09/01/2015
La nostalgie heureuse ...en poche
"Je suis une aspirine effervescente qui se dissout dans Tokyo."
Chaque rentrée littéraire nous apporte un nouvel opus de notre Belge préférée: Amélie Nothomb. S'en suit une avalanche de reportages, critiques, billets, interventions de la dame dans des émissions les plus improbables et la sensation pour le lecteur, même aficionado, de ne pouvoir échapper à la folie Amélie Nothomb.
J'ai donc laissé reposer un peu tout cela avant de dévorer d'une traite La nostalgie heureuse. Je n'aime jamais autant cette auteure que quand elle se raconte sans fard, avec une lucidité qui force l'admiration et un humour toujours présent. J'avais vu le reportage sur France 5, qui avait entrainé son retour au Japon, son pays de prédilection, et j'ai découvert ici ce qui se cachait derrière les images: la rencontre avec l'ancien fiancé, Rinri et le maelström de sentiments que ce voyage a occasionné. Une plongée dans l'intimité de ce personnage hors du commun qu'est Amélie Nothomb.
J'aime quand elle va au cinéma avec son bonzaï moribond, Swfit , et que la projection d'Hugo Cabret ressuscite la plante : "Martin Scorcese l'a libéré de son envoûtement de petitesse." ou quand les Carabosses tokyoïtes se moquent d'elles : "Les mémés se régalent de ma déconfiture. Elles calculent qu'à mon âge, j'en ai encore pour une trentaine d'années à être polie.Après, je pourrais péter les plombs comme elles."Voilà une auteure qui assume tous les aspects de sa riche personnalité ! Un coup de cœur !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : amelie nothomb
08/01/2015
Le chardonneret ...en poche
"Et le tableau au-dessus de sa tête était le centre immobile autour duquel tout s'articulait: rêves et signes, passé et futur, chance et destinée. Il n'y avait pas une seule signification , mais plusieurs. Il s'agissait d'une énigme en constante expansion."
Brutalement devenu orphelin, dans des circonstances pour le moins extraordinaires,le jeune Theo va voir sa destinée liée à celle d'un tableau, Le chardonneret.
Ne comptez pas sur moi pour vous donner davantage de détails sur ce roman (moins vous en saurez, plus vous apprécierez les surprises qu'il vous réserve ! !). Sachez juste qu'il mixe en un somptueux mélange des thèmes aussi divers que la destinée, l'attachement aux œuvres d'art, l'amour, la culpabilité, le syndrome post-traumatique et emporte son lecteur dans un incessant rythme de montagnes russes , alternant l'ombre des appartements cossus new-yorkais et la lumière crue de Vegas, entre autres.
Donna Tart ,dans ces 787 pages, fait souvent osciller son héros entre rêve et réalité et gomme les frontières entre les genres littéraires, empruntant autant au roman d'apprentissage qu'au roman policier, avec des personnages toujours surprenants. On s'attache à eux, malgré ou plutôt grâce à leurs défauts, et on n'oubliera pas de sitôt Hobie ou Mme Barbour.
Donna Tart est une conteuse hors pair et son style l'est tout autant.On ne s'ennuie pas une minute dans ce roman aux tonalités très tranchées.
Notons au passage la couverture (très astucieuse) et la 4 ème de couv' (qui en dit juste ce qu'il faut pour donner envie !). Et zou, sur l'étagère des indispensables ! L'année commence bien !
Félicitations à la traductrice, Edith Sonnckindt, qui a su se glisser dans une telle variété d'univers !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6)
05/01/2015
C'est dimanche et je n'y suis pour rien
"Le mort est le compagnon idéal, jamais jaloux, hargneux, mal luné, le mort ne vous décevra jamais. Il vous laissera lui tailler son costume de héros."
Léonore, la quarantaine venue, entreprend un voyage au Portugal , pays de son amour de jeunesse, tragiquement disparu.
Elle n'a rien construit, a abandonné ses rêves de peinture et semble caparaçonnée dans la culpabilité d'un passé douloureux.
Ce voyage, suivi au jour le jour, lui permettra-t-il de prendre son envol et de faire la paix avec elle -même ?
Dans un style à la fois enjoué et sensible, Carole Fives entrelace passé et présent, faisant revivre avec acuité les sentiments exacerbés de la jeunesse. Nous suivons pas à pas son héroïne, comprenons ses réticences, ses peurs et découvrons aussi tout un pan trop mal connu de notre histoire: celle des Portugais venus s'installer en France.
Un roman qui fait battre le cœur mais ne sombre jamais dans le pathos. Une réussite qui confirme tout le bien que j'avais déjà écrit sur les différentes œuvres de Carole Fives !
C'est dimanche et je n'y suis pour rien, Carole Fives, l'arbalète , Gallimard 2015.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : carole fives
03/01/2015
Je suis un dragon
"Elle désirait les super pouvoirs qu'il y a à être simplement humain. Ces forces qui viennent de la créativité , et non de la facilité. Elle désirait être à égalité avec les autres. Pas leur sauveur. Pas leur héros. Mais leur sœur. Et c'était une ambition difficile."
Margot, orpheline discrète par précaution et timide de caractère, découvre accidentellement sa vraie nature à l'adolescence: elle est un dragon. Invincible, pouvant voler, ses pouvoirs attirent immédiatement l'attention de deux grandes puissances, la France et les États-Unis.
Devenue une arme de destruction au service de ces États et une icône pour les populations, Margot n'en demeure pas moins une femme en devenir, avec ses faiblesses et ses interrogations.
Roman sur la différence, Je suis un dragon est un roman à la fois violent et tendre dont l'héroïne est un mélange de Fifi Brindacier et de Fantômette . Mais à ces féministes en herbe, Martin Page a injecté une bonne dose de modernité et d'efficacité. Nous ne sommes en effet pas dans un monde édulcoré mais dans un univers d'une extrême brutalité (certaines scènes sont à la limite du soutenable) . La notion de pardon semble en outre totalement étrangère à Margot, dont la radicalité est liée à l’intransigeance de l'adolescence.
Roman palpitant, Je suis un dragon ne ménage pas son lecteur mais sait aussi faire la part belle à de très jolis moments d'émotion, ce qui ne gâche rien. Réflexion sur l’anormalité, la monstruosité qui loge en chacun de nous, ce texte use des codes de l’univers des super héros pour mieux les dynamiter et affirmer sa foi en l'humanité (cf citation supra). Un texte hautement addictif, vous voilà prévenus !
Je suis un dragon, Martin page 5pit Agarmen), Robert Laffont 2015 , 278 pages constellées de marque-pages !
Merci à l'auteur pour l'envoi et la dédicace !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : martin page, pit agarmen
02/01/2015
La guerre d'hiver
"Katriina considérait le mariage comme une forme de tyrannie réciproque, comme vivre dans un État totalitaire hautement fonctionnel . Les possibilités de choix étaient peu nombreuses , mais tant qu'on restait dans son coin sans remettre le système en question, ça marchait."
La guerre d'hiver,historiquement, a opposé la Finlande à L’URSS de novembre 1939 à mars 1940. Ici, il s'agit de la "série d'erreurs" annoncée par la première phrase du roman qui aboutira , on le sait d'emblée, au divorce de Katriina et de Max, couple en apparence idéal. Lui est un sociologue qui a eu son heure de gloire dans les années 90. Elle est DRH dans un hôpital. leurs deux filles ont quitté le nid familial et vivent leurs vies , de manière bien différentes.
Alternant les points de vue, Philip Teir , par son observation subtile et acérée des relations humaines, brosse un portrait tout en nuances de ses personnages, tout en les reliant à la réalité sociale non seulement de la Finlande , mais mondiale , s'intéressant aussi au mouvement des indignés de Londres.
Une manière originale et prenante de relater ce qui aurait pu être d'une banalité confondante : l'échec annoncé d'un couple aux alentours de la soixantaine. Un bon roman,dévoré d'une traite.
La guerre d'hiver, Philip Teir, traduit du suédois (Finlande) par Rémi Cassaigne, Albin Michel 2015.376 pages subtiles et prenantes.
06:03 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : philip teir
01/01/2015
Au Japon, ceux qui s'aiment ne disent pas je t'aime
Pour bien commencer l'année...
"Première fois
Au Japon, les choses que l'on fait pour la première fois de l'année, en janvier ont un nom. le premier rêve, la première visite au temple. la première flèche, le premier chant de nô, la première gorgée de saké après avoir suçoté une algue salée konbu, le premier signe que l'on calligraphie."
Sous le nom d'Elena Janvier se cachent trois jeunes Françaises ayant vécu au Japon. Sous forme d'abécédaire, elles ont collecté , avec délicatesse et humour, les idiosyncrasies japonaises et les ont confronté à nos habitudes françaises.
C'est à la fois léger, (le dentifrice au melon) incongru (les stations services avec pistolets tombant du ciel) et très révélateur d'un mode de vie si différent du notre. Dévoré d'une traite car écrit de manière élégante et fluide.
De quoi satisfaire ma curiosité et confirmer ce que j'avais deviné intuitivement dans le si joli film Tel père, tel fils * (qui vient de sortir en DVD), en particulier concernant le bain que l'on "prend pour passer un moment privilégié avec les enfantas (parents et grands-parents se baignent avec les plus petits).
* qui se dit en japonais: les petits des grenouilles sont des grenouilles.
Le point de départ du film de Hirokazu Koreeda est le même que pour La vie est un long fleuve tranquille: deux bébés ont été échangés à la naissance. Les deux petits garçons ont six ans quand la situation est découverte. Tous deux sont extrêmement différents, tant par le caractère que par l'origine sociale et surtout par la relation qu'ils entretiennent avec leur père.
Le père architecte, ambitieux et fou de travail, ne se reconnaît évidemment pas dans l’enfant sensible et timide qu'il croit être son fils biologique. Il ne croit qu'à "la loi du sang "mais le rapprochement avec l'autre famille, moins policée, mais plus aimante, va le faire cheminer petit à petit vers un comportement plus affectueux. Un film tout en délicatesse à ne pas manquer !
Au passage, nous apprenons quelques informations assez effarantes sur l'école privée japonaise où, dès l'entrée au primaire, les élèves sont soumis à une évaluation et doivent donc suivre des cours du soir !
06:03 Publié dans Je l'ai lu !, je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : elena janvier
31/12/2014
Bilan de décembre
Pas mal de série suivies et terminées en décembre, certaines avec passion, d'autres,beaucoup plus mollement.
Dans cette dernière catégorie, Scandal,où l'héroïne , de plus en plus grimacière, (gaffe aux rides) répète à l'envi certaines formules sensées évoquer des moments paradisiaques de carte postale à deux balles. Lassant.Le cliffhanger (clic) du dernier épisode nous a laissés de marbre.
Beaucoup plus de plaisir avec la saison 5 de la série française Engrenages, où l'héroïne devient de plus en plus attachante, comme tous les personnages secondaires, d'ailleurs, qui ont une vraie densité et ne servent pas de faire-valoir. Une intrigue tortueuse à souhait, des rebondissements, des liens police-justice éclairants et quatre ou cinq affaires en suspens pour mieux nous donner envie de repiquer au truc ! Yess ! Et c'est français !
Plus familial mais ayant pris un sacré coup de jeune ,Fais pas ci, fais pas ça où les personnages se lâchent de plus en plus, laissent apparaître leurs failles et où on s'ancre davantage dans la réalité contemporaine (le mariage pour tous, des allusions transparentes au président...). Mention particulière à Valérie Bonneton (Fabienne Lepic) qui m'a définitivement ôté l'envie de me mettre au sport,
ainsi qu'à Corinne Masiero, incarnant sa sœur dans la série qui, en quelques minutes d'apparition, fait exploser les codes du bon goût !
Hautement réjouissant ! On en aurait bien pris quelques épisodes de plus !
Et enfin, la dernière saison en date de Homeland où la tension était telle dans certains épisodes, qu'on pouvait entendre les poutres craquer ! La fin est plus en demi-teinte mais bon ...
Des séries où les femmes ne sont pas des potiches !
J'en profite pour vous souhaiter une bonne année 2015 ! Que tous vos vœux se réalisent !
00:00 Publié dans Bric à Brac, je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (23)
24/12/2014
Joyeux Noël ...
...et à bientôt !
10:48 | Lien permanent | Commentaires (11)
21/12/2014
Un monde flamboyant
"Ce qui m'intéressait, c'étaient les perceptions et leur mutabilité, le fait que nous voyons surtout ce que nous nous attendons à voir."
Harriet Burden a toujours détonné, que ce soit par son physique, son intelligence , son intérêt pour la science, la philosophie, débordant ainsi de la pratique artistique -méconnue- qui était la sienne.
Cantonnée à son rôle d'épouse d'un célèbre galeriste et de mère de famille, "Harry", son surnom ô combien révélateur, devra passer par l'épreuve de la dépression à la mort de son époux avant de se lancer dans une entreprise devant aboutir (entre autres) à la révélation du sexisme du monde de l'art.
Mue par une saine colère et une grande énergie , Harry passe ainsi un pacte faustien avec des artistes masculins qui lui serviront de "masques". Mais l'entreprise ne sera pas sans risques.
Roman choral, empruntant la forme d'une enquête universitaire menée a posteriori après la mort Harry, variant les points de vue ,Un monde flamboyant est un texte enthousiasmant à plus d'un titre :
résolument féministe (et ce n'est pas un gros mot), riche , sans jamais être indigeste, intelligent et bien mené, avec des personnages attachants et une fin extrêmement émouvante ,le tout,bien sûr, avec le style élégant de l'auteure. Un énorme coup de cœur ! Et ou, sur l'étagère des indispensables !
le billet enthousiaste de Papillon !
13:15 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : siri hustvedt
19/12/2014
La loi sauvage
"Sa mémoire était ailleurs et vous n'avez pas voulu forcer son paysage"
"Votre fille, c'est une catastrophe". Tell est l'apostrophe lancée par une institutrice chevronnée à la narratrice, mère de Camille, neuf ans.
Cette phrase assassine va d'insinuer dans le corps de la mère, prendre une dimension disproportionnée jusqu'à ce que sr révèle une scène fondatrice, d'une violence inouïe, de sa propre enfance.
Rédigeant des modes d'emploi où elle transforme "l’information brute en invitation à s'approprier l'objet de manière humaine", la narratrice doit pour son travail se montrer "claire, concentrée, efficace", c'est à dire exactement l'inverse de ce qu'elle est dans la vie quotidienne. Elle est ainsi totalement incapable de se servir d'un four, dont elle a pourtant rédigé la notice. Elle en fait une affaire d'honneur, histoire de se prouver à elle-même et à d'autres, éventuellement, qu'elle est devenue une adulte, se jugeant telle si elle parvient à cuisiner.
Dans une narration parfois hallucinée, alternant des chapitres systématiquement intitulés , "La maitresse", "Mode d'emploi" ,jusquà ce que "Sauvagerie" se révèle enfin, La loi sauvage est un roman qui ressasse (parfois un peu trop) , fore le passé, se venge par le pouvoir des mots, féroce et drôle, qui ose beaucoup , jusqu’à créer parfois, le malaise.
Quelques baisses de rythme qui affaiblissent un peu l'ensemble mais j'ai retrouvé, avec plaisir, la belle énergie, la langue drue, de Nathalie Kuperman et c'est déjà beaucoup.
06:00 Publié dans Rentrée 2014 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : nathalie kuperman