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03/02/2015

Une main encombrante

"Avant de pouvoir ne serait-ce qu'envisager de vivre dans une maison, il devait aimer les sons qui l'entouraient. Si le bruit du vent ne lui convenait pas, ou la qualité du silence, il pouvait aussi bien tourner les talons immédiatement. Mais ce qu'il entendit lui inspira une sensation de calme."

Son père est mort, sa fille, Linda, devenue policière habite avec lui et Wallenberg, voudrait être tranquille: "Je voudrais me mettre en congé de moi-même , pensa-t-il. De cette pesanteur que je traîne et qui me mine. Je n'en peux plus."henning mankell
L'opportunité d’acheter une maison à la campagne se présente mais le sort s'en mêle et Wallenberg, explorant le jardin, bute sur une main qui dépasse légèrement du sol. Adieu havre de paix, une enquête est ouverte...
Court roman (156 pages ) nous dit l'éditeur, nouvelle pour Mankell, Une main encombrante a d'abord été un texte dont s'est inspiré la BBC pour un scénario de sa série Wallander avec Kenneth Branagh. L’écrivain l'a ensuite relu et enrichi, ce qui donne cette version.
Cet épisode, nous précise l'auteur se situe avant L'homme inquiet qui clôt la série.
Retrouver Wallander est toujours un bonheur et la réflexion de l'auteur sur son personnage est extrêmement intéressante. On y apprend entre autres les étapes de la genèse de la série, les objectifs de l'auteur et surtout la raison pour laquelle il a décidé d'arrêter la série : "Après La lionne blanche, j'ai compris que Wallender était réellement devenu un instrument. Il m'est alors apparu que j'avais tout à craindre de ce personnage car désormais , je serais sans cesse confronté au danger de privilégier le soliste. Or mon mot d'ordre était toujours: l'histoire d'abord."

Quant à des épisodes mettant en scène Linda, l'auteur n'en exclut pas l'éventualité , tout en soulignant : "à mon âge, les frontières rétrécissent. Le temps, qui manque toujours, manque encore plus. Je dois prendre des décisions de plus en plus fermes sur ce que je ne veux pas faire ."

02/02/2015

L'une et l'autre

"Elle écrit au pèse-nerfs , dans une sorte de stridence, d'exaspération."

"L’une & l’autre, c’est Marie Desplechin et la comtesse de Ségur, saisissante de modernité ; c’est Gwenaëlle Aubry et la poétesse américaine Sylvia Plath, en butte à ses vertiges de mère et d’épouse ; Camille Laurens et l’amour fou chanté par Louise Labé ; Lorette Nobécourt et Marina Tsvetaeva, broyée par la folie stalinienne ; Marianne Alphant et Jane Austen, dévouée à l’écriture jusqu’à s’oublier elle-même ; et c’est aussi Cécile Guilbert et l’essayiste Cristina Campo, hantée par le mot juste." (présentation de l'éditeur)

Par de là les années, des écrivaines contemporaines ont tendu des liens vers des auteures qu'elles admirent. Brosser leur portrait est aussi l'occasion d'interroger leur propre créativité, les liens qu’elles entretiennent avec l'écriture et la vie.51QV9tUD7hL._AA160_.jpg
Ouvrage collectif, l'une est l'autre nous offre de jolies rencontres avec des écrivaines, déjà lues ou non ,mais aussi quelques échecs.Je n'ai ainsi pas été très convaincue par le texte de Lorette Nobécourt ,trop éclaté dans la chronologie, ni celui de Cécile Guibert, à l'écriture trop chantournée à mon goût. Quant à Marianne Alphant, elle pâtit du manque d'informations sur Jane Austen .
Par contre Marie Desplechin nous offre un portrait très vivant de la comtesse de Ségur, en soulignant la modernité pour l'époque. Camille Laurens nous rend aussi terriblement présente Louise Labbé. Quant à Gwenaëlle Aubry, on la sent en totale empathie avec la sensibilité exacerbée de Sylvia Plath. Rien que pour ces textes, il faut lire L'une et l'autre !

 

06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (7)

31/01/2015

Discount


Christiane, Gilles, Alfred, Emma, Momo et Hervé travaillent dans un hard discount. Petits salaires mais bonne entente entre ces gens modestes dont on sent d'emblée les fêlures.index.jpg
La décision de les remplacer par des caisses automatiques va souder davantage la petite bande et les pousser à créer une épicerie "solidaire" destinée aux gens aux petits revenus, épicerie dont les produits seront détournés de leur lieu de travail. Dernier baroud d'honneur où les voleurs seront volés...
Discount est une véritable film choral, où tous les personnages possèdent la même densité, où la tendresse alterne avec les coups de gueule , et qui respecte profondément chacun d'entre eux, révélant par petites touches leurs parcours marqués par les coups du sort.

Pas de manichéisme non plus concernant la directrice du magasin, interprétée magnifiquement par Zabou Breitmann, elle aussi victime de la violence de sa hiérarchie.
Violence qui s'exerce sous forme de harcèlement humiliant et tatillon à l'encontre des employés ont on veut se débarrasser mais la solidarité va leur permettre , malgré tout de préserver leur dignité.
Inutile de se voiler la face, la présence de ma chouchoute Corinne Masiero (parfaite et généreuse ,comme d'hab') et le fait que le film ait été tourné dans le Nord ont beaucoup joué dans ma décision d'aller voir Discount ! Mais au final,c'est surtout Pascal Demolon qui m'a vraiment émue ! clic.images.jpg

Coïncidence, quelques jours plus tard, je regardais un peu par hasard Divin enfant, une comédie où il jouait également et j'ai encore eu le coup de foudre !

30/01/2015

Ultra Violette

"Parce qu'ils n'ont rien vu ni rien compris  de ta vive couleur enfouie. Ultra Violette."

Violette Nozière ,jeune parricide, défraya la chronique dans les années Trente et suscita l'engouement des Surréalistes.raphaëlle riol
Ce n'est pas à l'héroïne du fait divers destiné " à croupir dans l'oubli" que s'intéresse Raphaëlle Riol. Son objectif est tout autre : "réhabiliter Violette dans son statut de personnage littéraire." Elle invite donc Violette par ces mots amicaux: "Viens entre mes lignes, tu seras chez toi, c'est promis. Tu t'y sentiras à l'aise comme à l'hôtel."Et Violette de s'installer et de commencer, mine de rien à manipuler la romancière, tout en vidant son compte en banque !
La relation entre le personnage et l'auteure est finement décrite et RapHaëlle Riol recrée parfaitement l'atmosphère de cette époque, n'hésitant pas à employer un lexique parfois précieux, parfois plein de gouaille pour mieux nous dépeindre ce Paris des années Trente.
Son style a pris de l’ampleur, de l'assurance et l'histoire vraie (face A) et les hypothèses (face B) donnent à voir les multi facettes d'une femme tour à tour haïe et célébrée , qui garde jusqu'au bout son mystère.. Un coup de cœur !

 

29/01/2015

la clôture des merveilles ...en poche

"Au bout du compte, nous sommes tous confrontés à cette liberté d'être contraints."

En 2012, le pape Benoît XVI proclame Hildegarde de Bingen, docteur de l'Eglise. Elle est la quatrième femme à obtenir un tel titre. C'est à celle qui dès sa huitième année est entrée au couvent, a eu des visions dès l'âge de trois, a inventé une nouvelle langue , toute hérissée de z, a su pénétrer les secrets de la nature , a créé son propre couvent ,que Lorette Nobécourt consacre un livre inspiré.Anecdotes avérées ou inventées se mêlent pour relater la riche vie de cette femme complète qui toujours se dresse face à l'autorité, "Aussi droite, et haute, solide et stable que l'échelle  du H. de son nom. Ainsi se tient désormais Hildegarde de Bingen."lorette nobécourt
Dans un monde qui refuse toute contrainte, Lorette Nobécourt interroge cette notion de soumission et analyse les relations de H., c'est ainsi qu'elle la nomme à une exception près tout le long du texte, aux mots, à l'écriture. Un texte prenant et envoûtant qui donne envie d'aller encore plus avant dans la vie de cette femme du XII ème siècle qui, par bien des aspects, nous apparaît très contemporaine

28/01/2015

Un membre permanent de la famille

"Ils ne sont pas inquiets pour Ventana: maintenant qu'on l'a filmée pour la télé, elle a accédé à un autre niveau de réalité et de pouvoir, un niveau plus élevé que le leur."

De la permanence, voilà bien ce qui manque , entre autres, aux personnages des douze nouvelles de ce recueil de Russell Banks.russell banks
Saisis à des moments où leur vie vacille de façon ténue ou plus dramatique,l'auteur sait capter,toujours avec bienveillance, mais avec une lucidité extrême, les moindres oscillations de leurs sentiments.
Qu'il dépeigne les non-dits qui se révèlent dans une réunion d'artistes et d'intellos , l'effritement d'une famille entériné par un deuil imprévu,les espoirs d'une femme noire modeste ou les glissements de personnalité d’une femme rencontrée par hasard, il règne toujours dans ces textes une grande tension qui tient le lecteur en haleine, l’entraînant même parfois ( ce fut mon cas, en tout cas) à différer la lecture d'un texte, en l'occurrence, "Blue".
Un style magistral ,des récits d'une grande intensité dramatique font de ce recueil une totale réussite !

Et zou,sur l'étagère des indispensables !

Le billet de Clara, la tentatrice  !

Un membre permanent de la famille, nouvelles traduite de l 'américain par Pierre Furlan, Actes Sud 2015, 239 pages denses.

27/01/2015

Buvard

"Je suis un objet de fascination pour tous les imbéciles qui n'ont pas compris que pour ce qui est de l'impitoyabilité, la vie ne laisse jamais à désirer."

Allez savoir pourquoi en lisant les résumés de ce roman , je m'imaginais, un jeune étudiant allant voir une vieille écrivaine, façon Marguerite Yourcenar à Bar Habour.

J’avais tout faux ! L’héroïne, Caroline N.Spacek, même si elle a vécu déjà plusieurs vies et connu la gloire très jeune ,n’a que 39 ans.julia kerninon
Qu’elle accepte de se confier à Lou et de retracer son parcours chaotique et mystérieux est déjà  exceptionnel. Que ce magnifique récit d’emprise et de fascination soit un premier roman aussi réussi, tant par le style et l’atmosphère, que par l’intrigue, l’est tout autant.
Qu’il ait reçu le Prix Françoise Sagan est particulièrement approprié, tant la liberté et l’amour de la vie chers au cœur de l’auteure de Bonjour Tristesse semblent répondre à ceux de Caroline N.Spacek.

 

Merci à Cuné et à Clara qui ont fini par me convaincre !

 

Plein de billets un peu partout !

26/01/2015

Amours

"Pas une seule pensée pour Céleste, pas uleonor de récondone seule sur la manière dont il l'a engrossée. pas un doute sur le fait qu'il soit le père. Non, une satisfaction totale dans laquelle il se prélasse."

Début du XXème siècle, en Province , une situation quasi banale: un notaire engrosse sa toute jeune bonne (17 ans). La solution serait de la renvoyer mais l'épouse du notable , stérile et peu portée sur le choses du sexe, découvrant la situation ,décide de s'approprier l'enfant, satisfaisant à la fois son mari et se dégageant ainsi de la pression sociale qui enjoint à chaque épouse de trouver son bonheur dans la maternité. 
Là encore, rien d'exceptionnel pour l'époque. Ce qui l'est beaucoup plus c'est la manière dont ces deux femmes vont découvrir à la fois leur corps (la bourgeoise n'a pu le découvrir que de manière parcellaire avant son mariage et ne s'est jamais, corset oblige, habillée seule) et leur sensualité.
Le corps féminin , et en particulier la peau sont au cœur de ce roman roman , tout à la fois récit d'une émancipation sociale et sensuelle.
Leonor de Récondo souligne bien les différences entre ces deux femmes: l'une, la bourgeoise à qui l'on a menti. L'autre, la bonne ,qui sait d'avance que son existence sera difficile et tente de s'en accommoder avec ses pauvres armes.
Un roman édifiant , à l'écriture tantôt coup de poing, tantôt caresse, que je n'aurais pas découvert sans les deux villes tentatrices , Clara et Cuné ! Merci à elles !

25/01/2015

Un homme effacé... en poche

"Une menace pesait sur son identité. Quelque chose de visqueux prenait possession de lui. Ce suintement infiltrait ses veines, épaississait son sang, engluait jusqu'aux battements de son cœur."

Des images pédopornographiques ayant été trouvées sur son ordinateur Un homme effacé, professeur de philosophie dans un université cossue est embarqué par la police. Tout (paroles, comportement photographie banale) va alors être réinterprété à charge et bien que se sachant innocent, Damien North en viendra à plaider coupable sur les conseils de son avocat.
Cette première partie est déjà passablement effrayante (elle m'a fait penser aux premières images du film évoquant l'affaire d'Outreaux, "Présumé coupable") mais l'affaire se corse encore quand le roman envisage ce qui se déroule ensuite...51bFSYl31kL._AA160_.jpg
Mensonge, vérité, tout est ambigu dans ce roman à la mécanique implacable  où le héros en vient à douter de lui-même mais qui pêche un peu par son style trop neutre. Un bon début néanmoins !

 

Prix Goncourt du premier roman.

24/01/2015

Amazones

"Finie l'aliénation. Je ne veux plus qu'on touche à mon corps, même gentiment. Qu'on le laisse en paix et aphone , vierge du bruit des caresses , voilà ce que je désire."

"Impitoyable en amour", "obstinée", "pas vraiment d'aplomb", voici quelques unes des épithètes caractérisant Alice, trente ans , veuve pas du tout éplorée d'un fiancé horripilant dont le sort l'a fort opportunément débarrassée et qui, sur une impulsion vient d'embarquer en cavale Alphonsine, quasi nonagénaire.41b0FI8AxOL._AA160_.jpg
Les deux femmes ne se connaissent pas mais se sentent d'emblée qu'"un truc mystérieux et indéfinissable " les fascine réciproquement. Elles vont rapidement l'identifier: ce sont toutes deux , et de manière bien différente, des amazones !
Roman polyphonique, où même les morts prennent la parole, Amazones est un roman  un peu foutraque, résolument féministe, empli de gaieté et d'une belle énergie ! Les lettres que l'héroïne écrit à ses sœurs pour les houspiller et les sortir de leur marasme sont hilarantes et pleines de justesse . Quant aux amazones plus âgées, elles ne sont pas en reste et nous offre une rétrospective à la fois triste et réjouissante de la place faite aux femmes aux tout débuts du féminisme, en province. 
Alice, qui rue dans les brancards depuis l'adolescence parviendra-t-elle un jour à trouver son chemin ? On n'en sait rien mais ce qu'on espère pour elle c'est qu'elle parviendra à vivre jusqu'au bout à rester rebelle !

Un coup de cœur !

Amazones, Raphaëlle Riol ,Babel 2015, 216 pages qui m'ont donné envie de découvrir les autres romans de l'auteure.