01/11/2017
Quatuor...en poche
"Nous avançons tous les deux le long de l'abîme comme si tout allait bien, pensa Jochem."
Quatre amis de longue date, évoluant dans le domaine de la culture et de la santé, se réunissent régulièrement pour pratiquer la musique en amateur, histoire d'évacuer le stress de leur travail ou de leur situation personnelle compliquée.
Mais l'irruption dans le dernier tiers du livre d'un élément perturbateur, assez prévisible, va remettre en question cette belle harmonie.
La quatrième de couverture nous précise que nous sommes "dans un avenir proche", "dans une ville, jamais nommée qui ressemble à Amsterdam". Si Anna Enquist nous avait habitués à une peinture psychologique très fine, que l'on retrouve avec plaisir ici, cette volonté de pousser le curseur vers un avenir juste un peu plus lointain n'a en vérité pas grand intérêt. Seule la paranoïa d'un vieil homme, pouvant être mise d'ailleurs plus sur le compte d'une inquiétude bien légitime sur la crainte d'être promis à une mort accélérée s'il quitte sa maison, plutôt que sur la volonté délibérée des autorités compétentes peut nous faire croire à cette volonté d'anticipation modérée.
Quant au "suspense", il n'a guère d’utilité...
Bilan en demi-teintes donc et une légère déception pour une auteure dont j'ai lu tous les romans et nouvelles traduits en français.
De la même autrice :clic
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : anna enquist
24/10/2017
En sacrifice à Moloch
"Le chiot galopait comme un troll à qui on aurait mis de la moutarde dans le cul [...]"
Dans la panse d'un ours, on découvre des restes humains. Quelques mois plus tard, une femme est sauvagement assassinée à coups de fourche.La procureure Rebecka Martinsson va bientôt relier ces faits, établir le lien de parenté entre les victimes et découvrir que les membres de cette famille ont une fâcheuse tendance à mourir de manière dramatique.
En parallèle, nous remontons le temps et découvrons ce qui a sans doute été l'assassinat initial, au siècle dernier, d'une institutrice féministe, trop libre et trop belle.
Tous les ingrédients étaient réunis pour un bon polar nordique : une héroïne au caractère bien trempé, la découverte d'un pan historique ma foi fort intéressant de la Suède, une intrigue au début bien ficelée, à qui on est même prêt à pardonner une ou deux invraisemblances.
Si la rudesse, voire la crudité,de l'expression des personnages apparaît dans un premier temps plaisante car roborative, certains dialogues sonnent totalement faux et la désinvolture de la procureure dans ses rapports hiérarchiques apparait pour le moins surprenante. Pour bien moins que cela , en France, elle aurait été virée en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Une déception donc.
Lu dans le cadre du grand prix des Lectrices de Elle 2018.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : asa larsson
17/10/2017
Le jour où Beatriz Yagoda s'assit dans un arbre
"Elle sortit son carnet afin de se calmer en faisant un peu appel à son imagination, en disparaissant juste un instant dans le réconfort des chimères-dans l'appel à l'immortalité qui se cache dans toute fiction."
Auteure un peu oubliée, Beatriz Yagoda revient sous les feux de l'actualité brésilienne quand, après avoir grimpé dans un amandier, valise et cigare à la main, elle disparaît.
Emma, sa traductrice américaine, plante là son fiancé en mal de mariage et se lance à la recherche de l'autrice, en compagnie du fils de celle-ci. L'aventure va se révéler plus dangereuse que prévu car on s'aperçoit très vite Beatriz avait accumulé des dettes de jeux auprès de personnes plutôt dangereuses.
Traque littéraire loufoque, le premier roman de Idra Novey est aussi une gourmande plongée dans le monde l'édition et de la traduction, un vibrant hommage au pouvoir des mots. Un grand coup de cœur, constellé de marque-pages.
traduit de l'anglais (États-Unis par Caroline Bouet, les escales 2017.
06:00 Publié dans rentrée 2017, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : idra novey
09/10/2017
Cette lumière que je vois
"Il m'a pris dans ses bras, et s'il me restait de l'agitation à l'intérieur, elle s'est perdue dans la poitrine de mon oncle."
Comme l'indique très justement la quatrième de couverture , le mot "autisme" n'est jamais prononcé dans le roman de Sofie Laguna qui nous place pourtant au plus près des sensations de Jim, jeune garçon surprotégé par sa mère dans cette famille d'ouvriers australienne des années 80.
Surprotection nécessaire d'ailleurs car le père a du mal à supporter cet enfant au comportement agaçant, qui répète les mêmes phrases, se montre parfois hyper actif et ne trouve pas sa place dans le système scolaire. L'alcool et la violence sont les seuls moyens que cet homme a trouvé comme exutoires à ses frustrations.
Si Sofie Laguna excelle à s'immiscer dans l'esprit de Jim, la multiplication d'épreuves infligées à son personnage principal et le happy end un peu trop convenu ont fait que je suis restée sur le seuil de ce roman pourtant très bien écrit.
Cette lumière que je vois, Sofie Laguna, traduit de l'angalis (australie) par France camus-Pichon, actes sud 2017
06:00 Publié dans rentrée 2017, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : sofie laguna
05/10/2017
ör
"Je réfléchis. Tout bien considéré, il n'est pas aussi urgent de mourir au pays de la mort."
Avec une vie sexuelle et sentimentale au point mort depuis plusieurs années, ayant le sentiment que ni sa mère , dont l'esprit bat la campagne, ni sa fille, jeune adulte, ni son ex-femme (toutes trois prénommées Gudrùn) n'ont besoin de lui et ne sont susceptibles de lui accorder un quelconque réconfort quant au vide de sa vie, il ne reste plus qu'à Jonas Ebeneser qu'à partir pour un pays qui se remet à peine d'une guerre fratricide.
Un aller sans retour, telle est sa résolution initiale. Mais on n'échappe pas à son destin et celui que sa mère a doté d'un prénom signifiant "serviable" et qui ne s'est pas séparé de sa boîte à outils ni de sa perceuse va trouver sur place de quoi suivre sa pente naturelle : tout réparer , si c'est demandé par une femme. Mais peut-on réparer un pays ravagé avec "ta petite perceuse et ton rouleau de scotch ?"
Sans doute pas, mais comme le dit un personnage : "le coupable , c'est celui qui sait et ne fait rien."
Un roman lumineux, simple en apparence,qui m'a fait retrouver l'esprit de Rosa candida, avec son pays non identifié clairement qui synthétise en quelque sorte LE pays ravagé symbolisant tous les autres, son humanisme tranquille et son personnage masculin atypique. Un roman qui redonne foi en l'humanité. Aussitôt savouré, aussitôt recommencé !
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
ör*, Audur Ava Olafsdottir traduit de l'islandais par Catherine Eyjólfsson , Zulma 2017, 236 pages à la frontière du conte.
(* cicatrices,terme polysémique islandais très riche que l'auteure explique à la fin du roman)
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, rentrée 2017, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3)
26/09/2017
Les pleureuses
"...plus les gens vieillissent et plus leurs vies prennent des chemins tortueux avant de se simplifier à nouveau lorsqu'ils sont vraiment âgés."
La narratrice et son mari Christopher sont séparés depuis six mois mais personne n'est au courant. Parti en Grèce enquêter sur les pleureuses , ces femmes payées pour manifester de la douleur lors des enterrement, Christopher ne donne plus signe de vie et sa mère s'inquiète. La narratrice, sans rien révéler de sa situation amoureuse accepte de partir à la recherche de son futur ex époux.
Dans une île écrasée de chaleur et ravagée par les incendies, la narratrice s'interroge longuement sur sa situation ,sur les sentiments qu'elle éprouve dans cet entre-deux qu'elle ne peut révéler sans causer de souffrance.
Si l'analyse psychologique est fine, l’atmosphère magistralement rendue,le style manque de fluidité et le roman perd parfois son lecteur en route.
Le billet d'Antigone.
06:00 Publié dans rentrée 2017, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : katie kitamura
24/09/2017
Les fantômes du vieux pays
"Sa mère paraissait plantée en lui comme une écharde impossible à enlever."
Samuel Anderson, professeur d'anglais à l’université de Chicago, n'en est pas encore conscient mais son existence entre étudiants paresseux et aventures passionnantes dans le jeu en ligne Le Monde d'Elfscape est sur le point d'exploser. Son seul souci était apparemment le roman qu'il s'était engagé à écrire il y a dix ans en échange d'un confortable à valoir depuis longtemps dépensé, mais voilà que sa mère , qui avait quitté le domicile familial sans plus jamais donner signe de vie alors que Samuel avait onze ans, est projetée sous les feux de l'actualité.
Elle a en effet lancé une poignée de gravier sur un homme politique et l'événement entraîne des conséquences disproportionnées nécessitant l'intervention de son fils. Samuel va entreprendre alors un retour en arrière, dévoilant ses failles intimes, ses souffrances , mener une enquête sur le passé de sa mère, tant pour comprendre son attitude que pour essayer de trouver le moment où dans sa propre vie il a fait le mauvais choix.
Un roman foisonnant et pourtant très bien structuré dont on pardonne volontiers les quelques longueurs tant il est enthousiasmant. Multipliant les points de vue, les retours en arrière, tantôt drôle (les passages avec l'étudiante tricheuse sont un pur régal de mauvaise foi !), tantôt émouvant, Les fantômes du vieux pays entraîne son héros, et avec lui le lecteur ravi, dans un maelstrom de rebondissements , brossant au passage un portrait décapant de l’Amérique contemporaine. Un formidable roman d'apprentissage aux personnages très attachants et un pur de bonheur de lecture !
Si , comme moi vos poignets craignent le poids des 720 pages, pensez à la liseuse électronique, vous pourrez en outre mesurer combien d'heures de lecture- et donc de bonheur -vous restent à partager avec Samuel ,Faye et les autres.
Et zou sur l'étagère des indispensables !
Traduit de l'américain par Mathilde Bach
Le billet de Cuné.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, rentrée 2017, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : nathan hill
21/09/2017
Le couple d'à côté
"Le crime n'est pas son truc, visiblement,et pourtant il s'enfonce encore, il persiste à creuser."
Quoi de plus d'anxiogène que l'enlèvement d'une adorable petite fille de six mois ? Quoi de plus culpabilisant pour les parents que, la baby-sitter leur ayant faut faux-bond au dernier moment, de s'être rendus malgré tout à l’invitation de leurs voisins, sans leur bébé ? Visiblement le fait d'aller la voir toutes les demi-heures et la surveillance du baby-phone n'auront pas été suffisants.
Ravagés par la douleur, Marco et Anne voient débarquer dans leur maison si cossue la police qui ne va pas tarder à révéler bien des fêlures et des mensonges...
Avocate dans une première vie, Shari Lapena nous offre ici une intrigue riche en rebondissements et manipulations qui tiennent en haleine le lecteur, mais le laissent aussi un peu dubitatif. à trop vouloir montrer son savoir-faire narratif, le récit perd un peu en émotion.
En outre,les personnages frôlent la caricature, le style est à l'emporte pièces et les dialogues sonnent souvent faux. Autant de défauts expliquant mon jugement en demi-teintes. Un roman trop formaté à mon goût.
Le couple d'à côté, Shari Lapena, traduit de l'anglais (Canada) par Valérie Le Pouhinec, Presses de la cité 2017.
Déjà paru chez France Loisirs.
Lu dans le cadre du grand prix des lectrices de Elle.
06:00 Publié dans rentrée 2017, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : shari lapena, policier, suspense
13/09/2017
Inavouable
" -Je trouverai bien une idée quand j y serai, dit- il à voix haute prouvant par la même occasion qu il était le digne héritier de la tradition insurrectionnelle polonaise."
Quel est le rapport entre le premier attentat terroriste sur le sol polonais, le vol organisé d’œuvres d'art durant la Seconde Guerre Mondiale et une incroyable histoire d'espionnage ? C'est ce que vont devoir découvrir la cheffe du département de recouvrement de biens culturels polonais, un marchand d'art qui fut l'amoureux de la susnommée, un officier de services secrets polonais fraîchement retraité (mais qui a encore de très jolis restes) et une voleuse d’œuvres d'art.
Un drôle d'attelage donc, une sorte de Quatre Fantastiques, la référence est clairement donnée dans le texte, qui vont devoir conjuguer leurs talents pour faire face à de multiples rebondissements qui tiennent le lecteur en haleine.
Plus qu'un roman policier, nous sommes ici face à un roman d'aventures façon Indiana Jones, qui joue avec dextérité de tous les ingrédients requis: aspect bon enfant, violence, suspense, sentiments, le tout ponctué d’autodérision quant à la Pologne et ses usages. N'était une histoire d'espionnage tendance complotiste, j'aurais totalement adhéré à ce pavé de 591 pages qui se dévore d'une traite.
Inavouable de Zygmunt MILOSZEWSKI traduit du polonais par Kamil BARBARSKI Éditions Fleuve noir 2017
Lu dans le cadre du grand prix des lectrices de Elle.
06:00 Publié dans rentrée 2017, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : zygmunt miloszwski
09/09/2017
Le choix de Betty...en poche
"Personne ne me prendrait pour la linguiste, la sociologue et l’experte en chiffrage que je suis et tout ça après avoir connu les Camps. Il me manque quelque chose. Je suis vide."
Le premier volume de la trilogie des Orphelins du Raj, le Maître des apparences, (voir ci-dessous)) était consacré au Juge Filth. Cette fois, c'est son épouse qui devient le principal personnage du roman et les faits sont racontés selon son point de vue. Pas de redites, mais un éclairage à la fois pudique et intense qui nous montre sous un autre jour celle qui , à la fin de sa vie, apparaissait comme une dame bien sous tous rapports alors qu'elle avait connu bien des épreuves et des tourments, tiraillée entre son amour pour Filth et son attirance pour son adversaire de toujours, Veneering.
Le personnage de Betty gagne ainsi en épaisseur, sans pour autant qu'on en ait fait le tour. Quant à son mari, après le décès de son épouse, nous verrons qu'il n’était pas aussi inattentif que Betty le croyait...
Quel plaisir de lire, quelques mois après le premier volume, ce nouveau roman de Jane Gardam ! Cette trilogie est un pur régal tant du point de vue de l' écriture que du point de vue romanesque ! Aventures, personnages aux destins hors-normes, le tout sans pour autant tomber dans le sentimentalisme ou l'excès.
On vit avec les personnages, on connaît tour à tour la chaleur de l'Orient et l’humidité britannique et l'on attend avec impatience de les retrouver dans le prochain opus.
-"Toute ma vie, Tansy, depuis ma petite enfance, les gens que j’aimais ou qui s'occupaient de moi m'ont quitté, largué, ou ont été emportés par la mort. Je veux savoir pourquoi."
Né en Malaisie, sir Edward Feathers, plus connu sous le nom de Filth, avocat international renommé travaillant à Hong Kong , rentre dans la mère patrie avec sa femme Betty, pour profiter de sa retraite.
Tous deux sont des "enfants du Raj", c'est à dire de l'Empire britannique, nés en Asie mais envoyés dès leur plus tendre enfance dans des familles d’accueil, plus ou moins tendres, puis dans des internats pour être éduqués en Angleterre.
Pas question à l'époque de se plaindre de mauvais traitements et encore moins du fait que votre famille vous traite avec une désinvolture frisant l'indifférence coupable.
Entremêlant les époques, Jane Gardam brosse le portrait éclaté d'un homme aux multiples facettes, qui" s 'est fabriqué ce moi acerbe et impeccable"marqué par un événement traumatique qui ne sera explicité qu'à la toute fin du roman.Bien loin d'avoir mené" une longue vie calme et lisse",comme le croient ceux qui le nomment "le Vieux Filth" l'octogénaire a connu une existence pleine de péripéties, digne d'un roman de Kipling, auteur dont l'ombre plane sur ce roman
.Les secrets enfouis, tout comme un collier de perles dont il faut taire l'origine, réapparaissent au détour d'une phrase et éclairent d'une nouveau jour cette vie tout sauf ennuyeuse.
Si Filth n'écrira aucune ligne de ses mémoires, il entreprendra un voyage qui tournera à l’épopée tragi-comique pour renouer avec les témoins d'un passé dont il sent qu'il ne peut faire l'économie.
Un roman à la construction impeccable, au début un peu lent, mais qui captive de bout en bout et se révèle plein d'émotions et de surprises car tout est vu du point de vue d'un personnage atypique.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jane gardam