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20/04/2018

Un travail comme un autre ...en poche

"S'il avait changé le cours de sa vie, puisant sa force en sa femme et en son fils plutôt qu'en du courant électrique, alors son passé aurait fini par se taire complètement [...]"

Alabama, années 20. Roscoe T Martin a épousé Marie qui ne vit que pour sa ferme. Lui, son univers c'est l’électricité et, pour concilier ces deux univers antagvirginia reevesonistes et sauver la propriété, Roscoe va détourner du courant électrique, sans en parler à son épouse.
Malheureusement, ce branchement sauvage va coûter la vie à un employé de la compagnie officielle. Dans sa chute Roscoe entraînera Moa, l'employé Noir qui l'a aidé.
Placé sous le signe du secret, le premier roman de Virginia Reeves nous dépeint avec force et âpreté l'univers carcéral ,où les détenus Noirs connaissent un sort encore plus affreux que les Blancs, vendus à des compagnies minières par L’État. C'est aussi le lent délitement d'un couple, où les fissures deviennent des gouffres et où l'épouse a, par ses choix et son attitude, sa "cellule d'isolement qu'elle s'était fabriquée elle-même" alors que son époux parvient à faire survivre un peu d'humanité, même dans les moments les plus sombres.
Un premier roman saisissant et fort.

17/04/2018

Sang d'encre

"Elle aimait avoir de l'argent liquide sous la main, comme elle aimait avoir des tiroirs remplis de chemises bien pliées- et être entourée d'escargots."

Au milieu des années 60, la romancière américaine Patricia Highsmith s'installe dans un cottage de la campagne du Suffolk. Pour écrire au calme, bien sûr, mais aussi pour recevoir tranquillement, la femme mariée dont elle est amoureuse, Sam.jill dawson
Las, tout cela va de mal en pis et bientôt Highsmith se retrouve plongée dans une atmosphère inquiétante ressemblant singulièrement  à celle des romans dont elle a le secret.
Jill Dawson, dans ses remerciements cite obligeamment les sources biographiques comme romanesques dont elle s'est inspirée pour ce roman mêlant biographie et fiction pour notre plus grand plaisir. On y découvre une romancière sous toutes ses facettes, n'assumant pas officiellement son homosexualité (Carol a paru à l'époque sous pseudonyme) et trimballant des escargots dans son sac à main.
Jill Dawson restitue de manière vivante l'époque et la personnalité complexe de Patricia Highsmith, une auteure( un peu oubliée aujourd’hui) adaptée au cinéma par Hitchcock.

Denoël,2018, traduit de l'anglais par pierre Ménard.

16/04/2018

Ni partir ni rester

"... mon frère m'a lancé cette phrase que je n'ai jamais pu oublier, cette phrase qui m'a conduit ici :c'est sur ça que tu devrais écrire un jour, sur ce que c'est d'être adopté. Quelqu'un doit l'écrire."

Un couple de psychanalystes argentins, résistants politiques, adoptent illégalement un enfant avant de se réfugier au Brésil.  Là, dans ce pays d'accueil, naîtront deux autres enfants, dont le narrateur-auteur de ce livre.
Écrit sur le fil du rasoir, avec une intensité rare, ce roman interroge tout à la fois l'exil et ses conséquences psychologiques que le fait d'être adopté. juliàn fuks
C'est donc l'identité qui est au centre de ce récit, identité qui tourmente dans les actes les plus anodins,( qui soutenir dans un match de foot opposant le pays d'accueil et la mère patrie ?) comme dans les plus essentiels : fallait-il vraiment fuir et abandonner la lutte ?
Si l'enfant adopté (et qui l'a su très tôt) exprime surtout dans sa chair son mal-être, c'est le narrateur qui prend en charge les mots et la quête d'identité de son frère. L'écriture est fiévreuse, troublante dans sa mise en abime finale. Un texte qui se dévore.

Grasset 2018

 traduit du portugais (Brésil) par Marine Duval

 

15/04/2018

Transit

"Je lui dis que beaucoup de gens s'escrimaient toute leur vie à faire durer les choses pour ne pas avoir à se demander si ces choses correspondaient à ce qu'ils voulaient vraiment."

La narratrice, divorcée, revient avec ses deux fils habiter à Londres. L'appartement qu'elle a acquis nécessitant d'importants réaménagements, elle confie ses enfants à leur père et habite seule dans le logement en travaux.
 Mais, cette période est aussi l'occasion de profonds bouleversements intérieurs car comme le confie une de ses amies, "Si Gavin comprenait une chose, c'était à quel point vous étiez vulnérable quand on démolissait votre maison."rachel cuskAu fil de rencontres dues au hasard ou programmées, la narratrice ,qui est aussi romancière , va explorer ce thème du changement,de la propension de certains à l'accueillir les bras ouverts ou au contraire de s'y soustraire. De l'ouvrier polonais, aux romanciers en vue, en passant par un coiffeur ou un cousin fraîchement divorcé, Rachel Cusk, observe finement les autres, sans que jamais sa narratrice se livre vraiment . Elle nous offre un texte précis et élégant qui donne à réfléchir. C'est plein de vie, de touches d'humour, chacun pourra s'y reconnaître ou reconnaître les autres.  Dévoré d'une traite !

Éditions de L 'Olivier 2018, traduit d el'anglais par Cyrielle Ayakatsikas.

De la même auteure: clic clic clic

14/04/2018

Assez de bleu dans le ciel ...en poche

"Selon toute vraisemblance, je suis un mari, un père, un citoyen, un enseignant, mais à la lumière je suis un déserteur, un imposteur, un voleur, un tueur. Je possède une certaine apparence en surface, mais je suis sillonné de trous et de galeries en dedans, comme une falaise de calcaire."

Dès la première scène, on est ferrés.Nous sommes dans un coin paumé d'Irlande en 2010. Un homme, Daniel, jauge du regard un intrus potentiel porteur de jumelles et d'un appareil photo. Son épouse sera plus expéditive (et plus efficace): elle tire deux coups en l'air. Exit l'intrus.maggie o'farrell
Qui est cette  recluse  entendant bien garder sa tranquillité ? Cette femme, subtilement folle, aux dires de son époux, nous le découvrirons progressivement est Claudette,  une ancienne star du cinéma , mystérieusement disparue avec son fils des années auparavant. Elle a refait sa vie avec Daniel et tout va pour le mieux mais, son père étant au plus mal, Daniel doit rentrer aux États-Unis. L'occasion pour lui de renouer avec  un passé douloureux qui l'entraînera en grande-Bretagne sur les traces de son premier amour Nicola. Mais l'intransigeante Claudette supportera-t-elle  les omissions de Daniel ?
Assez de bleu dans le ciel bénéficie d'une construction virtuose, alternant les points de vue et les époques, pour mieux brosser par petites touches le portrait de ces personnages qui nous deviennent très vite proches et attachants. Une manière supplémentaire d’entretenir la tension , ou plutôt les tensions, qui font que jusqu'à la dernière ligne nous avons le cœur qui bat , nous demandant si le roman va se terminer comme nous l'espérons. Une analyse subtile des sentiments et une écriture élégante font de ce roman une pure réussite !

Et zou sur l'étagère des indispensables !

10/04/2018

La péninsule aux 24 saisons

"Ainsi donc, il était facile d'abandonner des choses ! Je n'en revenais pas. Quand avais-je perdu cette insouciance, cette légèreté ? "

Une femme quitte Tokyo et part s’installer seule sur une péninsule où elle vivra plus attentive aux changements de la nature, plus proche de ses voisins mais aussi d'elle-même.mayumi inaba
Un thème que j'adore mais qui, ici ,est traité de manière très plate du point de vue du style. Je suis restée à distance de ce personnage qui se livre très peu (ce n'est pas un défaut , loin s'en faut) tout au long de ce texte et pourtant je partais avec un a priori très favorable.

 

Mirontaine a été séduite.

02/04/2018

Les chemins de la haine

"Il y avait des milliers d'Andrus Tombak qui faisaient  vivre les immigrés dans des conditions que ne tolèreraient jamais jamais ceux qui déversaient leur haine sur eux."

Un homme est mort dans l'incendie d'une cabane de jardin de Peterborough. Il s'agit d'un travailleur immigré estonien, Jaan Stepulov. Un parmi tous ceux qui arrivent des pays de l'Est dans ce qu'ils croient être un Eldorado mais qui se révèle bien trop souvent un enfer.eva dolan
Nouveaux esclaves, ils sont exploités sans scrupules et haïs par la population locale.Les deux policiers qui mènent l'enquête, Zigic et sa partenaire, Ferreira ,immigrés de la deuxième génération ont eux-mêmes , à des degrés divers, été en butte à ce racisme plus ou moins larvé de la part des Britanniques de souche.
Les chemins de la haine possède tous les ingrédients d'un formidable roman noir: personnages parfaitement croqués, intrigue à rebondissements et surtout un arrière-plan social passionnant. Addictif ! On a d'emblée hâte de découvrir le prochain roman de cette auteure.

22/03/2018

Sofia s'habille toujours en noir

"Elle m'avait dit un jour qu'elle avait un seul et vrai talent, celui de savoir reconnaître le moment où les choses s'achèvent."

Alors que sa mère se rêve à l'horizontale -sur elle plane l'ombre de Sylvia Plath- Sofia est d'emblée dans la verticalité, la lutte. Ainsi, enfant, perdue dans un magasin flanque-telle une gifle à sa mère pour la peur qu'elle avait eue, ou bien affirme avec aplomb dans une rédaction qu'elle ne connaît pas son père, manière de signaler à ce dernier qu'il est trop souvent absent de la maison.paolo cognettti
Ce caractère bien affirmé et la manière dont Sofia évolue, nous les découvrons au fil de chapitres où elle ne tient pas forcément le rôle principal, dans une chronologie bousculée qui ne perd pourtant jamais son lecteur en route et éclaire -ou laisse volontairement dans l'ombre, certains aspects de sa vie. Au lecteur de combler les vides à son gré.
Ce portrait-mosaïque, fait aussi la part belle à  la mère et la tante de Sofia, personnages hauts en couleur, chacune à leur façon. Vite, faites-vous une nouvelle amie, découvrez Sofia !

Paolo Cognetti, Liana Levi Piccolo 2018, 213 pages aux mille tonalités qui filent sur l'étagère des indispensables !

Traduit de l'italien par Mathilde Bauer.

16/03/2018

Au premier regard

"Il règne un silence de mort. La nuit hésite. Je ne sais pas si , après cette fois, j'aurais encore envie de continuer ce manège. Rencontrer, raconter, rencontrer, raconter. traquer les faits, les talonner jusqu'à ce qu'un jour peut-être ils se laissent acculer dans une impasse. Où enfin, je pourrais les coincer, leur faire les poches, leur extorquer leur marchandise de contrebande."

Dans l'écrin d'une nuit d'hiver, une femme insomniaque descend faire un gâteau, laissant dans la chambre son amant endormi. Tout en maniant la pâte, elle se remémore sa trop brève histoire d'amour avec Ton, victime de ce que tout le monde a appelé  à l'époque un accident. Un coup de feu a mis fin à une union de quelques mois. Treize ans plus tard, devra-t-elle encore se contenter de relations éphémères recrutées par le truchement d'une petite annonce ou pourra-t-elle enfin avancer ?41UUk5ZD9WL._AC_US218_.jpg
C'est un magnifique moment d'intimité que nous offre ici Margriet De Moor, un concentré d'émotions discrètes qui laissent la part belle à la subjectivité du lecteur, lui font confiance pour mieux le ravir. On entre de plain pied dans cet univers à la fois charnel et poétique où seul le titre peut paraître mièvre. On savoure les moments passés en compagnie de l’héroïne, la connivence qui s'établit entre les personnages, la manière subtile et pudique dont le sujet est traité. Un pur enchantement .

Et zou, sur l'étagère des indispensables !

Grasset 2018, traduit du néerlandais par Françoise Antoine.

13/03/2018

Les faux plis de l'amour

 "Il traversa l'esprit de Graham qu'il venait enfin de trouver le point commun entre les deux femmes qu'il avait choisi d'épouser: toutes deux étaient également imperturbables, l'une par froideur extrême, l'autre par inconscience totale."

Sans l’appréciation hyperbolique de Kate Atkinson "Une pure merveille", figurant sur la couverture nul doute que je n'aurais jamais ouvert ce roman. En effet, les pires clichés semblent y figurer.
Jugez un peu: le narrateur, Graham ,a divorcé il y a des années de cela d'une femme quasi parfaite, Elspeth, pour en épouser une plus jeune et plus belle, Audra. Ensemble, ils ont un fils, Matthew, une dizaine d'années maintenant, enfant dont ils préfèrent dire pudiquement qu'il a besoin d'attentions particulières. Mais Graham, qui flirte avec la soixantaine, commence à se demander parfois si la vie trépidante et souvent chaotique que lui fait mener Audra en vaut vraiment la peine. katherine heiny
Là, vous vous dites que cette histoire mollassonne on l'a déjà lu cent fois , qu'on passe à autre chose et on aurait vraiment tort car Katherine Heiny possède le don de nuancer ses personnages et de nous les rendre follement attachants. Audra n'est pas une écervelée qui balance tout ce qui lui passe par la tête sans filtre, loin s'en faut. Ses défauts sont autant de qualités et à l'inverse, Elspeth est loin d'être le parangon de vertu qu'elle prétend être.
Il y a beaucoup d'humour dans ce roman, grâce en particulier au personnage d'Audra, toujours surprenant, mais aussi d'émotions quand, par exemple, Graham, décrit a posteriori l'enfance de Matthew, quand ce dernier a été diagnostiqué Asperger. Un bon gros  roman confortable  avec qui l'on passe un excellent moment.

Jean-Claude Lattès 2018

Une petite citation pour la route : Voici ce que déclare Audra à haute voix, bien sûr, dans une file d'attente lors d’une convention d'origami:

"- Ce qui m'échappe dans l'origami, dit-elle à Graham de sa voix normale, c'est pourquoi il déclenche une telle passion ? Pourquoi n’existe-t’il pas de gens  sympas vivant dans l'harmonie qui apprécient l'origami avec  modération, comme il y a des gens sympas  vivant dans l’harmonie qui apprécient le bondage avec modération ? "