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04/11/2024

Highlands

"Ici, tout est à la fois statique et mobile, ancré et temporaire."

Trois femmes, totalement différentes,  ne se connaissant pas, se rendent dans les Highlands d’Écosse, en plein hiver.
Là, face au climat changeant, aux paysages somptueux, elles vont expérimenter avec leur corps la rudesse de ces territoires qui les éreintent , mais les libèrent aussi. fanie demeule,québec
Placé sous l'égide de Nan Sheperd, infatigable arpenteuse des collines de Cairngorms, écrivaine et poétesse professant l'union avec la Nature, ce roman choral flirte avec le fantastique  (voire l'horreur parfois) pour atteindre cet objectif.
L'écriture est précise  et nous plonge avec sensualité dans ces espaces sauvages qui prennent vie de manière intense sous nos yeux. Une expérience puissante (et qui m'a donné envie de découvrir La montagne Vivante de Nan Sheperd). Et zou, sur l'étagère des indispensables.

 192 pages
Les Éditions Québec Amérique 

31/10/2024

Révélée / Disclaimer

"Plus jamais elle ne sera la personne qu'on pensait qu'elle était. Il aura déformé leur vision. "

Catherine, journaliste documentariste est au sommet de sa carrière quand elle découvre un roman qui relate un épisode de son passé qu'elle avait soigneusement occulté et caché à ses proches. A partir de cet instant , tout va  s’effriter petit à petit et la vie, en apparence, parfaite de Catherine va être dévastée. renee knight
Alternant les narrateurs et les époques, le roman de Renee Knight est une parfaite mécanique de destruction qui remet aussi en question les histoires que nous (nous) racontons. Le retournement de situation dans la dernière partie du roman est magistral et je me garderai bien de vous le révéler. L'autrice joue avec nos nerfs et son écriture à la fois précise et charnelle rend compte du quotidien et des tourments de ses héros.  Un roman que j'avais raté à sa sortie et qui vient d’être magistralement adapté en série. Je vous recommande chaudement les deux.

10/10/2024

La végétarienne/ Prix Nobel de Littérature.

"C'était un corps débarrassé de toute superfluité jusque dans ses moindres aspects."

Sous l'influence d'un rêve, l'héroïne, Yönghye, devient végétarienne car elle aspire à devenir elle-même végétale et à détruire l'origine de la violence.
Cette lente descente vers la folie fait peu à peu éclater les liens familiaux et sociaux quelle entretenait.71-puAR0-fL._SL1500_.jpg
Présenté en un triptyque où la voix de l’héroïne se fait très peu entendre, son mari, son beau-frère et sa sœur prennent tour à tour la parole pour narrer les différentes étapes de cette glissade vers l'absolu, le récit exerce une sourde fascination.han kang,corée du sud
Tout à la fois poétique, critique et un peu érotique, le roman de Han Kang touche à l'universel. 212 à savourer lentement pour mieux s'en imprégner

 

Han Kang a reçu le Booker Prize pour ce roman paru au livre de poche en 2016. Traduit du coréen par Jeong Eun-Jing et Jacques Batilliot

La ligne de nage...en poche

"Vous auriez dû vivre  (qu'est-ce que vous avez fait à la place ? Vous avez joué la sécurité, vous êtes restée dans votre ligne de nage )."

Dans la première partie de ce récit, nous découvrons une communauté hétéroclite , mais soudée, celle de nageurs qui fréquentent une piscine en sous-sol. Tous ceux qui respectent les règles implicites y ont leur place. Y compris Alice dont la mémoire est de plus en plus défaillante. La routine y est de mise et chacun trouve dans ce sas de quoi supporter la "vie d'en haut". julie otseka
Las, une fissure dans le fond du bassin vient troubler cette belle harmonie. On peut y voir la métaphore de tout élément perturbateur qui vient déranger nos existences et en l’occurrence ici celle de la vie d'Alice.
La troisième partie recense tous les oublis de cette femme et à l'inverse tous les souvenirs de celle qui fut internée dans un camp pour Nippo-Américainss durant la Seconde guerre mondiale. Un portrait impressionniste et plein d'humanité.
Changement de tonalité avec "Belavista" où sont égrainées implacablement  les différentes étapes que connaîtra Alice dans cet établissement spécialisé où son mari et sa fille ont dû la faire entrer, au vu de la dégradation de son état mental.
Dans la dernière partie, la narratrice et fille d'Alice évoque enfin sa relation à sa mère .
Sur un thème délicat et douloureux, Julie Otsuka réussit un texte sensible , prenant (même si la partie consacrée à la fissure est un peu longuette) et même moi qui déteste les piscines j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce texte  profondément émouvant mais tout en retenue.

Traduit de l’anglais (E-U) par Carine Chichereau.

03/10/2024

Le chant de la pluie...en poche

"Le chant de la pluie est notre hymne national, nos passe-temps sont l'ennui et la boisson."

Martha, anglaise pur jus, se réfugie dans le cottage de son irlandais de mari, brutalement décédé, pour faire le point. Là, sur la côte ouest de l'Irlande, non loin des îles Skellig, elle laisse la porte ouverte, au sens propre et au sens figuré, tout à la fois aux souvenirs et aux gens du cru.Sue Hubbard
Dans cette nature sauvage, qu'un promoteur veut exploiter, Martha pourra peut-être tenir une promesse fait vingt ans plus tôt.
 Offrant de magnifiques portraits de femme et d'îles, Le chant de la pluie dégage un vrai charme, même si  l'aspect vachard de quelques réflexions aurait pu être davantage exploité. Martha m'a parue attachante et j'ai regretté que l'intrigue liée à l'exploitation envisagée de ce paysage grandiose se résolve aussi facilement. Un bon moment de lecture néanmoins.

Traduit de l'anglais par Antoine Bargel

05/09/2024

Celles qu'on tue...en poche

"Rien de plus facile que d'apprendre à détester les femmes. Les professeurs ne manquent pas. Il y a le père. L’État. Le système judiciaire Le marché. La culture. La propagande. Mais ce qui l'enseigne le mieux, d'après Bia, ma collègue du cabinet, c'est la pornographie. "

 L'Acre, l’État qui présente actuellement le plus fort taux de féminicides au Brésil, c'est là que se rend l'héroïne du roman, avocate envoyée par son cabinet pour documenter le cas d'une jeune indigène torturée, violée et assassinée dans des circonstances particulièrement atroces.
 Très vite, elle va se rendre compte de l'ampleur du phénomène de ces féminicides impunis et empiler dans un carnet les noms et les circonstances dans lesquelles ces femmes sont mortes.
 Cette violence faites aux femmes fait écho à celles faites aux indigènes et à la forêt amazonienne, qui couvre une partie de ce territoire, le tout dans la plus grande indifférence. Patricia Melo
Celles qu'on tue est un roman puissant qui nécessite des pauses dans sa lecture tant les  situations évoquées suscitent à la fois un sentiment de révolte et d'horreur. La grande force de Patricia Meo est tout à la fois de s'appuyer sur des faits documentés, mais aussi de créer du suspense et de susciter l'empathie avec la narratrice dont la mère a été elle aussi tuée par son époux. Une dimension hallucinatoire et onirique est apportée par le récit des prises d’ayahuasca par l'héroïne  qui s'initie aux rituels ancestraux des indigènes. Un roman à l'atmosphère étouffante , mais dont la lecture est nécessaire.

 

 

 Traduit du portugais (brésil) par Élodie Dupau.

27/08/2024

Un jour d'avril

"Les relations avec les parents des amis de vos enfants peuvent ressembler à celles qu'entretiennent des ducs et duchesses rivaux, forcés de se montrer courtois pour la seule et unique raison qu'ils appartiennent à la même maison souveraine."

michael cunningham

A un an d'intervalle à chaque fois, nous retrouvons les personnages de ce roman un 5 avril. Un an avant le COVID, pendant,après. Habitant à Brooklyn, ils frôlent la quarantaine et sont à une étape charnière de leur  vie. Dan, espère effectuer son retour sur scène et retrouver le quart d’heure de gloire éphémère qu'il avait connu. Il quittera ainsi son rôle de père au foyer auprès de Nathan et Violet Son épouse Isabel , tente de préserver son emploi dans le journalisme et constate que son mariage s'effiloche doucement. Quant à son frère, il va devoir quitter la chambre qu'il occupe dans la maison de sa sœur et remettre en question son emploi d’enseignant. Derniers éléments de cette constellation familiale atypique, le frère de Dan ,Garth,qui a permis à une amie lesbienne de longue date de concrétiser son désir d'enfant.
 Les enfants sont finalement ici les éléments les plus intéressants car les plus finement observés. Les autres personnages pâtissent eux d'un manque d'intensité dans la narration, mais il est vrai que l'auteur peint ici un monde en pleine déliquescence ...

 le Seuil 2024, traduit de l’anglais (E-U) par David Fauquemberg

 

13/08/2024

Comment enterrer son mari en toute discrétion

""Pourquoi j'ai fait ça, Sal ? Bon sang, pourquoi j'ai accepté la situation ? "
Je serre sa main dans la mienne.
"Nous ne l'avons pas acceptée, ils nous l'ont imposée. Et nous ne savions pas comment y mettre un terme. ""

Sur une impulsion, Sally met fin à vingt ans d'"accidents domestiques" en balançant un grand coup de poêle à son mari-bourreau. Mort.
Plaider la légitime défense lui paraît hasardeux et Sally veut préserver ses  enfants qui viennent de prendre leur indépendance. alexia casale
Comment se débarrasser du cadavre en plein confinement ? Heureusement internet est là . Bientôt Sally se rend compte , au vu de la quantité de litière pour chat qu'elle a dans son caddie, que sa voisine  a sans doute consulté le même site qu'elle pour les mêmes raisons.
Au final, elles sont cinq femmes, d'âges et d'origines différentes, mais avec le même problème : Comment enterrer son mari en toute discrétion ?
Avec humour, l'autrice aborde un thème dont on ne veut pas toujours entendre parler, celui des violences domestiques. Parfois un peu trop didactique, mais avec un rythme enlevé et une célébration dans les actes de la sororité, ce roman ne fait jamais l'apologie de la violence féminine: "il pose tout au plus la question de la représentation des femmes qui, après avoir subi des années de violences aggravées ne voient pas d'autre issue à leur calvaire. "

Objectif atteint et dans la bonne humeur, ce qui est appréciable.

 Julliard 2024.

 Traduit de l’anglais par Cécile Hermellin.

 

12/08/2024

La Voix du Lac

"La gentillesse pouvait être tellement plus douloureuse que la cruauté. "

Sur un coup, de tête, Maddie, la parfaite femme au foyer, plaque son mari et son fils adolescent pour tenter de vivre, à l'aube de la quarantaine , son rêve d'adolescente : devenir journaliste.
Scandale au sein de sa famille et de la communauté juive de Baltimore en cette année 1966, où la ségrégation raciale sévit encore aux États-Unis.
La disparition d'une jeune fille juive, à laquelle Maddie va être fortuitement mêlée, puis celle d'une jeune femme noire, non-événement dans la communauté blanche, vont permettre à notre héroïne de tenter de se faire un nom en menant l'enquête. laura lippman
Roman à suspense, La Dame du Lac est aussi un roman d'émancipation et de critique sociale dont l'héroïne est bien moins parfaite qu'il n'y paraît.  Nous découvrons petit à petit ses failles et ses secrets, ainsi que ceux de la ville de Baltimore et c'est un parfait équilibre entre les deux. Un grand coup de cœur.

 NB: je m'aurais pas découvert ce roman sans les louanges de Stephen King et bien sûr sans la série qui porte le même titre, mais s'éloigne beaucoup du roman.

11/08/2024

Coupez ! ...en poche

chris brookmyre"Le grand danger quand on cherche des réponses ,c 'est qu'on risque de les trouver. "

 Passer presque un quart de siècle en prison pour le meurtre de son amant et recouvrer la liberté à soixante-douze ans dans un monde où " Il lui fallait sans cesse se rappeler que tout le monde s'attendait désormais à ce que tout soit instantané et que le moindre délai représentait un intolérable désagrément , que seul le recours à un téléphone portable pouvait atténuer. " n'est pas aisé. D'autant qu'elle n'a pas su se défendre et lutter contre l'institution juridique.
Un autre personnage qui ne se sent pas à sa place ,c'est Jerry, étudiant en cinéma, d'origine modeste, et fan des films d'horreur de série B. Quittant la résidence universitaire, trop onéreuse et hostile à son goût , il emménage en colocation avec des personnes âgées, dont Millicent.
Avec son fichu caractère , la vieille dame ne lui facilite pas la tâche ,mais découvrir qu'elle officia en tant que maquilleuse experte sur les plateaux des films qu'il adore, dont le fameux Mancipium que personne n'a vu, leur permettra de nouer des liens. Lien qui se resserreront quand Millicent découvrant par hasard un détail qui remet en question toutes ces certitudes quant à son amant se met en tête de renouer avec ses anciens , afin de mettre à jour la vérité.
Le duo improbable commence alors un road trip qui se transformera vite en course poursuite où les morts se multiplient...
Alliant les qualités hétéroclites de ses héros, Brookmyre nous fait découvrir avec gourmandise l'univers des séries B gore, fustigeant au passage notre société contemporaine.  L'intrigue est juste parfaite et les 500 pages se tournent toutes seules, alternant passé et présent, multipliant les rebondissements sans jamais forcer le trait.
 Un récit haletant, un univers aux antipodes de mes goûts mais que l'auteur rend passionnant, une bonne dose d'humour, souvent noir, des personnages attachants, tels sont les ingrédients d'un roman juste indispensable.

 Traduit de l’écossais par David Fauquemberg