16/01/2019
#HorsDeSoi#NetGalleyFrance
"Les gens veulent entendre des histoires et ça a son prix : les histoires de familles tragiques , c'est hors de prix."
Une carte postale envoyée d' Istanbul, c'est la seule trace qu'a laissée Anton. Sa jumelle, Alissa que plus rien ne retient à Berlin, part alors à la recherche de ce frère avec qui elle a partagé une enfance dans le Moscou post-soviétique.
L'occasion aussi de revenir sur une histoire familiale marquée par l'exil et l'antisémitisme et d'entamer une recherche identitaire où Alissa s'identifiera, jusqu'à se confondre parfois, avec ce frère insaisissable.
Il se dégage de ce roman foisonnant une atmosphère parfois poisseuse, mais néanmoins addictive qui fait qu'on ne le lâche pas , même si on se perd parfois dans les méandres de ce récit.
Grasset 2019 .Traduit de l'allemand par Claire de Oliveira.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sasha marianna salzmann
15/01/2019
Délit de gosse
"Bien sûr que Jeanne avait raison. On finirait nécessairement par avoir le même regard ballant entre terre et ciel, la gosse et moi, ça tombait sous le sens."
Réalisatrice en devenir, Jeanne décide de profiter du mariage de son petit frère, Ernest, pour effectuer auprès de son ancien fiancé un braquage de gamètes. Pas question en effet pour elle d'envisager autre chose qu'un rapport sexuel afin de concevoir "la gosse" dont rêvent Jeanne et sa compagne.
Aidées de leur ami gay, Mano, les jeunes femmes mettent alors au point un scénario rocambolesque, extrêmement précis et visuel, qui se déroulera dans le manoir familial du clan de Jeanne, dans le Périgord. Mais gare à ceux qui oseraient se mettre en lumière et franchir la lisière de ce qui reste tolérable aux yeux d'une famille engluée dans ses traditions et ses préjugés.
Isabel Ascencio aurait pu choisir la voie documentaire pour traiter ce thème ,mais elle a préféré une manière à la fois plus poétique, par la langue et plus ancrée dans l'univers de la création artistique, dans lequel ses héroïnes vont parvenir par des chemins très différents.
Ce n'est pas un hasard, si en choisissant de raccourcir ses nom et prénom, la braqueuse de gamètes endosse l'identité de Jeanne Duval , maîtresse mulâtre de Baudelaire qui a été effacée ,ou plutôt juste recouverte de peinture sur un tableau où elle figurait derrière son amant , tant elle inspirait à la fois de fascination mais aussi de honte. Croyant choisir un nom d'artiste, la jeune réalisatrice optait en fait pour un nom "de paria" comme le souligne Marie, qui vient de soutenir une thèse sur cette femme dont elle partage la couleur de peau.
Un roman sensible et lucide sur une société qui peine à évoluer.
Le Rouergue 2019.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : isabel ascencio
14/01/2019
#Une éducation#NetGalleyFrance
"J'ai décidé d'expérimenter la normalité. Pendant dix-neuf ans, j'avais vécu selon la volonté de mon père. Maintenant, j'allais essayer autre chose."
Comment une jeune fille, n'ayant jamais fréquenté l'école, dont la naissance n'a été déclarée que cinq ans plus tard (avec deux dates différentes !), ayant reçu une éducation à la maison incomplète et biaisée au sein d'une famille de Mormons dirigée par un fanatique religieux a-t-elle pu échapper au destin tout tracé qui l’attendait, à savoir: mère de famille nombreuse ?
C'est ce que nous raconte dans son autobiographie Tara Westover. Elle relate avec franchise les différentes étapes qui l'ont amenée à exploiter son haut potentiel intellectuel, elle qui était née au sein d'une famille où l’État et ses différentes incarnations représentaient le mal absolu.
Elle ne nous cache rien de la honte qui l'habitait, ni du sentiment d'imposture, voire de traitrise, qu'elle ressentait dans les universités où elle a réussi à étudier, bravant à la fois les gouffres d'inculture et d'inadaptation sociale, en bonne fille de Mormon intégriste qu'elle était.
Elle prendra peu peu conscience des graves problèmes psychologiques de son père (les mots de "Schizophrène" et de "troubles bipolaires " seront évoqués ), les comprendra, mais ne pourra se résoudre à admettre que la majorité des membres de sa famille soit dans le déni en ce qui concerne le caractère manipulateur et extrêmement violent de son frère Shawn. Pour sauver sa peau, au sens strict du terme, elle devra se résoudre à une solution extrême.
On frémit en lisant ce texte où un père ferrailleur , pour des raisons de gain de temps, expose constamment ses enfants aux pires risques,au prétexte qu'il s'en remet à Dieu et à ses anges pour assurer leur sécurité. Pourtant, le portrait de qui pourrait être la caricature d'un tyran à la fois domestique et religieux est nuancé car l'auteure l'affirme : "je croyais à l'époque -et une partie de moi y croira toujours-, que je devais faire miennes les paroles de mon père."
Un texte fort et courageux où Tara Westover nous montre acquérir une éducation est une bataille de chaque instant contre les idées fausses et les préjugés. On ne s'étonnera pas que l'auteure ait choisi de se spécialiser dans la manière dont l'Histoire est relatée.
Jean-Claude Lattès 2019.
06:00 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : tara westover
13/01/2019
Si j'avais un perroquet je l'appellerais Jean-Guy...en poche
J'ai un pieu dans le cœur depuis deux ans et je n'ai trouvé qu'une pince à épiler."
Dans un roman de Françoise Sagan, la narratrice, dont on apprendra tardivement le nom et le profession, trouve un marque-page intriguant. En effet, y sont inscrits le nom d’un homme ‒ Jean-Philippe ‒ et son numéro de téléphone, suivis de l’invitation « Appelle quand tu veux ».
Appellera ou pas ? Traumatisée (et il y a de quoi !), la narratrice , à grands coups de mensonges et de valse-hésitation va se fourrer dans de drôles de situations, dans la pure tradition de la littérature de filles.
Le ton est drôle, enlevé et à l'exception d'une petite baisse de rythme et d'un épisode à la tonalité plus sombre, on passe un bon moment de détente avec ce premier roman prometteur car l'auteure a su se créer un univers haut en couleurs et attrayant.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : blandine chabot
12/01/2019
L'atelier des souvenirs ...en poche
"On découvrait des personnalités, on s'investissait émotionnellement, on s'attachait. ..Mais les liens tricotés étaient en sursis. Le temps faisait impitoyablement son œuvre."
Alice, thésarde parisienne sans emploi, quand elle hérite d’une maison familiale dans la Meuse, décide d'animer des ateliers des souvenirs dans deux maisons de retraite. L’occasion de découvrir le passé des pensionnaires, y compris leurs histoires d'amour. Et l'amour il en est beaucoup question car ces charmants retraités se mettent en tête de lui redonner le sourire en jouant les cupidons.
La première partie, même si elle est parfois prévisible, s'est avérée très agréable à lire, et le côté gentiment godiche d'Alice, apporte beaucoup de fraîcheur à l’histoire. Hélas, à trop vouloir multiplier les intrigues, le récit perd un peu son souffle et son lecteur en route. Bilan en demi-teintes donc.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : anne idoux-thivet
11/01/2019
Dans les angles morts...en poche
Frances était la seule femme de la famille de Catherine à avoir poursuivi une carrière et dont la vie n'avait pas été assujettie aux besoins et aux intérêts des autres."
Catherine, George Clare et leur adorable petite Franny ont emménagé , pour une bouchée de pain , dans une ancienne ferme laitière d'une bourgade peu à peu envahie par les New-yorkais en mal de week-end. Ce que George a omis de préciser à sa femme est que leur demeure a été le théâtre d'événements dramatiques.
Huit mois, plus tard, Catherine est retrouvée assassinée dans sa chambre. Le shériff soupçonne aussitôt le mari , mais ce dernier ne sera pas inquiété.
Commencé par le meurtre de Catherine, le roman remonte le temps et peu à peu se dévoile une réalité très différente de ce que voulait bien bien montrer les Clare. En parallèle se déroule aussi en quelques épisodes significatifs, la vie des précédents occupants, les Hale, dont les fils vivent encore à Chosen. Passé et présent s'entremêlent dans ce roman polyphonique qui fait aussi la part belle à la maison, personnifiée de manière très efficace, qui fait monter l’intensité dramatique
Petit à petit les convictions se forgent et l’intensité dramatique n'est plus de voir identifier le coupable mais de savoir comment procéder pour que justice soit enfin rendue.
Dans les angles morts est un roman parfaitement construit, tout en tension, qui donne chair à tous ses personnages, qu'ils soient universitaires ou simples habitants de cette bourgade campagnarde. Elizabeth Brundage nous gratifie de magnifiques portraits de femmes, femmes qui, dans ces années 70, sont tiraillées entre les modèles résignés que leur inculquent leurs mères et le vent de liberté qui se donne aussi à voir.
Le style est magnifique, les marque-pages qui le constellent en témoignent- créant l'émotion, sans jamais tomber dans le pathos car l'auteure maîtrise l'art de l'ellipse sans pour autant perdre son lecteur. à dévorer et savourer ! Et zou sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : elizabeth brundage
10/01/2019
#Bonne élève#NetGalleyFrance
"Je sais très bien qu'il n'y a plus de place en moi pour la peur. Ni pour la faiblesse. Parce que c'est ma dernière chance de grandir et de me réaliser avant qu'il ne soit définitivement trop tard."
La narratrice n'a plus qu'un an pour se trouver un emploi en Angleterre et ainsi tirer parti du diplôme d’histoire de l'art qu'elle a brillamment obtenu dans ce pays il y a quelques années. Sans quoi, retour à la case départ dans son pays d'origine, l’Argentine.
Les pressions sur cette jeune fille brillante sont nombreuses: celle de l'argent de l'héritage paternel qui lui est bien évidemment compté, celle de sa mère restée au pays, celle de son père que, par-delà la mort elle continue entendre et surtout celle qu'elle se met elle-même, infligeant à son corps à la plus petite tentative de relâchement , de supposée faiblesse, de multiples et variées mutilations.
Cette tension irrigue tout le texte, faussant jusqu'à la vison des événements qu'a la narratrice concernant son propre comportement. Elle n'en reste pas moins lucide sur l’opposition existant entre les étudiants autochtones issus de milieux favorisés qui auront l'embarras du choix d'un travail favorisé par la réputation de l'université et par les relations familiales.
Un roman parfois suffoquant et d'une puissance extra-ordinaire.
Éditions Noir et blanc 2019
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : paula porroni
09/01/2019
#Foulques #NetGalleyFrance
"Femmes sorties de leur histoire par l'âge, troupeau de plus en plus nombreux de veuves, divorcées, célibataires, sans enfants, les enfants partis, qui peuple les voyages organisés, les conférences, les cours de gymnastique, les soirées culturelles. Nous en étions, et ce n'était pas gai.Femmes qui s'inscrivent, qui adhèrent, cohorte parmi laquelle Foulques recrutait encore de nouvelles amies sympathiques, tandis qu'il recourait à de jeunes escort pour les choses sérieuses, les choses vitales."
Quel drôle d'oiseau que ce Foulques ! Pauvre ou riche, il est toujours sans réel emploi, solitaire, mais s'entoure de gens tout aussi seuls que lui, dont la narratrice.
Cette dernière, enseignante à la vie plutôt terne, revient à la fois sur l'histoire de son affection fluctuante avec cet être opaque avec qui elle s'est brouillée, puis rabibochée dix ans plus tard et sur ses propres histoires d’amitié et d'amour.
Qu'il offre de luxueux cadeaux et /ou voyages à la troupe dont il s'entoure, Foulques n'en demeure pas moins solitaire et sans véritables sentiments. L'argent, loin de faciliter sa vie, lui offre trop de possibilités, trop de choix, même quand il s'agit d'envisager le lieu de son dernier repos.
La narratrice analyse ainsi , sans concessions , les relations perturbées par l'argent, la lâcheté, qui unissent les membres de cette troupe improbable dont le seul facteur commun est Foulques. Un roman à la fois drôle et acide.
Jean-Claude Lattès 2019.
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06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : véronique boulais
08/01/2019
Le Nord comme ils l'ont aimé
Articulée en cinq grandes parties, cette anthologie dégage une grande impression de luminosité, de chaleur humaine et d'amour, comme annoncé dans le titre.
Richement illustrée de tableaux (qui pour la plupart m'étaient inconnus), gravures et autres photographies,on y croise des auteurs éclectiques, certains connus (Michel Quint, Jean-Louis Fournier...), d'autres plus oubliés mais aussi certains romanciers ou romancières inattendus comme Edith Wharton par exemple.
La poésie et la chanson ne sont pour autant pas oubliées et c'est un panorama riche de (re) découvertes que nous propose ici Annie Degroote.
A noter que si cette anthologie se concentre sur le Nord et le Pas-de-Calais, la Belgique est aussi parfois évoquée tant est poreuse la frontière entre ces deux entités aux nombreux points communs.
Un pur régal !
Merci aux Éditions Omnibus et à Babelio .
06:00 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : annie degroote
07/01/2019
Le dimanche des mères...en poche
"...en ce jour unique entre tous, où c'était le monde à l'envers, se placer, lui seigneur des seigneurs qu'il était, dans le rôle du serviteur."
Angleterre, printemps 1924. C'est Le dimanche des mères (rien à voir avec ce qui sera instauré plus tard),le jour où les aristocrates donnent congé à leurs domestiques pour qu'elles puissent visiter leurs mères. Un jour où il fait exceptionnellement beau, de quoi donner à Jane, la femme de chambre orpheline,envie de lire au soleil un des romans d'aventure que lui prête son employeur, ou de parcourir la campagne à bicyclette. Elle rejoindra plutôt le fils des aristocrates voisins, dernier survivant d'une fratrie fauchée par la guerre 14.
Arrivés là, vous vous dites qu'on peut déjà dérouler à l'avance le fil de l'histoire et, comme moi, vous aurez tort. D'abord, parce que la relation qui s'établit ce jour-là entre les deux amants est très particulière, emplie de sensualité , de liberté, de renversement de situation comme annoncé dans la citation de ce billet. Ensuite parce qu'au milieu du roman, un événement surgit, qui va totalement changer la donne et sera même l'occasion à la fin du roman d'une nouvelle interprétation. Enfin, parce que Graham Swift titille notre curiosité en parsemant son texte d'indices qui donnent à penser que la destinée de Jane va prendre une toute autre direction.
De magnifiques images, celle d une femme nue s'appropriant une demeure où elle n'a pas sa place, la peinture d'un monde déliquescent, où les seuls véritables vivants sont les domestiques, une domestique intelligente et primesautière qui saura prendre son destin en main, font de ce roman un indispensable !
Le dimanche des mères, un roman de 144 pages lumineuses, commencé sur la seule foi du nom de l'auteur, traduit de l'anglais par Marie-Odile Fortier-Masek,
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : graham swift