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22/11/2016

La vie idéale

"à Rain Dragon, assurait-elle, , le secret était de ne jamais admettre son manque d'expertise. Ici, à la différence du Massachusetts, tout le monde se fichait de vos références. On était ce lui que l'on disait être.On pouvait même se montrer incroyablement médiocre dans un domaine donné, personne ne semblait le remarquer ou s'en soucier."

Damon et Amy, couple de trentenaires, ont rejoint "Rain Dragon", une grande ferme bio du Nord-Ouest des États-Unis. Si la jeune femme trouve aisément sa place dans la structure de ce projet alternatif, Damon , davantage motivé par l'idée de suivre le nouvel engouement de sa compagne, dans l'espoir de sauver leur couple, nettement moins.jon raymond
Il sera pourtant à l'origine d'une formation destinée aux grandes entreprises , initiative qui n'aura pas forcément les résultats escomptés.
J'ai retrouvé avec plaisir le style et la finesse psychologique que j'avais appréciés dans le recueil de nouvelles Wendy et Lucy. (clic)
J'ai aussi aiméécié la description du fonctionnement de cette communauté qui se veut hors normes, mais n'en reste pas moins une entreprise qui se doit de faire des bénéfices . Pas d'esprit à la Pierre Rabhi ici mais un solide sens des affaires sous un vernis de communauté dirigée par un leader aux allures de gourou.
Si les dés semblent joués d'avance, il n'en reste pas moins qu'on passe un bon moment de lecture.

La vie idéale, Jon Raymond,  traduit  de l'américian par Nathalie Bru, Albin Michel 20116 , 317 pages douces-amères.

 

21/11/2016

Nous sommes restées à fixer l'horizon

"Nous nous sommes tartinées la figure d'argile bleu-clair, nous avions l'air de deux fantômes touchés par le bonheur."

Quel personnage cette Olivia ! Manipulée dans sa jeunesse par sa mère, plutôt que de devenir architecte, elle a décidé de bosser dans une fonderie. Mise à la porte par son petit ami, elle apprend que sa tante Agot décédée brusquement lui lègue sa maison en Islande.mona hovring
Lors des obsèques, elle tombe amoureuse de Bé,elle-même mariée à une femme. Nos deux héroïnes se rendront donc ensemble en Islande.
Plus que cette histoire d'amour, toute en délicatesse et ellipses, c'est le personnage d’Olivia, en chemin vers sa liberté et le style de l'auteure qui ont su emporter mon enthousiasme. Alternant différents registres de langue, utilisant des mots tantôt anciens, tantôt peu usités (bravo au traducteur !), "J'étais sémillante, badine et rigolarde, un rien déclenchait mon hilarité, et mon rire était imprudent comme celui d'un enfant après une crise de larmes "Mona Hovring  a aussi le goût des métaphores, ce qui ne gâte rien !

Une découverte réjouissante !

Nous sommes restées à fixer l'horizon, Mona Hovring, traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud, Notabilia 2016 , 157 pages piquetées de marque-pages.

 

15/11/2016

Comment apprendre à s'aimer

"Linde rit."Moins j'ai confiance en moi, plus je m'en donne l'air." C’était la seule qualité qu'elle pouvait se vanter d'avoir acquise."

Avec beaucoup de délicatesse, un soupçon de poésie et une rudesse feutrée, Yukiko Motoya nous propose des instantanés d'une même femme, Linde,à différent âges de sa vie.yukiko motoya
Si les premiers textes suivent l'ordre chronologique,  (16 , 28, 34 et 47 ans), il faut attendre l'avant dernier pour avoir un épisode révélateur se déroulant à l'école maternelle (alors qu'elle a trois ans )pour que notre vision du personnage se  réorganise et que nous ayons l'explication de son prénom si original.
L'avoir placé juste avant celui de ses soixante- trois ans me paraît fort judicieux car les deux  textes permettent de voir l'évolution du personnage.
Linde peut apparaître insatisfaite, mais il me semble surtout qu'elle peine à trouver sa place et se soucie beaucoup du regard des autres, n"hésitant pas par exemple à mettre en scène sa maison pour le regard d'un personnage qui pourrait paraître anodin mais joue un rôle important dans sa vie : le livreur de colis.
Nous ne connaissons pas tout de Linde,mais cette vacuité nous la rend encore plus proche peut être car chacun peut y projeter ce qu'il veut, remplir les pointillés à sa guise.
J'avoue que dans un premier temps ce roman m'a paru seulement intéressant du point de vue de la description de la vie quotidienne, mais dans un second temps, avec la lecture du chapitre consacré à la petite enfance, tout a gagné en profondeur.
Une vie ordinaire mais dont la description distille un réconfort subtil.

Comment apprendre à s'aimer, MOTOYA Yukiko, traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako, Picquier 2016, 152 pages au charme exquis

08/11/2016

L'étrange bibliothèque...en poche

"Je n'irais pas jusqu'à affirmer que je suis idiot. Simplement ,depuis que j'ai été mordu par le grand chien noir, ma tête fonctionne sur un mode un peu particulier."

Parce qu'il voulait se renseigner sur la collecte des impôts dans l'Empire ottoman, un jeune garçon va se retrouver prisonnier dans une bibliothèque labyrinthique.haruki murakami
L’action se déroule de nos jours au Japon et c'est par petites touches que Haruki Murakami nous fait basculer dans le fantastique. Un fantastique très noir, teinté d'horreur mais aussi d'humour. Ainsi son prisonnier mange-t-il aussi bien des donuts bien croustillants qu'une épinoche à trois épines farcies, des saucisses de Toulouse ou un croissant ! Un melting pot culinaire bien loin des ambiances à la Edgard Poe à laquelle fait parfois penser cette nouvelle qu'on peut aussi envisager comme un conte.
Les personnages ont des identités fluctuantes et la lecture devient un moyen de pression pour l"inquiétant geôlier. Rien n'est figé, tout évolue , on se croirait parfois dans un kaléidoscope tant les ambiances changent avec subtilité.
Les illustrations qui accompagnent ce texte jouent à la perfection des variations de noir, gris et sépia et seules quelques touches de couleurs viennent les éclairer. La couverture avec ce formidable étourneau a su aussi me séduire. Un petit plaisir à (s') offrir, histoire de frisonner un peu .

L'étrange bibliothèque, HaruKi Murakami, 10/18  2016 ,traduit du japonais par Hélène Morita,  illustrations de Kat Menschik .

 

 

07/11/2016

Ma vie de pingouin ...en poche

"Et quand il m'a mise debout et embrassée, c'était comme à la télé. La question était de savoir s'il s'agissait d'une comédie  (La croisière s'amuse , Saison 10) ou un documentaire farfelu."

Bienvenue à bord de l'Orlovsky, ancien navire scientifique russe, pour une croisière de l'extrême: direction l'Antarctique !
à bord, une faune tout aussi éclectique, farfelue et parfois cruelle que celle qui se trouve sur les icebergs ou les îlots ! Par ordre d'apparition: Wilma,32 ans, dont la bonne humeur inébranlable n'est pas sans un arrière plan plus sombre; Tomas, trentenaire qu veut en finir avec la vie ,mais c'est pas gagné ;  Alba, 72 ans , qui a eu mille vies, grande scrutatrice des mœurs humaines. Sans oublier un essaim de personnages secondaires, d'âge plus ou moins avancé, venus observer les oiseaux ou se trouver un compagnon !katarina mazetti
Fine observatrice, Katarina Mazetti semble s'être régalée à croquer tout ce petit monde, jeunes et vieux mélangés, embarqué dans une expédition fertile en rebondissements !
Alternant épisodes cocasses ou plus sombres, le roman file à toute allure pour le plus grand bonheur de son lecteur ! On retrouve en effet avec un plaisir sans pareil une Katerina Mazetti au mieux de sa forme et n'hésitant pas à peindre , avec beaucoup de véracité, les animaux rencontrés en chemin . Un grand bonheur de lecture !

Ma vie de pingouin, Katarina Mazetti,Babel 2016

04/11/2016

Le livre des songes

"Dans la lumière faiblarde, son visage paraissait étrange. Un instant, j'eus l'idée qu'elle pouvait être quelqu’un qui faisait semblant d'être ma mère et pas ma vraie mère du tout."

jenny offill

Grace Davitt, huit ans, la narratrice de ce singulier roman, nous entraîne dans le monde onirique qu'elle s'est construit.
Son père, professeur de chimie, tente d'instiller un peu de rationalité dans l'esprit de sa fille, mais ne peut lutter contre son épouse , Anna, ornithologue qui nourrit Grace de récits fabuleux. Il finira par fuir le domicile conjugal.
Ne fréquentant plus l'école, la petite fille suit sa mère dans son univers, sans se rendre compte immédiatement que celle-ci s'enfonce progressivement dans la folie.
Vue à travers les yeux d'une enfant qui manque de points de repères pour jauger efficacement l'attitude de sa mère, le récit captive le lecteur et le trouble.
Si la fin est un peu décevante, l’expérience n'en reste pas moins à tenter.

Le livre des songes, Jenny Offill, traduit de l’anglais (E-u) Par Édith Odis, Calmann-Levy 2016.

jenny offill

03/11/2016

Une famille trop parfaite

"Pourquoi j'ai accepté docilement de devenir...personne."

Une jeune mère de famille, Olivia Brookes, et ses trois enfants ont disparu.L'inspecteur Tom Douglas, chargé de l'enquête, se rend vite compte qu'Olivia a déjà été liée dans le passé à d'autres disparitions inexpliquées. En outre, si le mari paraît sincèrement éploré, il n'en reste pas moins qu’une atmosphère particulière règne dans cette maison cossue...rachel abbott
Roman d'une  emprise amoureuse qui tourne à l'obsession meurtrière, Une famille trop parfaite est un récit haletant qui multiplie les rebondissements (parfois un peu trop) et ne ménage pas son lecteur.
On sent un grand souci de véracité et ,même si l'héroïne m'a paru parfois un peu agaçante, j'ai dévoré ce roman d'une traite sans pouvoir le lâcher.
Un thriller efficace qui donne envie de visiter les îles anglo-normandes.

Une famille trop parfaite, Rachel Abbott, traduit de l'anglais par Murie Levet, Belfond 2016.rachel abbott

27/10/2016

J'ai vu un homme...en poche

"Aucun de leurs choix n'avait été malintentionné. Et cependant, leur combinaison avait engendré plus d'obscurité que de lumière."

Pourquoi Michael Turner explore-t-il la maison de ses voisins en leur absence ? Voilà à peine sept mois qu'il s'est installé à Londres et très vite, il est entré dans l'intimité des Nelson, une sympathique petite famille.
Différant la réponse à cette question, le récit remonte le temps ...owen sheers
Michael peine à se remettre du décès de sa femme, Caroline, journaliste tuée au Pakistan. Il n'est pas le seul : le commandant Mc Cullen ,responsable de cette mort, semble lui aussi perturbé par ce cadavre de trop et l'américain qui ne supporte plus d'être "dissocié de ses actes" , a bien l'intention d'agir et d'assumer les conséquences ,par-delà les frontières ,d'une décision prise sans états d'âme.
Owen Sheers , dès la première phrase de son roman, instaure un malaise qui ira s'amplifiant et perdurera même quand sera identifié "l'événement qui bouleversa leur existence". En effet, les liens , bien plus complexes qu'il n'y paraît à première vue, entre les différents personnages, vont les entraîner dans des chemins très tortueux .
Remords, conflits de loyauté, culpabilité sont analysés avec finesse et sensibilité. La narration est extrêmement efficace, le lecteur se perd en conjectures sur la nature de cet événement avant de rester le souffle coupé.Le récit,ponctué de réflexions sur l'écriture (Michael est écrivain), gagne encore en profondeur et crée même peut être une mise en abyme, comme semble le suggérer la dédicace...
Un roman qui nous ferre d'emblée et qu'on ne lâche pas car il allie , et c'est rare, qualité de l'écriture et subtilité de la narration. Du grand art !
Il y avait la page 51 de David Vann il y aura maintenant celle d' Owen Sheers (je me garderai bien de vous donner sa numérotation !)

J'ai vu un homme, Owen Sheers, traduit de l'anglais par Mathilde Bach, Rivages 2015, 351 pages insidieusement addictives. Rivages poche 2016

Et zou, sur l'étagère des indispensables! Nuits blanches en perspective !

Une dernière citation pour la route :" Une histoire qui n'est pas racontée , dit-elle en le pointant d'un doigt accusateur, c'est comme une décharge. Enfouis-la tant que tu veux , elle finira toujours par refaire surface."

 

24/10/2016

Le linguiste était presque parfait...en poche

"Hoosier: subst, étymologie obscure et ennuyeuse. Crétin de Blanc assorti d'une grasse épouse blanche qui mange des légumes verts, accroche un silencieux à son pot d'échappement à l'aide d'un cintre, et laisse traîner des réfrigérateurs dans son jardin pour que des enfants s'étouffent à l'intérieur."


Quoi de plus calme en apparence qu'un institut de linguistique étudiant le langage des nourrissons ? Et pourtant, outre leurs inimitiés, l'intérêt maniaque porté aux mots prononcés , ces charmants linguistes doivent aussi penser à l'avancement  de leurs carrières professionnelles , de leurs projets amoureux, veiller au maintien des subventions qui leur sont accordées , voire même sauver leur peau. En effet, l'un d'entre eux vient d'être assassiné. Jeremy Cook va mener sa propre enquête sur le meurtre de son collègue de manière bien peu orthodoxe, utilisant ce qu'il connaît le mieux : la linguistique !david carkeet
Le microcosme évoqué  dans  ce nouveau roman de David Carkeet n'est pas sans rappeler celui de David Lodge mais avec des personnages encore plus farfelus et  déjantés qui parviennent à rendre la linguistique follement attrayante (ce qui n'est pas une mince affaire, vous l'avouerez !). L'auteur joue à merveille des oppositions entre ses personnages et nous entraine avec un sérieux imperturbable dans un monde où les énigmes dignes de Gaston Leroux sont résolues grâce à des signaux linguistiques ! Un monde fou fou fou qui nous distrait avec intelligence et bonne humeur !

Le linguiste était presque parfait, David Carkeet, traduit de l'anglais (E-U) par Nicolas Richard, Monsieur Toussaint  Louverture 2013, 287 pages .Points Seuil 2016.

 

 

 

 

 

14/10/2016

Etta et Otto (Et Russell et James)...en poche

"Quelques mois auparavant, elle avait commencé à se sentir entraînée dans les rêves d'Otto à la place de siens, la nuit."

Etta, quatre-vingt-trois n'a jamais vu l'océan et décide un beau jour de parcourir les milliers de kilomètres qui l'en séparent depuis sa ferme du Saskatchewan. Elle laisse derrière elle son mari, Otto et leur ami, Russell.
Au fur et à mesure de ce périple, le passé affleure et , au fil des rencontres et des souvenirs, se tisse un texte à la fois poétique, simple et plein de fraîcheur qui éclaire, tout en délicatesse, les rapports qui unissent ces personnages, bien plus complexes et riches qu'il n'y paraît de prime abord.emma hooper
Les drames, petits ou grands , se laissent deviner, rien n'est jamais clairement nommé, tout est dans l'implicite, les paroles parfois échangées par la seule force de la pensée et c'est beaucoup plus efficace.
Quant à James, mon personnage préféré, je vous laisse le soin de faire sa connaissance.
Etta, Otto, des prénoms presque semblables pour des personnages qui se fondent l'un en l'autre par le biais de leurs rêves, un récit en forme de boucle, qui se joue du temps et de l'espace. Un roman magnifique et dont les personnages m'accompagneront longtemps !

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