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16/10/2017

16 nuances de première fois

J'ai hésité à lire ce recueil de nouvelles par crainte de me sentir voyeuse, mais la diversité des auteur-e-s et des points de vue a su me convaincre de passer outre.
Le texte d'ouverture de Clémentine Beauvais ,échange de textos à la fois crus, tendres et humoristiques entre deux amies dont l'une va connaître sa première relation sexuelle est une pure merveille de justesse.
Certaines nouvelles sont plus sombres, n'hésitant pas à dénoncer la manière dont certaines filles acceptent de se laisser humilier par le machisme ordinaire des garçons de leur âge : être qualifiée de « baisable » doit être considéré comme un compliment, ou les mythes qui ont toujours cours, comme celui du fait de ne pas pouvoir tomber enceinte lors du premier rapport sexuel. Une naïve jeune musulmane amoureuse en assumera seule les conséquences.index.jpg
Emmanuelle Urien, dans un texte puissant expose toutes les ambiguïtés d'une relation imposée à une jeune fille. Relation racontée par le biais d'un miroir, témoin impuissant qui clôture le récit par une conclusion cynique et malheureusement juste.
Axl Cendres ,quant à elle, dynamite avec humour le fantasme majeur de l'hétéro de base et Rachel Corenblit celui des stéréotypes des contes de fées.
Récits fantastiques, d'anticipation, ancrés dans le réel, chacun trouvera son bonheur dans ces textes forts, souvent émouvants où les relations homosexuelles masculines sont évoquées à deux reprises, mais jamais les féminines. Les lesbiennes resteraient-elles encore invisibles ?

Eyrolles 2017

Avec Gilles Abier, Sandrine Beau, Clémentine Beauvais, Benoît Broyart, Axl Cendres, Cécile Chartre, Rachel Corenblit, Antoine Dole, Chrysostome Gourio, Driss Lange, Taï-Marc Le Thanh, Hélène Rice, Arnaud Tiercelin et Emmanuelle Urien.

Préface du psychanalyste et sexologue Alain Héril.

09/10/2017

Cette lumière que je vois

"Il m'a pris dans ses bras, et s'il me restait de l'agitation à l'intérieur, elle s'est perdue dans la poitrine de mon oncle."

Comme l'indique très justement la quatrième de couverture , le mot "autisme" n'est jamais prononcé dans le roman de Sofie Laguna qui nous place pourtant au plus près des sensations de Jim, jeune garçon surprotégé par sa mère dans cette famille d'ouvriers australienne des années 80.sofie laguna
Surprotection nécessaire d'ailleurs car le père a du mal à supporter cet enfant au comportement agaçant, qui répète les mêmes phrases, se montre parfois hyper actif et ne trouve pas sa place dans le système scolaire. L'alcool et la violence sont les seuls moyens  que cet homme a trouvé comme exutoires à ses frustrations.
Si Sofie Laguna excelle à s'immiscer dans l'esprit de Jim, la multiplication d'épreuves infligées à son personnage principal et le happy end un peu trop convenu ont fait que je suis restée sur le seuil de ce roman pourtant très bien écrit.

Cette lumière que je vois, Sofie Laguna, traduit de l'angalis (australie) par France camus-Pichon, actes sud 2017

 

05/10/2017

ör

"Je réfléchis. Tout bien considéré, il n'est pas aussi urgent de mourir au pays de la mort."

Avec une vie sexuelle et sentimentale au point mort depuis plusieurs années, ayant le sentiment que ni sa mère , dont l'esprit bat la campagne, ni sa fille, jeune adulte, ni son ex-femme (toutes trois prénommées Gudrùn) n'ont besoin de lui et ne sont susceptibles de lui accorder un quelconque réconfort quant au vide de sa vie, il ne reste plus qu'à Jonas Ebeneser qu'à partir pour un pays qui se remet à peine d'une guerre fratricide.
Un aller sans retour, telle est sa résolution initiale. Mais on n'échappe pas à son destin et celui que sa mère a doté d'un prénom signifiant "serviable" et qui ne s'est pas séparé de sa boîte à outils ni de sa perceuse va trouver sur place de quoi suivre sa pente naturelle : tout réparer , si c'est demandé par une femme. Mais peut-on réparer un pays ravagé avec "ta petite perceuse et ton rouleau de scotch ?"or03-l-572155.jpg
Sans doute pas, mais comme le dit un personnage : "le coupable , c'est celui qui sait et ne fait rien."
Un roman lumineux, simple en apparence,qui m'a fait retrouver l'esprit de Rosa candida, avec son pays non identifié clairement qui synthétise en quelque sorte LE pays ravagé symbolisant tous les autres, son humanisme tranquille et son personnage masculin atypique. Un roman qui redonne foi en l'humanité. Aussitôt savouré, aussitôt recommencé !

Et zou, sur l'étagère des indispensables !

ör*, Audur Ava Olafsdottir traduit de l'islandais par Catherine Eyjólfsson , Zulma 2017, 236 pages à la frontière du conte.

(*  cicatrices,terme polysémique islandais très riche que l'auteure explique à la fin du roman)

04/10/2017

Juste quelqu'un de bien

"J'ai enchaîné les mecs sans réfléchir, j'ai gagné pas mal d'argent sans avoir l'impression de me fatiguer...Et puis soudain, la machine s'est grippée."

Bérénice, trente-quatre ans, a mis fin à une liaison sans saveur, mais ne tombe pas amoureuse pour autant. Elle  ne parvient plus à écrire une ligne de romance historique, ce qui est pourtant sa raison d'être , bref rien ne va plus.
Aidée par une mère et une grand-mère hautes en couleurs, ainsi que par une amie très chère, elle va enfin poser les questions nécessaire concernant son père et se décider à apprivoiser Aurélien, un homme dont elle est tombée amoureuse ado mais qui s'obstine à ne pas la reconnaître...angéla morelli
 S'inspirant d'une nouvelle de Stefan Zweig, "Lettre d'une inconnue", Angéla Morelli tire parti à merveille de l'idée de cet homme qui ne reconnaît pas celle qui l'aime. Ses personnages principaux ou secondaires sont croqués à ravi ,plein de petits détails les rendant immédiatement vivants et attachants. On est loin de l'hystérie qui règne parfois dans les romances survoltées qui croient ainsi se donner du rythme.Ici les personnages sont plus posés, parfois empreints de gravité, sans pour autant plomber le roman car l'humour est toujours présent.
On se glisse avec plaisir dans ce cocon douillet de l'impasse pavée et fleurie où vivent des artistes, on pousse le sourire aux lèvre la porte du Va comme j'te pousse, bar qu'on rêverait de fréquenter, bref on passe un délicieux moment, plein d'émotions et de fantaisie.
Ce nouveau roman d’Angola Morelli est une petite merveille !

Juste quelqu’un de bien, Angéla Morelli, Editions Harlequin 2017, 331 pages qui se tournent toutes seules.

03/10/2017

Au pied de la lettre

"Mes parents avaient des jugements  si péremptoires et parfois si imbéciles (ça sautait aux oreilles, je vous jure) que ça m' appris à me méfier des jugements."

Barthélémy Martin est-il dépressif ? Pour le savoir, il ira consulter deux psychiatres qui, bien que frères, ont des méthodes très différentes. C’est finalement à un troisième psy qu'il confiera son histoire par lettres, brossant ainsi, par petites touches l'histoire d'un homme effacé depuis l'enfance qui va peu à peu s'émanciper dans sa vie amoureuse  et dans sa vie tout court.isabelle minière
Roman épistolaire émaillé de formules éclairantes, Au pied de la lettre nous convie dans un univers qui pourrait être morose, mais qui s'avère plein de fraîcheur. On entre en empathie avec ce personnage qui, falot, prend de plus en plus d'épaisseur dans ses modestes révoltes, pourtant très efficaces. Un roman qui donne le sourire.

Merci à Babelio et aux Éditions Serge Safran.

De la même autrice: clic, clic et reclic.

L'avis d'Antigone.isabelle minière

02/10/2017

Mon père, ma mère et Sheila

"Lorsque je suis témoin d'un élan de tendresse entre un père et son fils , je ne peux m’empêcher d'être surpris.Je marque un arrêt, ému de voir que cela se passe si naturellement."

D’abord ce qui frappe dans le roman d'Eric Romand, c'est la forme fragmentaire choisie. Des textes brefs, factuels, où le sous-texte en dit souvent plus que ce qui est énoncé. La peur, la honte ne seront clairement énoncés que bien plus tard dans le récit.eric romand
La forme ici mime le fonctionnement d'une famille dysfonctionnelle des années 70 (la mère a commis une mésalliance aux yeux de sa famille petite bourgeoise), où l' homosexualité du fils , qui se devine à travers son admiration pour l'idole d'alors, Sheila,  provoque "Le regard glacial de mon père et celui désespéré de ma mère" sans que des mots soient clairement posés sur ce que chacun devine. La mère n'arrive d'ailleurs même pas à prononcer sans se tromper le mot "Homosexuel".
C'est aussi tout une époque qui se donne à voir, les repas pantagruéliques de Noël en famille, où la mère s'inquiète de ne pas avoir assez à manger pour ses invités, ceux pris en regardant Danièle Gilbert et les chanteurs en playback qui font face aux aléas de l'émission.
On sourit, on est profondément ému quand au détour d'un texte se donne à voir la douleur d'une mère, ou celle d'un fils qui,suivant les conseils de sa thérapeute se prend dans ses  bras.
109 petites pages pour un roman puissant , tout en retenue et diablement émouvant.

Déniché à la médiathèque.

 Éditions Stock 2017

28/09/2017

Davis Bowie n'est pas mort

"J'ai l'impression de partir à la découverte d'un inconnu parfaitement familier, je reconnais tout, même  ce que je ne connais pas ."

Trois sœurs, Anne, Hélène( la narratrice) et Émilie, perdent leurs parents à un an d'intervalle. L'occasion d'analyser avec franchise, humour parfois acide mais aussi bienveillance, les relations complexes que les frangines entretenaient avec leurs parents.sonia david
Première partie: la mère, haute en couleurs, attirant les regards, les apôtres, et que la narratrice fait profession de ne pas aimer par "vantardise" mais elle s'étonne de "découvrir que l'on peut tout de même aimer quelqu'un que l'on aime pas."
Changement de registre pour le père dans la deuxième partie: "...papa est ma mère juive, mon parent légitime, ma pelote d'amour."
Mais c'est dans la dernière partie que la mort de David Bowie va paradoxalement rapprocher les sœurs et faire renaître leur sororité chaleureuse.
D'emblée,on entre de plain pied dans cette famille qui nous devient très proche. Le ton est enlevé, plein d'humour souvent vachard mais d'émotions aussi et les quinquas chargées de faire le tri des héritages familiaux nous ménagent bien des surprises dans leurs revirements émotionnels. Même si je fais partie des "enfants uniques terriblement à plaindre", je me suis immiscée le temps de cette lecture dans cette fratrie et l'identification a fonctionné à fond !

Antigone a aimé, Cuné, moins.sonia david

 

27/09/2017

Un homme doit mourir

"- Il y a des gens et des idées qui sont comme des larves dans l'écorce des beaux arbres."

Boris, naturaliste, rédige des rapports de contre-expertise destinés à favoriser les projets industriels controversés . Le dernier en date ? Celui d'une installation d'unité de stockage de matières dangereuses dans une les Landes, là où vit une espèce rare de libellule.S'il a vendu son âme au diable, Boris entretient paradoxalement de bonnes relations avec Pépé, odonatologue passionné, opposant bien décidé à faire de cet endroit une Zone A Défendre.pascal dessaint
Un peu plus loin, une villa cossue défie la Nature et les lois littorales. Son propriétaire, homme d'argent et de pouvoir, y a convoqué deux de ses amis , tout aussi peu scrupuleux que lui.
Entrelaçant avec virtuosité les intrigues, Pascal Dessaint  fait la part belle à la Nature, sans pour autant négliger le côté noir de son roman. La tension monte au fur et à mesure que s'annonce une tempête et que se révèlent les enjeux.
Les personnages ne sont ici en rien caricaturaux. Complexes et riches d'humanité, ils s'interrogent sur les liens qu'entretiennent les hommes , les végétaux et les animaux, sur la nécessité  qui peut paraître dérisoire de préserver certaines espèces, constatent les vertus de la nature sur les tourments humains.
Un peu plus apaisé, l'auteur n'en perd pas pour autant son regard acéré, aussi prompt à identifier un oiseau qu'à dénoncer les hypocrisies de nos sociétés. Du grand Dessaint , tant par le style que par les réflexions qui émaillent le roman, sans jamais l'alourdir.

26/09/2017

Les pleureuses

"...plus les gens vieillissent et plus leurs vies prennent des chemins tortueux avant de se simplifier à nouveau lorsqu'ils sont vraiment âgés."

La narratrice et son mari Christopher sont séparés depuis six mois mais personne n'est au courant. Parti en Grèce enquêter sur les pleureuses , ces femmes payées pour manifester de la douleur lors des enterrement, Christopher ne donne plus signe de vie et sa mère s'inquiète. La narratrice, sans rien révéler de sa situation amoureuse accepte de partir à la recherche de son futur ex époux.
Dans une île écrasée de chaleur et ravagée par les incendies, la narratrice s'interroge longuement sur sa situation ,sur les sentiments qu'elle éprouve dans cet entre-deux qu'elle ne peut révéler sans causer de souffrance.katie kitamura
Si l'analyse psychologique est fine, l’atmosphère magistralement rendue,le style manque de fluidité et le roman perd parfois son lecteur en route.

 Le billet d'Antigone.katie kitamura

25/09/2017

Point cardinal

"Je suis dans une impasse. Comment réunir ma peau d'homme avec la femme que je suis à l’intérieur, ses formes, son esprit, ses désirs ?"

Laurent est heureux en couple avec Solange et leurs deux enfants. Pourtant si "Rien ne dépassait dans [leur] histoire", Laurent va tout faire éclater.leonor de récondo
En effet, il n'en peut plus de ne pas faire coïncider l'homme qu'on voit et la femme qu'il se sent être.
Ce qui est extrêmement intéressant dans le roman de Léonor de Récondo c'est qu'elle choisit de nous montrer les répercussions que cela entraîne non seulement pour son héros, mais au sein de sa famille - et les réactions seront  extrêmement différentes pour son fils et pour sa fille- et de ses collègues.
On pourrait reprocher au texte son manque d’aspérités, tout paraît aller de soi ou presque pour Laurent, mais la romancière a choisi de se situer au moment où le héros a atteint un point de non-retour . Reste à parcourir le  chemin vers le changement de sexe, parcours hérissé d'obstacles en France.
Léonor de Récondo traite avec sa délicatesse habituelle ce sujet  sensible et souligne que si Laurent veut devenir une femme, il m'en reste pas moins un père pour ses enfants et n'a pas perdu perdu ses sentiments pour son épouse. Il leur reste à inventer leur vie...