15/06/2015
Dites aux loups que je suis chez moi
" J'avais besoin de savoir que ma mère comprenait qu'elle aussi avait sa part de responsabilité dans cette histoire. Que toute la jalousie et la honte que nous portions en nous étaient notre maladie propre. Une maladie aussi grave que le sida de Fin et Toby."
Milieu des années 80, États-Unis, une maladie encore mal connue frappe Finn, peintre de talent . Son dernier tableau représente les deux filles de sa sœur: June ,adolescente écrasée par la forte personnalité de son aînée, Greta.
à l'enterrement de l'artiste apparaît son compagnon , Toby, violemment rejeté par la sœur de Finn, mais avec lequel June va nouer une relation complexe, tissée de jalousie et d'affection , pour retrouver, même partiellement ,le parrain qu'elle adorait.
Avec ce premier texte, Carol Rifka Brunt nous propose un roman d'apprentissage sensible et prenant qui évoque de manière très fine les relations fraternelles et sororales, à l'adolescence, mais aussi à l'âge adulte. Elle crée une atmosphère particulière, ouatée, évoquant le monde secret de June qu’elle s'est créé dans un bois où l'on entend hurler des loups, les secrets des adolescentes, délaissées par des parents aimants mais trop pris par leur travail, et aussi, par petites touches la honte et les peurs qui entachent le sida.
Un texte qui vous prend tout de suite par la main et qu'on ne peut lâcher.
Dites aux loups que je suis chez moi, Carol Rifka Brunt, traduit de l'anglais (E-U) par marie-Axelle de la Rochefoucauld, Buchet Chastel 2015, 492 pages qui auraient peut être gagné à être un peu élaguées parfois.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : carol rifka brunt, gay friendly
13/06/2015
La faute...en poche
"Elle sait que je fais de gros efforts pour m'améliorer en tant que mère, même si je ne pourrais jamais rivaliser avec elle."
Roman de la culpabilité , annoncé d'emblée par le titre français, La Faute (en VO :Just What Kind of Mother Are You? , encore plus accusateur , selon moi ) fait la part belle à la psychologie plus qu'au polar , même si le personnage de la policière est tout sauf secondaire .Les personnages féminins y ont la part belle et le processus d'identification fonctionne à merveille.
Chacune d'entre nous peut en effet se reconnaître dans ce personnage de mère de famille débordée entre sa famille et son refuge pour animaux,( ce qui nous vaut entre autres de belles tirades sur les maîtres inconscients, frappées au coin du bon sens ), placée dans une situation intenable .
L'intrigue est plus sophistiquée qu'il n'y paraît à première vue, Paula Daly sait raconter une histoire, même si la langue qu'utilise ses personnages flirte souvent avec le trivial, ce qui peut être dérangeant. Certaines scènes sont à mon avis ratées, mais on est totalement tenu en haleine et on dévore d'une traite ce roman à la fois facile, populaire ( rien de péjoratif pour moi dans cette appellation) et hautement addictif.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : paula daly
11/06/2015
On est tous faits de molécules
"Le monde est dangereux à vivre, non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire."
Stewart, treize ans, orphelin de mère, se réjouit de voir son père refaire sa vie , emménager dans un nouveau foyer avec une femme et sa fille, Ashley. Mais si le garçon est intellectuellement précoce , Ashley, elle, se préoccupe uniquement des apparences et de sa positon sociale dans le lycée. Ce qui lui vaut de gros soucis car son père, cessant de se mentir, vient de révéler son homosexualité.
Sur le thème de la différence, Susin Nielsen a écrit un roman à la fois enlevé et sensible.
Elle met en scène de vrais méchants, mais s'arrête juste au bord de situations qui pourraient vraiment tourner très mal, sans pour autant tomber dans l’angélisme. Un vrai tour de force !
Ses personnages sonnent juste et sauront séduire aussi bien les ados que leurs parents.
On est tous faits de molécules, Susin Nielsen, traduit de l 'anglais (Canada)par Valérie Le Plouhinec, Hélium 2015, 211 pages.
Du même auteur: clic et reclic.
05:50 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : susin nielsen
08/06/2015
Enfant terrible
"L'art était une réponse possible aux hurlements, mais la vie se contentait de hausser les épaules et de suivre son cours."
"Cigarettes ,whisky et p'tites pépées" chantait Eddie Constantine (et Annie Cordy !) dans les années soixante. Un programme que pourrait reprendre à son compte en 2013 Kennedy Marr ex-romancier irlandais à succès, devenu spin doctor pour scénarios à Los Angeles.
Entre principe de plaisir et principe de réalité, il a résolument opté pour le premier mais la vie va conspirer pour le ramener à son point de départ , ou presque, car il va devoir enseigner durant une année dans l'université anglaise où travaille son ex-femme. L'occasion de renouer avec sa fille et d'aller enfin voir sa mère, très malade.
Quel régal que ce livre ! Je craignais les pages fleurant bon, au mieux la testostérone, au pire la misogynie la plus crasse,mais j'ai découvert un personnage attachant en diable, ayant le chic pour se compliquer la vie et se fourrer avec un bel entrain dans les ennuis. Certains épisodes sont hilarants (la lecture poétique dans une librairie indépendante, entre autres), d'autres nettement plus émouvants.
Entre considérations sur l'écriture et description au vitriol du microcosme cinématographique , on passe un excellent moment de lecture !
Merci à Cuné qui a su me donner envie !
Enfant terrible, John Niven, traduit de l'anglais par Nathalie Peronny, Sonatine 2015, 415 pages revigorantes !
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : john niven
07/06/2015
En cas de forte chaleur...en poche
"Il a beau se reposer sur elle, éprouver pour elle un attachement jamais démenti, elle n'a aucune idée de ce qui se passe derrière ces lunettes, ignore quelles pensées couvent sous ces cheveux gris épais."
En cet été caniculaire de 1976, un événement vient chambouler la routine d'un coupe de retraités: Robert part acheter son journal et ne revient pas. Gretta ,sa femme, donne l'alerte et les trois enfants adultes se rassemblent pour faire front malgré leurs dissensions et leurs secrets."Comment se fait-il qu'au bout de vingt-quatre heures passées en famille, on se retrouve adolescente ? Est-ce que cette régression va perdurer ? ", se demande la benjamine rebelle ,Aoife.
Maggie O'Farrell scrute avec bienveillance la manière dont se remettent aussitôt en place les vieilles rivalités , mais aussi les anciens rôles ,quand la fratrie se réunit. à cette situation s'ajoutent les crises personnelles que Aoife , son frère Michael Francis et sa sœur Monica traversent, de manière bien différente.
La vie n'est jamais tranquille dans cette famille irlandaise exilée à Londres et cette constellation familiale , pleine de contradictions, réserve bien des surprises. Mais plus qu'à ces rebondissements, c'est à l'intimité de chacun que s'attache l'auteure, à la relation que chacun tisse avec les autres, par delà les mots et le temps, de manière infinitésimale. Un style imagé et limpide, des personnages plus qu'attachants et une narration fluide qui ne vous lâche pas en route. Un gros coup de cœur , malgré une fin un peu convenue, constellé de marque-pages
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : maggie o'farrell
06/06/2015
L'invité du soir...en poche
"Tout était calme, mais chacun des meubles avait l'air comme détaché de ses amarres dans cette lueur plate et insipide, comme s'il s'était égaré à force de vouloir paraître à l'ordinaire. Ruth a eu le sentiment que sa maison toute entière lui mentait."
Une maison isolée de la côte australienne. Une vieille dame de 75 ans dont la santé décline mais qui tient à son indépendance, Ruth, y habite en compagnie de deux chats. Un soir, elle entend un tigre dans sa maison. Arrive alors un personnage tour à tour salvateur et rudoyant, Frida, aide-ménagère envoyée par le gouvernement.
S'instaure alors un climat troublant , oscillant entre tendresse et inquiétude, manipulation et hallucinations. L'écriture fluide et poétique de Fiona Mc Farlane instille le doute, fait froncer les sourcils, battre le cœur. Tout à tour ,on frémit, on partage la douce rêverie amoureuse de Ruth, on croit avoir compris ,mais tout est beaucoup plus subtil et intriguant que prévu.
La description de cette emprise étrange, où tout peut basculer à la seconde, mais aussi de cette femme âgée qui avait appris "grâce à ce drôle de miroir qu'était le visage de Jeff, qu'elle en était au stade où ses fils s'inquiétaient pour elle", de sa relation au temps, "Oh la douce étendue vertigineuse du jour, le remplissage plus ou moins réussi de toutes ces heures.",à la mort qu'elle espère "aussi extraordinaire que son commencement" sont tout à fait fascinantes.
En lisant, ce premier roman où la mer mais aussi la jungle de l'enfance fidjienne de Ruth ont la part belle, j'ai songé tour à tour à l'écriture de Virginia Woolf et Au barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras , le tout relevé d'une pointe lancinante de soupçons hitchcockiens. J'ai été soufflée !
Bravo à la traductrice, Carine Chichereau qui a su rendre l’atmosphère troublante de ce récit où d'une phrase à l'autre la tonalité peut changer.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : fiona mcfarlane
04/06/2015
Les morts renaîtront un jour
"Je le fais pour moi-même.Parce que je ne veux pas être asservie aux morts toute ma vie. Comme il l'était."
Dans une Allemagne fraichement réunifiée, Käthe, juive réfugiée depuis plus d'un demi-siècle aux États-Unis, revient à Berlin pour la première fois. Las, son cadavre est retrouvé au bas d'un mémorial de la déportation.
Persuadée, contrairement à la police, qu'il ne s'agit en aucune façon d'un suicide, sa petite nièce, Maja mène sa propre enquête, dans un pays où le passé est toujours à vif.
Maja, porte-parole de la jeune génération, prend en charge un passé dont son père voulait faire l'économie car trop douloureux et cette mission elle va la mener au péril de sa vie.
Malgré quelques maladresses dans la progression du polar, qui n'est ici visiblement qu'un prétexte pour revisiter des thèmes vraiment passionnants (la résistance juive dont on ne parle quasiment jamais, la restitution des biens juifs qui avaient été "aryanisés", la réunification réveillant d’anciennes blessures...), on prend beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman, un peu dans la facture des textes de Didier Daeninckx.
Un bon moment de lecture et un roman prenant.
Les morts renaîtront un jour, Christoph Ernst, traduit de l'allemand par Brice Germain, Black Piranha 2015, 332 pages .
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : christoph ernst
29/05/2015
La ballade d'Hester Day...en poche
"J'imagine que quand tu épouses secrètement un poète qui veut t'exploiter comme matériel littéraire, il vaut mieux que tu prennes au moins une minute pour réfléchir à ce que tu dirais à tes parents s'ils venaient à découvrir le pot aux roses. Moi, je n'y avais pas pensé."
Capable de programmer l'adoption d'un enfant dès sa majorité toute proche, comme d'agir sous une impulsion, Hester Day se retrouve dans un road movie, brinquebalée entre son mari poète et son très jeune cousin. Qu'elle les connaisse tous deux à peine ne la dérange pas le moins du monde !
Vouée d'emblée à l'échec cette épopée vaut pour les rencontres que nos anti-héros vont effectuer et par la manière si particulière d’Hesther d'envisager sa vie. N'empêche qu'on n'aimerait pas être à la place de sa mère !
367 pages hérissées de marque-pages et un excellent moment en compagnie d'Hester Day !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : mercedes helnwein
28/05/2015
La dame à la camionnette....en poche
"Il était rare qu'on lui rende le moindre service sans avoir en même temps envie de l'étrangler."
Nul doute que cette couverture jaune primevère aurait beaucoup plu à Miss Sheperd ! Cette vieille dame marginale et excentrique repeignait inlassablement de cette couleur les différentes camionnettes dans lesquelles elle vécut successivement à la fin de sa vie.
Victime de l'embourgeoisement de son quartier, mais dotée d'un grand sens de la manipulation et d'une mauvaise foi inébranlable, Miss Sheperd finit par établir ses quartiers dans l'entrée du jardin d'Alan Bennett. Une cohabitation improbable et chaotique, entre exaspération et volonté d'aider cette vieille dame soucieuse de préserver sa dignité et ses secrets ,qui dura une vingtaine d'années.
Une synthèse pleine d'humour des notes qu'Allan Bennett a prises au fil du temps sur cette vieille dame qui faisait tache et dont un des habitants du quartier se demandait si elle était vraiment excentrique... Une peinture d'une transformation en marche qui ne tombe jamais dans l'autosatisfaction ni dans l'apitoiement. 114 pages so british !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : alan bennett
26/05/2015
Puissions-nous être pardonnés
"Mais à présent tout se passe comme si j'étais en chute libre, indéfiniment, la dégringolade n'étant interrompue et ralentie que lorsque je suis sommé de faire quelque chose pour quelqu'un d'autre. Sans les enfants, le chien, le chat, les chatons, les plantes, je me déliterais complètement."
Deux tragédies successives et familiales vont totalement bouleverser la vie de deux frères,opposés, "les deux faces d'une même pièce."
Si George a longtemps volé à Harold sa place d'aîné ,accaparant l'attention par son caractère explosif et violent, ce dernier se contentant d'une vie sclérosée et d'un rôle plus passif, les rôles vont changer. Harold, investissant la maison de son cadet, va prendre sa place de père de famille et, par là même s'autoriser à devenir enfin adulte.
Familles dysfonctionnelles et hautes en couleurs, personnages principaux attachants, personnages secondaires farfelus et joyeusement hors-normes , tout m'a enthousiasmé !
Les épisodes drolatiques (j'ai éclaté de rire à plusieurs reprises) et émouvants alternent dans ce roman de 500 pages qu'on quitte à regrets. A.M. Homes revient avec jubilation et profondeur sur ce thème de la famille et on la suit avec tout autant de bonheur dans cette Amérique qu'elle égratigne au passage . Un coup de cœur !
Puissions-nous être pardonnés, A.H. Holmes, traduit de l'américain par Yoann Gentric, Actes Sud 2015.
Ps: la quatrième de couv' en dit beaucoup trop !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : a.m. homes