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16/06/2015

Histoire d'une vie

"Plus de cinquante ans ont passé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le cœur a beaucoup oublié, principalement des lieux, des dates, des noms de gens, et pourtant je ressens ces jours-là dans tout mon corps. Chaque fois qu'il pleut, qu'il fait froid ou que souffle un vent violent, je suis de nouveau dans le ghetto, dans le camp, ou dans les forêts qui m'ont abrité longtemps. La mémoire, s'avère-t-il , a des racines profondément ancrées dans le corps. Il suffit parfois de l'odeur de la paille pourrie ou du cri d'un oiseau pour me transporter loin et à l'intérieur."

Ces mots terribles ont été écrits par Aharon Appelfeld, , un auteur majeur dont je différais sans cesse la découverte. Avec Histoire d'une vie, je viens enfin de me lancer et j'ai été subjuguée par l'histoire de cet enfant juif bourgeois qui parvient à survivre d'abord à la mort de sa mère, assassinat qui ne sera évoqué que par un cri, au ghetto, au camp (dont il ne parle quasiment pas) et dont il s'échappe. Survivant dans les bois, se faisant exploiter par des gens qui ont bien conscience de sa situation , il erre ensuite dans une Italie dévastée avant de rejoindre la Palestine.aharon appelfeld
Là, pour autant, les épreuves ne sont pas terminées car va se poser le problème de la langue. On lui enjoint de parler hébreu mais doit-il pour autant oublier sa langue maternelle, l'allemand ,qui est simultanément la langue des assassins ?
Viendra  ensuite la question de l'écriture car, à l'époque en Israël, seuls les témoignages des survivants sont valorisés, la fiction n’ayant pas droit de cité.
Autant de douleurs qu'il évoque de manière non linéaire, parcellaire, sans aucun pathos, comme anesthésié, s'obligeant à oublier. Mais le corps lui n'oublie pas, et c'est là un des thèmes essentiels de ce roman magistral et lumineux. Prix Médicis étranger 2004.

Histoire d'une vie, Aharon Appelfeld, traduit de l'hébreu (Israêl) par Valérie Zenatti, Points Seuil.

15/06/2015

Dites aux loups que je suis chez moi

" J'avais besoin de savoir que ma mèrcarol rifka brunt,gay friendlye comprenait qu'elle aussi avait sa part de responsabilité dans cette histoire. Que toute la jalousie et la honte que nous portions en nous étaient notre maladie propre. Une maladie aussi grave que le sida de Fin et Toby."

Milieu des années 80, États-Unis, une maladie encore mal connue frappe Finn, peintre de talent . Son dernier tableau représente les deux filles de sa sœur: June ,adolescente écrasée par la forte personnalité de son aînée, Greta.
à l'enterrement de l'artiste apparaît son compagnon , Toby, violemment rejeté par la sœur de Finn, mais avec lequel June va nouer une relation complexe, tissée de jalousie et d'affection , pour retrouver, même partiellement ,le parrain qu'elle adorait.
Avec ce premier texte, Carol Rifka Brunt  nous propose un roman d'apprentissage sensible et prenant  qui évoque de manière très fine les relations fraternelles et sororales, à l'adolescence, mais aussi à l'âge adulte. Elle crée une atmosphère particulière, ouatée, évoquant le monde secret de June qu’elle s'est créé dans un bois où l'on entend hurler des loups, les secrets des adolescentes, délaissées par des parents aimants mais trop pris par leur travail, et aussi, par petites touches la honte et les peurs qui entachent le sida.
Un texte qui vous prend tout de suite par la main et qu'on ne peut lâcher.

Dites aux loups que je suis chez moi, Carol Rifka  Brunt, traduit de l'anglais (E-U) par marie-Axelle de la Rochefoucauld, Buchet Chastel 2015, 492 pages qui auraient peut être gagné à être un peu élaguées parfois.

13/06/2015

La faute...en poche

"Elle sait que je fais de gros efforts pour m'améliorer en tant que mère, même si je ne pourrais jamais rivaliser avec elle."

Roman de la culpabilité , annoncé d'emblée par le titre français, La Faute (en VO :Just What Kind of Mother Are You? , encore plus accusateur , selon moi ) fait la part belle à la psychologie plus qu'au polar , même si le personnage de la policière est tout sauf secondaire .Les personnages féminins y ont la part belle et le processus d'identification fonctionne à merveille.paula daly
Chacune d'entre nous  peut en effet se reconnaître dans ce personnage de mère de famille débordée entre sa famille et son refuge pour animaux,( ce qui nous vaut entre autres de belles tirades sur les maîtres inconscients, frappées au coin du bon sens ), placée dans une situation intenable .
L'intrigue est plus sophistiquée qu'il n'y paraît à première vue, Paula Daly sait raconter une histoire, même si la langue qu'utilise ses personnages flirte souvent avec le trivial, ce qui peut être dérangeant. Certaines scènes sont à mon avis ratées, mais on est totalement tenu en haleine et on dévore d'une traite ce roman à la fois facile, populaire ( rien de péjoratif pour moi dans cette appellation) et hautement addictif.

11/06/2015

On est tous faits de molécules

"Le monde est dangereux à vivre, non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire."

Stewart, treize ans, orphelin de mère, se réjouit de voir son père refaire sa vie , emménager dans un nouveau foyer avec une femme et sa fille, Ashley. Mais si le garçon est  intellectuellement précoce , Ashley, elle, se préoccupe uniquement des apparences et de sa positon sociale dans le lycée. Ce qui lui vaut de gros soucis car son père, cessant de se mentir, vient de révéler son homosexualité.susin nielsen
Sur le thème de la différence, Susin Nielsen a écrit un roman à la fois enlevé et sensible.
Elle met en scène de vrais méchants, mais s'arrête juste au bord de situations qui pourraient vraiment tourner très mal, sans pour autant tomber dans l’angélisme. Un vrai tour de force !
Ses personnages sonnent juste et sauront séduire aussi bien les ados que leurs parents.

On est tous faits de molécules, Susin Nielsen, traduit de l 'anglais (Canada)par Valérie Le Plouhinec, Hélium 2015, 211 pages.

Du même auteur: clic et reclic.

 

08/06/2015

Enfant terrible

"L'art était une réponse possible aux hurlements, mais la vie se contentait de hausser les épaules et de suivre son cours."

"Cigarettes ,whisky et p'tites pépées" chantait Eddie Constantine (et Annie Cordy !) dans les années soixante. Un programme que pourrait reprendre à son compte en 2013 Kennedy Marr ex-romancier irlandais à succès, devenu spin doctor pour scénarios à Los Angeles.
Entre principe de plaisir et principe de réalité, il a résolument opté pour le premier mais la vie va conspirer pour le ramener à son point de départ , ou presque, car il va devoir enseigner durant une année dans l'université anglaise où travaille son ex-femme. L'occasion de renouer avec sa fille et d'aller enfin voir sa mère, très malade.john niven
Quel régal que ce livre ! Je craignais les pages fleurant bon, au mieux la testostérone, au pire la misogynie la plus crasse,mais j'ai découvert un personnage attachant en diable, ayant le chic pour se compliquer la vie et se fourrer avec un bel entrain dans les ennuis. Certains épisodes sont hilarants (la lecture poétique dans une librairie indépendante, entre autres), d'autres nettement plus émouvants.
Entre considérations sur l'écriture et description au vitriol du microcosme cinématographique , on passe un excellent moment de lecture !

Merci à Cuné qui a su me donner envie !

Enfant terrible, John Niven, traduit de l'anglais par Nathalie Peronny, Sonatine 2015, 415 pages revigorantes !

 

07/06/2015

En cas de forte chaleur...en poche

"Il a beau se reposer sur elle, éprouver pour elle un attachement jamais démenti, elle n'a aucune idée de ce qui se passe derrière ces lunettes, ignore quelles pensées couvent sous ces cheveux gris épais."

En cet été caniculaire de 1976, un événement vient chambouler la routine d'un coupe de retraités: Robert part acheter son journal et ne revient pas.  Gretta ,sa femme, donne l'alerte et les trois enfants adultes se rassemblent pour faire front malgré leurs dissensions et leurs secrets.maggie o'farrell"Comment se fait-il qu'au bout de vingt-quatre heures passées en famille, on se retrouve adolescente ? Est-ce que cette régression va perdurer ? ", se demande la benjamine rebelle ,Aoife.
Maggie O'Farrell scrute avec bienveillance la manière dont se remettent aussitôt en place les vieilles rivalités , mais aussi les anciens rôles ,quand la fratrie se réunit. à cette situation s'ajoutent les crises personnelles que Aoife , son frère Michael Francis et sa sœur Monica traversent, de manière bien différente.
La vie n'est jamais tranquille dans cette famille irlandaise exilée à Londres et cette constellation familiale , pleine de contradictions, réserve bien des surprises. Mais plus qu'à ces rebondissements, c'est à l'intimité de chacun que s'attache l'auteure, à la relation que chacun tisse avec les autres, par delà les mots et le temps, de manière infinitésimale. Un style imagé et limpide, des personnages plus qu'attachants et une narration fluide qui ne vous lâche pas en route. Un gros coup de cœur , malgré une fin un peu convenue, constellé de marque-pages

06/06/2015

L'invité du soir...en poche

"Tout était calme, mais chacun des meubles avait l'air comme détaché de ses amarres dans cette lueur plate et insipide, comme s'il s'était égaré à force de vouloir paraître à l'ordinaire. Ruth a eu le sentiment que sa maison toute entière lui mentait."

Une maison isolée de la côte australienne. Une vieille dame de 75 ans dont la santé décline mais qui tient à son indépendance, Ruth, y habite en compagnie de deux chats. Un soir, elle entend un  tigre dans sa maison. Arrive alors un personnage tour à tour salvateur et rudoyant, Frida, aide-ménagère envoyée par le gouvernement.fiona mcfarlane
S'instaure alors un climat troublant , oscillant entre tendresse et inquiétude, manipulation et hallucinations. L'écriture fluide et poétique de Fiona Mc Farlane instille le doute, fait froncer les sourcils, battre le cœur. Tout à tour ,on frémit, on partage la douce rêverie amoureuse de Ruth, on croit avoir compris ,mais tout est beaucoup plus subtil et intriguant que prévu.
La description de cette emprise étrange, où tout peut basculer à la seconde, mais aussi de cette femme âgée qui avait appris "grâce à ce drôle de miroir qu'était le visage de Jeff, qu'elle en était au stade où ses fils s'inquiétaient pour elle", de sa relation au temps,  "Oh la douce étendue vertigineuse du jour, le remplissage plus ou moins réussi de toutes ces heures.",à la mort qu'elle espère "aussi extraordinaire que son commencement" sont tout à fait fascinantes.
En lisant, ce premier roman où la mer mais aussi la jungle de l'enfance fidjienne de Ruth ont la part belle, j'ai songé tour à tour à l'écriture de Virginia Woolf et Au barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras , le tout relevé d'une pointe lancinante de soupçons hitchcockiens.  J'ai été soufflée !

Bravo à la traductrice, Carine Chichereau qui a su rendre l’atmosphère troublante de ce récit où d'une phrase à l'autre la tonalité peut changer.

04/06/2015

Les morts renaîtront un jour

"Je le fais pour moi-même.Parce que je ne veux pas être asservie aux morts toute ma vie. Comme il l'était."

Dans une Allemagne fraichement réunifiée, Käthe, juive réfugiée depuis plus d'un demi-siècle aux États-Unis, revient à Berlin pour la première fois. Las, son cadavre est retrouvé au bas d'un mémorial de la déportation. christoph ernst
Persuadée, contrairement à la police, qu'il ne s'agit en aucune façon d'un suicide, sa petite nièce, Maja mène sa propre enquête, dans un pays où le passé est toujours à vif.
Maja, porte-parole de la jeune génération, prend en charge un passé dont son père voulait faire l'économie car trop douloureux et cette mission elle va la mener au péril de sa vie.
Malgré quelques maladresses dans la progression du polar, qui n'est ici visiblement qu'un prétexte pour revisiter des thèmes vraiment passionnants (la résistance juive dont on ne parle quasiment jamais, la restitution des biens juifs qui avaient été "aryanisés", la réunification réveillant d’anciennes blessures...), on prend beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman, un peu dans la facture des textes de Didier Daeninckx.
Un bon moment de lecture et un roman prenant.

Les morts renaîtront un jour, Christoph Ernst, traduit de l'allemand par Brice Germain, Black Piranha 2015, 332 pages .

29/05/2015

La ballade d'Hester Day...en poche

"J'imagine que quand tu épouses secrètement un poète qui veut t'exploiter comme matériel littéraire, il vaut mieux que tu prennes au moins une minute pour réfléchir à ce que tu dirais à tes parents s'ils venaient à découvrir le pot aux roses. Moi, je n'y avais pas pensé."

Capable de programmer l'adoption d'un enfant dès sa majorité toute proche, comme d'agir sous une impulsion, Hester Day se retrouve dans un road movie, brinquebalée entre son mari poète et son très jeune cousin. Qu'elle les connaisse tous deux à peine ne la dérange pas le moins du monde !9782253003403-T.jpg
Vouée d'emblée à l'échec cette épopée vaut pour les rencontres  que nos anti-héros vont effectuer et par la manière si particulière d’Hesther d'envisager sa vie. N'empêche qu'on n'aimerait pas être à la place de sa mère !

367 pages hérissées de marque-pages et un excellent moment en compagnie d'Hester Day !

28/05/2015

La dame à la camionnette....en poche

"Il était rare qu'on lui rende le moindre service sans avoir en même temps envie de l'étrangler."

Nul doute que cette couverture jaune primevère aurait beaucoup plu à Miss Sheperd ! Cette vieille dame marginale et excentrique repeignait inlassablement de cette couleur les différentes camionnettes dans lesquelles elle vécut successivement à la fin de sa vie.alan bennett
Victime de l'embourgeoisement de son quartier, mais dotée d'un grand sens de la manipulation et d'une mauvaise foi inébranlable, Miss Sheperd finit par établir ses quartiers dans l'entrée du jardin d'Alan Bennett. Une cohabitation improbable et chaotique, entre exaspération et volonté d'aider cette vieille dame soucieuse de préserver sa dignité et ses secrets ,qui dura une vingtaine d'années.
Une synthèse pleine d'humour des notes qu'Allan Bennett  a prises au fil du temps sur cette vieille dame qui faisait tache et dont un des habitants du quartier se demandait si elle était vraiment excentrique... Une peinture d'une transformation en marche qui ne tombe jamais dans l'autosatisfaction ni dans l'apitoiement. 114 pages so british !