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06/02/2016

Il ne fait jamais noir en ville...en poche

"On a tous quelques angles morts.
Etre fort, c'est savoir accepter ses faiblesses."

Dix nouvelles aux tonalités et aux styles très différents constituent le recueil Il ne fait jamais noir en ville.
Marie-Sabine Roger se glisse avec aisance dans la peau des ses héroïnes  qu'elle soit employée modèle que l'adoption d'un chat va menerla rébellion, celle d'une femme sur qui on peut toujours compter qui glisse entre deux phrases sa propre détresse avant d'aller panser clele d'un vieil oncle abandonné: "Il a vécu sa vie. J'occupe le terrain.Je meuble de mirages une immensité vide. je fais une oasis de trois pauvres pépins.
Si un arbre pousse, je l'arrache."

marie sabine roger


Plus prévisibles"la parenthèse" ,"Tout va bien" " Ce bon Monsieur Mesnard" et "Les mariés" qui sacrifient à la forme de la nouvelle à chute. mais Marie-Sophie Roger n'est jamais aussi à son aise que quand elle se penche sur ceux que Pierre Sansot appelait joliment "les gens de peu". Ainsi le conte de Noël  ,"Ce soir c'est fête" une oasis d'humanité dans une banlieue dévorée par l'urbanisme ou bien encore  la nouvelel qui donne son titre au recueil avec ces vielles dames de la campagne comme "Deux vieilles éléphantes foulant leur chagrin en silence, sous leurs larges plantes de pied."
Une écriture sensible et poétique mais  des textes sonnent parfois faux à trop vouloir surprendre leurs lecteurs.

Marie-Sabine Roger, babel 2016

 

05/02/2016

Son corps extrême...en poche

"Et tout le monde chante le silence des os dont on avait oublié le miracle."


De l'accident nous ne saurons rien ou presque. Et déjà cette manière d'entamer le récit en faisant fi de tout sensationnalisme , en abordant apparemment de biais ce qui n'est en fait "que" l'élément déclencheur m'a paru originale et de bon augure. régine detambel
La victime (peut être consentante) ? Alice, une femme aux abords de la cinquantaine qui va devoir se réapproprier un corps détruit. Une expérience de douleur et de reconstruction que nous suivrons au plus près, à l'intérieur même du corps souvent et l'écriture de Régine Detambel donne ici sa toute puissance , charriant les images,  associant les muscles et les mots de la poésie : "Et puis dire des poèmes , car dire un poème c'est marcher en chantant. Les poètes ont toujours quelque chose de rythmique à chuchoter, si bien que, même si on ne marche pas encore, on entend au moins des pas intérieurs qui se meuvent en silence."
Mais c'est  aussi au cœur de l'hôpital et de ses soignants que se vit cette expérience,  "L'hôpital [qui] démontre sa remarquable faculté à réveiller d'anciennes émotions  qui n'étaient oubliées qu'en surface." car c'est bien d'émotions qu'il s'agit, d'émotions et de douleurs vécues dans la fraternité, voire dans ce qui n'est pas de l'amour mais s'en approche de très près. Un texte formidable, à lire et relire pour mieux le laisser décanter et s'en imprègne.

Régine Detambel, Babel 2016.

 

04/02/2016

Et je danse, aussi...en poche

"Ceci dit, la littérature n'est que mensonge, enfin invention, ce qui est la même chose, l'invention étant un mensonge avoué par avance, non ? "

Un écrivain à succès mais qui n'écrit plus, une lectrice qui lui envoie une mystérieuse enveloppe qu'il subodore,par habitude, être un manuscrit, un échange, un peu vif au début, de mails . Mais petit à petit, "Une complicité s'est établie, comme lorsque tu rencontres une personne dont tu sais au bout de quelques minutes seulement qu'elle te convient."index.jpg
Cette même complicité  je l'ai ressentie d'emblée avec ce roman épistolaire, plein d'humour (la double relation en simultané d'une scène de séduction à un vieux couple partageant la même boîte mail m'a fait rire aux éclats !) , d'émotions et de rebondissements.
On sent que les auteurs se sont régalés à raconter cette histoire où le thème du mensonge et de la fiction s'entremêlent avec bonheur. Qui manipule qui ?
En tout cas, le lecteur prend un énorme plaisir de lecture à se laisser mener par le bout du nez par des personnages hauts en couleurs, dont les mails miment avec une grande véracité le flux versatile des thèmes abordés lors d'un échange au long cours par courriels interposés. Un livre plein de vie, de détails qui sonnent justes , où s'intercalent des poussins et un slip kangourou, ça ne se refuse pas  !

Anne-Laure Bondoux, Jean-Claude Mourlevat

03/02/2016

Un quinze août à Paris...en poche

"Mon univers intérieur avait enflé. Il avait débordé sur le monde extérieur, escamoté, et cependant je n’étais plus vraiment quelqu'un. ou seulement cette observatrice en arrière-plan, qui se contentait de juger avec intransigeance ce grand corps apathique."

En 2009,  en plein été, Céline Curiol se retrouve aux urgences d'un hôpital parisien car elle n'a plus assez de médicaments pour tenir bon face à la  grave dépression qui la lamine. Sa demande est traitée avec désinvolture par un corps médical débordé et/ou qui ne prend pas la mesure de la souffrance ressentie.
Cinq ans plus tard, guérie, Céline Curiol entreprend le récit de cette lente remontée vers le plaisir. Elle analyse avec précision, convoquant aussi bien les écrits scientifiques que romanesques, les mécanismes de réappropriation de son corps, de son rapport au temps,  de sa lutte contre l'angoisse, contre le manque de volonté qui la terrasse.céline curiol
Pas question ici d’auto-apitoiement , à peine mentionnera-telle, comme en passant les deux pertes déclenchant ce qui couvait sûrement à bas feu depuis longtemps, mais une description au plus près de ce qu'on ne décide pas de "faire " comme on le dit trop souvent mais qu'on subit de plein fouet. Un récit comme j'en ai rarement lu. Et zou, sur l'étagère des indispensables !

 Un quinze août à Paris Céline Curiol Babel 2016

 

 

 

29/01/2016

Dix-sept ans...en poche

On m'accuse de désinvolture.On a raison Les critiques les plus acerbes sont les plus justes."

Lisant un entretien accordé par Annie Ernaux à l'Humanité où elle rappelle qu"une immense solitude entoure les femmes qui avortent.", Colombe Schneck a le sentiment que la romancière s'adresse à elle et qu'il est temps de raconter l'avortement qu'elle a subi à la veille de passer le bac ,en 1984.
Liberté, insouciance, protection, caractérisent le monde privilégié où évolue Colombe Schneck, à mille lieues donc de celui de l'auteure de L'événement.Pourtant , Colombe Schneck ne partagera pas son chagrin, sa souffrance avant 2015. colombe schneck
Elle pose des mots très justes pour évoquer son rapport au corps, évoque l'histoire de la lutte des femmes ayant abouti à cette liberté, souligne qu'elle toujours remise en question dans le monde .
J'ai été frappée par le flou qui entoure les circonstances précises de son avortement, comme si la mémoire se refusait à enregistrer , pour mieux diluer la souffrance.
Sous une apparente légèreté, en 91 petites pages, Colombe Schneck livre un témoignage sensible et pertinent sur un acte qui ne sera jamais anodin.
Bien évidemment, j'ai envie de lire le roman d'Annie Ernaux, L'événement.

Dix-sept ans, Colombe Schneck, j'ai lu 2016.

28/01/2016

Quand nous serons heureux ...en poche

"Alors voilà, aujourd'hui, c'est toi qui entres dans ma vie, et je te préviens, pas de coup bas, je mise tout sur toi, t'as intérêt à assurer, t'entends ? "

C'est quand le bonheur ?, demandait il y a quelques années Cali. Les héros des nouvelles de Carole Fives  ont déjà compris qu'il était loin d' eux, le bonheur normatif vanté dans les magazines. Mais ils essaient tant bien que mal de le trouver, en déployant des stratégies balbutiantes  (tout annuler, même les annulations !, par exemple), vouées à l'échec ou à la souffrance.
Certains sont dans le déni, d'autres doivent affronter des discours dénués d'inhibition qu'ils subissent sans répondre directement, ce qui en accentue encore la cruauté mais aussi l'humour noir. Car de l'humour il y en a dans ces nouvelles, aussi bizarre que cela puisse paraître ! J'ai beaucoup souri en lisant ces textes qui pourraient être plombants mais dont j'ai aimé le côté désabusé/fataliste- mais- on -tient- le- coup- quand -même.carole fives
Certains personnages réapparaissent fugacement dans d'autres textes et un Vernissage permettra même de voir leur évolution au fil des paroles glanées, mettant ainsi une touche finale au monde créé par Carole Fives au fil de ses textes.
Quant aux dernières pages,sobrement intitulées Tes nouvelles, elles constituent une mise en abîme réjouissante où une amie "bien intentionnée" ne peut s'empêcher de critiquer le côté "si noir, si glauque" des "machins" que nous venons de lire, s'efforçant même de donner à l'auteure des conseils pour réussir comme "Lucia Espagnolita" ou Paulo Coehlo...Une manière particulièrement originale d'anticiper les reproches mais aussi de refuser les conseils (comme le personnage féminin de Tandis que vous ) et de se positionner loin des stratégies de certains auteurs...

23/01/2016

Cherche jeunes filles à croquer...en poche

"Je suis une scène d'absence, vous comprenez ? C'est avec ça que je dois travailler."

Pas de cadavres, mais des disparitions de jeunes filles anorexiques. Une série ? Peut être. Et d'ailleurs, soyons cyniques, il vaudrait mieux que cela soit le cas pour que le groupe du commandant Lanester ne soit dissous, faute de crédits !
Envoyé en renfort de la gendarmerie dans la vallée de Chamonix, l'équipe de criminologie va avoir fort à faire avec les parents des jeunes filles, et surtout avec le personnel d'une prestigieuse clinique spécialisée dans les troubles alimentaires. Sans oublier la remise en question de Lanester, dont les séances avec sa psychothérapeute ponctuent le récit. 416yAjZm2iL._AA160_.jpg
Que voilà un formidable roman ! Sans discours jargonnant ni vulgarisation simplificatrice, mais de manière intelligente et sensible,  il introduit le thème de l'anorexie dans un genre où on ne l'attendait pas: le polar psychologique. De plus, le héros, profileur français,  s'y défait de son aspect "base de données ambulante" et acquiert  ainsi une véritable épaisseur, ce qui le rend bien évidemment encore plus craquant ! Ses coéquipiers, fort différents, apportent chacun leurs compétences et Lanester s'efforce touours de les mettre en valeur, ce qui est,ma foi, fort agréable.
Pas de baisse de rythme dans le récit, mais du suspense et des rebondissements jusqu'à la toute fin où l'on prend conscience de la polysémie du titre (ne comptez pas sur moi pour vous l'expliquer maintenant !). Sans oublier la marque de fabrique de Françoise Guérin : la touche d'humour dont elle ne se départit jamais et qui permet au lecteur de se détendre un peu entre deux serrements de gorge !
Une totale réussite donc et un roman qu'on ne peut lâcher ! Vous voilà prévenus : éteignez les portables et les ordinateurs, glissez-vous bien au chaud et dégustez !

15/01/2016

Arrêtez-moi là !...en poche

La seule photo de Reda Kateb sur le bandeau de la réédition en poche peut-elle décider à acheter un livre ? Oui.

"Je suis un personnage dans une histoire à propos d'une illusion à laquelle chacun veut croire."

Chauffeur de taxi, le narrateur de ce roman va, suite à une série d'actes anodins qui se justifient tout à fait mais peuvent , dans une perspective biaisée, être interprétés autrement, se retrouver derrière les barreaux, accusé de l'enlèvement d'une enfant qu’il n'a jamais vue qu'en photo.
Dès lors, toute logique sera battue en brèche et l'impensable deviendra la normalité. Ainsi ,se retrouver dans le couloir de la mort deviendra un privilège et devenir ami avec un psychopathe sera source d'humour (noir, bien sûr !).iain levison
J'avais peur d'être agacée par la tension extrême de ce roman, mais Iain Levison s'y entend pour dénoncer l’absurdité d'un système judiciaire tout en ménageant quelques traits d'humour salvateurs.  Il n'en  reste pas moins que, quand un revirement s'amorce, ce n'est pas forcément pour les bonnes raisons. Et notre narrateur ne fait que tomber de Charybde en Scylla, aspirant en vain à ce que son existence retrouve un semblant de calme et de normalité !

à la fois hautement réjouissant et très inquiétant !

09/01/2016

J'aimerais tant que tu sois là...en poche

"Devenir le propriétaire de l'exact opposé de cette ferme profondément enracinée."

Jake a troqué la ferme familiale du Devon contre un parc de caravanes sur l'île de Wight, qu'il administre de manière plutôt débonnaire. L'instigatrice de ce changement radical ? Ellie, à qui il était promis depuis l'enfance.
Pourtant, cette vie en apparence plus douce semble avoir viré à l'aigre : Jake se retrouve seul avec un fusil à attendre l'hypothétique retour de sa femme.51rLbTTTqrL._AA160_.jpg
Le roman de Graham Swift possède le rythme placide des vaches et son personnage principal en a l'apparence rustique. Mais s'il mâche et remâche-comme les bovidés- les événements passés, c'est pour les analyser avec une finesse quasi chirurgicale. Les relations familiales, les non-dits, les jalousies tues mais vivaces, tout ceci constitue la matière de cette rumination qu'il faut prendre le temps de savourer.
Un roman qui analyse aussi l'évolution des campagnes anglaises et la disparition de tout un pan de sa population. très subtil et prenant.

08/01/2016

les nuits de Reykjavik...en poche

"Nuit après nuit, ils sillonnaient la ville à bord d'une voiture de police et voyaient ce qui était caché aux autres: ils voyaient ceux que la nuit agitait et blessait et terrifiait."

  Écrit a posteriori, Les nuits de Reykjavík relate les débuts d'Erlendur dans la police. Patrouilleur de nuit, il mène une existence routinière et fréquente, de loin en loin, une jeune femme.
Confronté à des situations de la violence ordinaire, il maîtrise déjà l'art de l'interrogatoire, fait preuve d'intuition et d'empathie envers les victimes . D'obstination aussi. Et ce sont ces qualités naissantes qui vont le lancer en solitaire sur une affaire classée: la mort, par noyade d'un clochard. 9782757857960.jpg
Les nuits de Reykjavík est un roman qui prend son temps, dans le meilleur sens de l'expression. Comme Erlendur, il creuse et avance lentement, mais sans faiblir. Pas de sensationnalisme mais le portrait, par petites touches,d 'une société et d'un homme en mutation. Un monde où les pizzas sont encore exotiques en Islande,où les clochards ne sont pas encore devenus des SDF.
Captivant.