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26/08/2015

J'ai vu un homme

"Aucun de leurs choix n'avait été malintentionné. Et cependant, leur combinaison avait engendré plus d'obscurité que de lumière."

Pourquoi Michael Turner explore-t-il la maison de ses voisins en leur absence ? Voilà à peine sept mois qu'il s'est installé à Londres et très vite, il est entré dans l'intimité des Nelson, une sympathique petite famille.owen sheers
Différant la réponse à cette question, le récit remonte le temps ...
Michael peine à se remettre du décès de sa femme, Caroline, journaliste tuée au Pakistan. Il n'est pas le seul : le commandant Mc Cullen ,responsable de cette mort, semble lui aussi perturbé par ce cadavre de trop et l'américain qui ne supporte plus d'être "dissocié de ses actes" , a bien l'intention d'agir et d'assumer les conséquences ,par-delà les frontières ,d'une décision prise sans états d'âme.
Owen Sheers , dès la première phrase de son roman, instaure un malaise qui ira s'amplifiant et perdurera même quand sera identifié "l'événement qui bouleversa leur existence". En effet, les liens , bien plus complexes qu'il n'y paraît à première vue, entre les différents personnages, vont les entraîner dans des chemins très tortueux .
Remords, conflits de loyauté, culpabilité sont analysés avec finesse et sensibilité. La narration est extrêmement efficace, le lecteur se perd en conjectures sur la nature de cet événement avant de rester le souffle coupé.Le récit,ponctué de réflexions sur l'écriture (Michael est écrivain), gagne encore en profondeur et crée même peut être une mise en abyme, comme semble le suggérer la dédicace...
Un roman qui nous ferre d'emblée et qu'on ne lâche pas car il allie , et c'est rare, qualité de l'écriture et subtilité de la narration. Du grand art !
Il y avait la page 51 de David Vann il y aura maintenant celle d' Owen Sheers (je me garderai bien de vous donner sa numérotation !)

J'ai vu un homme, Owen Sheers, traduit de l'anglais par Mathilde Bach, Rivages 2015, 351 pages insidieusement addictives.

Et zou, sur l'étagère des indispensables! Nuits blanches en perspective !

Une dernière citation pour la route :" Une histoire qui n'est pas racontée , dit-elle en le pointant d'un doigt accusateur, c'est comme une décharge. Enfouis-la tant que tu veux , elle finira toujours par refaire surface."

21/08/2015

Les nuits de laitue

"Désormais, Otto souffrait d'une insomnie sans fin. Ses mauvaises pensées dureraient pour toujours puisqu'il n'y aurait plus jamais de matin-désormais toutes ses nuits avaient un arrière- goût de laitue. Et Otto détestait les légumes-feuilles."

Otto et Ada "avaient passé un demi-siècle ensemble à cuisiner, à faire des puzzles géants de châteaux  européens et à jouer au ping-pong le week-end (du moins jusqu'à l'arrivée de l'arthrite) dans un quartier dont les habitants sont aussi haut en couleur que leur maison jaune.
Au début du roman, Ada vient de mourir. Otto tente donc  tout à la fois de lutter contre ses insomnies, tout en remettant de l'ordre dans ses pensées. En effet, selon lui,  quelque chose" cloche "dans son univers peuplé de personnages fantasques et souvent "perchés", mais il n'arrive pas à élucider l'affaire...61yR-SmJszL._AA160_.jpg
L'aspect policier n'est ici qu'un prétexte dans ce roman enjoué et chaleureux, peignant un microcosme grouillant d'originaux  en tous genres, ayant parfois des rêves plus grands qu'eux mais parvenant à enchanter leur quotidien, de manière simple et cocasse.
Un très bon moment de lecture.

Les nuits de laitue, Vanessa Barbara, traduit  du portugais (brésil) par Domnique Nédellec, Zulma 2015, 223 pages toniques !

 

 

 

20/08/2015

Au paradis

"Le seul moyen de comprendre un tel mal, c'est de le réimaginer. Et le seul moyen de le réimaginer, c'est à travers l'art, ce que savait Goya. On ne peut pas en dresser un portrait réaliste."

Une centaine de personnes se rassemblent dans l'enceinte d' Auschwitz, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la libération du camp, pour prier,méditer et témoigner.peter matthiessen
 Un des participants, Clements Olin,  universitaire américain, s'interroge sur l'utilité d'une telle démarche, entraînant plus de conflits, souvent absurdes,  entre les participants de confessions et de nationalités différentes, que de sérénité. La présence de nonnes catholiques (nous sommes au début de l’installation, très controversée d'un Carmel catholique dans l’enceinte du camp d'extermination) ne faisant qu'exacerber les tensions.
Progressivement, Clements Olin devra quitter sa position d'observateur , interroger sa propre histoire et ses origines polonaises, et s'impliquer bien plus qu'il ne le voulait au départ car "cet endroit l'a attendu toute sa vie, depuis les cauchemars de son enfance."
Le titre, éminemment ironique, donne le la de ce roman qui, nourri d'informations et de réflexions, multiplie les ruptures de ton afin de mieux déstabiliser et interroger son lecteur. Ses personnages ne sont jamais manichéens, ni donneurs de leçons , chacun étant renvoyé à ses propres limites devant l'indicible.  Un texte fort et intense.

Au paradis, Peter Matthiessen, traduit de l'anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedl, Éditions des deux terres 2015, 248 pages piquetées de marque-pages.

18/08/2015

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur

"Il était à espérer que Jem comprendrait un peu mieux les gens quand il serait plus grand, parce que ce ne serait pas mon cas."

Un roman à hauteur d'enfant: Scout, petite fille intelligente et naïve à la fois, que nous suivrons durant trois ans, en pleine crise économique aux États-Unis, dans les années trente, en Alabama. Elle et son frère aîné, Jem, sont élevés par leur père, Atticus, avocat intègre qui va devoir défendre un Noir accusé du viol d'une blanche.harper lee
Se mêlent dans ce roman des thèmes chers à l'enfance, les jeux, quelques souvenirs d'école, l'appétit pour le mystère et l’aventure et la dénonciation tout en délicatesse d'une situation, celle infligée aux Noirs, faisant écho à l'année de publication du roman aux États-Unis, 1960. Des événements récents lui redonnent malheureusement une nouvelle actualité.
Les retouches faites à la traduction initiale (voir la postface d’Isabelle Hausser, qui s'y est attelée), l'humour discret et la construction parfaite font de ce roman un plaisir dont il;ne faudrait pas se priver. On pense à Tom Sawyer, Fifi Brindacier, mais Scout possède une personnalité bien à elle et l'auteure dépeint comme personne ce microcosme Sudiste et ses personnages hauts en couleur.
à l'heure où l'on annonce la publication en France d'un nouveau roman de Harper Lee, il était grand temps que je me décide à lire ce classique de la littérature américaine, interdit dans certains établissements scolaires et bibliothèques...

17/08/2015

Des vies parallèles

"La fiction nous permet d'échapper à nous-mêmes pour aller vers le monde."

Sa vie n'a été jusqu'à présent "qu'un tissu de mensonges et de tromperies" mais la vision d'un documentaire sur Tchernobyl et sa participation à un atelier d'écriture vont mener Lara sur le chemin de la fiction et de l'apaisement quant à sa situation familiale pour le moins hors du commun.
C'est en effet à l'occasion de son douzième anniversaire que la narratrice a compris que son père, chirurgien de renom, toujours entre Londres et Belfast, avait en fait une famille en Irlande et que sa mère , son petit frère et elle même n'avaient aucune existence officielle.lucy caldwell
Cette situation digne d'un roman-photos des années 60 avait différé pour moi la lecture de cet ouvrage. Pourtant, c'est l'aspect "work in progress" qui m'a vraiment intéressée. Le début peut en effet paraître hoquetant, la narratrice ne parvenant pas à donner un aspect fluide à son récit ,mais ces maladresses apparentes témoignent du travail que doit mener le romancier pour accéder à la fiction.
Il faudra que la narratrice se glisse dans la peau de sa mère pour mieux faire sienne son histoire et envisager les faits sous un autre angle.Ce n'est qu'à la toute fin du roman qu'elle comprendra pourquoi elle était si hostile à la fiction.
Un bon moment de lecture. Dans la foulée j'ai enchaîné avec le précédent, paru en poche mais là, j'ai fait chou blanc...

Des vies parallèles, Lucy Caldwell, traduit de l’anglais (Irlande) par Josée Kamoun, Plon 2015,228 pages.

15/08/2015

Triburbia...en poche

"L'ardent désir de lui plaire qui animaient ses petites camarades, Cooper le tenait poru aussi normal que les caresses de sa mère."

Dans Triburbia, quartier de Manhattan autrefois populaire, maintenant à la mode, nous suivons une demi-douzaine d'hommes dont les vies se croisent par l'intermédiaire de leurs femmes, enfants, travail ou affinités.
Pendant une année, l'auteur va les suivre, leur donnant tour à tour la parole.
Ce qui m'intéressait dans la lecture de ce premier roman était l'atmosphère et le point de principalement masculin de cette tribu urbaine aux profils variés (du pâtissier à la mode au marionnettiste raté ,en passant par le gangster mafieux, entre autres).karl taro greenfeld
Si je ne me suis pas perdue parmi les personnages, je me suis attachée à peu d'entre eux car l'auteur n’approfondit guère leur psychologie.
Le seul passage un peu fouillé est celui où nous avons le point de vue d'une épouse par rapport au comportement particulièrement odieux de son mari.
Rien de transcendant donc ,mais rien d'ennuyeux non plus. à lire à l'occasion, en poche donc, quand rien d'autre ne nous tombe sous la main.

01/08/2015

L'oubli

"Une voiture avec un damier coloré sur la carrosserie s'arrête devant la maison. Un homme et une femme en sortent. Ils portent une chemise blanche et une grosse veste noire qu'ils ont étiquetée, comme moi avec ma prise de courant "BOUILLOIRE" et mon bocal "THÉ". leur étiquette à eux  dit "POLICE".

Malgré sa mémoire qui flanche de plus en plus, troublant sa perception du temps, lui faisant oublier certains mots au fur et à mesure de la progression de la maladie qui la touche (et ne sera jamais nommée), Maud n'en démord pas : Elizabeth a disparu.
La disparition de sa voisine et amie fait écho à celle , en 1946, de la sœur aînée de Maud, demeurée inexpliquée.emma healey
Avec comme seule arme son obstination et sa mémoire de papier (les bouts de papier sur lesquels elle note ce dont elle doit se souvenir) Maud parviendra-t-elle à découvrir la vérité ?
Une" enquêtrice" présentant un double handicap: son âge et sa maladie voilà qui donne déjà un côté intéressant à ce texte. Mais ce qui prédomine néanmoins dans ce roman c'est la description en focalisation interne de la lente dégradation occasionnée par Alzheimer chez une femme qui lutte pied à pied, tendue vers son objectif. Nous ne connaissons que son point de vue, même si les réactions des autres personnages qu'elle remarque au passage nous sont données de manière indirecte et totalement neutres (les récits anxiogènes de son aide à domicile, qu'elle neutralise d'une remarque pleine de bons sens,  les réactions exaspérées de sa fille captées par l'intermédiaire d'un miroir...)L’humour (voir la citation) et la tendresse ne sont pourtant pas absents et  si le rythme est lent (correspondant à celui de la narratrice) , je n'ai pas lâché ce roman qui nous entraîne dans un flux de conscience où se mêlent passé (raconté de manière extrêmement précise) et présent, beaucoup plus lacunaire, ce qui augmente l'effet de réalisme.  Un roman plein d'empathie et de chaleur humaine.

L'oubli, Emma Healey, Pocket 2015, traduit de l'anglais par Corinne Daniellot.

06/07/2015

La reine des abeilles

"-Mais Georgie, protesta Heather, je n'ai jamais fait semblant d'être bête."

Nous en connaissons-ou avons connu- toutes une. La reine des abeilles c'est cette mère de famille qui chapeaute tout,de la vente de jacinthes à Noël pour financer un voyage scolaire, à la kermesse de fin d'année. Autour d'elle gravite, à l'heure de la dépose et à la sortie des classes, toute une cour, ravie de se faire tyranniser et exploiter. gill hornby
Dans le roman de Gill Hornby, la reine des abeilles c'est Bea qui régente la petite communauté des mères de l'école primaire de  Saint Ambrose, Il y a là Rachel, en plein divorce, Georgie, un peu foutraque et pleine de vie, Heather la timide et la très chic Bubba qui a mis sa carrière en pause. L'arrivée du nouveau directeur va aussi mettre un peu en émoi ces dames et pas seulement les célibataires !
Entre trahisons et  nouvelles alliances, la constellation se réorganise mais Bea n'entend pas céder la place !
Un doigt de romance , une pincée d'humour parfois vachard, beaucoup d'identification à ce microcosme féminin finement observé, le tout dans une ambiance so british, voilà les ingrédients d'un roman léger mais bien troussé ,qui fait passer un très bon moment.Très agréable, juste parfait pour l'été.

La reine des abeilles (the Hive), Gill Hornby, traduit de l'anglais par Denyse Beaulieu, Livre de Poche 2015, 381 pages rafraîchissantes.

 

01/07/2015

Ceux du Nord-Ouest

""On ne s'intéresse pas aux arbres, Leah, proclama-t-il. Toi, tu as le luxe de le faire. Nous, on n'a pas le temps.""

Le Nord-Ouest de Londres, "un coin un peu minable dont vous n'avez probablement jamais entendu parler, et qui s'appelle Willesden, mais je vous préviens, vous auriez tort d'en dire du mal en fait, parce qu'en fait c'est un quartier très intéressant, très diversifié". Seigneur quel mot."
Diversifié, oui autant par l'origine sociale que raciale des ses habitants. Les quatre protagonistes principaux, Leah, Keisha (qui s'est rebaptisée Natalie), Felix et Nathan, se connaissent plus ou moins selon les cas depuis l'enfance, mais ont emprunté des chemins très différents. à quoi cela est-il dû ? Sont-ils vraiment entrés dans l'âge adulte ? Celles ou ceux qui semblent le mieux s'en être sortis sont-ils pour autant heureux ? Voici quelques unes des nombreuses interrogations auxquelles répond ce roman de Zadie Smith.zadie smith
Pas de linéarité dans ce texte à la construction très travaillée, se jouant de la chronologie et des formes littéraires. Entre des récits plutôt longs s'intercalent ainsi des fragments plus courts, bribes de conversations, souvenirs, que le lecteur ne peine pourtant pas à resituer.L'auteure, sans pour autant nuire à l'intérêt de son récit annonce aussi d’emblée le destin tragique d'un des ses personnages, mais parvient néanmoins à maintenir le suspense jusqu'au bout, un véritable tour de force.
En dépit de coquilles pénibles "fétus" à la place de fœtus" par exemple, j'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce roman dont je me réjouissais de retrouver ces personnages si vivants ,attachants et complexes. Une œuvre qui fait réfléchir aussi sur les différences existant entre la Grande -Bretagne et la France en ce qui concerne le racisme et les opportunités offertes aux personnes d'origine étrangère. Un coup de cœur !

23/06/2015

Sucré, salé, poivré

"Les vipères font de très bonnes mères."

Paru en Grande Bretagne en 1985, sorti pour la première fois en France en 1993, Sucré salé, poivré fait partie  depuis cette date de mes romans chouchous de Mary Wesley .mary wesley
Hébé, mère célibataire, un sacré défi à l'époque, choisit d'assurer sa subsistance de manière originale et audacieuse, faisant fi des convenances . De quelle manière ? Je vous laisse le plaisir de le découvrir dans ce roman  délicieusement amoral !
Un pur délice british qui envoie valser avec jubilation les codes de la bonne société !

Les éditions Héloïse d'Ormesson font œuvre de salubrité publique en rééditant ce roman !