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21/01/2019

C'est lundi aujourd'hui

"Maintenant j'évite la compagnie des humains mais, bizarrement, il y a toujours quelqu'un qui se soucie de moi."

Julia, trente ans à peine, n'est plus étudiante mais vit en colocation. Elle a écrit un roman autobiographique sur son histoire d'amour terminée, mais ne se dit pas écrivaine. Elle est femme de ménage, mais seulement le matin. Elle tient à distance ceux qui s'intéressent à elle, parents ou amoureux potentiels.
Elle est solitaire, boulimique, insomniaque et souffre de maux de tête, peut être dus à sa consommation excessive d'alcool.sytske van koeveringe
Julia a fait un pas de côté en exerçant ce métier et porte aussi un regard décalé sur notre société, soulignant les travers dont nous ne sommes plus toujours conscients : la comédie sociale, la nécessité de passer par un médiateur dans nos rapports humains, la violence sociale "Mais de nombreuses personnes ont dit éprouver le besoin de voir les clients et les employés réunis. Vous êtes aussi des êtres humains après tout",   ou le fait qu"On est clients partout, même dans sa propre maison, même dans le débarras."
C'est grinçant, parfois drôle (elle songe à se déclarer allergique aux gens tristes, par exemple), révélateur des idiosyncrasies, pas toujours reluisantes ou logiques de ses clients, mais le pas de côté  dérape et ,petit à petit, Julia profite davantage des libertés que lui confèrent les clés de ses clients, s'immisçant à leur insu dans leur vies...
Un premier roman qui prend son temps pour démarrer mais instaure ensuite une tension dramatique assez fascinante. Un personnage insolite et mémorable .

 

Traduit du néerlandais par Arlette Ounanian

Nil 2019, 336 pages parfois déroutantes mais captivantes.

19/01/2019

Quand monte le flot sombre ...en poche

"Ces deux mois ont été très longs. Elle était beaucoup plus jeune, il y a deux mois. Elle avait traversé la soixantaine et dépassé les soixante-dix ans en marchant régulièrement sur un plateau des années durant, mais, maintenant, elle a brusquement descendu une marche. Voilà ce qui se passe. Elle sait tout là-dessus. Elle a  été avertie plusieurs fois de l'existence de cette marche vers le bas, de cet étage inférieur. Ce n'est pas une falaise de la chute, mais c'est une descente vers un nouveau genre de plateau, vers un niveau inférieur. On espère rester sur ce terrain plat encore quelques années, mais on peut ne pas avoir cette chance."

Tandis que Fran sillonne l'Angleterre, évaluant des maisons de retraite, des inondations menacent, métaphore poétique de la mort dont sont proches presque tous les personnages du roman de Margaret Drabble Quand monte le flot sombre.margaret drabble
Pour autant ce roman n'est en rien lugubre ou désespérant. Fran est pleine de vigueur et ses amis ou connaissances abordent le dernier rivage avec, sinon, sérénité, du moins  sans acrimonie. Il est vrai qu'ils ont eu des vies plutôt protégées, du moins dans leur âge adulte, riches d'un point de vue intellectuel et bénéficient de conditions de fin de vie confortables. Veuve mais s'occupant d'un ex-mari alité, Fran entretient aussi des relations subtiles, parfaitement décrites ,avec ses enfants, mais néanmoins empreintes d'une tendresse prudente.
Avec sa finesse et son humour parfois acidulé, Margaret Drabble nous livre une analyse psychologique fouillée, tissée de citations poétiques ou littéraires ,mais aussi un portrait d'une certaine Angleterre. Avec empathie, mais se tenant aussi à distance de ses personnages pour éviter tout pathos, la narratrice du roman affirme ignorer certaines de leurs pensées ou balayer d'un revers de la main, sans précisions, la fin de certains d'entre eux.

Un bon gros roman anglais comme on les aime !

16/01/2019

#HorsDeSoi#NetGalleyFrance

"Les gens veulent entendre des histoires et ça a son prix : les histoires de familles tragiques , c'est hors de prix."

Une carte postale envoyée d' Istanbul, c'est la seule trace qu'a laissée Anton. Sa jumelle, Alissa que plus rien ne retient à Berlin, part alors à la recherche de ce frère avec qui elle a partagé une enfance dans le Moscou post-soviétique.sasha marianna salzmann
L'occasion aussi de revenir sur une histoire familiale marquée par l'exil et l'antisémitisme et d'entamer une recherche identitaire où Alissa s'identifiera, jusqu'à se confondre parfois, avec ce frère insaisissable.
Il se dégage de ce roman foisonnant une atmosphère parfois poisseuse, mais néanmoins addictive qui fait qu'on ne le lâche pas , même si on se perd parfois dans les méandres de ce récit.

 

  Grasset 2019 .Traduit de l'allemand par Claire de Oliveira.sasha marianna salzmann

10/01/2019

#Bonne élève#NetGalleyFrance

"Je sais très bien qu'il n'y a plus de place en moi pour la peur. Ni pour la faiblesse. Parce que c'est ma dernière chance de grandir et de me réaliser avant qu'il ne soit définitivement trop tard."

La narratrice n'a plus qu'un an pour se trouver un emploi en Angleterre et ainsi tirer parti du diplôme d’histoire de l'art qu'elle a brillamment obtenu dans ce pays il y a quelques années. Sans quoi, retour à la case départ dans son pays d'origine, l’Argentine.paula porroni
Les pressions sur cette jeune fille brillante sont nombreuses: celle de l'argent de l'héritage paternel qui lui est bien évidemment compté, celle de sa mère restée au pays, celle de son père que, par-delà la mort elle continue entendre et surtout celle qu'elle se met elle-même, infligeant à son corps à la plus petite tentative de relâchement , de supposée faiblesse, de multiples et variées mutilations.
Cette tension irrigue tout le texte, faussant jusqu'à la vison des événements qu'a la narratrice concernant son propre comportement. Elle n'en reste pas moins lucide sur l’opposition existant entre les étudiants autochtones issus de milieux favorisés qui auront l'embarras du choix d'un travail favorisé par la réputation de l'université et par les relations familiales.
Un roman parfois suffoquant et d'une puissance extra-ordinaire.

Éditions Noir et blanc 2019paula porroni

07/01/2019

Le dimanche des mères...en poche

"...en ce jour unique entre tous, où c'était le monde à l'envers, se placer, lui seigneur des seigneurs qu'il était, dans le rôle du serviteur."

Angleterre, printemps 1924. C'est Le dimanche des mères (rien à voir avec ce qui sera instauré plus tard),le jour où les aristocrates donnent congé à leurs domestiques pour qu'elles puissent visiter leurs mères. Un jour où il fait exceptionnellement beau, de quoi donner à Jane, la femme de chambre orpheline,envie de lire au soleil un des romans d'aventure que lui prête son employeur, ou de parcourir la campagne à bicyclette. Elle rejoindra plutôt le fils des aristocrates voisins, dernier survivant d'une fratrie fauchée par la guerre 14.graham swift
Arrivés là, vous vous dites qu'on peut déjà dérouler à l'avance  le fil de l'histoire et, comme moi, vous aurez tort. D'abord, parce que la relation qui s'établit ce jour-là entre les deux amants est très particulière, emplie de sensualité , de liberté, de renversement de situation comme annoncé dans la citation de ce billet. Ensuite parce qu'au milieu du roman, un événement surgit, qui va totalement changer la donne et sera même l'occasion à la fin du roman d'une nouvelle interprétation. Enfin, parce que Graham Swift titille notre curiosité  en parsemant son texte d'indices qui donnent à penser que la destinée de Jane va prendre une toute autre direction.
De magnifiques images, celle d une femme nue s'appropriant une demeure où elle n'a pas sa place, la peinture d'un monde déliquescent, où les seuls véritables vivants sont les domestiques, une domestique intelligente et primesautière qui saura prendre son destin en main, font de ce roman un indispensable !

 Le dimanche des mères, un roman de 144 pages lumineuses, commencé sur la seule foi du nom de l'auteur, traduit de l'anglais par Marie-Odile Fortier-Masek,

03/01/2019

#OnDiraitQueJeSuisMorte #NetGalleyFrance

"Il comptait parmi ces gens chanceux: il était sorti de l'enfance en un seul morceau et son passé n'était pas une énorme masse inamovible dotée d'un climat propre."

Mona, jeune femme de ménage (elle adore les aspirateurs !) distribue le soir des préservatifs et des seringues aux drogués. C'est là qu'elle  tombe amoureuse de celui qu'elle surnomme M. Dégoûtant, artiste raté et édenté. Au vu du titre de cette première partie , Le Trou, on se doute bien de l'issue de cette relation.
Mais Mona n'a pas dit son dernier mot et la voilà bientôt en route pour le Nouveau-Mexique où, au fil de rencontres (voisins, clients, amis, hauts en couleurs et éclectiques), elle parvient progressivement à se libérer d'un passé qu'on devine toxique, d'après des bribes qu'elle nous a distillés.jen beagin
Ce pourrait être trash, mais c'est plein d'émotion et de retenue.La langue est métaphorique, surprenante et Jen Beagin, dans ce premier roman, réussit un pari fou: créer un univers et des personnages pleins de vie, attachants , sans jamais tomber dans le glauque. Tout est sur le fil du rasoir mais Mona fait toujours un léger pas de côté in extremis pour éviter le sordide et choisir le camp de l'humour ,de la surprise ou de l'art. On n'oubliera pas de sitôt Yoko et Yoko, Jésus, Betty, et Mona , bien sûr. Une vraie découverte !

Un roman enthousiasmant traduit brillamment de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy qui avait su attirer mon attention sur ce roman .

Buchet-Chastel 2019, 275 pages qui donnent la pêche !

 

Et zou, sur l'étagère des indispensables !jen beagin

19/11/2018

Sous les branches de l'udala #Rentreelitteraire2018 #NetGalleyFrance

Fin des années 60, le Biafra et le Nigeria se déchirent dans une guerre interethnique. La jeune Ijeoma envoyée loin de sa mère (qui se remet du deuil de son mari ) tombe amoureuse d'Amina.
Amours doublement interdites du fait de l'origine de ces très jeunes filles, dont les chemins se sépareront très vite.chinelo okparanta
Ijeoma devra faire face au poids de la religion (sa mère veut la "soigner" à coups de passages de la Bible), de la société ,mais finira par devoir emprunter des chemins de traverse pour pouvoir vivre pleinement.
Roman très didactique, ce texten'a suscité chez moi aucune empathie, par ses longueurs et par sa volonté trop affirmée de dénoncer une situation bien évidemment inadmissible. Dommage.

08/11/2018

Le jardin arc-en-ciel ...en poche

"Mais peut être certaines choses s'offraient-elles à notre regard justement parce que nous étions en marge."

Izumi, jeune mère célibataire, rencontre une lycéenne en classe de Terminale au moment où celle-ci se prépare à se jeter sous un train. Les deux jeunes femmes vont tomber amoureuses et se réfugier dans un village de montagnes retiré.ogawa ito
Là, elles ouvriront une maison d'hôtes qui accueillera tout le monde, mais  particulièrement ceux qui souffrent ou se sentent rejetés.
La famille créée par ces deux femmes et leurs enfants ne sera pas toujours bien accueillie mais saura faire face aux préjugés, tout en préservant sa bienveillance.
Les différents narrateurs, dont les enfants de cette famille, offrent chacun leur ressenti face aux événements parfois dramatiques, mais toujours présentés de manière un peu ouatée. Une lecture où l'on retrouve toute la délicatesse de Ito Ogawa.

06/11/2018

les chants du large#netgalley

Finn, sa sœur aînée Cora et leurs parents vivent sur une île de terre-Neuve. Las, les morues  et autres poissons ont disparu , l’île se dépeuple.
Finn  et sa sœur dans un premier temps, puis Finn seul, sans jamais se plaindre, mais avec aisance et harmonie vont faire face à cette situation  à leur manière.
Seul le nom de l'auteure, dont j'avais adoré le premier roman, m'a décidée à lire ce texte dont le thème n'avait rien d'emballant.emma hooper
Bien m'en a pris car j'ai retrouvé l'écriture, toujours un ton au-dessous de ce à quoi on pourrait s'attendre, les ellipses tant narratives que stylistiques  qui  freinent juste avant de tomber dans le pathos ou le convenu.
Avec poésie, avec candeur, mais aussi détermination, les personnages d'Emma Hooper luttent contre la solitude, le chômage, sans jamais perdre de vue leurs sentiments.
Ces gens sont faillibles, mais les chansons de Terre-Neuve qu 'ils entonnent drainent à la fois le passé, irriguent le présent  et ouvrent, si ce n'est vers un avenir, du moins vers une solidarité, une union à la fois poétique et fraternelle. Une atmosphère de fable et un grand coup de cœur.

Les Escales 2018.  Poétiquement traduit par Carole Hanna.

emma hooper

31/10/2018

Traders, hippies et hamsters...en poche

"La façade de la normalité est intacte. Tout va pour le mieux."

Doro(thy) et Marcus, vieux hippies gauchistes , juste devenus excentriques aux yeux  de leur progéniture, ont décidé de se marier.Une surprise pour leurs trois enfants : Serge (ne dites pas à ses parents qu'il est trader, ils le croient thésard en mathématiques); Clara, enseignante dans une école pour enfants défavorisés et Oolie, trisomique sur le chemin de l'indépendance.
Cette union est donc l'occasion de revisiter le passé, les idéaux égratignés par la réalité, mais sans rancoeur ni idéalisation a posteriori.marina lewycka
Roman polyphonique, Traders, hippies et hamsters est sympathique en diable, plein d'humour et  fait confiance à l'intelligence de son lecteur. Voyez comment Marina Lewycka pratique l'ellipse narrative: "En l'espace de six mois, Julia et Pete s'étaient séparés et Julia étaient retournée à Merseyside, le coeur brisé et, dans la main, une touffe de cheveux auburn  arrachée à Moira." Quant au personnage désinhibé de Oolie, il suscite à la fois humour et tendresse. Un roman chaleureux et attachant , plein d'humanité, de mixité sociale, et qui fait un bien fou !

Traders, hippies et hamsters, traduit de l'anglais,  Éditions des deux terres 2013,  J'ai lu 2018320 pages à savourer !