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02/03/2016

J'ai toujours ton coeur avec moi

"Je ne dis pas que je cherche le bonheur, mais porter la nature aux nues après tout ce qu'elle a fait subir aux  gens me semble du plus mauvais goût, l'entends-je encore siffler.Et puis l'homme est aussi sauvage que la terre qu'il habite. Tout ça, c'est le même tabac."

à la mort de sa mère, avec qui elle entretenait une relation pour le moins particulière, Hildur hérite d'une petite maison jaune sur une île. S'y rendre et se l'approprier, ou pas, sera l'occasion de se remémorer le passé et d'explorer pour Hildur d'explorer sa propre relation à son fils.

soffia bjarnadottir


Roman à la fois mélancolique et poétique, J'ai toujours ton cœur avec moi est un texte dont il est difficile de parler tant l’atmosphère et la distance qu'il instaure avec son lecteur sont étranges. Si je suis toujours restée extérieure au texte, cela ne m'a pas empêché d'être séduite par de nombreux passages, en témoignent les marque-pages qui le hérissent. Une expérience à tenter.

Roman  de Soffia Bjarnadottir, traduit de l'islandais par Jean-Christophe Salùn, Zulma 2016, 139 pages.

29/02/2016

La fin d'une imposture

"D'une certaine manière, elle admirait sa vigilance constante et sa paranoïa absolue."

Profitant de la détresse d'une famille en plein bouleversement (adultère du père, mort accidentelle du fils en Thaïlande), un jeune homme, Jed, s'introduit dans ce nid perturbé via Maddie, la fille de la maison, adolescente en pleine dépression.kate o'riordan
Si Rosalie, la mère, est d'abord enchantée par ce jeune homme qui semble leur apporter juste ce dont ils ont besoin en ce moment douloureux, elle va vite se rendre compte de l'emprise nocive qu'il exerce et des mensonges qu'il profère. Elle décide donc de partir à la recherche de la vérité, au risque de faire éclater définitivement sa famille.
Description d'une emprise psychologique, La fin d'une imposture est aussi un récit fertile en rebondissements, angoissant ,et qui n'hésite pas à repousser les limites de la bienséance. L'auteure enferre ses personnages dans des choix douloureux, mais peint une mère de famille au caractère bien trempé qui n'a pas peur d'affronter ses erreurs. Un coup de cœur !

La fin d'une imposture, Kate o' Riordan, traduit de l'anglais (Irlande) par Laetitia Devaux, Éditions Joëlle Losfeld 2016, 377 pages.

Du même auteur:clic, clic et reclic. Fan, moi ? Oui !

 

23/02/2016

Eileen

"Tout ce que j'avais à offrir, c'étaient mes talents de serpillière, de mur aveugle, de fille désespérée prête à tout, hormis commettre un assassinat , pour se faire apprécier, sans même parler de se faire aimer."

1964. Eileen a vingt-quatre ans. Orpheline de mère, elle vit avec un père tyrannique et alcoolique que seul son ancien statut de policer municipal sauve de la déchéance totale. Elle travaille dans un centre de détention pour jeunes délinquants qui exercent une trouble attirance sur elle. Mais dans le déni total de son corps et de ce qu'elle appelle ses "cavités", elle se contente de bâtir d’improbables questionnaires que les  mères des prisonniers remplissent sans broncher.ottessa mosfegh
L'arrivée d'une jeune femme très sexy dans l'institution où travaille Eileen sera l'élément déclencheur pour un changement de vie radical pour la narratrice.
Récit rétrospectif, à cinquante ans de distance, Eillen, est un roman où l'aspect organique règne en maître. On a parfois l'impression que les pages empestent la sueur, le vomi ou les sécrétions. Paradoxalement, dans la dernière partie du récit , l'excès de propreté sera le signe d'une perversion extrême.
Autoportrait placé sous le signe de l'auto dénigrement- on pourrait s'amuser à collecter les définitions déplorables que la narratrice donne d'elle-même- ce premier roman est bourré d''humour noir et je me suis vraiment régalée à le lire même si la dernière partie, avec son retournement de situation plus qu’improbable, est nettement moins convaincante. Une auteure à suivre !

 Eileen, Ottessa Mosfegh, traduit de l'anglais( E-U) par Françoise Du Sorbier, Fayard 2016

Antigone a été un peu moins enthousiaste.ottessa mosfegh

 

22/02/2016

Personne ne disparaît

"Tout ce que je pouvais  dire pour expliquer mes piètres choix c'est que j’avais eu le sentiment général d'avoir besoin de partir, d'avoir besoin d'être la première à partir,le besoin de me barricader contre la vie que tous les autres semblaient vivre, la manière apparemment évidente, intuitive, claire et facile, et facile et claire pour tous ceux qui n’étaient pas moi, pour tous ceux qui se trouvaient de l'autre côté de cet endroit appelé moi."

Sur la seule foi d'une vague invitation, Elyria  quitte, sans prévenir qui que ce soit, sa vie apparemment bien lisse de new-yorkaise trentenaire et s'envole pour la Nouvelle -Zélande.catherine lacey
Là, malgré les nombreuses mises en garde, elle choisit de rallier la chambre d'ami proposée, en faisant de l'auto stop. L'occasion de faire de multiples rencontres et de révéler au fur et à mesure de son périple ,tout autant géographique qu'intérieur, les véritables raisons de sa décision.
Une seule voix domine ce premier roman à l'écriture fluide et riche en métaphores. Un seul point de vue, très spécial car Elyria entretient une relation toute particulière à la réalité. Un personnage très attachant qui va se découvrir jusqu'au final un peu verbeux, mais d'une violence psychologique extrême ,qui serre le cœur.
Un coup de cœur ! Et zou sur l'étagère des indispensables, malgré ce petit bémol pour la fin !

Personne ne disparaît, Catherine Lacey, traduit de l'anglais ,( Etats-Unis) par Myriam Anderson, Actes Sud 2016, 267 pages bruissantes de marque-pages.

 

20/02/2016

Enfant terrible...en poche

"L'art était une réponse possible aux hurlements, mais la vie se contentait de hausser les épaules et de suivre son cours."

"Cigarettes ,whisky et p'tites pépées" chantait Eddie Constantine (et Annie Cordy !) dans les années soixante. Un programme que pourrait reprendre à son compte en 2013 Kennedy Marr ex-romancier irlandais à succès, devenu spin doctor pour scénarios à Los Angeles.john niven
Entre principe de plaisir et principe de réalité, il a résolument opté pour le premier mais la vie va conspirer pour le ramener à son point de départ , ou presque, car il va devoir enseigner durant une année dans l'université anglaise où travaille son ex-femme. L'occasion de renouer avec sa fille et d'aller enfin voir sa mère, très malade.
Quel régal que ce livre ! Je craignais les pages fleurant bon, au mieux la testostérone, au pire la misogynie la plus crasse,mais j'ai découvert un personnage attachant en diable, ayant le chic pour se compliquer la vie et se fourrer avec un bel entrain dans les ennuis. Certains épisodes sont hilarants (la lecture poétique dans une librairie indépendante, entre autres), d'autres nettement plus émouvants.
Entre considérations sur l'écriture et description au vitriol du microcosme cinématographique , on passe un excellent moment de lecture !

De John Niven vient de sortir un roman qui a l'air tout aussi décapant !

07/02/2016

Les endormeurs...en poche

"Une perte  réveille la souffrance de pertes anciennes  et on peut se demander si on est en mesure de résister à tout cela."

à la mort de sa femme, Drik, psychanalyste voit sa constellation familiale se réorganiser.Sa sœur, Suzanne, endosse le rôle d'aînée pour soutenir cet homme qui avait mis sa profession entre parenthèses pour accompagner les derniers mois de son épouse. Elle-même reprend aussi son travail d'anesthésiste, ce qui lui permet d'oublier un peu que sa fille, Rose, a choisi brutalement de quitter le domicile familial, événement que son mari, Peter, accepte plus facilement.anna enquist
Si Suzanne accomplit ses tâches avec aisance, il n'en est pas de même pour Drik placé par un patient retors dans un conflit d'intérêts inextricable.
Roman sur la perte, Les endormeurs permet aussi à Anna Enquist, elle-même psychanalyste d'explorer deux univers en apparence antinomiques. Comme elle le précise en conclusion: "Dans ma profession, la psychanalyse, nous partons du principe que, dans la plupart des cas, le patient gagne à savoir ce qui se passe en lui, que cela lui est salutaire.[...] Quand le refoulé peut s'exprimer, on accède au symbolique, le refoulé s'apaise et les symptômes disparaissent. L'anesthésiste, lui, épargne les sensations douloureuses à son patient, il considère qu'il a bien fait son travail si le patient n'est absolument pas conscient de la souffrance qu'on lui a infligée pendant l'intervention."
Très documenté sans jamais être pesant, ce roman nous donne l'occasion de visiter les coulisses de deux univers passionnants , de nous remémorer que tous ceux à qui nous confions nos corps et/ou nos âmes sont faillibles, eux-aussi. 361 pages à laisser infuser.

Anna Enquist, Babel 2016

 

02/02/2016

Le choix de Betty

"Personne ne me prendrait pour la linguiste, la sociologue et l’experte en chiffrage que je suis et tout ça après avoir connu les Camps. Il me manque quelque chose. Je suis vide."

Le premier volume de la trilogie des Orphelins du Raj, le Maître des apparences, était consacré au Juge Filth. Cette fois, c'est son épouse qui devient le principal personnage du roman et les faits sont racontés selon son point de vue. Pas de redites, mais un éclairage à la fois pudique et intense qui nous montre sous un autre jour celle qui , à la fin de sa vie, apparaissait comme une dame bien sous tous rapports alors qu'elle avait connu bien des épreuves et des tourments, tiraillée entre son amour pour Filth et son attirance pour son adversaire de toujours, Veneering.jane gardam
Le personnage de Betty gagne ainsi en épaisseur, sans pour autant qu'on en ait fait le tour. Quant à son mari, après le décès de son épouse, nous verrons qu'il n’était pas aussi inattentif que Betty le croyait...
Quel plaisir de lire, quelques mois après le premier volume, ce nouveau roman de Jane Gardam ! Cette trilogie est un  pur régal tant du point de vue de l' écriture que du point de vue romanesque ! Aventures, personnages aux destins hors-normes, le tout sans pour autant tomber dans le sentimentalisme ou l'excès.
On vit avec les personnages, on connaît tour à tour la chaleur de l'Orient et l’humidité britannique et l'on attend avec impatience de les retrouver à la fin de l'année, comme annoncé par l'éditeur !

25/01/2016

Parmi les dix milliers de choses

"Gary était un peu comme un endroit où l'on aime retourner."

Deb ne peut plus fermer les yeux sur les infidélités de son artiste de mari: un paquet contenant des courriels impudiques vient d'être envoyé au domicile familial par la dernière maîtresse en date de Jack. Par manque de chance, cette boîte tombe d'abord entre les mains des enfants.julia pierpont
Chronique d'une famille en déconstruction, Parmi les dix milliers de choses alterne les voix des quatre principaux protagonistes et peint avec pudeur et retenue les réactions de chacun.
Riche en notations fines, le roman pêche pourtant par sa construction. En effet, une prolepse nous projette dans le futur avant que nous ne revenions sur l'été qui suit la séparation des parents, un peu comme si l’auteure avait voulu se débarrasser de ses personnages.
Des passages très réussis, comme le retour inopiné de Jack chez sa mère et son beau-père, font un peu oublier le manque d'empathie pour les personnages, bobos sans rien vraiment d'attachant. Un constat en demi-teinte donc.

 

Parmi les dix milliers de choses, Julia Pierpont, traduit de l’anglais par Aline Azoulay- Pacvo, Stock 2016.

julia pierpont

 

 

22/01/2016

Astres sans éclat

"Avoir une amie compliquait les choses."

Canada, Ontario, 1962. Quand Jori Clement, fille unique d'un couple aisé et progressiste, élit comme amie Brendra Bray, adolescente potelée et solitaire, la vie de cette dernière semble enfin acquérir un peu d'éclat.
Mais Brendra ne fait peut être que passer de l'emprise de sa mère dépressive , aux crises de colère violentes, à celle de cette amie délurée et pas aussi lisse qu'il n'y paraît.k.d miller,canada,adolescence
Quarante ans plus tard, le vilain petit canard, devenue une auteure à succès sous le nom de Rae, revient sur les événements dramatiques survenus à cette époque.
Avec beaucoup de subtilité, KDMiller  instille le doute et analyse les relations toxiques instaurées entre les différents personnages. 173 pages aiguisées.

Astres sans éclat, KD Miller, traduit  de l'anglais (Canada) par Marie Frankland,  Les Allusifs 2015

19/01/2016

La douleur porte un costume de plumes

"C'est ce que je fais, je lui offre des performances décousues , des trucs de corbeau. je crois qu'il a un peu l'impression d'être un chamane de Stonehenge qui entend l'esprit de l'oiseau. Moi ça me va tant que ça le fait tenir.)

Mégalithe !"

 

Un corbeau gigantesque investit le logis et la vie d'un jeune veuf et de ses deux enfants. Usant parfois d'un sabir déclamé en tirades rythmées (bravo au traducteur) ou de méthodes thérapeutiques inédites, le corvidé va insensiblement ramener les humains ,qu'il tarabuste et protège à la fois, du côté de la vie.
Le père n'est pas dupe du fait que "La frontière était mince entre mon imaginaire et le monde réel" et cette ambivalence est aussi marquée par les besoins qu'il affirme avec véhémence: ceux du quotidien , mais aussi ceux de la culture.index.jpg
Le dérèglement de leur existence, leur souffrance mais aussi les éclats de rire et l'amour qui persistent malgré tout, l"ajustement constant "que lui a appris le corbeau, tout ceci est restitué avec délicatesse dans un roman choral court où se donne à entendre une voix parfois maladroite ,mais qui possède un style bien à elle, jouant avec la typographie et l'espace .
Une expérience à tenter !

La douleur porte un costume de plumes, Max Porter, traduit de l’anglais par Charles Recoursé, Seuil 2015, 121 pages et une ambiance étonnante.