09/01/2016
J'aimerais tant que tu sois là...en poche
"Devenir le propriétaire de l'exact opposé de cette ferme profondément enracinée."
Jake a troqué la ferme familiale du Devon contre un parc de caravanes sur l'île de Wight, qu'il administre de manière plutôt débonnaire. L'instigatrice de ce changement radical ? Ellie, à qui il était promis depuis l'enfance.
Pourtant, cette vie en apparence plus douce semble avoir viré à l'aigre : Jake se retrouve seul avec un fusil à attendre l'hypothétique retour de sa femme.
Le roman de Graham Swift possède le rythme placide des vaches et son personnage principal en a l'apparence rustique. Mais s'il mâche et remâche-comme les bovidés- les événements passés, c'est pour les analyser avec une finesse quasi chirurgicale. Les relations familiales, les non-dits, les jalousies tues mais vivaces, tout ceci constitue la matière de cette rumination qu'il faut prendre le temps de savourer.
Un roman qui analyse aussi l'évolution des campagnes anglaises et la disparition de tout un pan de sa population. très subtil et prenant.
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : graham swift
08/01/2016
les nuits de Reykjavik...en poche
"Nuit après nuit, ils sillonnaient la ville à bord d'une voiture de police et voyaient ce qui était caché aux autres: ils voyaient ceux que la nuit agitait et blessait et terrifiait."
Écrit a posteriori, Les nuits de Reykjavík relate les débuts d'Erlendur dans la police. Patrouilleur de nuit, il mène une existence routinière et fréquente, de loin en loin, une jeune femme.
Confronté à des situations de la violence ordinaire, il maîtrise déjà l'art de l'interrogatoire, fait preuve d'intuition et d'empathie envers les victimes . D'obstination aussi. Et ce sont ces qualités naissantes qui vont le lancer en solitaire sur une affaire classée: la mort, par noyade d'un clochard.
Les nuits de Reykjavík est un roman qui prend son temps, dans le meilleur sens de l'expression. Comme Erlendur, il creuse et avance lentement, mais sans faiblir. Pas de sensationnalisme mais le portrait, par petites touches,d 'une société et d'un homme en mutation. Un monde où les pizzas sont encore exotiques en Islande,où les clochards ne sont pas encore devenus des SDF.
Captivant.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : arnaldur indridason
07/01/2016
Buvard...en poche
"Je suis un objet de fascination pour tous les imbéciles qui n'ont pas compris que pour ce qui est de l'impitoyabilité, la vie ne laisse jamais à désirer."
Allez savoir pourquoi en lisant les résumés de ce roman , je m'imaginais, un jeune étudiant allant voir une vieille écrivaine, façon Marguerite Yourcenar à Bar Habour.
J’avais tout faux ! L’héroïne, Caroline N.Spacek, même si elle a vécu déjà plusieurs vies et connu la gloire très jeune ,n’a que 39 ans.
Qu’elle accepte de se confier à Lou et de retracer son parcours chaotique et mystérieux est déjà exceptionnel. Que ce magnifique récit d’emprise et de fascination soit un premier roman aussi réussi, tant par le style et l’atmosphère, que par l’intrigue, l’est tout autant.
Qu’il ait reçu le Prix Françoise Sagan est particulièrement approprié, tant la liberté et l’amour de la vie chers au cœur de l’auteure de Bonjour Tristesse semblent répondre à ceux de Caroline N.Spacek.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : julia kerninon
02/01/2016
Pétronille...en poche
"Pétronille, si jeune fût-elle faisait partie des auteurs de bonne compagnie."
De correspondante, puis de lectrice identifiée lors d'une séance de dédicace (décryptée avec verve par la narratrice double de Nothomb), Pétronille devient convigne (comprendre compagne de beuverie, au champagne, bien sûr !) de la narratrice, s'éclipse puis revient, à son tour auteure d'un roman.
Commence alors le récit d'une amitié placée sous le signe du champagne, boisson que nos deux héroïnes s'emploient à déguster dans les lieux les plus improbables. Amitié entre deux jeunes femmes aussi frappadingues l'une que l'autre ,mais sous des formes très différentes. L'une est brut de décoffrage, se met en danger,reste mystérieuse par bien des aspects et il n'est pas interdit de reconnaître, vu les nombreux indices, Stéphanie Hochet . L'autre, Nothomb donc, se montre plus policée, mais aussi admirative de sa "convigne" et de son talent d'écrivain.
Amélie Nothomb n'est jamais aussi drôle que quand elle se moque d'elle-même, "Dans les rues ,on me félicitait pour mon déguisement. Je portais simplement ma tenue de travail." (voir aussi l'entrevue hilarante avec Viviane Westwwood ! )aussi émouvante que quand elle s'inquiète pour les autres. Le roman file à toute allure, vers une fin en forme de pirouette un peu frustrante car on aurait bien accompagné ces deux demoiselles dans leur périple chaotique et savoureux. Un excellent moment de lecture et une ode au champagne !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : amélie nothomb
04/12/2015
Bienvenue ! 34 auteurs pour les réfugiés...en poche
"Rejetés, menacés, tués là-bas. Invisibles, exploités, diminués ici."(Abdellah Taïa)
Qu'ils aient connu ou non l'exil, qu'ils soient dessinateurs, romanciers, comédiens ou dramaturge, tous ont répondu présents quand "Les Éditions Points ont décidé de prendre leur part de responsabilité, à la mesure de la violence des mots entendus et des images vues."
Textes courts ou s'épanchant davantage, fictions ou témoignages, dessins poignants, acides ou avec une pointe d'optimisme , le point de vue est à chaque fois différent mais l'émotion est toujours palpable.
Parmi tous les textes, émergent particulièrement pour moi celui de Claude Ponti, plein d'une rage contenue, soulignant l'indécence et l'impuissance; celui de Gauz*qui décortique minutieusement le fonctionnement du traitement des passagers dans l'aéroport Charles de Gaulle, microcosme révélateur du fonctionnement d'une société vu sous l'angle de ses porteurs d'uniformes; ou bien encore celui, précis ,concis et efficace de Pascal Manoukian, rappelant que "les enfants repêchés il y a trente ans en Mer de Chine sont aujourd'hui restaurateurs, ingénieurs, médecins ou informaticiens."
C'est enfin, ce que Lydie Salvayre nomme le fragnol,"idiome qui empruntait luxueusement, au français et à l'espagnol"dont elle brosse ici un vibrant éloge, langue désinvolte et "vivante, vivante et qui [lui] sert constamment d'exemple."
Une belle occasion de retrouver des auteurs connus, d'en découvrir d'autres et de participer même modestement au travail du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, car tous les bénéfices lui seront reversés.
Points Seuil
* du même auteur, en poche aussi : clic.
05:55 Publié dans Je l'ai lu !, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : olivier adam, alice zeniter
03/12/2015
Mankell (par) Mankell ...en poche
"Dans les sphères du pouvoir, au Mozambique, ils commencent donc à s'apercevoir qu'il existe un type étrange qui vit depuis longtemps parmi eux et qui leur tient lieu d’ambassadeur culturel. Cela me réjouit et j'essaie de me servir au mieux de cette notoriété."
En 2010, devenu un "auteur global" (cette expression revient à plusieurs reprises dans le texte), Henning Mankell accepte de programmer dans son emploi du temps bien rempli des entretiens avec Kirsten Jacobsen. Elle n'a qu'à bien se tenir car une journaliste qui avait pourtant galéré pour obtenir un rendez-vous,ayant entamé son entretien en affirmant qu'elle ne savait pas par quoi commencer, avait provoqué aussi sec le départ de l'auteur des Wallander !
Abrupt, entier, Henning Mankell l'est certes mais il est aussi généreux et très clair dans ses rapports à l'argent. Mécène, impliqué dans la vie culturelle du Mozambique, aux grands dîners officiels, il préfère largement suivre une troupe de théâtre indienne qui intervient au beau milieu de la rue !
S'il se livre un peu sur son enfance et le départ de sa mère qui l'a laissé avec ses frère et sœur élevés par son seul père, il éclaire de manière très intéressante ses rapports avec son personnage star, Wallander, avec lequel il entretient une relation très particulière et dénuée d'affect.
Les entretiens sont contextualisés et,dans les marges, se glisse un peu du quotidien de Mankell et de ses relations avec les autres.
Un texte passionnant pour les fans de Mankell !
Traduit du danois et du suédois par Anna Gibson, Points Seuil.
06:00 Publié dans Document, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : mankell, kirsten jacobsen
27/11/2015
Victoria et les Staveney/Mon amie Victoria ...en poche
"-Et tu peux compter sur le père ?
- C'est un Blanc.
- Seigneur s'exclama Phyllis.
Sa consternation provenait moins du poids de l'histoire, évoquée par ces trois syllabes, que de la perspective d'ennuis beaucoup plus immédiats."
Le film,"Mon amie Victoria" librement inspiré du roman très court (150 pages) de Doris Lessing m'a donné envie de me replonger dans le texte de départ.
Victoria, petite fille noire de 9 ans, passe une nuit dans une riche maison blanche, un souvenir enchanté qu'elle n'oubliera pas. Des années plus tard, elle renouera avec le plus jeune fils de cette famille, dont elle aura un enfant, sans pour autant vouloir lui révéler immédiatement cette paternité.
Orpheline, Victoria a grandi sans véritables repères, le futur se dérobe sous ses pas et elle ne peut qu'être ballotée par les événements. La seule véritable décision qu'elle prendra concernera sa fille et aura des conséquences qu'elle n'avait sans doute pas prévues.
Il est rare qu'un roman (ou un film) ait comme personnage principal une jeune femme noire et l'envisage dans ses relations avec des Blancs libéraux, persuadés d'être ouverts d'esprit et non racistes.
Doris Lessing traque ici l'hypocrisie, les non dits (le garçon venu chercher Victoria à la sortie de l 'école ne la "voit" pas car il ne peut envisager qu'elle soit noire) et dépeint le fossé qui sépare les personnages dans leur intimité la plus banale (tout ce qui paraît normal aux Staveney, comme demander à un enfant ce qu'il veut manger, est hors-normes pour Victoria).
Court, efficace et pessimiste (lucide?).
le film transpose l'action chez des bobos parisiens (avec la trop rare Catherine Mouchet dans le rôle de la mère de famille) et c'est tout aussi pertinent.
Déniché à la médiathèque.
06:05 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : doris lessing
20/11/2015
Literary life...en poche
"Reste , Charlotte ! ...Tu ne peux pas me laisser tomber maintenant, je n'ai pas terminé mon roman-j'ai besoin de ton malheur !"
Parues chaque samedi dans The Guardian rewiew, Literary Life (mais pourquoi diable avoir gardé le titre en VO ?), ces chroniques ont comme sujet imposé la vie des lettres. Sujet que connaît bien Posy Simmonds puisqu’elle l'avait déjà abordée, sous des angles différents avec Gemma Bovery (bientôt au cinéma avec Gemma Arterton et Fabrice Luchini) et Tamara Drewe (porté à l'écran par Stephen Frears).
Petites librairies indépendantes, supermarchés du livre, rivalités entre auteurs, ateliers de creative writing, autant de figures imposées dont Posy Simmonds se tire avec brio. On appréciera aussi son art de la satire avec le duo Dr Derek/ Nurse Tozer, graphisme tout droit sorti des sixties, qui soigne avec abnégation les affres des créateurs (le syndrome du deuxième roman) ou débusquent sans pitié les cas de plagiat"Hoquetmingway" ou "toux rgueniev"!
Traquant les petitesses et les faiblesses des écrivains sans méchanceté, Posy Simmonds souligne aussi les a priori concernant les auteurs jeunesse ou montre la "torture" que peuvent être les interventions dans les classes ou les séances de dédicaces sans lecteurs... C'est dessiné avec tendresse et empathie, et ça se lit tout seul ! Une BD à savourer à petites gorgées pour mieux l'apprécier.
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : posy simmonds
19/11/2015
Désaccords mineurs...en poche
"Les attentes des autres, il y a de quoi vous donner mal à la tête."
Chrissie, mère de trois filles dont la benjamine a dix-huit ans, appartient à "...cette espèce de femmes exaspérantes qui, quand on les interviewait dans leur maison impeccable sur leur aptitude à ne pas devenir folle alors qu'elles géraient l'existence de quatre ou cinq personnes en plus de la leur et en plus d'un boulot, souriaient avec sérénité et répondaient qu'en réalité, il suffisait de faire des pense-bêtes." Ou plutôt appartenait car le décès de celui qui ne l'a jamais épousée, Richie, la laisse dans un désarroi total. D'autant plus que, les dispositions de l'héritage font revenir à la surface la première famille de son compagnon, famille qu'elle aurait préféré continuer à ignorer.
Alors que Chrissie et ses deux premières filles restent bloquées sur le drame qui a bouleversé émotionnellement et économiquement leurs vies, Amy , la plus jeune, faisant fi des accusations de déloyauté ,va de l'avant et établit même un lien avec son demi-frère.
Les univers brossés par Joanna Trollope, que ce soit le Londres coquet ou le Newcastle plus rustique, sont tous empreints de ce confort douillet qu'elle sait si bien décrire. On s'y réconforte à grands coups de mugs de thé, on y croise un chat lourd comme "un hippopotame à fourrure", on déjeune dans un restaurant compassé et on se régale de la finesse des notations psychologiques. Seul bémol, les choses s'arrangent un peu trop bien mais c'est la loi de ces bons gros romans réconfortants, n'est-ce pas ?
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : joanna trollope
17/11/2015
L'héritière
"-Vous êtes en train de me dire que personne n'aime les femmes au pouvoir ?
-Non, elles agacent.
-Alors une femme ne peut pas devenir Premier Ministre ?
-Bien sûr que si !
-Je ne comprends pas ...?
-Elle ne sera pas aimée, c'est tout."
Charlotte,jeune mère de famille,est sur le point d’accompagner son mari, humanitaire en Afrique quand le Premier ministre danois lui propose un poste qu'on peut difficilement refuser quand on en a des convictions: ministre de l'écologie. L'ancienne militante, sincère, intègre et sans langue de bois, saura-t-elle s'intégrer sans douleurs dans un monde cruel où les ministres doivent savoir ménager les susceptibilités tout en manœuvrant habilement pour faire avancer leur carrière ?
à cela s'ajouteront d'autres défis: réussir à préserver sa vie familiale et endurcir son cuir quant aux attaques d'une certaine presse.
Découvrir les coulisses du monde politique, en l'occurrence danois, mais de nombreuses situations (à l'exception des barrages d'agriculteurs considérés comme typiquement français...) sont internationales, est toujours plaisant. Charlotte est parfois un peu naïve mais pleine de ressources et sa fraîcheur-elle a un côté "Belle des champs"- détonne dans ce "monde de vieux babouins et de jeunes loups" qui taclent les femmes pour les dégager du terrain.
Moins sophistiqué que la série House of cards, mais tout aussi plaisant, L'héritière est un bon gros roman de 607 pages , premier volume d'une trilogie, dont je vais dès demain chercher le deuxième volume.
PS:Apparemment, cette trilogie aurait été adaptée à la télévision danoise bien avant la série Borgen qui s'en serait inspiré...
L'héritière, Hanne-Verke Holst, traduit du danois par Caroline Berg, pocket 2015.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : hanne-virbeke holst