23/08/2008
Jeanne d'Arc n'était pas bergère !
"Ils devinrent amants, et leurs amours furent des plus romantiques. Ils allaient se promener dans les cimetières, rêvaient de se suicider ensemble et mangeaient des fraises à la crème dans un crâne" .Le chapitre consacré aux amours de George Sand est un de ceux que j'ai le plus apprécié dans Les sourires de l'histoire de Guy Breton.
Avec une désinvolture de bon aloi et un style enlevé, l'auteur brosse ainsi le portrait de quelques périodes ou personnages historiques,en profitant au passage pour corriger certaines erreurs véhiculées par les manuels scolaires.
C'est un peu fourre-tout mais diablement facile à lire, le sourire aux coins des lèvres.
Merci à Cuné pour cet envoi !
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22/08/2008
Huis-Clos
Drame en trois actes. D'abord la mort du père, cataclysme pour la narratrice car "Je n'existais que par tes yeux. Seule, je n'étais personne,je n'étais pas au monde."
Le père, un monstre de psychorigidité. Un monstre tout court qu'une fois mort la fille peut "retravaill[er] à [son] désir."
Ensuite la mère ,auprès de qui la narratrice vient chercher une parcelle d'attention mais "Dès avant ma naissance, sa vocation de mère s'est bloquée sur le seuil." Simple constat qui n'est pas remis en cause.
Pas de tentative d'explication non plus pour l'attitude de l'amoureux , qui , prenant le relais du père la "démolit sans témoin(...) Tout le samedi, tout le dimanche, je coopère à ma mise à mort, j'appartiens aux banderilles, au poignard, à l'estoc, je suis au centre de l'arène et il n'y a pas de spectateurs."
L'important est de préserver les apparences d'où le titre: Ma robe n'est pas froissée.
On sort du roman de Corinne Hoex le souffle court.Sans pathos, en une centaine de pages denses et âpres, l'auteure nous laisse estomaqué par cette entreprise de démolition systématique d'un être humain.Juste le temps de souffler un peu sur une de ces longues plages de Belgique. Un livre puissant et dérangeant.
Merci à Mous pour cette découverte.
06:21 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (22)
21/08/2008
Animaux ou plantes ?
"Les naturalistes ont décidé de ne pas trancher et de loger les champignons dans un règne à part, celui des Fungi. Alors , s'il vous plaît,dites-nous, qui êtes-vous donc,habitants de ce règne intermédiaire ? "Pas besoin de bottes ni de panier pour suivre Christophe Till Geissler dans sa balade au coeur du monde des champignons, quoi que , très rapidement, l'envie nous démange de lui emboîter le pas dans cette promenade gourmande, remplie de parfums (celui "robuste et jubilatoire d'une bruschetta de truffes noires de Norcia"), de couleurs , "de la tendre couleur saumon qui apparaît sur le pied de Russula Vesca lorsqu'on le frotte d'un cristal bleu-vert de sulfate de fer,", de nouvelles, de pastiches et de recettes, formant un savoureux mélange d'érudition et d'amour des Fungi en tous genres.L'auteur convoque la mémoire de Borges mais on entend parfois aussi des échos de Colette, vite assourdis par un esprit un poil trop guindé(mais il sait néanmoins se mettre à quatre pattes pour jouer les chiens truffiers!)
L'objectif de Lamelles est de disséminer "les spores de la curiosité" car "pour tout vous dire, je crois bien que ce texte, nourri de ce terreau, n'est lui-même rien d'autre qu'un champignon dont vous feuilletez ce moment même les lamelles."Objectif atteint.
La structure de livre épouse en effet celle des champignons (à vous de découvrir comment) et s'avère une véritable découverte passionnante, tant du point de vue littéraire que mycologique.
Seul bémol, les premiers mots de chaque chapitre dont la taille fait qu'ils nous arrivent dans les yeux comme un magistral coup de poing !
Même si, comme moi, vous n'y connaissez pas grand chose en tricholome fardé, en hydrophore des poètes ou en russule amène, laissez -vous gagner par le démon de la curiosité et découvrez-vite cet objet littéraire sans précédent !
A paraître le 25 août. Le serpent à plumes.
06:32 Publié dans Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (12)
20/08/2008
"Il fait dimanche"
"Qui a autorisé des inconnus qui ne t'ont jamais connu debout, ni parlant, ni touchant, à s'approprier ta vie et tes secrets, à malaxer la mienne au passage dans le sens qui les arrange, pour en faire leur oeuvre?"
Comment lire (et parler) du roman de Florence Ben Sadoun , La fausse veuve, sans se sentir à son tour voyeur? Trop d'indices émaillent le texte pour que dans la figure de l'amant ,victime médiatisée du "locked-in syndrome", on ne puisse mettre un nom sur celui qui ne sera jamais nommé, tour à tour,tutoyé et voussoyé? Alors auto-fiction qui ne dit pas son nom ?
Je n'ai pas lu "le scaphandre et le papillon" pas plus que je n'ai vu le film qui en a été tiré et auquel fait référence la citation citée en exergue. Trop méfiante vis à vis de ce genre d'oeuvres, trop souvent enclines à faire dans le sensationnalisme ou l'émotion à outrance et c'est un peu par erreur que j'ai accepté l'offre de Violaine de "Chez les filles" : je croyais qu'il s'agissait d'une fiction où la narratrice s'adressait à un homme dans le coma. Un peu sur le modèle de celui-ci (vous noterez au passage la parenté entre les couvertures). Entrer comme ça dans l'intimité de personnes réelles même si l'histoire est passée par le filtre de la narration m'a donc plutôt gênée.
Comme m'a gêné la transformation du nom de la ville où a séjourné dans un hôpital spécialisé l'amant de la narratrice. Je sais bien qu'elle n'y a aucun bon souvenir mais de là à le travestir en "Vomi",je crois que chaque fois que j'irai sur la plage de Berck, je ne pourrai qu'y penser.
Ces restrictions faites, on ne peut que souligner la qualité de l'émotion qui se dégage de ces lignes, tout en nuances, violence et amour mêlés, violence faite à la femme qui n'est "que" la maîtresse puisque l'aimé venait de quitter sa compagne et ses enfants. La narratrice n'est donc qu'une "fausse veuve" qui ,dix ans plus tard ,nous livre sa version des faits.Un livre à l'écriture souple et rêche à la fois.Un livre à fleur de peau.
Parution le 25 août.
Merci à Violaine de"Chez les filles " et aux Editions Denoël pour l'envoi.
L'avis d'Aelys
de Frisette
de Lily
aelys lilly frisette
06:30 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10)
19/08/2008
Testud de mule
Cette histoire, même si l'avant-propos affirme qu'elle est "librement inspirée de la vie d'une petite fille. je ne sais pas qui ça peut être. Pas du tout.", on se doute bien que cette petite Sybille a été un jour, iln'y a pas si longtemps que cela, Sylvie.
Sybille et ses deux soeurs vivent seules avec leur mère dans une sorte de phalanstère féminin replié face à un "Il " menaçant. Ou du moins leur fait-on croire que ce "Il" représente un danger. Ce "Il" c'est bien sûr leur père dont Sylvie, euh Sybille, fera la connaissance quand elle sera devenue adulte.
Le récit de cette enfance est plein de fraîcheur et l'on en redemanderait volontiers sauf que le rythme s'accélère soudain jusqu'à la rencontre cruciale...
A chaque fois, je me fais avoir. J'aime beaucoup
l'actrice (époustouflante dans Sagan).J'aime beaucoup les couvertures
de ses livres (celle de Gamines est particulièrement réussie), mais à chaque fois, je reste sur ma faim. En fait, ce que j'aime chez Sylvie Testud c'est sa capacité à ne pas endiguer le maelström de sentiments qui la submerge parfois.
Gamines est frais et charmant et parfaitement oubliable.
06:02 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15)
18/08/2008
Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil
A la suite de Georges Flipo , glissons-nous dans le monde de la grande entreprise (qu'elle soit de pub, d'assurance ou de ce que vous voudrez), jusqu'à L 'étage de Dieu,dans une pièce obstinément close, un peu à la manière de celle de Barbe-Bleue, où un patron olympien régénère sa puissance...
Patrons à l'égo démesuré, carrières fulgurantes qui peuvent très vite s'effondrer, sur un claquement de doigts, une chiquenaude, ad nutum, comme se plaît à le répéter un Président manipulateur à la petite semaine, qui répète à l'envi depuis 10 ans cette formule latine signifiant "d'un mouvement de tête ! Le Conseil d'Administration peut révoquer le Président d'un simple mouvement de tête. En clair: à son gré, sans motif, sans justification."
Patrons pour qui le merci est compris dans le salaire versé à leurs employés, qui pressurent les stagiaires sauf si ceux-ci sont les rejetons de gros clients de l'Entreprise.
Quant aux employés, ils ne valent pas mieux: le cerveau formaté par de grandes écoles , ils mènent la vie dure à ceux qui ne sont pas sortis du sérail et n'utilisent pas le bon code vestimentaire ou le bon jargon. Ils ont l'échine souple et adoptent sans hésiter les goûts culturels susceptibles de plaire à leur chef. Certains tentent de se venger, vengeances mesquines ou spectaculaires, habiles ou pataudes. Je remarque au passage que les personnages féminins tirent leur épingle du jeu avec plus de panache que leurs homologues masculins...
Vous l'aurez compris ces "Douze nouvelles à la gloire de la libre entreprise" sont aussi grinçantes et cyniques qu'une comédie de Jean Yanne des années 70. De coups de griffes" il n'y avait jamais eu de jolies filles au département comptable, la directrice administrative y veillait et montrait d'ailleurs le bon exemple." en réflexions lucides sur les relations humaines "J'ai alors compris que j'étais l'autre des autres: ils ne m'avaient rien expliqué du tout.
Bouteiller percevait très bien la situation. Ensemble, nous avons passé un long moment , peut être trois ou quatre secondes, à méditer sur la méchanceté de l'homme et sur la férocité du jeune diplômé [...]Non ce n'était pas pour moi qu'il le disait, c'était pour lui. Avoir embauché un chef de produit qui ne soit pas amateur de peinture, c'était une faute professionnelle". Le texte file, sans acrimonie ni aigreur, chacun reconnaît au passage un collègue où un chefaillon... Quelques bouffées de tendresse néanmoins dans ce recueil très équilibré où chaque texte m'a donné son content de plaisir. Un petit bonheur à s'offrir sans faute!
Prix littéraire 2006 "A la découverte d'un écrivain du Nord-Pas- de-Calais".
L'avis de Cuné
06:05 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (10)
17/08/2008
Estivaches #2
Val m'a gentiment envoyé une vache matheuse (mon antiportrait:)), une vache normande et un magnifique coupe-papier , me suggérant au passage d'autres utilisations pour cet instrument...Je ne vois vraiment pas lesquelles...Merci, Val !
06:23 Publié dans la galerie des vaches | Lien permanent | Commentaires (6)
16/08/2008
Estivaches #1
06:16 Publié dans la galerie des vaches | Lien permanent | Commentaires (7)
15/08/2008
Microcosmes
Plutôt que de décortiquer en détail chacune des nouvelles composant ces recueils, juste quelques citations et la tonalité générale pour vous donner envie...
"Je n'en étais pas encore à m 'étonner, conscient que j'étais de voyager sur les lignes nationales françaises, ce qui implique,de la part de l'usager, une certaine patience et le sens de l'abnégation. En France, tout arrive, même les trains. Mais il faut du temps, c'est l'arme secrète. Personnellement,je n'ai jamais été pressé. je suis armé."
J'ai retrouvé avec plaisir l'univers de Franz Bartelt, ces personnages du quotidien , que l'on pourrait croiser dans Le bar des Habitudes,son humour à la fois tendre et cruel et ces dérapages incontrôlés. Pourtant certains de ces "treize brefs récits" comme les appelle la 4 ème de couv' (de l'art de ne pas écrire le mot qui fait fuir le lecteur potentiel !) m'ont paradoxalement paru trop longs et étirés...
L'avis de Val, à qui je dois la découverte de cet auteur.
Celui de Bellesahi
Les croissants du dimanche qui donnent son titre au recueil d'Annie Saumont, il faut bien les chercher pour les trouver. Ils ne sont qu'un détail d'une nouvelle, un rituel auquel se raccroche de toutes ses forces une femme pour redonner un peu de stabilité au chaos qui a bouleversé sa vie. Un îlot de stabilité dans un monde qui s'écroule. C'est ainsi que procède l'auteure, au plus près de l'émotion, par détails, par ellipses et l'on se retrouve cueilli par une phrase comme celle-ci , prononcée par un enfant: "Après, des fois, elle regrette. Alors j'ai un câlin."
L'avis de Clarabel que je remercie pour le prêt.
Nicolas Ancion n'est pas français mais belge et francophone alors incluons-le dans ce billet !
Dans Nous sommes tous des playmobiles, ça dézingue à tout va ! On entre d'emblée dans un univers proche du film "C'est arrivé près de chez vous,"où on offre une nouvelle carrière au couteau électrique des années 70 (ou à une agrafeuse),où on torture un académicien français à coups de solécismes...On suit des cours d'assassinat, non reconnus par l'Etat car "J'étais en avance sur mon temps, l'Education nationale n'était pas encore prête à subsidier ma filière de formation." Le lecteur jubile et se laisse secouer comme sur les montagnes russes ! Quelques moments de tendresse aussi, pour éclairer un peu ces vies pleines de non-sens. Ancion aime les mots et se dégourdit la langue avec des néologismes savoureux : "La zone de dépression reprit le dessus dès qu'il fut entabouretté au coin du bar."Bref, une savoureuse découverte !
Le site de l'auteur.
06:05 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (18)
14/08/2008
La haine dans la peau
Revenue dans la ville de son enfance pour mener une enquête journalistique sur des disparitions d’enfants, Camille va devoir renouer avec un lourd passé qui s’inscrit encore sur sa peau…
Plus que l’intrigue elle-même, qui noue le thème des scarifications à un autre que l’on devine très rapidement, j’ai aimé dans ce roman l’atmosphère de violence feutrée que l’auteure arrive à créer. Les adolescentes de cette petite ville donnent le frisson tant leur comportement, apparemment parfaitement toléré par la communauté, est cynique. J’ai parfois pensé à un excellent roman de Joyce Carol Oates Nous étions les Mullvaney qui approfondit l’un des thèmes qui n’est ici qu’effleuré.
L’histoire d’amour est un peu convenue mais j’ai passé un bon moment délicieusement glauque !
Ps :La couv’, plus le résumé et vous avez déjà les trois quarts du roman. Il ne vous reste plus qu’à trouver le nom de l’assassin en lisant l’épilogue et l’affaire est dans le sac : vous avez économisé six euros cinquante !
Trêve de plaisanterie, Sur ma peau deGillian Flyn ne révolutionnera pas l’histoire de la littérature policière mais il méritait mieux qu’un traitement aussi désinvolte.
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