06/04/2015
Nos contrées sauvages
"Aucune humiliation ne lui sera épargnée. Et il se demande pourquoi, par dessus tout le reste, sa tendresse est la pire ;"
C'est autant pour échapper à sa mère , hippie attardée, toujours soucieuse de respecter la planète (et de se faire bien voir de ses amies), que pour faire la connaissance de son père,Rich, que Sophie, quinze ans, se lance dans un trek en sa compagnie. Le lieu n'est pas innocent, la Tasmanie, endroit où ses parents se sont rencontrés lors de leur unique fait d'armes, la préservation d'une rivière , dont ils se gargarisent de encore des années après.
Tandis que la mère fait une retraite spirituelle pour calmer ses angoisses, père et fille randonnent d'abord façon moutons de Panurge, au grand dam de Rich. Mais, quand on veut sortir des sentiers battus, il faut être prêt à en payer le prix...
Quelle jubilation que ce roman qui se moque de personnages dont la maturité n'est pas forcément là on serait en droit de 'attendre ! Si les points de vue alternent, l'humour est toujours présent et l'observation toujours aussi pertinente."Alors nous allons commencer par un gommage total exfoliant avec des sels marins purifiés, de l'huile de pépins de raisins pressée à froid, du citron vert, du gingembre et de la citronnelle.
ça prépare le corps à la séance détox
-Ah, c'est très bien". ça ressemble surtout à une recette de marinade pour poisson."
Pieux mensonges, engouements successifs, aveuglement parental, tout y passe en un joyeux chamboule tout qui pourrait bien virer au drame, tant la météo est fluctuante en Tasmanie. Pour randonner par procuration, un pur régal !
Nos contrées sauvages (the World Beneath), Cate Kennedy, traduit de l'anglais (Australie) par Carine Chichereau, Actes sud 2012, 349 pages , garanties sans ampoule, pour le lecteur.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : cate kennedy
04/04/2015
Comment trouver la femme idéale (le théorème du homard)...en poche
"La dynamique émotionnelle était tellement complexe !"
Hyper doué en génétique, Don Tillman l'est nettement moins en relations humaines ! Pour trouver l'épouse parfaite, il met au point un questionnaire des plus sélectifs et rationnels qui lui évitera, pense-t-il ,de nouvelles pertes de temps, un de ses autres obsessions. Évidemment, pour le plus grand plaisir du lecteur Don va rencontrer Rosie qui est l'antithèse parfaite de ce qu'il recherche. Mais est-ce bien si sûr ?
Du décalage entre ce surdoué qui a su aménager ses incompétences sociales et s'efforce d'apprendre les émotions dont il semble dépourvu en visionnant des films et les situations complètement loufoques dans lesquelles il se fourre, naît bien évidemment le rire, ponctué de quelques pointes d'émotion qui ne gâchent en rien l'affaire.
Malgré quelques baisses de rythme en fin de lecture, Le théorème du homard est un roman qui porte une grande attention au langage de ses personnages, réserve de nombreuses surprises et fait remonter notre moral en flèche !
Une suite serait annoncée...
03:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : graeme simsion
03/04/2015
Eux...en poche
"D'où viens-tu à la fin ? Pourquoi tiens-tu tellement à faire de nous des assassins ? La famille est un clan. La quitter est puni par une loi, celle du sang."
Être enceinte c'est s'inscrire dans une lignée, faire bouger d'un cran tous les membres de la famille. C'est aussi réveiller ici les voix des héréditaires qui envahissent l'espace sonore de la narratrice. Par leurs commentaires, tantôt ils attisent ses craintes, tantôt se soucient d'elle et de l'enfant à venir, houspillent, tancent, bref incarnent les remous magmatiques de l'inconscient familial.
En effet, "Chez mes parents, une naissance est toujours considérée comme le présage d'un décès." Lourd héritage qui explique sans doute que la mère de la narratrice se montre tout sauf encourageante...
à cela s'ajoute les craintes de la future mère qui envisage toutes les variations concernant la mort de son compagnon ,son "gars". Chargé ? Peut être.Mais tout cela est doté d'une formidable énergie, ponctuée d'humour " à cause de moi qui me fiche totalement de la baignoire en plastique qu'elle voudrait me transmettre pour mon enfant; si tu le laves, a-t-elle précisé ."et, sur le thème de la transmission et de l'identité familiale, Claire Castillon a écrit un roman qui incarne pleinement tout ce qui se joue d'inconscient (ou pas) dans une grossesse.
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : claire castillon
02/04/2015
Tom l'éclair
(Comment Thomas Leclerc 10ans 3 mois et 4 jours est devenu Tom l'éclair et a sauvé le monde)
"C'est que Tom n'est plus le même: il ne se demande plus ce que le Monde va faire pour lui, mais ce qu'il est prêt à faire pour le monde."
Au cœur des années 60, Tom est un enfant pas comme les autres,résolvant en un clin d’œil des problèmes de trains qui se croisent ,mais incapable de nouer des amitiés avec les autres collégiens.
Le déclic se fera par l’intermédiaire d'un comic book qui lui ouvrira les portes de l 'univers des super héros auxquels il s'identifiera immédiatement (ne sont-ils pas différents eux aussi ? ). Et Tom de s'inventer de super pouvoirs, pas toujours fiables, mais il fera avec les moyens du bord, pour aller petit à petit vers les autres et trouver des moyens bien à lui d'apprivoiser le Monde.
Paul Vacca se penche à nouveau sur le monde de l'enfance et recrée avec bonheur,par petites touches, les années 60, leur fraîcheur acidulée et leur optimisme confiant. Tout n'est pas rose, loin s'en faut, mais c'est un regard plein de bienveillance que l'auteur porte sur ses personnages et son récit coule tout seul , plein de tendresse et d 'émotion. On passe un excellent moment avec Tom , super héros ou pas !
Une manière fine et sensible d'évoquer l'autisme.
Tom l'éclair, Paul Vacca, Belfond 2015, 280 pages qui se tournent toutes seules !
06:03 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : paul vacca
01/04/2015
Quarante tentatives pour trouver l'homme de sa vie
"Tout le monde a le cœur fendu, l'âme vacante et le désespoir épinglé dans le dos comme un poisson d'avril."
Voici trois ans que Lucie, instit',a largué Pascal. La solitude commence à lui peser et elle se lance à cœur perdu, mais corps vaillant ,dans la quête de l'homme de sa vie. Où se cache-t-il ? Au supermarché avec son petit panier de produits solo ? Au club de tango, au boulot, sur internet ? Faut-il renouer avec les vieilles passions avortées ? Écrire une lettre lyrique à un agriculteur télégénique ?
Rachel Corenblit passe en revue avec humour les us et coutumes des célibataires, pointant les ridicules et les travers avec une férocité réjouissante: "J'ai changé. Je ne suis plus le même homme. Une phrase avec laquelle on peut se balader en montgolfière tellement elle ne manque pas d'air."On s'émeut aussi devant le désespoir de cette jeune femme qui affirme : "Elle ne recherche plus, elle ne croit plus en ces vaines agitations. Elle va juste fumer, boire, se droguer et mourir vieille et abandonnée."Mais Lucie a de la ressource !
Le premier chapitre , "l'amour en général" égrène des instantanés au masculin ("celui qui"), le dernier "L'amour en particulier" lui répond avec l'énumération de "celle qui"et se termine sur une note d'espoir. Malgré tout !
Quarante tentatives pour trouver l'homme de sa vie, Rachel Corenblit, La brune du Rouergue 2015,189 pages toniques, piquetées de marque-pages, dévorées et que je vais prendre le temps de relire pour mieux les savourer !
Premier roman pour adultes d'une Toulousaine qui a beaucoup écrit pour la jeunesse: entre autres: clic et reclic.
18:19 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : rachel corenblit
31/03/2015
Mars et les femmes
Sans que cela soit volontaire, Mars aura été marqué pour moi par des portraits de femmes fortes, libres et plutôt heureuses. Cela change agréablement !
Commençons par States of Grace. Grace dirige d'une main à la fois ferme et sensible un foyer pour jeunes en difficultés. Une nouvelle venue va la renvoyer face à ses propres failles.
J'y allais vraiment à reculons, l'impression de faire des heures sup' en quelque sorte. mais on ressort de là gonflé à bloc et plein d'optimisme. Le compagnon de Grace est juste parfait , acceptant son côté féminin, ses propres fêlures et ne souffrant même pas d'être le subordonné de sa copine.un vrai bol d'air !
Deux films ensuite sur l’après seconde guerre mondiale. Tout d’abord, The Phoenix, histoire d’une femme juive, ayant miraculeusement échappé à la mort dans un camp, et qui, défigurée, subit une opération de chirurgie reconstructrice.
Pour reconquérir son mari (le traître qui l’a dénoncée) elle se prête à sa macabre mise en scène : comme il lui trouve une ressemblance avec sa défunte épouse ( !), elle endossera l’identité de celle qu’il croit morte pour toucher l’héritage. Jouant de l’opposition ombres et lumières, le réalisateur emprunte les codes du mélodrame mais montre aussi les réajustements de la société allemande après la guerre.
Beaucoup moins de pathos dans le magnifique Ida, se déroulant cette fois en Pologne dans les années 60. Une jeune fille, à la veille de prendre le voile, découvre par sa tante qu’elle va devenir une « nonne juive ».
Les deux femmes, vont donc partir à la recherche de la tombe des parents d’Ida, s’épaulant l’une l’autre pour aller au bout de cette quête d’un passé toujours affleurant. Pas de jugement, pas d’explications superflues, le réalisateur fait confiance à l’intelligence et à la sensibilité du spectateur pour combler les pointillés. L’image est magnifique, les paroles rares et Ida trace sa route, imperturbable et lumineuse. Un film magnifique et prenant.
My sweet pepper land, enfin, western improbable se déroulant au Kurdistan, où la violence le dispute à l’humour noir. On y voit la naissance d’un amour peu banal entre l’institutrice qui a volontairement choisi d’enseigner dans cette contrée reculée où elle n’est pas la bienvenue et le policier, ancien combattant, qui vient troubler la quiétude du « parrain » local. A noter que tous deux fuient une famille pour le moins envahissante…
Si l’actrice iranienne Golshifteh Faharani est très elle, son jeu emprunte parfois un peu trop à l’expressionnisme mais bon… quant à Korkmaz Arsla, son faux air de Stephan Eicher et son petit sourire le rendent parfaitement craquant…
06:00 Publié dans Bric à Brac, je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (8)
30/03/2015
Les livres prennent soin de nous
"Ce n'est pas facile de dire à un tiers ce que l'on a vécu, et qui fait qu'on ne va pas bien. à qui en parler ? à un proche ? C'est prendre le risque d'être renvoyé au silence ou de l'entrainer dans son propre malheur. à un psychologue ou un psychiatre ? Mais le patient refuse souvent ce recours. Restent les livres et le bibliothérapeute."
Encore mal connue en France, la bibliothérapie se propose de restaurer un espace à soi par l'intermédiaire des livres.
Rien à voir avec le développement personnel "Car il faut qu'un livre soit plurivoque, un épais feuilletage de sens et non une formule plate, conseil de vie ou de bon sens, pour avoir le pouvoir de nous maintenir la tête hors de l'eau et nous permettre de nous recréer." Et Régine Detambel de célébrer la métaphore ainsi que l’aspect plurisensoriel du livre.
L'intuition doit présider au choix des livres, pas de systématisme dans les prescriptions ,car un même livre pourra se révéler remède ou poison selon son lecteur.
Telles sont donc les grandes lignes de cette thérapie que l'auteure, kinésithérapeute de formation , enseigne sous sa forme créative à Montpellier. Un avant-goût qui donne envie d'approfondir cette piste.
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : régine detambel
28/03/2015
Il faut beaucoup aimer les hommes...en poche
"Les étranges et merveilleuses traces sur ma peau sont le signe que je n'ai pas rêvé-non le signe c'est l'entaille, l'attente, la route ouverte."
Solange, actrice française installée à Los Angeles, rencontre un acteur dans une soirée. Cet homme, en dépit d'une description extrêmement fouillée, nous ne l'apprenons pas immédiatement, est noir. Et alors ? , comme se demande la quatrième de couverture. Et alors, cela ne va pas de soi et Solange va en faire l'expérience.
Marie Darrieusecq place son roman sous l'égide de Marguerite Duras (par son titre, extrait d'une citation de l'auteure de L'amant) et effectivement on va retrouver ici certains des thèmes chers à Duras : les relations amoureuses interraciales, l'attente mais aussi la description de la Nature opiniâtre (la mer dans Un barrage contre le Pacifique, la forêt africaine ici). Mais Marie Darrieusecq, si elle analyse finement tout ce qu'implique cette relation entre une femme blanche et un homme noir, met aussi en scène un créateur habité par une vision : il veut à toutes forces adapter au cinéma le roman de Conrad, Au cœur des ténèbres et le réaliser en Afrique, bien évidemment. S'en suit une description hallucinée du tournage où Solange devra lutter pour trouver sa place.
L'écriture de Marie Darrieusecq est à la fois puissante et lumineuse. Elle sait aussi bien s'attacher aux détails , de superbes pages sur l'attente, que décrire la puissance inexorable de la nature africaine. Un roman souvent cruel mais où l'héroïne parvient toujours à conserver sa dignité.
Un roman enthousiasmant, tout hérissé de marque-pages ! Un énorme coup de cœur et un énorme merci à Clara !
Ps: Solange, adolescente ,était déjà l'héroïne de Clèves, un roman non chroniqué, au charme trouble qui m'avait moins convaincue.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : marie darrieusecq
27/03/2015
Les anges aquatiques
"Je n'ai jamais acheté de cochon, car aucun cochon au monde ne pourra jamais me tenir par la main ou rire aux éclats".
Pour les boxeurs, on parle parfois au mieux de baisse de forme ou carrément de combat de trop. Il en est de même pour ce nouvel opus mettant en scène Malin Fors.
L'intrigue est indigente, suant les bons sentiments concernant l'adoption d'enfants étrangers. L'auteur tire visiblement à la ligne pour rendre le nombre de feuillets demandés et le final est digne du grand guignol. à oublier très vite.
05:30 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : mons kallentoft, schtroumpf grognon le retour
26/03/2015
Mon challenge ...#1
...n'est pas un défi en fait, mais plutôt un compagnonnage.
Je lis, ponctue de marque-pages qui le font déjà ressembler au bout de trois mois à un Indien chamarré, Le journal des cinq saisons de Rick Bass, en en respectant la chronologie.
Mois après mois, l'auteur décrit les paysages,les animaux, ses filles, le passage des saisons dans le rude Montana. la vie au plus près de la Nature.
Émerveillements, réflexions sur les liens entre l'écriture et la nature, moments de pure joie mais aussi regrets devant la manière dont l'Homme exploite sans vergogne les forêts, détruisant un équilibre millénaire., ce journal de bord est une vraie mine !
Dans un premier temps, bonnes résolutions obligent, j'ai bien respecté la chronologie. Là, je viens juste de savourer févier et mars, mais c'est normal car comme l'observe Rick Bass :" Le "syndrome de février" est un phénomène beaucoup plus puissant que nos faibles tentatives pour l'accepter ou y résister. Au moins autant que n'importe quel autre, le plus court de tous les mois est une force de la nature et vous file une sacrée raclée."
Mais "En mars, on aurait du mal à dire si on assiste à la fin de l'hiver , au début du printemps, ou si on contemple un étrange pays de rêve entre les deux, où certaines choses s'agitent et se soulèvent, tandis que d'autres continuent de flotter dans le sommeil- déjà appelées mais pas encore tout à fait réveillées."
à suivre...
06:00 Publié dans Bric à Brac, Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : rick bass