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10/11/2022

L'énigmatique Madame Dixon...en poche

"Les gens pensent qu’ils veulent la vérité mais ils sont toujours déçus. C’est invariablement moins excitant que le mystère. "

alexandra andrews

 

Un prologue énigmatique, qui évoque d'emblée la problématique de l’identité, un début de roman d'apprentissage mettant en scène une jeune femme qui veut intégrer le monde de l'édition à New-York, mais qui surtout veut devenir une écrivaine, Alexandra  Andrews semble placer son roman sur des rails bien calibrés. Mais bientôt tout dérape et l'apprentie écrivaine se révèle bien moins lisse qu'il n'y paraissait.
Le trouble s'accentue quand elle va devenir l'assistante de Madame Dixon, écrivaine à succès qui ne se montre jamais dans les médias et dont seule l'agente connaît le vrai nom. Un voyage au Maroc verra se mettre en place un traquenard et ses nombreux rebondissements.
Personnages cyniques, qui révèlent, mine de rien et avec désinvolture leur plus noir secret, apprentie écrivaine sans scrupule, tout est ici un pur régal pour qui aime les intrigues tordues à souhait.Un bon moment de lecture.

28/10/2022

Les femmes aussi sont du voyage...en poche

"Sans le concours des esclaves, domestiques, cuisiniers, interprètes et autres subalternes , un grand nombre d'explorations auraient été rendues impossibles. "

Aujourd'hui encore le voyageur est majoritairement un homme, blanc et occidental de surcroît. Pourtant, bien que reléguées dans la sphère domestique, des femmes ont enfreint les règles de la société et se sont lancées dans des voyages. lucie azema
Une femme ayant réalisé un périple suscite de nombreux avertissements avant, voire le soupçon après (a-t-elle vraiment réalisé cet exploit? ) et si elle part en couple ou en famille, elle sera reléguée dans l’ombre de son compagnon.
Changeant de perspective, étayant ses propos de nombreux exemples, Lucie Azema démontre en deux parties les liens du voyage avec la démonstration de la virilité et la misogynie qui lui est inhérente.
Elle pointe aussi du doigt la nécessité de décoloniser le voyage et la fétichisation du corps des femmes dans les récits de voyage, que ce soit dans l'évocation des harems ou des bordels.
Elle affirme enfin l'effet émancipateur du voyage pour les femmes ainsi que les mensonges et les approximations dont se rendent souvent coupables certains grands voyageurs dont la misogynie peut mettre en péril la vie de celles qu'ils accompagnent.
Un essai qui suscite l'envie de dévorer une brassée de récits de voyages ...au féminin !

27/10/2022

Un peu, beaucoup...à la folie C'est en poche et c'est indispensable !

"Il est vingt heures. En moins d'une journée, j'ai tué, j'ai ri, j'ai aimé. Il faudrait que je dorme. Une nuit de huit ou neuf heures. Douze serait l'idéal. C'est la difficulté quand on possède un champ de bataille en guise de cerveau et une cocotte-minute à la place du corps. Émilie Guillaumin"

"Maman est folle", chante William Sheller. Mais ici, il n'y pas qu'elle qui soit touchée par la maladie mentale, quelle que soit sa forme, identifiée, ou non.
Sans pathos, mais sans gommer la violence qui parfois l'accompagne (sans omettre celle de la société qui prône la résilience à grands cris, comme le rappelle Emilie Guillaumin dans "La fabrique des fous"), chaque texte nous dépeint de l'intérieur ou de l'extérieur, via des proches, les addictions, la bipolarité , la  dépression, bref les formes variées de  ce qu'on appelle familièrement "folie".
 Un mot honni par la mère de la nouvelle de Violaine Huisman "La vieille folle" mais  célébré par la fille de celle-ci "parce qu’il recèle l'amour insensé que j'ai voué à maman". olivier adam,emmanuelle bayamack-tam,karine giebel,emilie guillaumin,violaine huisman,aurélie jeannin,julia kerninon,mathias malzieu,anaïs vanel
D'amour, il en est beaucoup question dans ces textes. Amour entre un frère et une sœur dans la nouvelle d'Olivier Adam "De passage", nouvelle aux personnages plus vrais que nature où le mari de la sœur ne peut supporter le comportement de ce beau-frère instable à qui on pardonne tout et qui révèle de manière brutale les dysfonctionnements d'une famille.
Amour  inquiet d'un père pour sa fille adolescente dont le corps est celui d'une femme et l'esprit celui d'une enfant, un père qui craint les prédateurs sexuels. Et dans cette nouvelle,"la flèche noire" Emmanuelle Bayamack-Tam est à son meilleur, peignant avec subtilité tous les sentiments contradictoires qui peuvent animer les parents de cette adolescente.
Bref, on sent que les autrices et auteurs se sont vraiment impliqués dans ces textes , ce qui nous donne un recueil de très grande qualité. Un indispensable donc.

14/10/2022

l'enfant parfaite...en poche

"Roxane souffrait d'une anxiété de la performance. La réussite scolaire semble être le modèle familial des Blanchard et la jeune fille tentait désespérément de s'y conformer. "

Fille de parents divorcés, Roxane a toujours joué un rôle de facilitateur entre eux et réussi à l'école avec aisance . Mais les choses se corsent quand elle entre en classe de première : son cerveau ne semble plus aussi bien fonctionner, les boutons dévorent son visage et la jeune fille commence à perdre pied en secret.
Un traitement controversé contre l'acné sera finalement le déclencheur du drame.
Vanessa Bramberger entrelace le parcours de Roxane et celui de François, médecin prescripteur et ami de la famille en entretenant la tension.vanessa bamberger
Elle peint ici avec vigueur le portrait d'adolescents tiraillés : "On nous demande d'être à la fois autonome et obéissant, détendu et performant. Résultat, nous allons mal plus tôt et plus longtemps. On nous balance qu'être ado c'est être à la fois unique et semblable aux autres. Mais moi, je suis une volaille qui ne sait pas voler, une partition inachevée. Je ne veux pas être moi, je veux être Rose ou Lyna. Putain d'adolescence qui n'en finit pas . "
Un roman où le rythme des mots est essentiel, ça claque, ça slame, ça dézingue à tout va et le langage adolescent (merci au lexique destiné aux darons et daronnes) sonne juste. Chacun des adultes en prend pour son grade mais n'est-ce pas plutôt ici le procès d’une société qui en demande trop à une certaine jeunesse ?

02/09/2022

Chavirer...en poche

"...ce n'est pas ce à quoi on nous oblige qui nous détruit, mais ce à quoi nous consentons qui nous ébrèche; ces hontes minuscules, de consentir journellement à renforcer ce qu'on dénonce: j'achète des objets dont je n’ignore pas qu'ils sont fabriqués par des esclaves, je me rends en vacances dans une dictature aux belles plages ensoleillées. Je vais à l'anniversaire d'un harceleur qui me produit.Nous sommes traversés de ces hontes, un tourbillon qui , peu à peu, nous creuse et nous vide. N'avoir rien dit. Rien fait. Avoir dit oui parce qu'on ne savait pas dire non."

Très jeune, Cléo est victime d'un réseau de prétendus mécènes, la fondation Galatée, qui lui fait miroiter la possibilité d'une bourse pour devenir danseuse. Ayant échoué, elle devient alors rabatteuse pour ces prédateurs sexuels parfaitement organisés.
Près de quarante ans plus tard, le scandale éclate et Cléo, devenue danseuse, notamment pour "Champs Élysées", l'émission de variétés de Michel Drucker ,sent qu'elle va devoir affronter son passé.lola lafon
J'avoue je craignais de lire un énième livre sur le thème des abus sexuels sur mineurs mais la construction éclatée du roman, la finesse d’analyse de l'autrice ont emporté mes a priori et je me suis laissée emporter par ce roman qui dépeint aussi avec précision tout un univers méconnu: celui des danseurs des spectacles de variétés. Une belle réussite.

Le billet d'Aifelle qui m'avait donné envie : clic

 

01/09/2022

Les enfants sont rois...en poche

"Comment se faire des amis quand on ne partage rien de leur vie et qu'ils regardent la nôtre à travers un écran? On était seuls. On était à part. Admirés ou détestés; adulés ou insultés. "La rançon de la gloire", disait-elle. ..Mais ce n'est pas le pire. le pire, c'est que nulle part on n'était à l'abri. Nulle part hors de sa portée."

Avec Les enfants sont rois, Delphine de Vigan se penche sur un phénomène de société qui, comme souvent, nous vient des États-Unis, celui des chaînes YouTube, potentiellement très lucratives, mettant en scène des enfants et célébrant la société de consommation dans ce qu'elle a d'excessif et d'addictif.delphine de vigan
Que des milliers de personnes regardent des bambins en train de déballer des cadeaux, fournis par des marques, ou se lançant des défis plus idiots les uns que les autres peut laisser pantois, voire incrédules, mais tel est bien le cas.
Le risque avec un tel sujet est que l'autrice se pose en donneuse de leçons, voire néglige l'aspect romanesque de son texte. Il n'en est rien ici car Delphine de Vigan ne stigmatise jamais la mère de famille qui livre ainsi ses enfants en pâture, sans en mesurer les conséquences , à court ou à long terme, ne se rendant même pas compte qu'elle les met en danger et quand la petite Kim disparaît, la police entre alors en scène. Il s'agit ici de comprendre , non de juger, sans pour autant sombrer dans l'angélisme à tout crin.
Un roman haletant qui dénonce l'exploitation d'enfants que la loi n'est même pas capable, semble-t-il de protéger.

 

31/08/2022

Qui sème le vent...en poche

"En plus de nourriture et de vêtements, les enfants ont besoin d'attention. Ce que papa et maman semblent oublier de plus en plus."

La mort accidentelle de Matthies, quelques jours avant Noël, va plonger ses frère et soeurs, ainsi que ses parents ,dans une souffrance qu'ils ne parviendront pas à verbaliser.
Même la religion (ils sont protestants orthodoxes) ne leur sera pas d'un grand secours et chacun dans on coin, ou presque ,continuera tant bien que mal à survivre à ce deuil.marieke lucas rijneveld
Nous sommes au début des années 2000, dans un coin paumé d'une campagne néerlandaise et la vie est rude pour ces éleveurs de bovins. On pourrait parfois croire, n'étaient quelques détails qui ancrent dans la modernité, que cette famille, tout à la fois pudibonde pour ce qui est de la sexualité et très crue en ce qui concerne la réalité de la mort, vit quasiment en dehors du temps.
Tandis que la mère glisse dans une forme de folie, le père fait face avec stoïcisme à une épizootie qui ravage son troupeau, mais aucun d'entre eux ne parvient à exprimer ses sentiments et ils laissent le reste de la fratrie bricoler des stratagèmes pour apprivoiser la mort.
Ainsi la narratrice, dix ans au début du roman, ne quitte-elle pas sa parka, parka dont elle remplit les poches d'objets . Son frère, lui, opte pour des actes bien plus sadiques.
La découverte de la sexualité pour la fratrie les tient encore du côté du vivant ,mais dès les premières pages du roman, on sait qu'une tragédie est en route car "Quand on n'est plus à même de tenir avec tendresse un être humain ou un animal, mieux vaut lâcher prise et s'intéresser à autre chose."
J'ai rarement lu un roman aussi âpre, aussi tenu , dans le sens ou l'autrice ne tombe jamais dans le piège du pathos, où s'exprime une telle âpreté, un tel pessimisme (le père "prétend que ce n'est pas pour nous le bonheur, qu'on n'est pas faits pour être heureux, pas plus que notre peu blanche n'est faite pour endurer le soleil") et pourtant la narratrice , par son regard singulier, sur la nature, les animaux, parvient à nous offrir quelques respirations dans cette atmosphère saturée de tristesse.
La fin tombe comme un couperet.
Une expérience singulière et forte. Un premier roman , un coup de maître.
Il rejoint bien sûr l'étagère des indispensables.

Traduit du néerlandais par Daniel Cunin,

29/08/2022

Avancer...en poche

" Avec des vues pareilles, les antécédents qu'on lui connaît et s'il n'est pas  d'ici là dérouté par des amours stériles ou la passion délétère des sports d'équipe, le Petit fera certainement personnage historique."

Sur son balcon, Victoria (alias Marie-Laure la feignasse, suivant l'identité que la narratrice endosse pour se parler à elle-même), jeune femme peu pressée d'entrer dans la vie professionnelle, contemple le monde et attend "La voie royale". Dans l'appartement, Marc-Ange, son ancien professeur de sociologie , homme de bonne composition , cherche le thème de son prochain ouvrage tout en tentant de s'adapter à son  fils de dix ans, le Petit, enfant précoce qui tient à donner son avis sur tout ou presque. Le Petit d'ailleurs semble bien plus mature que bien des adultes qui l'entourent...maria pourchet
En bas de l'immeuble, un trou gigantesque , fonctionnant un peu comme un aimant et qui va drainer toute une faune intrigante. Se met ensuite tout un concours de circonstances qui va bouleverser l'existence de Victoria et la fera Avancer mais pas forcément dans la direction prévue...
Plus que l'histoire, c'est le style et les personnages qui font toute la saveur de ce premier roman enlevé et drôle.
Adresses au lecteur, sociologie sauvage hilarante d'une rencontre au café, découverte de toute une population pittoresque, des bobo au petits arnaqueurs, on entre avec délices dans un monde décalé et plein de fantaisie. Un régal !

27/08/2022

S'adapter...en poche

"Il sentait bien que ce n'aurait pas dû être son rôle. Mais il sentait aussi que le sort aime défaire les rôles et qu'il fallait s'adapter.

L'arrivée d'une enfant inadapté dans une famille concentre généralement l'attention sur lui, et ce , souvent , au détriment des autres membres de la fratrie. Dans ce roman, qu'on devine teinté d'autobiographie, Clara Dupont-Monod, délaissant les romans historiques, choisit de nous raconter, du point de vue des pierres de la maison familiale, l'histoire d'une fratrie hétéroclite mais où la bonté et l'affection circulent, empruntant cependant des chemins différents.
Il y a d'abord l'aîné qui va endosser pleinement son rôle d'Aîné, chérissant ce petit frère aveugle, qui ne peut qu'entendre et dont le corps reste mou comme une poupée de chiffon, sans aucune préhension possible. La cadette, quant à elle, opte pour la révolte , mais saura œuvrer pour restaurer la vie dans cette famille au décès du petit frère. Enfin, il y a le dernier, qui n'aura jamais connu cet enfant inadapté mais qui"avait spontanément accepté l'étrange famille dans laquelle il était né, une famille blessée mais courageuse qu'il aimait plus que tout." clara dupont-monod
Avec une extrême délicatesse et une écriture qui avance comme sur la pointe des pieds ,mais néanmoins avec vigueur, Clara Dupont-Monod ne rédige pas un tombeau pour cet enfant mais se situe au contraire du côté de la vie, montrant comment ces trois enfants "formaient un cocon, tissaient des jours en forme de cicatrice."
On ne s'étonnera pas que ce roman ait déjà engrangé deux prix.

26/08/2022

La carte postale...en poche

"Cette famille, c'est comme un bouquet trop grand que je n'arrive pas à tenir fermement dans mes mains."

Enceinte, Anne Berest pense "à la lignée des femmes qui avaient accouché avant [elle]" et sollicite sa mère, Lélia,  pour "entendre le récit des ancêtres". Les archives accumulées par cette dernière et, en particulier, une carte postale anonyme, arrivée 10 ans plus tôt et portant les quatre prénoms des ascendants maternels assassinés dans des camps d'extermination, vont jouer un rôle essentiel dans cette quête difficile, tant du point de vue psychologique que matériel.
Ce sera aussi pour l'autrice l'occasion d'analyser ce que signifie pour elle le mot "Juif" , élevée dans une famille où la religion n'avait pas vraiment sa place, ce que signifie aussi le fait d'être identifié comme Juif en France de nos jours.
Retraçant à la fois le parcours de ses ascendants maternels, originaires de Russie , avant, pendant et après la Seconde guerre mondiale, cette quête passionnante, digne d'un polar, et réflexions plus intimes, Anne Berest réussit à ne jamais perdre notre intérêt. anne berest
Mieux encore, elle jette un éclairage sur certains points peu évoqués. J'ai ainsi pu découvrir le fonctionnement inhumain du camp de Pithiviers ou bien encore la manière peu glorieuse dont l'administration française a traité les différents aspects de l’indemnisation des survivants spoliés de leurs biens durant la guerre.
Un texte à découvrir absolument.