la paresse, l'avarice, l'orgueil, la gourmandise ,l'envie, la luxure et la colère , ce sont maintenant sept femmes qui nous livrent des textes tour à tour malicieux, cruels, sensibles, jouant parfois de l'ambiguïté pour mieux surprendre ,mais toujours pertinents sur ces thèmes éternels .
Ces nouvelles sont aussi l'occasion de donner un coup de projecteur sur bien des aspects de notre société (gestation pour autrui, tics de langage , colocation...)et le format court ne devrait pas rebuter car, en quelques pages, nous est livré un concentré d'émotions variées. En plus, c'est en poche , alors ne pas craquer serait un péché !
Éditions Charleston 2021,180 pages, Delphine Bertholon, Ariane Bois, Sophie Carquain, Dominique Dyens, Gaëlle Josse, Agathe Ruga, Marie Sellier.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : delphine bertholon, ariane bois, sophie carquain, dominique dyens, gaëlle josse, agathe ruga, marie sellier
05/05/2021
L'horizon qui nous manque...en poche
"Chacun connaît de ces moments maladifs, comme à battre des bras et des jambes dans la semoule, comme à essayer de s'accrocher aux lambeaux de son existence, et les paroles perdent en logique et en sens, et les gestes semblent indépendants de toute conscience."
Dans un espace naturel , miraculeusement préservé, entre Dunkerque et Gravelines, trois marginaux tentent de cohabiter. Le premier installé, Anatole, retraité, fabrique des oiseaux de bois flotté, supposés être des leurres destinés à la chasse.La deuxième, Lucille, institutrice en rupture avec l’Éducation Nationale, est désabusée depuis le démantèlement de la jungle de Calais où elle s'était investie auprès des migrants. Quant au dernier, Loïk, il est bien trop imprévisible pour ne pas retomber dans ses anciens travers qui l'ont déjà mené derrière les barreaux.
Même si la fraternité existe entre ces personnages qui partagent un goût certain pour Jean Gabin, on est bien loin de l'esprit d'Ensemble c'est tout . Ici, la tension est quasi permanente et l'on sent bien, entre une tournée de moules-frites ou un concours improvisé de décorticage de crevettes, que tout peut basculer sur un malentendu car "Quand il n'y a plus rien à gagner, on peut continuer à tout perdre...".
Un roman noir, ponctué de chansons des Rubettes et autres Mike Brant, où l'on arpente les plages du Nord, où l'on suit une chouette, où l'on découvre ce qui fait la culture populaire d'un territoire marqué par l'Histoire , l’industrialisation et la crise économique. Du grand Dessaint.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal dessaint