07/01/2008
Un monde cruel
En Afghanistan, on sait très bien que la situation des femmes n'est
pas facile (comme dans plein d'autres pays ,hélas). Mais on en a
une connaissance abstraite,
désincarnée. Avec Spôjmaï Zariâb,cette réalité on la prend en plein
plexus solaire.
J'ai lu la première des sept nouvelles composantle recueil Dessine-moi un coq,
et j'ai dû marquer un temps d'arrêt dans ma lecture tant j'ai été
choquée par la puissance d'évocation de l'auteure. L'irruption dans
cette famille unie et aimante d'un oncle que la religion et les
traditions appliquées à la lettre rendent proprement terrifiant, en
particulier pour la petite fille sur laquelle il s'acharne avec une
cruauté sans pareille m'a laissée groggy. Cette chape de plomb
qui s'abat sur la maisonnée et la violence des propos de la narratrice
adulte qui se souvient de cet événement valent meiux qu'un long
discours sur les droits des femmes : "J'en venais parfois à souhaiter,
avec une sorte d'innocente cruauté, que tous les hommes du monde
perdent la vue pour que ma mère puisse s'asseoir tranquillement avec
eux et entamer la conversation avec eux sans avoir à cacher sa bouche
avec son voile, pour que ses lèvres roses puissent se mouvoir avec
langueur, s'étirer et laisser apparaître une à une, dans un
sourire, la blancheur de ses dents et qu'ainsi elle nous fasse
rayonner nous aussi, la maison et moi."
Les
petites filles tremblent devant les hommes, les professeures, les
mères craignent pour la vie de leurs fils qui partent à la
guerre les enfants se montrent cruels envers les inférieurs
ou les animaux, parfois même ce sont les hommes eux mêmes qui se
font volontairement souffrir...On se sent parfois étouffer dans cet
univers si dense et si dur , éclairé par de rares instants de
bonheur.
Spômaî Zariâb maîtrise totalement l'art de raconter et son
style puissant, vigoureux mais aussi sensuel , jamais pontifiant, se
révèle d'une efficacité totale pour évoquer non seulement son pays mais
aussi l'universalité du mal.Magistral.
06:06 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (15)
01/08/2007
Shoking: Même les vieux ont une vie sexuelle !
La couverture et le titre du recueil de nouvelles, Libertinages,
peuvent prêter à confusion, mais Sally Bingham, contrairement aux
apparence n'a pas écrit un livre à lire d'une seule main.
Sally Bingahm a 70 ans mais ses héroïnes sont pleines d'allant d'humour et d'amour de la vie sous toutes ses facettes.
C'est
sans arrières- pensées que la professeure âgée demande à l'un de ses
étudiants de venir l'aider à confectionner de la confiture
d'abricots*mais la sensualité des fruits et l'atmosphère parfumée et
chaude feront le reste...
Beaucoup de délicatesse également dans le
récit de ce couple d'homosexuels où un jeune homme va s'immiscer sans
le vouloir vraiment.
Pour sauver son couple une vieille dame va
demander l'aide d'une de ses amies, accédant ainsi à un
fantasme qu'elle avait autrefois refusé à son mari mais le
résultat sera peut être différent de ce qu'elle attendait... L'aspect
scabreux de la situation est totalement escamoté par la maestria de
l'auteure qui ne juge jamais ses personnages même s'ils sont aussi
pervers et égoîstes que cet homme qui harcèle une jeune femme.
Sally
Bingham nous montre des couples âgés qui n'ont pas fait de croix sur
leur sensualité, qui commettent autant d'erreurs que les jeunes, ce qui
est à la fois triste et réconfortant, des couples hors-normes,
qui ne rentrent pas dans les cadres que la société veut leur
imposer,le tout dans un style fluide et sensuel. A
découvrir de toute urgence !
* Pour une recette de confiture c'est par ici!
08:21 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (15)
31/03/2007
Pour te réconforter : un théorbe ou une tortue géante ?
Ne pas se fier au titre: De la maladie n'est pas un texte
doloriste . Ni essai ni recueil d'anecdotes, c'est un livre bourré
d'humour et d'amour de la nature où Virginia Woolf évoque cette
expérience incommunicable qu'est la maladie.
Pour elle, être
malade est l'occasion d'expérimenter quasi philosophiquement une
autre vision du monde , des autres, voire de la poésie.
"Pour notre
part, nous sommes condamnés à nous tortiller tout le temps que nous
restons accrochés au bout de l'hameçon de la vie" et notre seul
recours est de nous en remettre à la nature et à la poésie.
Le
texte coule ,fluide et lumineux, adaptant sa forme au thème abordé et
l'on en arrive trop vite et trop brutalement à la fin ...
06:10 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (19)
20/03/2007
Ames sensibles, passez votre chemin !
Ceux qui espèrent trouver des histoires victoriennes et policées de fantômes et de
vieux manoirs en resteront pour leur frais : toutes les nouvelles de
Joyce Carol Oates composant le recueil Hantises se déroulent à l'époque contemporaine.
Ce
qui les rend d'autant plus efficaces car les personnages, oscillant
entre réalité et fantasmes, au lecteur de décider, ce pourraient
être nos voisins ou nous mêmes ...Ces personnages sont d'ailleurs
souvent des femmes, à tous les âges de la vie, tour à tour
victimes ou bourreaux.
Avec une grande économie de
moyens Oates bâtit un univers familier où le grotesque est
roi. Ce grotesque auquel elle consacre une étude à la fin du recueil,
elle le définit comme "une sensibilité qui concilie le génie de Goya et
le surréalisme kitsch de Dali ", "un art qui promet de nous faire peur,
de nous bouleverser et parfois de nous révulser". Contrat
rempli avec Hantises dont j'ai hésité à lire plusieurs
nouvelles tant le sujet me bouleversait ("le coupable" ou
pire encore "Circonstances atténuantes").
Du grand art dont on ne
sort pas indemne.
06:06 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (17)
17/02/2007
Exquis d'écrivains
Chantal Pelletier , comme les chats , a déjà connu plusieurs vies,
comédienne de café-théâtre, auteure de romans ( policiers ou non) voire scénariste.
Ici, elle nous entraîne dans des Voyages en gourmandise , textes savoureux et ciselés qui vont d'enfance à enfance tout en traversant différents pays.
Goûts
et dégoûts, se jouent souvent dès l'enfance mais l'auteure nous montre
aussi que les aliments les plus opposés peuvent être chéris à part
égale.
Chantal Pelletier allie à la fois la tradition familiale, riche en sauces, Lyon oblige , et ce que les voyages lui ont apporté.
Nos papilles et nos yeux se délectent de ces textes aussi savoureux que ceux de Colette ou de Marie Rouanet. Il ne osu reste plus qu'à imiter le personnage de couverture: lire et déguster...
PS: un commissaire déjà connu des lecteurs de Pelletier s'amuse même à nous faire un petit coucou. Signe particulier de ce visiteur: il mâche des chewingums à la cannelle. Mais où peut-on en trouver ? !
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (27)
26/01/2007
Laissez infuser
Avec un auteur que l'on découvre, la tentation est grande de se
raccrocher à des figures connues. Quand j'ai commencé ma lecture des
nouvelles composant le recueil comme tous les après-midis de
Zoya Pirzad, c'est le nom de Colette qui m'est aussitôt venu à
l'esprit. La nature est en effet très présente dans ces textes, parfois
très courts ,mettant en scène des femmes iraniennes dans leur
quotidien.
Mais j'ai dû réviser mon jugement car plus que la
nature c'est le rapport au temps qui court en filigrane tout le long de
ses 18 nouvelles dépaysantes et en même temps universelles. Ces
portraits de femmes, ce pourrait être nous, nos amies, nos voisines...
Pas
de nouvelles à chutes, l'auteure évite ainsi le piège de la mécanique
trop bien huilée, ce sont de petits faits, qui basculent parfois à la
limite du fantastique, des faits anodins mais qui minent de rien
frappent nos esprits tant le style de l'auteur infuse en nous.
j'ai d'abord eu l'impression d'être traversée par ces nouvelles mais elles sont en fait restées longtemps en moi...
La critique de Clarabel.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (16)
19/01/2007
Le chien jaune
Il ne s'agit pas du roman de Simenon mais de celui de la couverture du recueil de nouvelles La théorie du chien
de O.Henry, auteur américain de 19 ème siècle, nouvelliste dans la
lignée de mark Twain, Ambrose Bierce voire Tchekhov , dixit la 4 ème de
couv'. Rien que ça.
Mouais, je ne devais pas être dans le bon
état desprit car j'espèrais en fait trouver des textes aussi hilarants
que ceux de Saki *. Le style m'a paru désuet et les histoires peu
"accrocheuses", elles flirtent parfois avec le "non sense" ou une folle
logique mais tombent souvent à plat...
Quant à "la théorie du chien
", c'est celle d'un shériff et elle lui vaudra d'identifier ,entre deux
suspects, celui qui est en fait un mari assassin ...
06:08 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (9)
09/12/2006
Les Inuits et nous
De la littérature canadienne francophone je ne connaissais que
Michel Tremblay (j'ai eu une période Michel Tremblay ...) et grâce à
Cuné j'ai découvert Gabrielle Roy et sa Rivière sans repos.
Rien
à voir avec la langue pittoresque et savoureuse de l'auteur des Chroniques du plateau Mont-Royal. Nous
avons ici une langue classique, parfois surannée mais très belle.
Ce
volume comprend trois nouvelles , parfois cocasses (le vieil Inuit qui
fait des farces avec son téléphone !), souvent poignantes et un roman
lui aussi très émouvant mettant en scène des Inuits confrontés au monde
des Blancs. Il est toujours intéressant de découvrir d'autres cultures
et par là même d'autres points de vue sur ce qui peut nous paraître
évident ou acquis.
J'ai beaucoup aimé aussi l'importance que la
nature tient dans ces textes, comme dans la vie des Inuits: le froid
bien sûr, mais aussi les moustiques , l'eau , omniprésente et
l'importance du plus petit brin de verdure...Un petit bijou venu du froid.
05:33 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6)
19/11/2006
La régionale de l'étape
Comme l'a rappelé Clarabel, Régine Vandamme est éditrice à l'Estuaire. Elle est aussi écrivaine et son livre Ma voix basse fait partie de ma bibliothèque de secours, à savoir les livres que je veux toujours avoir sous la main au cas où...
Pourtant
rien ne destinait cet ouvrage particulier à atterrir sur mon étagère
favorite, seul le titre m'avait attirée ainsi que la 4 ème de
couverture mais vous savez comme moi que tout cela peut être
trompeur...Je ne risquais pas grand chose car je l'avais emprunté à la
médiathèque.
Je
ne l'avais même pas feuilleté et je dois dire que si je l'avais fait je
ne l'aurais pas glissé dans mon panier car aucun paragraphe pour
reposer nos yeux, aucune intrigue pour réveiller nos neurones flapis.
Juste
une série de 19 questions. Au hasard "Qu'est ce que t'attends", "Qu'est
ce que tu fais ? ", "T'as peur de quoi ? ", questions auxquelles la
narratrice va répondre en phrases souvent courtes, juxtaposées, qui
osent la répétition pour créer le rythme et le jeu avec les mots. Une
femme de 40 ans dont on devine la vie entre les lignes, dont la vie se
dit nous nos yeux, une voix intérieure qui rejoint celle de toutes les
femmes en disant son unicité pleine d'humour et d'énergie.
Pourquoi
"la régionale de l'étape? " Parce que ce livre m'avait donné
rendez-vous à Tournai , en Belgique ,sur les rayons d'une librairie
selon mon coeur où le vendeur m'a précisé qu'elle était une
"régionale"...
06:01 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (0)
13/11/2006
Comment concilier érudition et gourmandise, goûtez-moi ça !
Au menu, 16 recettes (2 de plus que dans l'édition originale,
veinardes que nous sommes!) écrites chacune à la manière d'un(e)
grand(e) écrivain'e) de la littérature mondiale.
Nous pourrons ainsi déguster la soupe de Kafka qui
donne son titre au recueil, enchaîner avec l'agneau à la sauce à
l'aneth de Raymond Chandler et terminer par le clafoutis grand-mère à
la Virginia Woolf.
Chacun
de ses pastiches se tient à la limite de l'exercice d'admiration mais ne
tourne jamais au jeu de massacre. L'auteur, Marck Crick, avec un humour
tout britannique, a su se glisser dans la peau de chacun de ces
écrivains et nous en donne ainsi un aperçu plus apéritif qu'indigeste.
Point
n'est besoin de connaître chacun des auteurs présentés, au contraire,
comme dans un mezze, libre à nous d'aller ensuite découvrir plus à fond
l'auteur "picoré".
Il faut noter que chacun des texte a été traduit
en français par des spécialistes français des auteurs imités (Geneviève
brisac a ainsi traduit le texte "de" Jane Austen), ce qui garantit la
fidélité à l'esprit et au style.
J'ai eu le sourire au lèvres en
piochant dans ce recueil par ailleurs illustré par Marck Crick, auteur
multitalentueux quui n'hésite pas à citer les auteurs imités donnant
sur leur avis en 4 ème de couv' sur La soupe de Kafka : "Qu'il pourrisse en enfer !" Graham Greene.
Nous
avons même droit à la photo d'un Marck Crick, qui sans doute pour
accentuer la ressemblance avec les tops modéles dont il a le physique,
fait la tronche.
Dernière précision, les recettes sont tout à fait
réalisables, si l'on se donne la peine de les "dégraisser" de leur
littérature...
06:02 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (7)